[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 octobre 1789.] 393 rapport fini, les conclusions données, et le dernier interrogatoire prêté. Les juges seront tenus de se retirer ensuite à la chambre du conseil, d’y opiner sur délibéré, et de reprendre incontinent leur séance publique pour la prononciation du jugement. M. Gnillotin a proposé d’ajouter aux articles déjà décrétés, l’article suivant : Art. 22. Toute condamnation à peine afflictive ou infamante, en première instance, ou en dernier ressort, exprimera les faits pour lesquels l’accusé sera condamné, sans qu’aucun juge puisse jamais employer la formule, pour les cas résultant du procès. On a été aux voix, et le susdit article a été décrété tel, et ainsi qu’il vient d’être rapporté. Puis on a fait lecture de l’article ]23 du même projet de décret-, cette lecture a été continuée jusques et inclus l’article 28 qui est le dernier ; il a été fait sur chacun de ces articles divers amendements qui ont été admis. On a été aux voix sur chacun d’eux et les amendements admis, et ils ont été décrétés ainsi qu’il suit : Art. 23. Les personnes présentes aux actes publics de l’instruction criminelle, se tiendront dans le silence et le respect dû au Tribunal, et s’interdiront tout signe d’approbation et d’improbation, à peine d’être emprisonnées sur-le-champ par forme de correction, pour le temps qui sera fixé par le juge, et qui ne pourra cependant excéder huitaine, ou même poursuivies extraordinairement, en cas de trouble ou d’indécence grave. Art. 24. L’usage de la sellette au dernier interrogatoire et la question, dans tous les cas, sont abolis. Art. 25. Aucune condamnation à peine afflictive ou infamante ne pourra être prononcée qu’aux deux tiers des voix, et la condamnation à mort ne pourra être prononcée par les juges, en dernier ressort, qœaux quatre cinquièmes. Art. 26. Tout ce qui précède sera également observé dans les procès poursuivis d’office, et dans ceux qui seront instruits en première instance dans les cours supérieures. La même publicité y aura lieu pour le rapport, les conclusions, le dernier interrogatoire, le plaidoyer du défenseur de l’accusé, et le jugement, dans les procès criminels qui y sont portés par appel. Art. 27. Dans les procès commencés, les procédures déjà faites subsisteront; mais il sera procédé au surplus de l’instruction et au jugement, suivant les formes prescrites par le présent décret, à peine de nullité. Art. 28. L’ordonnance de 1670, et les édits, déclarations et règlements concernant la matière criminelle, continueront d’être observés en tout ce qui n’est pas contraire au présent décret, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. Un membre de l’Assemblée a proposé d’ajouter aux articles décrétés l’article suivant : « Le présent décret n’aura lieu que pour les délits sur lesquels il doit échoir peine affliclive ou infamante, sans qu’il puisse être appliqué, en aucune manière, à tous autres délits ou quasi-délits, tels que simples injures et voies de fait légères, pour la réparation desquels on ne pourra se pourvoir que par action civile, qui sera jugée sommairement à l’audience et sur enquête, s’il y a lieu, v Un autre membre a demandé l’ajournement sur cet article. On a été aux voix, et il a été décrété que le susdit article était ajourné. M. Guillotin, membre de l’Assemblée , a proposé d’ajouter aux articles décrétés les six articles qui suivent relatifs aux suppliciés (l) : Art. 29. Les mêmes délits seront punis par le même genre de supplice, quels que soient le rang et l’état du coupable. Art. 30. Dans tous les cas où la loi prononcera la peine de mort contre un accusé, le supplice sera le même, quelle que soit la nature du délit dont il se sera rendu coupable. Le criminel aura la tête tranchée. Art. 31. Le crime étant personnel, le supplice d’un coupable n’imprimera aucune flétrissure à sa famille. L’honneur de ceux qui lui appartiennent ne sera nullement entaché, jet tous continueront d’être également admissibles à toutes sortes de professions, d’emplois et dignités. Art. 32. Quiconque osera reprocher à un citoyen le supplice d’un de ses proches, sera puni de ..... Art. 33. La confiscation des biens des condamnés ne pourra jamais avoir lieu, ni être prononcée en aucun cas. Art. 34. Le corps d’un homme supplicié sera délivré à sa famille, si elle le demande ; dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire, et il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort. M. Guillaume propose l’addition suivante, à la motion de M. Guillotin (2). Messieurs, rendre les hommes égaux devant la loi, comme ils le sont aux yeux de l’Etre suprême; effacer de notre code pénal des supplices stérilement barbares ; détruire le malheureux préjugé qui jusqu’à présent avait frappé de déshonneur et d’inlàmie une famille entière, pour une faute commise par un de ses membres, sur lequel la loi ne lui avait cependant donné aucune autorité: tels sont les différents objets de la motion de M. Guillotin, motion également conforme à la religion, à la philosophie et aux mœurs de la nation. Mais il est des abus non moins révoltants, et dont 1’humanitê sollicite également la réforme. La peine de mort, prononcée trop indistinctement, diminue l’horreur pour le crime, par la pitié qu’elle fait naître souvent en faveur du coupable. Je vous proposerai donc de réserver le dernier supplice pour les forfaits les plus atroces. Mais, quand il est une circonstance où cette peine doit être prononcée sur de simples soupçons, il suffit sans doute de vous indiquer la ipi barbare qui l’ordonne ainsi, pour en obtenir aussitôt l’abrogation. Que dirai-je maintenant de diverses peines encore eu usage parmi nous ; par exemple, du fouet, devenu depuis si longtemps dérisoire ; de la flétrissure, qui marque à jamais du sceau de l’infamie celui qui n’est souvent séquestré qu'à temps de la société ; du bannissement, qui, laissant à celui contre lequel on le prononce, une liberté dont il ne peut plus faire qu’un mauvais usage, est moins une peine pour lui que pour la (1) La motion de M. Guillotin n’est pas au Moniteur. (2) La motion de M. Guillaume n’a pas été insérée au Moniteur. 394 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 octobre 1789.] province où il voudra se retirer ; enfin des procès faits àdes coupables qui ne sont plus, et dont on flétrit plutôt les parents que la mémoire ? Mais, Messieurs, vous réformerez en vain ces abus, si vous laissez subsister le tribunal Sanguinaire de la maréchaussée ; et les expressions manquent à quiconque en connaît le régime, pour peindre l’horreur qu’inspire, je ne dirai pas cette juridiction, mais cette boucherie judiciaire. 11 est enfin, Messieurs, dans cette partie, des améliorations de détail qu’il suffira d’exposer à celte Assemblée pour lui en faire sentir l’importance. C’est d’après ces considérations que je crois devoir vous proposer de décréter ce qui suit : Article 1er. La peine de mort ne sera prononcée que contre les assassins, les empoisonneurs et les incendiaires. Les galères à perpétuité seront substituées au dernier supplice, dans tous les autres cas où il avait lieu. Art. 2. L’édit de Henri II, concernant les filles et veuves enceintes, est et demeure abrogé ; en conséquence, il n’y aura lieu à la peine portée par cette loi, qu’autant qu’abstraction faite du défaut de déclaration de grossesse, il y aura preuve suffisante que lesdites filles ou veuves auront détruit leur fruit. Art. 3. On ne condamnera plus au fouet, et nul ne sera flétri d’un fer chaud, s’il n’est condamné aux galères perpétuelles. Art. 4. La peine du bannissement sera remplacée par celle de la réclusion du coupable dans une maison de force, où il sera employé à des travaux, pendant la même durée de temps qu’il aurait dû, suivant les lois anciennes, rester expatrié. Art. 5. On ne fera plus de procès à la mémoire. Art. 6. La juridiction des prévôts des maréchaux est supprimée, et tous les détenus dans leurs prisons, et en vertu de leurs décrets, seront par eux transférés, avec les charges et les pièces de conviction, par devant les juges ordinaires, qui continueront l’instruction des procès à la Charge de l’appel. Art. 1. Défenses sont faites au ministère public d’interjeter appel des jugements d’absolution, et de ceux qui ne prononceront aucune peine afflictive ou infamante, lorsque les condamnés y auront acquiescé. Art. 8.Tous jugements d’absolution seront rendus publics par la voie de l’impression et de l’affiche, aux frais de l’Etat, et l’accusé obtiendra en outre des indemnités proportionnées aux dommages qu’il aura soufferts, contre son dénonciateur, et subsidiairement sur les fonds publics qui seront à ce destinés. Art. 9. Hors les cas d’émeute populaire et de sédition, il sera sursis à l’exécution de tout jugement portant peine de mort, pendant trois mois, à compter de la notification qui en sera faite au conseil de l’accusé, et la révision du procès se fera de droit huit jours avant l’exécution. Art. 10. Aucun jugement de mort, hors les cas d’exception mentionnés en l’article précédent, ne sera exécuté qu’il n’ait été signé par le Roi. Art. 11. Le Roi pourra faire grâce, excepté lorsqu’il s’agira de crimes de lèse-nation, ou de lèse-majesté, au premier chef, de haute trahison, de péculat ou de concussion ; il pourra aussi dans tous les autres cas commuer les peines ; le tout néanmoins, seulement après le jugement en dernier ressort de l’accusé. Art. 12. Les articles ci-dessus seront incessamment présentés à la sanction du Roi, et Sa Majesté sera suppliée de donner les ordres nécessaires pour leur exécution. Plusieurs membres demandent l’ajournement des articles proposés par M. Guillotin et par M. Guillaume. M. le Président met aux voix l’ajournement : il est prononcé. Ôn passé à la discussion du préambule du projet de décret : Il a été proposé sur ledit préambule un amendement qui a été admis. On a été aux voix sur le susdit préambule avec l’amendement adopté, et ledit préambule a été décrété ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, considérant qu’un des principaux droits de l’homme, qu’elle a reconnus, est celui de jouir, lorsqu’il est soumis à l'épreuve d’une poursuite criminelle, de toute l’étendue de liberté et de sûreté pour sa défense, qui peut se concilier avec l’intérêt de la société qui commande la punition dés délits; que l’esprit et lës formes de la procédure pratiquée jusqu’à présent en matière criminelle, s’éloignent tellement de ce premier principe de l’équité naturelle et de l’association politique, qu’ils nécessitent une réforme entière de l’ordre judiciaire, pour la recherché et le jugement des crimes; qüe si l’exécution de cette réforme entière exige la lenteur et la maaturité des plus profondes méditations, il est cependant possible de faire jouir dès à présent la nation de l’avantage de plusieurs dispositions, qui, sans subvertir l’ordre de procéder actuellement suivi, rassureront l’innocence et faciliteront la justification des accusés, en même temps qu’elles honoreront davantage le ministère des juges dans l’opinion publique, a arrêté et décrété les articles qui suivent. » Alors, plusieurs membres de l’Assemblée ont demandé que le préambule et les 28 articles sur la réformation provisoire de la procédure criminelle , qui ont été arrêtés , fussent présentés incessamment à la sanction royale : on a été aux voix, et il a été décrété que les 28 articles arrêtés seraient présentés incessamment à la sanction royale. Enfin, sur les représentations faites par M. Baudouin, imprimeur de l’Assembléé nationale , touchant la nécessité où il se trouvé de transporter son imprimerie à Paris, et sur spn inquiétude de trouver dans Paris un local à portée de celui que l’Assemblée y occupera, afin qu’il puisse correspondre plus directement avec elle, et la servir avec la plus grande exactitude, l’Assemblée a autorisé M. le président à écrire à MM. les commissaires déjà rendus à Paris, de déterminer pour le transport de l’imprimerie dudit sieur Baudouin, le local qu’ils jugeront le plus Commode pour le service de ladite Assemblée. Plusieurs membres ont demandé qu’il fût donné lecture des 28 articles décrétés sur la procédure criminelle. Cette lecture a été faite ainsi qu’il suit : DÉCRET % DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE sur la rèformation de quelques points de la jurisprudence criminelle. L’Assemblée nationale, considérant qu’un des principaux droits de l’homme, qu’elle a reconnus, est celui