458 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juin 1790.] dette ; il a été imprimé un aperçu très étendu; rien n’appuie donc de semblables terreurs. M. de La Rochefoucauld. Je ne discuterai pas le plan de libération que vient de proposer M. l’abbé Maury. J’observerai seulement qu’il me araît difficile que les intérêts de 2 milliards de iens puissent éteindre 7 milliards de capitaux dans l’espace de dix ans... M. l’abbé Maury. Je n’ai pas dit cela ; j’ai parlé des rentes des Suisses et des Génevois. M. de Fa Rochefoucauld. J’observe seulement que dans tout le discours de M. l’abbé Maury il n’y a pas un mot de la question qu’il s’agit de traiter. Votre comité de liquidation a annoncé qu’il se concerterait avec le comité des finances sur les articles présentés par M. l’évêque d’Autun. Il vous propose aujourd’hui un décret qui le mette en état d’exécuter les ordres que vous lui avez donnés sur la vente des domaines nationaux aux particuliers. M. Fe Chapelier. Lorsqu’on vient ici chercher à répandre tant de craintes, tant d’inquiétudes, il vaudrait mieux dire tout bonnement qu’on voudrait que les biens nationaux ne fussent pas vendus, parce qu’on espère les reprendre. Je viens à l’objet réel de la délibération, et je rappelle seulement qu’un grand nombre de particuliers a envoyé des soumissions ; que ces particuliers ne veulent pas laisser leurs fonds morts, et qu’ils demandent si on recevra leurs offres. Il est impossible de ne pas leur répondre ; il faut donc aller aux voix sur l’article proposé. Cet article n’infiue pas sur les biens qui sont mis en vente. (On ferme la discussion.) M. de FoIIeville. Je demande qu’on fixe un délai très court pour déterminer quelles seront les valeurs admises. M. de Fa Rochefoucauld. J’adopte cette proposition ; mais je remarque qu’elle ne peut faire partie de l’article, et qu’elle doit former un décret particulier. M. Malouet. Je crois indispensable de décréter dès ce moment que les porteurs des créances exigibles et des assignats seront admis de préférence aux porteurs des créances constituées. Ces derniers ont pour gage les biens de toute la nation. (La proposition de M. Malouet est ajournée.) M. Martineau. J’ai proposé un amendement qui consiste à déterminer la nature des objets dont l’Assemblée entend ordonner la conservation. Je pense qu’il faut ajouter à l’article : « à l’exception des objets réservés au roi, et des forêts » . L’article est décrété, avec l’amendement de M. Martineau, à une grande majorité. Il est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, considérant que l’aliénation des domaines nationaux est le meilleur moyen d’éteindre une grande partie de la dette publique, d’animer l’agriculture et l’industrie, et de procurer l’accroissement de la masse générale des richesses, par la division de ces biens et propriétés particulières, toujours mieux administrées, et par les facilités qu’elle donne à beaucoup de citoyens de devenir propriétaires, a décrété et décrète ce qui suit : « Tous les domaines nationaux, autresque ceux dont la jouissance aura été réservée au roi, et les forêts sur lesquelles il sera statué par un décret particulier, pourront être aliénés en vertu du présent décret, et conformément à ses dispositions; l’Assemblée nationale réservant aux assignats-monnaie leur hypothèque spéciale. » M. le Président. Vous avez renvoyé à la séance de ce jour le rapport sur l'affaire de M. de Toulouse-Lautrec, arrêté à Toulouse. Le comité des recherches est prêt à être entendu et je donne la parole à son rapporteur. M. Voidel, rapporteur (1). Messieurs, le 17 de ce mois, le procureur du roi, en la sénéchaussée de Toulouse, informé par la rumeur publique, ainsi que le porte son réquisitoire, que des étrangers qui se tenaient, depuis quelque temps, tantôt à Toulouse, tantôtà la campagne, se donnaient en secret toutes sortes de mouvements pour provoquer une insurrection, et compromettre de la manière la plus dangereuse, tant la nouvelle Constitution que la tranquillité publique qui en dépend essentiellement, et qu’ils portaient leurs menées, jusqu’à capter, par des offres d’argent, les esprits de la plupart des légionnaires, pour renforcer le parti qu’ils se flattaient déjà d’avoir à leur solde, dans la vue de s’opposer, à main armée, à la fédération qui devait avoir lieu à Toulouse, le 4 du mois prochain, et, par ce moyen, ramener les choses à l’état où elles étaient avant la nouvelle Constitution : le procureur du roi rendit plainte de ces faits et requit l’information par devant la municipalité de Toulouse. Le même jour, 17, l’information fut permise ; trois témoins assignés et entendus. De ces trois témoins, deux (le sieur Guitard, chasseur de la légion de Saint-Pierre, et Jean-Marc Clément, grenadier de la légion de la Daurade) déposèrent uniformément que s’étant rendus ce jouç-là même au château de Blagnac, chez le sieur Dutrey, Clément demanda à être introduit dans l’appartement de M. de Lautrec, sous les ordres duquel il avait servi dans le régiment de Condé, dragons, dont M. de Lautrec était alors colonel ; que tous deux furent parfaitement bien accueillis ; que la conversation s’étant engagée sur l'état des légions toulousaines, et sur la fédération projetée le 4 juillet. M. de Lautrec leur avait dit à cette occasion qu’elle était ruineuse pour le peuple réduit à la mendicité par l’enlèvement des biens du clergé et la suppression des privilèges de la noblesse, qui seuls pouvaient le faire vivre ; qu’en conséquence, il fallait empêcher cette fédération ; que M. Douziech, général de la garde nationale de Toulouse était un drôle; que si l’on voulait le nommer lui, sieur de Lautrec, il irait habiter Toulouse et renoncerait au voyage de Barèges. Guitard lui ayant dit qu’il l’avait vu à Montauban où il avait eu du désagrément, à cause du sieur de La Force avec lequel il était, M. de Lautrec répondit qu’il s’était en effet trouvé à Montauban, dans le momentdes troubles qui ont désolé cette ville ; mais qu’il y était resté très peu de temps, à cause des désagré-(1) Nous empruntons ce rapport au Journal le Point du jour (t. II, p. 228), qui l’a reproduit d’une façon plus exacte que le Moniteur.