740 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 octobre 1790. J couleurs nationales, présentée par des matelots, dont on fait avec tant de plaisir retentir les désordres, en en taisant les véritables causes, pour peu qu’elles puissent sembler excusables; lorsque vos comités réunis ont eu cette belle et profonde idée de donner aux matelots, comme un signe d’adoption de la patrie, comme un appel à leur dévouement, comme une récompense de leur re-tour à la discipline, le pavillon national, et vous proposent en conséquence une mesure, qui, au fond, n’avait pas besoin d’être demandée, ni décrétée, puisque le directeur du pouvoir exécutif, le chef suprême des forces de la nation avait déjà ordonné que les trois couleurs fussent le signe national. Eh bien, parce que je ne sais quel succès d’une tactique frauduleuse dans la séance d’hier a gonflé les cœurs contre-révolutionnaires, en vingt-quatre heures, en une nuit, toutes les idées sont tellement subverties, tops les principes sont tellement dénaturés , on méconnaît tellement l’esprit public, qu'on ose dire, à vous-mêmes, à la face du peuple qui nous entend, qu’il est des préjugés antiques qu’il faut respecter : comme si votre gloire et la sienne n’étaient pas de les avoir anéantis, ces préjugés que l’on réclame ! qu’il est indigne de l’Assemblée nationale de tenir à de telles bagatelles, comme si la langue des signes n’était pas partout le mobile le plus puissant pour les hommes, le premier ressort des patriotes et des conspirateurs, pour le succès de leurs fédérations ou de leurs complots! On ose, en un mot, vous tenir froidement un langage qui, bien analysé, dit précisément : Nous nous croyons assez forts pour arborer la couleur blanche, c’est-à-dire la couleur de la contre-révolution (la droite jette de grands cris, les applaudissements de la gauche sont unanimes ), à la place des odieuses couleurs de la liberté. Cette observation est curieuse sans doute, mais son résultat n’est pas effrayant. Certes, ils ont trop présumé. Croyez-moi ( i' orateur parle à la partie droite ), ne vous endormez pas dans une si périlleuse sécurité, car le réveil serait prompt et terrible. (Au milieu des applaudissements et des murmures , on entend ces mots : C’est le langage d’un factieux.) ( A la partie droite ) : Calmez-vous, car cette imputation doit être l’objet d’une controverse régulière, nous sommes contraires en faits : vous dites que je tiens le langage d’un factieux-Plusieurs voix de la droite: Oui, oui! M. de Mirabeau. Monsieur le Président, je demande un jugement, et je pose le fait (Nouveaux murmures)', je prétends, moi, qu’il est, je ne dis pas irrespectueux, je ne dis pas inconstitutionnelle dis profondément criminel, de mettre en question si une couleur destinée à nos flottes peut être différente de celle que l’Assemblée nationale a consacrée, que la nation, que le roi ont adoptée, peut être une couleur suspecte et proscrite. Je prétends que les véritables factieux, les véritables conspirateurs sont ceux qui parlent des préjugés qu’il faut ménager, en rappelant nos antiques erreurs et les malheurs de notre honteux esclavage. (On applaudit.) — Non, Messieurs, non : leur folle présomption sera déçue; leurs sinistres présages, leurs hurlements blasphémateurs seront vains : elles vogueront sur les mers, les couleurs nationales ; elles obtiendront le respect de toutes les contrées, non comme les signes des combats et de la victoire, mais comme celui de la sainte confraternité des amis de la liberté sur toute la terre, et comme la terreur des conspirateurs et des tyrans... Je demande que la mesure générale comprise dans le décret soit adoptée ; qu’il soit fait droit sur la proposition de M, Re Chapeljer, concernant les mesures ultérieures, et que les matelots à bord des vaisseaux, |e matin et le soir et dans toutes les occasions importantes, aq lieu du cri accoutumé et trois fois répété de t Vive le roi ! disent : Vivent la nation , la loi et lé roi ! (La salle retentit pendant quelques minutes de bravos et d'applaudissements.) (La discussion est fermée à une très grande majorité.) M. l’abbé Manry monte à la tribune. — On demande à aller aux voix. — Il entre en fureur; il saisit la tribune et l’ébranle comme ppur la lancer sur le côté gauche. La troisième disposition de la première partie du projet de décret de M. de Menou est décrétée avec l’amendement proposé par M. de Mirabeau qui est conçu en ces termes ; « décrète, en outre, qu’au simple cri de : Vive le roi! usité à bord des vaisseaux, le matin et le soir et dans toutes les occasions importantes, sera substitué celui de : Vivent la nation, la loi et le roi ! (Un grand tumulte s’élève au milieu de la salle. — M. Guilhermy monte à la tribune. — On lui crie de descendre à la barre. — Après de longues agitations, il se fait un moment de silence.) M. de Menou. M. Guilhermy a traité M, de Mirabeau d’assassin et de scélérat ; je demande, que pour l’honneur de l’Assemblée, elle autorise son président à faire arrêter sur-le-champ M. Guilhermy. (La gauche se lève et demande à aller aux voix.) M. Guilhermy. D’après la motion que M. de Menou vient de faire contre moi, il me paraît qu’il n’a entendu que la moitié de ma phrase. Toute l’Assemblée a été témoin de lamanière dont M. de Mirabeau a empoisonné le discours de M. de Foucault. Il l’a accusé d’avoir méprisé les couleurs nationales. (La partie gauche s'écrie ; Il a eu raison de l’accuser.) M. de Foucault. Je suis prêt à redire ce quq j’ai dit. M. Guilhermy. M. de Foucault avait insisté sur le danger du changement de pavillon. M. de Mirabeau l’a accusé, ainsi qu’une partie de cette Assemblée, de vouloir la contre-révolution, parce qu’on voulait conserver le drapeau blanc; comme si, lorsque l’oriflamme suspendue à la voûte de cette salle ne porte pas les couleurs nationales, cette oriflamme était un signe de contre-révolution. M. de Mirabeau, parlant du triomphe d’hier, a dit qu’il serait court; il a traité de fac-r tieux les membres qui composent une partie de cette Assemblée. J’ai dit que M. de Mirabeau voulait faire assassiner cette partie de l’Assemblée, (Il s'élève des murmures,) M. l’abbé Manry. Je demande que l’Assemblée envoie deux officiers aux Tuileries, pour déclarer au peuple que je n’ai nulle part au pru� pos qui s’est tenu, et qu’qn l’a trompé sur moq compte. M. de Cazalës. Je demande la question préalable sur la proposition que fait M. l’abbé Maury,