[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 mars 1791.] 750 « Or, Messieurs, vous n’ignorez pas que les événements qui ont eu lieu depuis 2 ans, ont suspendu dans l’armée les exercices, les instructions de tout genre; hâtons-nuus donc de les reprend! e, bâtons-nous de nous remettre au niveau de nos belliqueux voisins : l'activité et l’intelligence dont la nature a doué les Français, vous feront acquérir en peu de temps ce qu’un travail long et pénible apprend lentement aüx peuples qui nous environnent. « Cependant je veux vous découvrir un piège dans lequel vous pourriez vous laisser entraîner. Des hommes peu sensés ou mal intentionnés vous diront peut-être que cette subordination exacte, cette discipline sévère, que je recommande, ne s’accordent point avec la liberté, qui est désormais l’apanage de tous les Français; mais prenez garde, Messieurs, de vous laisser égarer par de coupables suggestions, et considérez les choses sous dur véritable point de vue. « La liberté consiste à n’obéir qu’aux lois : il en est de générales qui prescrivent indistinctement à tous les citoyens les mêmes devoirs: il en est de particulières à chaque profession. Or, la loi fondamentale de l’état militaire est que dans les fonctions qui lui sont propres, chacun renonce à sa volonté. La seule raison vous découvre que pour qu’une armée soit capable de la plus simple opération, il faut qu’un seul homme la dirige, qu’un seul commande et que le reste obéisse. Aussi regardez autour de vous, vous verrez que le militaire le plus judicieux, le plus vertueux, est toujours le plus subordonné. «Bien loindoneque votre profession admette une sorte d’esprit d’indépendance, rien ne lui est plus essentiellement opposé. S’il est un spectacle qui fasse vraiment honneur à la raison humaine, qui montre les progrès de la société, c’est de voir le guerrier intrépide dans les combats, devenu docile, obéissant à la loi de son pays, et n’agissant plus que par elle. «Au reste, Messieurs, vous n’avez pas lieu d’être incertains sur vos droits non plus que sur vos devoirs; les uns elles autres sont tracés dans les décrets de FAssembléenationale, etvous pouvez, sans crainte, y chercher, dans tous les cas, la règle immuable de votre conduite. Cette Assemblée qui a créé la liberté pour la France, ne se sera pas saris doute écartée de ses principes dans la combinaison des lois qu’elle a données au militaire : soyez donc persuadés que si ces lois vous imposent quelque gêne, c’est qu’elle est nécessaire, indispensable, et qu’elle tient à l’essence rie votre profession. Vous ne devez pas avuir moins de confiance dans la manière dont l’exécution de ces mêmes lois sera ordonnée et dirigée par le chef suprême de l’armée. Rappelez-vous, Messieurs, les inclinations que notre roi a toujours montrées ; rappelez-vous qu’il a débuté s.m la grande scène du monde par mériter dans un autre hémisphère le nom de restaurateur des droits des hommes , et que bientôt après il l’a obtenu parmi nous ( Applaudisssments .) ; eût-il acquis ce titre glorieux, si son cœur n’eût aimé vraiment la liberté? Soyez donc bien sûrs qu’il n’exigera rien de vous, qui ne soit conforme à la loi ; mais attendez-vous aussi qu’il déploiera toute l’énergie du pouvoir qui lui est confié pour assurer l’exécution de ce qu’elle prescrit véritablement : ainsi l’exige le bien public, le maintien de cette même liberté, votre gloire, et celle de la nation entière. « Quant à moi, Messieurs, si j’ai l’honneur d’être, près de l’armée, l’interprète des volontés de son chef suprême, c’est que j’ai cru être sur que les ordres que j’aurais à en recevoir et à vous transmettre ne seraient, dans aucun cas, en opposition avec mon attachement aux vrais principes de la Constitution. C’est vous dire, et j’ose en prendre l’engagement solennel devant la nation, que je ne contribuerai jamais à l’exécution de lien qui puisse leur porter atteinte.» ( Applaudissements réitérés.) M. de Montlosicr. Je demande l’impression de ce sermon. M. d’André. Nous demandons l'impression de cette lettre par ordre de l’Assemblée nationale. (L’Assemblée décrète l’impression de la lettre et son insertion au procès-verbal.) M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE N0A1LLES-Séance du mercredi 9 mars 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de lundi au soir, qui est adopté. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresse des employés aux entrées de Paris , qui s’empressent, après leur suppression, de prêter le serment civique entre les mains de 1 Assemblée nationale. Adresse des officiers municipaux de Marquise, district de Boulogne, qui annoncent que leur curé a prêté le serment, à la grande satisfaction de tous ses paroissiens. Lettre du directoire du département de la Haute-Garonne, qui annonce que le corps électoral de ce département s’étant assemblé pour procéder au remplacement du siège métropolitain, vacant par la démission de M. Fontange, M. le cardinal de Brienne a été nommé, à la pluralité absolue des voix, évêque metropolitaiu du Sud. Lettre du procureur général syndic du département de la Vendée, qui fait savoir que les électeurs de ce département ont élevé à la dignité d’evêque M. Jean Servant, prêtre de l'Oratoire, de la maison deSaumur. Adresse du directoire du département de l'Aude , portant que l’Assemblée électorale a nommé, puur évêque du département, M. Besaucelte, doyen du ci-devant chapitre de la cité de Carcassonne, distingué par les mœurs les plus pures et par son patriotisme. Procès-verbal du conseil général de la commune de Vannes, qui constate que l’arrivée des commissaires du roi dans cette ville pour rétablir la tranquillité que le fanatisme avait malheureusement troublée, a été un signe de joie et de con-(1) Cette scance est incomplète au Moniteur.