[o janvier 1791.] 21 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tirera aucun parti de cela, parce que la question n’est pas du tout de savoir si le maire de Paris peut monter à la tribune ou non; cela n’est pas douteux comme député, mais il ne doit y avoir dans le procès-verbal que les députas qui montent à la tribune ; et quand il vient comme maire, il monte à la barre. M. d’André. Tout ceci ne vient que d’une erreur. M. de Marguerittes, qui vient de parler, se trompe complètement. Il sait lui-même que, lorsqu’il a parlé comme député, nous l’avons entendu avec plaisir à la tribune, et à la barre, lorsqu’il a parlé comme maire de Nîmes. Ainsi, Monsieur, quand il sera question de votre affaire, si vous parlez comme député, quoique vous soyez maire de Nîmes, vous serez à ia tribune. Si vous parlez comme maire de Nîmes, vous serez à la barre. Cela ne doit pas faire de difficulté. Je demande donc que M. Bailly soit désigné, dans le procès-verbal, comme député. (Cette motion est décrétée.) Le procès-verbal est adopté. M. le Président. J’ai reçu de M. le garde des sceaux une lettre dont je vais donner lecture à l’Assemblée : « Monsieur le Président, « J’ai été instruit de l’effet qu’avait produit dans l’Assemblée nationale la lecture du titre mis en tête de la loi du 27 novembre dernier, et les motions auxquelles cette fâcheuse erreur avait donné lieu. Je m’attendais à cet effet ; je prévoyais une dénonciation, et je n’aurais pas été surpris que le Corps législatif, justement alarmé, eût pris sur-le-champ des mesures sévères : il ne l’a point fait, et j’ose croire que je dois cette marque de 'bonté à sa juste confiance dans la droiture de mes intentions ; mais il ne m’est pas permis d’attendre que des explications me soient demandées : je prie l’Assemblée nationale de trouver bon que je lui rende compte du fait dans toute sa simplicité. « J’ai trouvé, en arrivant au ministère, établi à la chancellerie, un bureau d’envoi des décrets, qui n’était encore monté qu’imparl'aitement, et dont je n’ai pas encore perfectionné l’organisation; j’ai placé à la tête de ce bureau, dont le travail est presque mécanique, un homme que je connais depuis longtemps, parfaitement sûr, d’une intelligence très supérieure à celle nécessaire pour ce genre d’occupation, et dont le caractère d’esprit est principalement la netteté et la justesse. L’Assimblée nationale sentira aisément qu’au milieu de cette immensité d’affaires dont le département de la justice est chargé, il m’est impossible de me livrer aux détails de l’envoi et de l’expédition des lois, et que je dois me borner à une surveillance générale. L’intitulé des lois est ordinairement donné par la feuille qui enveloppe les décrets présentés à la sanction par M. le président. « Le titre de celle du 27 novembre porté sur la feuille était très convenable : j’ai dû croire, et j’ai cru qu’on n’en avait pas substitué d’autre dans mes bureaux ; cette Joi a été imprimée, expédiée, envoyée sans qu’il me fût venu à la pensée que son titre dût me causer un violent chagrin, de cruelles inquiétudes, et je n’ai été instruit de la faute commise que par M. le maire de Paris, qui, frappé de l’effet que pouvait produire i’intnulé à la fois inexact et impoiitique de ce décret, est venu me trouvera minuit et demi, dans la nuit du dimanche au lundi, et s’est concerté avec moi sur les moyens de remédier au mal. Nous avons envoyé sur-le-champ chez l’imprimeur pour réimprimer le titre, avec ordre de couvrir le lendemain les premiers placards de ceux de cette seconde édition : j’en ai fait faire sur-le-champ une autre à l’Imprimerie royale; elle est déjà partie pour les provinces, et les ordres sont donnés partout pour que les premiers exemplaires soient retirés et renvoyés; la plus grande activité a été employée pour assurer le succès de cette mesure : voilà le fait dans toute sa pureté. Je ne me permettrai qu’une réflexion : je crois qu’il sera évident, pour tout le monde, qu’il s’agit ici d’une erreur, et d’une erreur de bureau. Je n’ignore pas cependant que j’en suis responsable, et j’attendrai, avec autant de résignation que de fermeté, ce qu’il plaira à l’Assemblée de prononcer dans sa sagesse; je ne refose pas de devenir le premier exemple de la responsabilité ministérielle ; je m’en consolerais, puisque cet exemple pourrait être utile à mon pays; je m’en consolerais, car ma conscience est pure, et mon honneur n’est point compromis; mais ce dont je ne me consolerais pas, c’est que cette erreur, échappée à l’un des employés de mes bureaux, causât le moindre désordre, donnât lieu à quelques excès. Ceux des membres de cette Assemblée, dont j’ai l’honneur d’être connu personnellement, savent jusqu’à quel point ce sentiment est dans mon cœur; et s’il en était, ce que je ne crois pas, qui fussent disposés à me prêter des intentions coupables, je les prierais de considérer qu’on ne m’a jamais accusé d’être ami du trouble et du désordre, et que si quelque chose a pu me faire remarquer, lorsque j’exerçais des fonctions aussi importantes que délicates, c’est le mélange constant de la modération avec la fermeté. « Je suis, etc. « Signé : L.-M.-F. Duport. » (On applaudit.) M. Malouct. Gomme j’ai fait hier la molion de demander qn’il fût donné des ordres pour informer sur la falsification d’une loi qui vous était dénoncée, je dois en faire connaître les motifs. Je n’ai pas voulu troubler hier le cours de la discussion en poursuivant cette motion. L’explication que vient de donner M. le garde des sceaux répond parfaitement à l’idée que l’on a généralement de la sagesse de son caractère et est certainement satisfaisante pour l’Assemblée ; mais c’est néanmoins un fait si grave et d’une telle conséquence, que celui de la falsification du texte d’une loi ..... Un membre : Ce n’est pas la loi qui est falsifiée, c’est Je titre. M. Malouet. Tout ce qui se trouve dans le corps d’une loi, après le litre loi , doit être considéré comme textuel. (On interrompt.) Messieurs, c’est donc une chose indifférente; et cependant elle vous a paru étrange. Je n’entends pas cette manière de raisonner : hier l’Assemblée a été généralement frappée du danger qui pouvait résulter de l’intitulé de la loi qui vous a été dénoncé; et aujourd’hui, parce que nous avons tous la conviction qu’il n’y a eu ni méchanceté, ni mauvaise intention, cela vous paraît indifférent. Cette manière de raisonner et de conclure, permettez-moi de le remarquer, n’est pas juste. £2 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 janvier 1791.] La chose en elle-même est très grave; et quoique nous soyons tous d’accord sur la simplicité, la pureté du ministre qui vient de nous raconter les faits, il n’en est pas moins vrai que vous devez prendre l’une ou l’autre de ces précautions : la première est de faire insérer dans le procès-verbal et de donner la plus grande publicité à la lettre de M. le garde des sceaux; la seconde est de décréter qu’aucun esprit, aucun titre, aucun résumé ne sera mis en tête des lois, à moins qu’il ne soit délibéré dans l’Assemblée même. Une loi est une chose sacrée à laquelle personne ne doit toucher. M. lie g ssaml (de Saint-Jean-d'Angély). Une loi, si on l’affiche sans titre, ne sera ni vue, ni lue. M. Malouet. Je demande alors qu'il y ait une commission du Corps législatif, pour faire le titre et que le titre des lois soit lu dans le procès-verbal. M. SSegnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Je suis (i’accord avec le préopinant sur l’importance d’une commission ; mais je ne suis point d’accord avec lui sur le titre des lois, et voici mon motif : nous savons tous combien il est important qu’une loi soit bien publique et bien connue, et souvent ce qui engage à la lire, lorsqu’elle est affichée ou promulguée, ce qui arrête les regards du peuple, c’est le titre de celte même loi. U ne faut pas, parce que dans ce titre il s’est glissé des erreurs, il ne faut pas le supprimer; il faut supprimer l’abus, et pour cela, je demande que les secrétaires de l’Assemblée nationale soient chargés, lorsqu’on porte les lois à la sanction, d’en mettre l’intitulé. Cela se fait déjà; car, remarquez que, quand on porte les décrets à la sanction du roi, on en fait une espèce de liste et on dit : décret sur tel objet. Il faut alors que cet intitulé soit rédigé par vos secrétaires et que le ministre qui présente les lois à la sanction n’y mette pas d’autre titre que celui qui y était. Voilà à quoi je réduis et comment j’amende la motion de M. Malouet. M. Malouet. Un titre n’est point un sommaire. M. d’André. Personne n’a combattu la première partie de la motion de M. Malouet. 11 me paraît qu’elle est avouée généralement de l’Assemblée : c’est d’insérer la lettre de M. le garde des sceaux dans le procès-verbal. Il y a une seconde motion qui est qu’il n’y ait plus de sommaire à la tête des décrets. Cette motion-là, je l’appuie, parce que si vous ordonnez que les secrétaires fassent eux-mêmes le sommaire des lois, il en résultera tous les jours des débats dans l’Assemblée. Les uns entendront le soremaire d’une manière, les autres d’une autre; et je ne vois pas pourquoi on prétend que cela importe à la loi. Tout citoyen doit lire la loi, et non pas un extrait de la loi. On lit la loi au prône, on la publie tout entière. Il faut se contenter de mettre sur le titre la désignation de l’objet; par exemple, en tête du décret du 27 novembre, il suffisait de mettre : Décret concernant te serment des ecclésiastiques.... Je demande donc : 1° Que la lettre de M. le garde des sceaux soit insérée dans le procès-verbal, imprimée et envoyée aux corps administratifs ; 2° qu’il soit décrété qu’il ne sera plus mis de sommaire à la tête des lois, mais seulement un titre énonciatif de leur objet. M. Malouet. Je retire la motion que j’avais proposée pour l’adopter dans les termes de M. d’André; et j’insiste pour que la lettre de M. le garde des sceaux soit envoyée dans les départements. L’Assemblée, consultée, décrète ce qui suit: « L’Assemblée nationale décrète qu’à l’avenir le titre qui sera mis en tête de chaque loi en indiquera simplement l’objet ; que la lettre de M. le garde des sceaux sera inscrite dans le procès-verbal et envoyée dans les départements. » M. l’abbé ....... J’avais deux observations à proposer à l’Assemblée : la première concernait la crainte que dans les départements il ne fût envoyé des expéditions de la loi du 27 novembre. La lettre de M. le garde des sceaux obvie à celle-là. La seconde forme un léger amendement que je propose à la motion d’hier de M. Barnave. Vous avez décrété, Messieurs, que le président serait chargé de se retirer vers le roi pour la prompte exécution du décret du 27 novembre ; mais vous n’avez pas fixé le temps. Je propose que ce soit dans le jour et voici les motifs qui appuient mon opinion. Vous n’ignorez pas, Messieurs, avec quelle profusion les protestations des évêques, les expositions de leurs principes et les instructions prétendues pastorales ont été répandues dans les provinces, ont circulé de diocèse en diocèse ; mais vous ne savez peut-être pas à quel point les lenteurs apportées par votre modération à la sanction du décret ont produit le «funeste effet de laisser séduire et exciter le clergé, en donnant un libre cours aux libelles séditieux. Vous ignorez encore que déjà quelques curés ont déclaré une résistance ouverte aux ordres des municipalités et aux arrêtés des directoires de districts. Eu lisant des instructions qui ne tendent qu’à inspirer l’inexécution de vos décrets, le désir de la paix et de l’ordre m’oblige à réclamer la prompte exécution de vos lois. Peu de personnes ignorent l’empire que la conduite des pasteurs obtient sur leurs paroissiens. Je l’ai dit plus d’une fois, les curés pourraient être les soutiens de la religion; et ne doivent-ils pas être aussi celui des lois ? Il est donc temps d’exiger des uns le silence ; il est temps défaire sortir les autres d’une inertie qui deviendrait coupable. Il est temps enfin de faire cesser l’opposition et d’inspirer la modération dans les départements et dans le peuple. Un autre motif aussi pressant pour l’exécution de votre décret, Messieurs, c’est que nous approchons du terme où les évêques sont dans l'usage de disposer, par des mandements, leurs diocésains à l’observation des lois de l’Eglise et des institutions pieuses. Il est nécessaire de les prévenir et de s’assurer, par la prestation du serment, de la manière de penser des pasteurs de campagne. D’un côté, le respect pour les opinions religieuses; de l’autre, le zèle pour la paix ne nous en font-ils pas un devoir? Je demande donc, par amendement au décret qu’a proposé hier M. Barnave, que ce soit dans le jour que M. le président se retire vers le roi. M. de Bois-Elouvray. Je m’oppose à ce qu’on ne change rien au décret d’hier.