184 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. U août 1791.] Un membre à l’extrême gauche : C’est un aristocrate ! M. E-e Chapelier. Je demande donc le renvoi de ce projet tout à fait contraire aux principes de l’Assemblée , et qui serait trop condamné par la lecture très prochaine de la superbe Constitution que vous avez décrétée. J’en demande le renvoi aux comités pour qu’ils nous proposent, non des jugements, mais des dispositions législa-ives qui puissent être appliquées par les tribunaux, suivant les formes légales, à ceux qui auront encouru des peines. ( Applaudissements .) Je demande donc que, sous le plus court délai, les comités nous rapportent une loi dans les formes. On propose de joindre le comité de Constitution... M. Ooupilleau. Et de jurisprudence criminelle. M. Ce Chapelier. Je le veux bien, et j’adopte. M. le Président. Si l’Assemblée veut délibérer sur la proposition de M. Le Chapelier, je vais la mettre aux voix. M. Diilon. Je propose que le comité ecclésiastique soit renouvelé au scrutin et que les prêtres en soient nominativement exclus. ( Murmures violents.) J’ai entendu de ses membres prêcher la révolte publiquement. M. le Président. Monsieur Diilon, je ne vous ai pas donné la parole, et je vous prie de vous tenir en silence. Je mets aux voix la proposition de M. Le Chapelier qui est le renvoi aux comités de Constitution, des rapports, des recherches, ecclésiastique et de jurisprudence criminelle, des dispositions proposées par M. Legrand. (Ce renvoi est mis aux voix et décrété.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de ce soir et de celle de demain. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPONT (DE NEMOURS), EX-PRÉSIDENT. Séance du jeudi 4 août 1791, au soir(l). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 31 juillet 1791, qui est adopté. M. Père* de Lagesse fait lecture d’une adresse des administrateurs composant le directoire du département de la Haute-Garonne. Cette adresse est ainsi conçue : « Messieurs, « Les sentiments que nous font éprouver votre courage et votre sagesse, dans un moment qui décide du sort de la patrie, sont au-dessus de toute expression; c’est dans les circonstances les plus difficiles que vous avez toujours déployé cette force, cette grandeur, cette élévation qui commandent l’admiration, même à vos plus injustes détracteurs. Dans celle-ci, vous vous êtes élevé au-dessus même de l’humanité. Vous avez arrêté votre propre puissance au moment où elle pouvait devenir formidable et anéantir la liberté. « Vous avez résisté à ces clameurs qui n’usurpent que trop souvent les droits de l’opinion publique, et qui, sans votre fermeté, entraîneraient cet Empire dans sa chute; le pouvoir souverain, délégué par le peuple, était sans frein ; il pouvait élever sur les débris du trône et d’une Constitution sage une aristocratie terrible ; vous avez donné au monde le premier exemple d’hommes qui, portés au faite du pouvoir par les circonstances, savent se prescrire eux-mêmes des bornes, et n’en faire usage que pour le bonheur public. Rome, étonnée du pouvoir qu’elle avait confié à ses décemvirs, perdit sa liberté. La France, étonnée de votre sagesse, conservera la sienne, et vous la devra deux fois. « Vous avez rempli votre mandat en constituant un gouvernement monarchique, gouvernement dont les principes ont été ignorés des peuples anciens, qui seul peut altier la liberté avec l’ordre, la tranquillité et la paix avec le commerce, l’industrie, les arts, les progrès delà civilisation et les vices qui en sont la suile, avec l’union des hommes en grandes sociétés, enfin avec la force et la puissance d’une nation, eu égard aux sociétés étrangères. Mais c’est surtout dans ce moment critique que vous avez bien mérité de la patrie, en conservant cette forme de gouvernement que vous avez établie, en opposant aux cris des factieux cette inébranlable fermeté qui vous a fait triompher de tant de dangers et de tant d'ennemis dont vous avez été sans cesse environnés pendant deux ans. « Jamais la Constitution et la liberté n’eurent de plus redoutables ennemis que ceux qui égarent le peuple, en le portant à l’amour du pouvoir, pour s’en emparer en son nom ; qui, sous le prétexte d’une liberté plus étendue, cherchent à détruire la forme de gouvernement que vos sages lois ont établie : ils mettraient l’Empire aux mains des intrigants et des factieux, toutes les convulsions de l’anarchie à la place de l’ordre et de la liberté. Les républiques grecques perdirent leurs libertés, aussitôt qu’elles perdirentcette sévérité de mœurs qui ne peut se trouver que dans des sociétés naissantes, et qui tiennent, pour ainsi dire, à la barbarie des premiers siècles. La chute de Ro me commença presque aussitôt que cette République étendit son empire au delà des portes de la ville. « Vous avez conservé la monarchie et sauvé la France deux fois, en décrétant l’inviolabilité du monarque et en maintenant ce décret dans toute son intégrité. « La royauté est une magistrature. Elle appartient à la nation avec toute son étendue et ses prérogatives. C’est un attentat national de la détruire ou de la détériorer. Elle est propre à resserrer le gouvernement, à lui donner la force et l’unité d’action, sans lesquelles un vaste empire ne peut subsister. Elle est propre à contenir, dans ses justes bornes, l’action du pouvoir législatif, qui, sans ce frein, deviendrait nécessairement tyrannique; et, sous ce rapport, la royauté est le seul garant de la liberté contre ses repré-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.