ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 décembre 1790.] 686 [Assemblée nationale.] de l’un des substituts du procureur de la commune. « 8° Au décret du même jour, portant que la loi de 1774, concernant les enfants nés et à naître de mariages mixtes entre des catholiques et des protestants, sera exécutée à l'égard des enfants nés et à naître desdits mariages contractés avant le décret du 27 août, dernier. 9° Au décret du 15, portant qu’il sera nommé trois juges de paix à Montauban, « Un au district d’Amiens, de la paroisse de Douziez, réunion de deux municipalités; « Que les municipalités du département de Mayenne-et-Loire, qui demandent leur réunion, sont autorisées à s’assembler pour manifester leur vœu à cet égard ; « Et qu’il sera établi des tribunaux de commerce dans les districts de Bergues, Lille et autres. « 10° Au décret du 15 de ce mois, relatif aux droits d’entrée perçus dans la ville de Rouen, au prolit des hôpitaux de cette ville. « Au décret du 16, par lequel l’Assemblée nationale ordonne qu’il sera accordé, sur les fonds du Trésor public, une somme de 15 millions pour être distribuée dans tous les départements, et subvenir aux dépenses des travaux de secours qui y seront établis. « 13° Et le 22, au décret des 16 et 17, sur l’établissement d’une direction générale de liquidation. « 13° Au décret du 18, concernant les sieurs Guiilin, dit de Pougelon, d’Escars et Terrasse, dit Teyssonnet, arrêtés à Lyon comme prévenus d’une conspiration ; « Et portant que tous Français fonctionnaires publics, qui ne seront pas présents et résidants dans le royaume, et qui n’auraient pas prêté le serment civique dans le délai d’un mois, sans être retenus dans les pays étrangers par une mission du roi, seront déchus de leurs grades et emplois, et privés de leurs pensions, appointements et traitements. « 14° Au décret du 21, concernant les délits commis le 5 dans la ville de Perpignan. « 15° Et enfin, au décret du 22, relatif aux impositions indirectes et autres droits, ainsi qu’aux octrois et droits perçus au prolit des villes, communautés ou hôpitaux. » Le ministre de la justice transmet à M. le Président les doubles minutes de ces décrets, sur chacune desquelles est la sanction ou l’acceptation du roi. Signé : M. I* F. ÛUPORT. Paris, le 23 décembre 1790. M. iieurtault-ljainerville, au nom des comités d' agriculture , de commerce , de féodalité , des domaines et de mendicité, présente le rapport suivant sur le dessèchement des marais (1) : Messieurs, les travaux que vous voulez assurer aux ouvriers de toutes les parties de l’Empire, font reparaître aujourd’hui, devant vous, au nom de vos comités d’agriculture et de commerce, des domaines, de féodalité et de mendicité, la (1) Voyez le rapport de M. Hcurtault-Lamerville, sur le dessèchement des marais du royaume, Archives parlementaires, tome XI, page 489, et tome XV, page 258. Voyez aussi la discussion des articles 1 à 4 , Archives parlementaires , tome XV, p. 357, et tome XVIII, page 258. continuation du projet de décret sur les lois générales, relatives au dessèchement des marais; cette discussion, commencéeil y a dix mois, peut ne vous être plus présente, quoi qu’il vous ait été fait deux rapports sur cet objet. Il est donc indispensable de vous reparler un moment des principes du projet de décret, et de l’état de la délibération. Quatre articles du projet de décret ont déjà été adoptés par vous avec de légers changements ; le cinquième, additionnel, fut rejeté ; le sixième, également additionnel, fut ajourné et renvoyé aux deux comités d’agriculture et de commerce, et des finances. Les commissaires de vos comités trouvèrent beaucoup de difficultés à assigner des fonds d’avance pour le dessèchement des marais des particuliers. La pénurie et les obligations du Trésor national ne leur auraient jamais permis d’y destiner que des sommes peu considérables, et ce n’eût été offrir alors que de faibles moyens. Ces améliorations avaient besoin de plus grands mobiles. Les sages lois que vous avez faites pour l’avantage de l’agriculture dans la suite de vos décrets sur la contribution foncière, peuvent maintenant être considérées comme de grands encouragements particuliers. C’est donc aux marais appartenant à Ja nation qu’il vous paraîtra juste et politique de consacrer les ressources que voua pouvez vous ménager sur la vente des biens nationaux. Par les encouragements dont je viens de parler, vous avez cherché à produire le bien individuel ; par les fonds que vous porterez dans ie dessèchement des marais nationaux, donnant une plus grande valeur à ces terrains, vous agirez directement sur le bien général . Les deux articles additionnels étant comme non avenus, le septième article qui a fait ajourner le reste du projet de décret, redevient le cinquième comme il l’était. Il contient ia loi coercitive sans laquelle il n’y aura jamais de dessèchements d’opérés dans lés marais des particuliers, sans laquelle vous n’influerez en rien sur les ateliers agricoles, et sur la salubrité de l’air des départements où il n’existe point de marais nationaux, les seuls dont vous puissiez alors ordonner le dessèchement; sans laquelle, enfin, le décret sur le dessèchement des marais serait de toute inutilité. Vous avez paru approuver, Messieurs, dans les deux rapports, les principes qui ont dicté le cinquième article. Ils sont parfaitement d’accord aveclaGonstitution et la raison ; ces principes sont que la propriété est un droit sacré; mais qu’un droit plus sacré encore est le droit de souveraineté de la nation; mais que la propriété particulière, conservée dans son intégrité, est cependant subordonnée sans cesse au bien général. Ces principes sont encore que le droit de propriété renferme, soit l’obligation de mettre en culture tout terrain qui, par son état de contagion et de non-culture devient nuisible à la société, soit la condition de céder le terrain, moyennant une préalable indemnité, à la nation ou à l’entrepreneur adjudicataire qu’elle commet pour faire cesser ce terrain d’être inculte et nuisible. Personne d’entre vous, Messieurs , ne doutera que ces principes ne doivent être la base immuable de toute société d’êtres intelligents. C’est par ce moyen que vous formerez des propriétaires laborieux, un peuple de frères, un Empire dont le soi sera cultivé dans toutes ses parties les plus rebelles; c’est par ce moyen que de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. grands ateliers agricoles seront toujours ouverts, dans les mortes saisons, aux ouvriers robustes des divers départements, à ces hommes que l’agriculture seule conserve dans toute leur force, et que les ateliers intérieurs d’industrie tendent à faire dégénérer; c’est par ce moyen, Messieurs, que vous soulagerez la capitale, et les autres grandes villes, que vous ferez des conquêtes patriotiques sur votre territoire, que vous conserverez une infinité de citoyens, toujours menacés maintenant par leur situation au bord des marais; c’est par ce moyen, en un mot, que vous créerez des propriétés, des propriétaires, des subsistances, des consommateurs, et que vous rendrez à voire tour tributaires de votre territoire, les peuples chez lesquels aujourd’hui vous portez par nécessité votre numéraire, et la preuve des négligences et des fautes de votre ancien gouvernement. Quand je considère ces avantages immenses que la nation peut retirer du dessèchement des marais , et que je me demande quels sont les motifs qui ont pu arrêter l’Assemblée nationale dans la continuation de cet utile décret, je vois que les moments où l’on vous a présenté ce travail étaient peu favorables et précipités, je vois que la détresse des finances ne vous permettait de faire aucun sacrifice des deniers du Trésor public; je vois surtout que votre respect, votre inquiétude pour les propriétés particulières vous ont fait craindre de ne pas dédommager assez le propriétaire, dépossédé de son marais, pour le bien de la société. Partageant tous vos sentiments, Messieurs, le comité a mis destempéraments dans l’article cinquième, qui vous paraîtront, je l’espère, remplir vos vues, et qui vous prouveront que votre comité d’agriculture et de commerce, ainsi que vos autres comités , n’ont pas cessé un instant de se regarder comme les défenseurs nés des propriétés. Qu'établit-il en effet? Il établit que la propriété, incertaine dans l’état de la nature, devient inviolable dans l’état de société. Il distingue la propriété d’un sauvage, de la propriété d’un citoyen : il vous dit que l’homme a le droit d’abuser de la première, mais que le citoyen n’a que le droit d’user de la seconde pour son avantage, et pour celui de la grande association. Votre comité établit que toute propriété particulière, sous la condition d’une indemnité juste et préalable, est subordonnée à l’utilité générale; que dans le droit absolu de propriété individuelle, il n’y a d’exceptions que celles qui dérivent de la société entière, ou de ses représentants. Que vous propose ensuite votre comité? Il vous propose de confier les intérêts des propriétaires aux assemblées administratives, composées dans le plus grand nombre de propriétaires territoriaux; de laisser aux propriétaires la juste liberté de faire dessécher eux-mêmes leurs marais dans un temps déterminé; deperrnettre aux assemblées des départements d’accorder aux propriétaires un délai quand elles le jugeront convenable, et même, des secours, si cela leur est possible. Ce n’est qu’apiès toutes les marques de protection de la souveraineté de la nation, que voire comité vous propose d’obliger enfin ces mêmes propriétaires, au nom du bien général, et par le pouvoir imprescriptible de la nation, à céder aux adjudicataires entrepreneurs ces terrains nuisibles, pour le prix qu’ils valent, et en y ajoutant des dédommagements subordonnés aux espérances que la nature du soi pourra donner, si ces dédomma-lro Sème, T. XXI, [24 décembre 1790.] (357 gements paraissent justes aux experts nommés à cet effet. Si vous vous retracez ensuite, Messieurs, que vous avez accordé 25 années de non-augmentation d’imposition, aux propriétaires de ces terrains nuisibles, dans l’espoir de leur faire faire des efforts pour les m ttre en valeur : si vous vous rappelez que l’imposition de ces terrains peut n’êlre que de trois deniers par arpent : si vous vous dites que vous avez reconnu et continué les anciens encouragements, accordés aux marais desséchés sur la foi des divers édits ou déclarationsdu roi, je présume que vous ne verrez plus d’obstacles à compléter le décret ajourné tant de fois. L’Assamblée nationale, qui a détruit tant d’abus, laisserait-elle subsister le plus pernicieux de tous en agriculture, les marais? Craindriez-vous, Messieurs, d’employer la souveraineté de la nation pour cet acte d’humanité, dont les siècles les plus reculés manifesteront à votre mémoire leur reconnaissance? Pouvant réaliser, par un seul article de décret, un bienfait que quatorze cents ans d’un gouvernement sans suite et sans force réelle, n’ont pu produire, hésiteriez-vous de vous en approprier la gloire? Quelques vils intérêts particuliers seraient-ils, sans qu’on les soupçonnât, un obstacle invincible à ce grand bienfait que l’agriculture attend de tous les' représentants de la nation? J’aime à croire que non; de môme que je me plais à penser que vous n’aurez vu, Messieurs, dans ma constance à voua reparler de cette partie de l’agriculture, qu’un intérêt ardent pour tout ce qui est grand dans ses effets, et divin, dans ses rapports, pour la santé du peuple, pour les travaux des ouvriers, pour le soulagement et la subsistance des pauvres, pour l’augmentation de la population, pour tous les sublimes objets qui sont l’âme et même la religion de votre Constitution. Je vais avoir l’honnenrde vous relire le préambule et les quatre premiers articles décrétés, afin d’achever de mettre l’Assemblée au cours des idées qui se présentent à la délibération, et nous passerons ensuite au cinquième article qui est le seul qui soit susceptible d’une discussion approfondie : L’Assemblée nationale, considérant qu’un de ses premiers devoirs est de veiller à la conservation des citoyens, à l’accroissement de la population, et à tout ce qui peut contribuer à l’augmentation des subsistances, qu’on ne peut attendre que de la prospérité de l’agriculture, du commerce et des arts utiles, soutiens des Empires; Considérant que le moyen de donner à la force publique tout le développement qu’elle peut acquérir, est de mettre en culture toute l’étendue du territoire ; Considérant qu’il est de la nature du pacte social que le droit sacré de propriété particulière, protégé par les lois, soit subordonné à l’intérêt général ; L’Assemblée nationale, considérant enfin qu’il résulte de ces principes éternels que les marais, soit comme nuisibles, soit comme incultes, doivent fixer toute l’attention du Corps législatif, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les assemblées de département et leurs directoires s’occuperont des moyens de faire dessécher les marais, les lacs et les terres de leur territoire habituellement inondées, dont la conservation, dans l’état actuel, ne serait pas jugée 42