540 (Assemblée nationale. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (10 février 1790. ayant en ce moment, outre les sièges de sénéchaussée, présidial, élection, officialité et chambre ecclésiastique, l’intendance avec tous les bureaux d’administration, l’assemblée provinciale est la seule cour souveraine de la 'province, dont le ressort comprend i l’étendue de cinq départements. Il termine par cette considération que toutes les villes de la province, à l’exception de deux, et presque toutes les communautés, ont exprimé par des adresses à l’Assemblée nationale leur vœu pour que l’établissement politique principal soit fixé dans la capitale qui, assure-t-il, est très patriote. M. le baron de Cernon, rapporteur , fait observer que la ville de Riom aura un tribunal de district qui remplacera en partie le siège actuel de la sénéchaussée et présidial de cette ville. M. Andrleu réclame contre l’observation du rapporteur. Il dit que le décret rendu hier réserve à la ville d’Aigueperse l’établissement judiciaire du district lorsqu’il y aura lieu de l’établir. M. le baron de Cernon répond que ce décret ne statue pas et que la réserve qu’il contient n’est qu’un simple ajournement. M. du Fraisse Dnchey défend les intérêts de Riom et ajoute que l’intendance n’a passé de Riom à Clermont qu’au commencement de ce siècle et par l’effet d’une simple lettre ministérielle. M. Girot-Pouzol expose le vœu formé à plusieurs reprises par la ville d’Issoire, pour rétablissement d’une cour supérieure dans la ville de Clermont ; il ajoute qu’Issoire réclame cette cour supérieure pour elle-même, mais seulement dans le cas où cet établissement ne serait pas fixé à Clermont. L’honorable membre repousse l’alternat demandé par M. Malouet. Il observe qu’il ne faut )as s’attacher à examiner l’ancienneté des établissements que les villes de Clermont et de liom ont obtenue jusqu’à ce jour, mais les avantages que leur situation peut présenter aux administrés ; que sous ce point de vue la ville de Clermont doit obtenir la préférence ; qu’elle est dans une position plus centrale; que si la Basse-Auvergne n’obtient qu’un seul établissement, il est convenable qu’il soit placé invariablement dans la ville de Clermont; que les alternats multiplient les frais d’administration; qu’ils causent des déplacements qui sont toujours contraires au bien public et que ces inconvénients sont encore plus sensibles lorsqu’ils ont pour objet de changer une position centrale pour chercher une ville éloignée du centre. Clermont est le siège de l’administration, et si cette administration a été transportée anciennement de Riom à Clermont, c’est pour l’avantage des administrés qui persistent à réclamer pour que les établissements principaux soient fixés dans cette capitale. Divers membres réclament la clôture de la discussion. Cette proposition est mise aux voix et adoptée. M. Grenier propose la question préalable sur l’amendement de M. Malouet. L’Assemblée consultée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement. Le projet de décret du comité est ensuite mis aux voix et adopté. M. le baron de Cernon propose un quatrième décret ainsi conçu : Département est de la Provence. « L’Assemblée nationale décrète, d’après l’avis du comité de constitution ; 1° que le département de l’est de la Provence est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont: Toulon, Grasse, Hyères, Draguignan, Brignolles, Saint-Maximin , Fréjus, Saint-Paul-les-Venens et Barjols; 2° que les assemblées de département alterneront entre les chefs-lieux de district, en commençant par la ville la plus affouagée et la plus imposée ; 3° et en conséquence, que la première assemblée du département se tiendra à Toulon, et ainsi de suite; 4° que les électeurs assemblés dans cette dernière ville détermineront si le directoire du département alternera, ainsi que l’assemblée d’administration, ou s’il sera fixé dans un des chefs-lieux de districts ; 5° que dans ce dernier cas, l’assemblée des électeurs désignera le chef-lieu où sera établi le directoire. » M. le Président met aux voix ce décret qui est adopté sans opposition. M. Démeunier, autre rapporteur du comité de constitution , demande à faire connaître les réclamations d'un grand nombre de citoyens de Saint-Jean-d' Angély , contre la nomination du maire de cette ville. M. le Président, après avoir consulté l’Assemblée lui donne la parole. M. Démeunier. L’élection de la municipalité de Saint-Jean-d’Angély trouble cette ville d’une manière assez grave pour que votre comité de constitution croie devoir vous demander un décret à ce sujet. Une grande partie de la ville réclame contre l’élection du maire, auquel plusieurs reproches sont faits, et dont la nomination est attaquée de nullité. L’Assemblée ne peut prononcer définitivement qu’après s’être procuré des preuves authentiques. Le comité propose de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale, sur les discussions élevées à Saint-Jean-d’Angély, au sujet de l’élection du maire, renvoie au pouvoir exécutif, et supplie le roi de donner, après la vérification des faits, les ordres nécessaires pour une nouvelle élection. » M. Prieur. Ce décret n’est pas dans les principes de l’Assemblée nationale. Le roi sera juge des faits, et cependant l’article 19 de la constitution établit que le pouvoir exécutif ne peut exercer le pouvoir judiciaire. M. Target. Il ne s’agit pas d’un jugement, mais de l’application des décrets. M. Démeunier. On prétend que l’élection du maire est contraire aux décrets constitutionnels et cinq faits articulés semblent le prouver. Si ces faits sont vrais, l’élection est nulle. Mais l’Assemblée ne peut s’informer elle-même de ces faits ; il faut bien en charger le pouvoir exécutif. M. Barnave, Suivant le projet de décret, le [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 février 1790. J 541 roi est juge de la nullité de l’élection; il est juge de la question de savoir s’il y a lieu à une élection nouvelle, si l’on s’est écarté de vos décrets; il est donc interprète de vos décrets. — Du moment où le pouvoir exécutif sera juge des élections, il pourra les empêcher, il pourra les diriger: quelle est la ville où il ne trouvera pas le moyen d’exciter des réclamations? Le jugement de ces sortes d’affaires doit appartenir à un tribunal quelconque. Vous désignerez probablement les districts ou les départements ; mais comme ils ne sont point encore établis, c’est vous, c’est vous seuls qui avez le droit d’interpréter vos décrets. 11 faut donc, dans les circonstances présentes, que l’Assemblée se réserve de statuer, après avoir fait prendre les renseignements nécessaires par le pouvoir exécutif. Cependant, comme cette affaire est très délicate et très importante, j’en demande l’ajournement à une séance du soir. M. Regnaud, député de Saint-Jean-d' Ângèly . Je ne connais pas les détails de cet événement; s’il y a quelques coupables, ils sont mes compatriotes, et mon cœur en gémira; mais je demande que la vérité soit constatée et la justice rendue. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur la question de savoir si elle peut juger ou renvoyer au pouvoir exécutif. M. le comte de Mirabeau. Le pouvoir de juger les élections ne peut jamais appartenir au pouvoir exécutif, autrement il jugerait des éléments du pouvoir législatif. Les élections ne pourront être jugées que par les assemblées administratives; mais aujourd’hui que nous n’avons pas distribué tous les pouvoirs, quel que soit le parti ultérieur que vous puissiez prendre, il est certain que le pouvoir de juger les élections vous appartient et n’appartient qu’à vous. Je ne vois pas de quelle espèce de prétexte on pourrait colorer le renvoi du jugement d’une élection au pouvoir exécutif. M. Emmery. Il est certain que n’ayant pas départi les pouvoirs, c’est à nous à juger; dès lors c’est à nous à nous procurer les renseignements nécessaires pour connaître sûrement les faits; celui qui a la connaissance du droit doit avoir celle du fait; mais nommerons-nous un commissaire? Ce parti offrirait de grands inconvénients. Il vaut mieux déléguer la municipalité la plus voisine, et charger de dresser un procès-verbal des faits.... M.le comte de Mirabeau. Je demande l’ajournement, afin que le comités de constitution puisse préparer un; travail sur la partie importante du jugement des élections. M. de Beaumetz. La nomination d’une commission est inconstitutionnelle: le délégué véritable de l’Assemblée nationale et de la nation, c’est le roi ; son seul commissaire, c’est le pouvoir exécutif. Je conclus en adoptant le projet du comité de constitution. M. de Çazalès. Le principe dé M. de Mirabeau est juste; mais ce qui n’est pas exact, c’est qu’il faille décréter le plus tôt possible. Je pense qu’on doit renvoyer à l’assemblée de département, quand elle subsistera. M. Buzot. Vous n’avez pas encore de décret sur le jugement des élections ; vous n’avez pas d’assemblée ni de tribunal pour l’exécution de vos décrets. Cependant il faut mettre fin à des dissensions qui d’un moment à l’autre peuvent ensanglanter la ville de Saint-Jean-d’Angély. Ne pouvant déléguer personne, ai vous confier au pouvoir exécutif, vous devez vous borner à suivre une marche que vous avez déjà prise au sujet de la municipalité de Ris. Ordonnez une nouvelle élection. M. Pétion de Villeneuve. Le décret rendu pour la municipalité de Ris n’est point applicable à la circonstance ; s’il s’agissait, non d’une élection nulle, mais de deux municipalités élues en même temps dans le même lieu. Par qui les informations seront-elles faites? par qui le fait sera-t-il jugé? Vous avez le droit de juger ; vous avez dès lors celui d’instruire; si vous avez le droit d’instruire, vous avez celui de nommer dès commissaires; si vous pouvez les nommer, vous pouvez les choisir; c’est sur la mu nicipalité la plus voisine que doit tomber votre choix. M. Regnaud. La municipalité de la Rochelle vient d’être organisée d’une manière qui a satisfait tous les citoyens, et qui la rend digne de la confiance de l’Assemblée. On ferme la discussion. Le décret suivant est adopté à une grande majorité. « L’Assemblée nationale décrète qu’elle fixera incessamment les règles constitutionnelles pour le jugement des élections, et par provision lemai-re de la ville delà Rochelle, assisté de deux de ses officiers municipaux, se transporteront à Saint-Jean-d’Angély, y prendront des informations sur les faits allégués contre la validité de l’élection des officiers municipaux de Saint-Jean-d’Angély; qu’ils en dresseront un procès-verbal, et l’enverront à l’Assemblée nationale pour être par elle statué ce qu’au cas appartiendra: et sera le présent décret présenté au roi pour être sanctionné, et adressé, sans délai, aux officiers municipaux de la Rochelle. M. le Président fait part d’une lettre de M. Dupac de Badens qui, absent (par congé, marque que le mauvais état de sa santé le force de donner sa démission et de prier l’Assemblée d’agréer à sa place M. le comte de Rochegude,son suppléant. La démission dé M. le marquis Dupac de Badens est acceptée et M. le comte de Rochegude est admis à le remplacer. M.le Président. M. l’abbé Rollin, député de Montreuil-sur-Mer, demande un congé de 15 jours. Le congé est accordé. M. le Président annonce que le tribunal de l’amirauté de la ville de Paris demande à être introduit à la barre pour prêter le serment civique. L’Assemblée décide que ce tribunal sera reçu à la séance de demain soir. M. de Talleyrand, évêque d’Autun, lit, au nom du comité de constitution, un projet d'adresse aux provinces. Cette adresse reçoit de grands applaudissements; elle sera discutée demain. M. le Président lève la séance, après avoir indiqué celle d*e demain pour 9 heures du matin.