[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1790.] elle marche toujours en grand norpbre, le jour, la Huit; la nuit, lorsque vous vous reposez des fatigues de vos travaux, elle veille partout, elle doit servir de modèle à toutes les gardes nationales. M 'is si la force publique peut prévenir les é notions et les troubles, que peut-elle sur les finances? Si les finances s’écroulent, que deviendra la constitution? Irons-nous reporter à hqs commettants le désespoir et l’esclavage? 11 faut prendre à l’instant un parti; décréter (a proposition de M. Le Chapelier, celle deM, Rœderer, adopter quelques articles du projet de décret ; mais surtout prenez un parti, le salut de la France y pst attaché, (La priorité est accordée à la proposition de M. Le Chapelier, amendée par M. Rœderer.) M. Charles de Caineth. Les moyens de M. Le Chapelier sont insuffisants ; ils ne remédient à rien; ceux qui ne paient pas sont les ennemis de la Révolution, et les ennemis de la révolution sont Jes riches ; ils n’iront point aux assemblées primaires, trop sûrs de n’y recueillir aucuns suffrages. Il faut donc prendre un parti tout différent. Quand la contribution devrait être volontaire forcée, cela m’est égal ; elle sera pavée librement par les bons citoyens; elle ne sera* payée forcément que par les mauvais. Je conviens que tout ceci est fort difficile; mais ces difficultés naissent de la contribution elle-même, dont la forme n’est pas convenable; on nous l’a fait adopter de confiance dans uii moment de terreur; je ne crois pas qu’il faille, au milieu des terreurs, prendre des déterminations sur les finances. H est inutile de nqp effrayer encore aujourd’hui, en voulant nous communiquer des craintes fausses et mai fondées. Je n’imagine pas comment on peut nous effrayer sur la constitution, sur les finances, quand nous avons un superbe gage à offrir aux créanciers de l’E'at. Lorsque nous examinerons avec eux notre actif, notre passif, nous cesserons d’être effrayés; malgré les dettes dont nous sommes accablés, et que nous n’avons pas faites, je sui§ sûr que, de foutes les nations de l’Europe, il n’ep est pas une qui ait un aussi beau bilan que la France. (L’jisiemblée témoigne le désir de délibérer.) M, JLe CbupsUer-La réunion de la proposition de M* Rœderer à la mienne exige une rédaction nouvelle; on peut, dès à présent, en décréter simplement les bases ; demain on présentera la rédaction. (L'Assemblée décrète le fond de ces deux propositions.) M. le Président annonce que M. le garde des sceaux Iqi a fait parvenir les expéditions en parchemin pour être déposées daus jes archives de rassemblée nationale : 1? De lettres-patentes sur le décret du 10 de ce mois, qui autorise les anciens consuls et assesseurs d’Aix, procureurs du pays, à continuer d’adminjstrer la Provence jusqu’à Ja formation des départements ; 2° De lettres-patentes sur le décret du 13, qui autorise la ville de Gray à faire un emprunt de §0,000 livres ; 3° De lettres-patentes sur le décret du même jour, qui permet à la ville de Mouzon de faire un emprunt de 10,000 livres; 4* De lettres-patentes sur Je décret du 17, conr cernant l'aliénation à la municipalité de Paris, et à celles du royaume, de 400 millions de biens do* maniaux et ecclésiastiques. M. l’abbé Thirial, député de Château� Thierry, demande à s’absenter pendant quinze jours pour affaires urgentes. M, l’abbé Coutnrîer, député de Qhâtillon-mr-Seine, présente une requête semblable également pour quinze jours. Ces deux cbngêssont accordés sans opposition. M. le Président, La séance de demain s’ouvrira à 0 heures conformément à votre décret du 21 de ce mois. L’ordre du jour sera: 1* la suite de ja discussion du projet de décret du comité des finances sur la contribution patriotique du quart des revenus ; 2° le rapport dé§ douze commissaires aux assignats. (La séance est levée à quatre heures*) ASSEMBLÉE NATIONALE, PRÉSIDENCE DE M. ÏUB4UP DE S4INT-ÉTIENNE* Séance du 27 mars 1700, au matin (1), A l’ouYerturede la séance, il est fait lecture d’une lettre du sieur Fleury, curé de Sormery, à M. le président, par laquelle ce pasteur citoyen offre a la nation, entre les mains de ses représentants, une année du revenu de sa cure, et se dévoue, n’ayant pas d’autre ressource pour vivre, à partager avec ses paroissiens, et même à attendre de leur générosité et de leur attachement pour lui, le pain dont ils se nourrissent, et qui est, dit-il, fait avee de la farine de pois et de vesee, mêlée d'un peu d’orge. L’Assemblée décrète l’imprèssion de cette touchante adresse, dont suit Ig teneur : « Monseigneur, « Tandis que toutes les campagnes, ainsi que les villes, s’empressent, à l’envi, de manifester à la nation leur zèle par des dons patriotiques, la paroisse de Sormery, diocèse de Sens, dont i’al baptisé une partie de la jeunesse, n’a qu’un cœur et que des bras à lui offrir, mes paroissiens, même les plus aisés, ou pour mieux dire les moins pauvres, ne vivant cette année que de pain fait avec de la farine de pois et de vesce, im'lée d’un peu d’orge. Cependant ils sentent bien, avec moi, que, dans la détresse des finances, il faudrait, dans ce moment-ci, quelque chose de plus qu’un simple dévouement, et c’est pour |eqr décharge et pour la mienne quej’offre à la nation, entre vos mains tout le revenu de ma cure, estimé 1,700 livres sur le rôle des impositions des ci-devant privilégiés poqr les six derniers mois de. 1780; et quoique je ne possède plus rien au monde que ma seule curé, étantchanoinede la congrégation régulière de Sainte-Geneviève, qui vient d'être supprimée, et qui était ma seule ressource en tout temps, j’espère que mes paroissiens ne me délaisseront pas, et qu’ils voudront bien partager avec moi leur mauvais pain. Une apnée de charité pour eux, et de misère pour moi, sera bientôt passée; (f) Cette séance est incomplète au Moniteur, 364 [27 mars 1790.] {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. du reste, quoi qu'il arrive, bon patriote, j’aurai du moins la gloire d’avoir immolé, avec le plus grand plaisir, une année de mes jours sur l’autel de la patrie, dont vous. Monseigneur, et tous les représentants delà nation, êtes les respectables ministres. Je demande seulement qu’il me soit permis de retenir, de mon sacrifice, de quoi payer l’imposition de 1790, et deux années de décimes que j’avoue devoir encore ; la misère des deux dernières années m’ayant ôté entièrement, pour y satisfaire, le courage et les moyens de me faire payer de ceux à qui j’avais affermé mes dîmes. J’ai l’honneur d’être avec un profond respect, et le plus sincère dévouement à la nation, « Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur, « Fleury, curé de Sormery, arrondissement de Saint-Florentin. » « Ce 21 mars 1790. » Il est ensuite fait lecture de plusieurs adresses, dont voici l’analyse : Adresse de la nouvelle municipalité de la ville de Saint-Paul-de-Léon; elle annonce qu’elleentre dans le pacte fédératif des ci-devant Bretons et Angevins, et fait part à l’Assemblée qu’un de ses membres, M. l’abbé Expilly, a contribué de tous les efforts de son zèle à la félicité dont elle jouit, en conciliant la commune avec l’ancienne municipalité. Autre adresse de la commune de Villeneuve-le-Roi-sur-Yonne, réunie aux députés de vingt-cinq paroisses qui l’avoisinent, par laquelle ces citoyens expriment l’enthousiasme avec lequel ils ont entendu la lecture de l’adresse de l’Assemblée nationale aux Français, et l’indignation dont les a pénétrés le récit des lâches manœuvres employés par les ennemis de la Révolution pour empêcher la main bienfaisante du patriotisme de fixer le berceau de la liberté sur les ruines du despotisme et de l’aristocratie. Autre de la municipalité d’Ailly-sur-Noye, district de Montdidier, département de la Somme; elle offre en don patriotique le montant des impositions des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, formant une somme de 1,025 livres. Elle assure l’Assemblée nationale de son profond respect pour elle, et de son entière adhésion à ses sages décrets. Adresse de la garde nationale de la ville de Montbrison, qui a prêté le serment civique entre les mains des officiers municipaux, avec le plus grand zèle et la plus grande solennité. Adresse de la communauté de Saint-Maurice-des-Lyons ; elle fait don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, montant à la somme de 2,400 livres. Adresse delà ville de Saint-Dizier; elle annonce qu’indépendamment d’un don patriotique d’envi-viron 2,400 livres, fait par un citoyen de cette ville, de 37 marcs 2 onces 6 gros d’argenterie, et de 7 gros 37 grains d’or, envoyés par ses habitants à l’Assemblée, sa contribution patriotique monte à 25,225 livres. Adresse des troupes patriotiques de la campagne de Bordeaux, réunies sous les ordres de M. de Duras, généralissime des gardes nationales bordelaises et de plusieurs autres sénéchaussées; elles prient l’Assemblée d’organiser le plus tôt possible les milices nationales. Adresse de la nouvelle municipalité de Melesse, près de Rennes, par laquelle elle porte des « plaintes contre le recteur, deux curés, le juge et le procureur fiscal, qui ont refusé de prêter le serment civique, et qui mettent tout en œuvre pour subverlir la nouvelle municipalité. » Cette adresse est renvoyée au comité des rapports. M. le Président fait lecture d’une léttre de M. l’abbé Demandre, par laquelle cet artiste invite l’Assembléeà honorer de sa présence les expériences qu’il se propose de faire à côté de la salle, dans le cloître des Feuillants, des machines que l’Assemblée lui a permis de déposer en petit dans ses bureaux et même dans sa salle, pour que chacun puisse juger “par lui-même que son invention mérite le rapport favorable qui en a été lait à l’Assemblée par ses commissaires, et l’approbation qu’elle lui a donnée. M. le Président fait également part à l’Assemblée que M. Juville, chirurgien-herniaire, lui offre un traité sur les machines relatives à son art. M. le comte de Marsanne-Fontjulianne demande qu’il soit fait un rapport incessamment, par le comité des domaines, sur la restitution des biens des religionnaires fugitifs qui avaient été mis en régie. L’Assemblée place cette affaire à son ordre du jour de ce soir. M. le Chapelier donne lecture de la rédaction des articles dont les bases ont été décrétées hier , relativement à la contribution patriotique. La discussion s’engage sur cette rédaction. M. Martineau. M. Bouche ayant déjà proposé de soumettre à la contribution patriotique le produit de l’industrie, l’Assemblée décida qu’il n’y avait pas lieu à délibérer : sans doute, elle fut frappée de l’injustice que présentait une semblable idée. Le produit industriel peut cesser momentanément; l’incertitude de sa durée le met hors de la classe du revenu sur lequel doit porter la contribution. L’artisan, le portefaix, le colon partiaire ne retirent, pour la plupart, de leur travail, qu’une subsistance journalière; le négociant ne doit que l’intérêt légal de son fonds; il ne pourrait faire une évaluation exacte du surplus : le bénéfice d’une année supporte les pertes du passé et même celles de l’avenir. Que tous les rentiers, que tous tous les propriétaires, que tous les créanciers de l’Etat fassent des déclarations fidèles, et la contribution patriotique s’élèvera au delà même de vos espérances. M. Bouche. La question dont il s’agit a été enveloppée dans une question préalable, invoquée contre un grand nombre d’amendements qui embarrassaient une délibération importante. La proposition renouvelée par M. Martineau n’a donc pas été particulièrement rejetée. Si le système du préopinant était adopté, les deux tiers du royaume ne contribueraient pas et, au lieu de 720 millions, on en aurait à peine 250. Les médecins, les avocats, les procureurs, etc., ne paieraient pas, et se trouveraient libres de se soustraire a leurs devoirs de citoyens. M. lie Chapelier. Personne ne respecte plus que moi l’industrie ; mais l’Assemblée ne doit pas faire à cette classe respectable l’injure d’une