f Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 18 août 1791.1 863 roi, les relations indispensables du Corps législatif avec le roi, font les matières des quatre sections dont ce chapitre est composé. Il n’expose pas seulement les droits et l’action propre du Corps législatif, mais encore l’action et les droits correspondants du roi dans les points de contact établis par la Constitution. Le chapitre IV traite de Y exercice du pouvoir exécutif. Les fonctions déléguées au roi comme chef suprême du pouvoir exécutif sont d’abord énumérées; ensuite les dispositions relatives à la promulgation des lois, à l’administration intérieure, à l’institution des administrateurs électifs, que la Constitution établit agents du pouvoir exécutif et aux relations extérieures de l’Etat, sont distribuées dans trois sections. Enfin le chapitre V, traitant du pouvoir judiciaire, termine et complète ce titre III, qui embrasse la matière de la division des pouvoirs publics, de leur organisation et de la délégation des fonctions attribuées à chacun. Vient ensuite dans le titre IV la force publique , ressort nécessaire de tout gouvernement, pour défendre l’Etat contre les ennemis du dehors, pour assurer au dedans le maintien de l’ordre, pour garantir l’exécution de tous les actes légitimes émanés des pouvoirs constitués ; et dans le titre V, les contributions publiques, qui font la mise que la raison et l’intérêt personnel obligent tout actionnaire d’une société politique de mettre en masse commune, s’il veut que l’association soit en état de produire les avantages qu’il en entend retirer. Le titre VI et dernier établit d’une manière noble, généreuse, et digne d’un grand peuple, les rapports de la nation française avec les étrangers. En terminant cette exposition du plan de notre travail, je dirai seulement qu’après de sérieuses méditations, et deux essais faits séparément, sans communication, et rapprochés ensuite, cette ordonnance, cette distribution des matières ont paru à vos comités présenter la combinaison la plus favorable pour former de toutes les parties de la Constitution un ensemble imposant, et en classer méthodiquement les détails. Quant au triage des décrets, et à la distinction de ceux qui doivent entrer dans l'acte constitutionnel, ou qui doivent en être écartés, il est indubitable que si on ne portait pas dans ce travail une grande sévérité de jugement, on tomberait dans un arbitraire aussi étendu que les différents esprits ont de manières diverses d’envisager la Constitution, et d’être affectés de chacun des accessoires qui s’y rapportent plus ou moins directement. Les comités se sont trouvés pressés en sens contraire, d’une part, par ceux qui ne voulant admettre dans l’acte constitutionnel que ce qui forme la substance la plus essentielle de la Constitution, croient qu’elle pouvait être pleinement rédigée en 40 ou 50 articles; d’autre part, par ceux qui, voyant la Constitution, jusque, dans les moyens les plus variables d’en remplir l’esprit et d’en réaliser les données, voudraient rendre permanentes des dispositions dont la modification pourra être commandée par le temps, et exécutée sans altérer l’essence de la Gomtiiutiou. Nous ne nous sommes pas dissimulé tout ce que la première opinion a de réel et d’avantageux. Il est très vrai qu’une Constitution se compose d’un petit nombre de règles fondamentales; l’exemple de toutes celles qui ont été écrites jusqu’ici, le démontre; et il y a un grand intérêt public à prévenir le retour trop prompt ou trop fréquent du pouvoir constituant, en abandonnant à la sagesse des législatures tout ce qui peut varier sans changer la nature du gouvernement. Sous ces rapports, le défaut du projet que nous vous présentons, serait celui d’une trop grande prolixité. Nous avons considéré que l’Assemblée ne s’étant pas bornée à poser les bases nues de la Constitution, il se trouve dans le travail qu’elle a fait des développements et quelques conséquences déjà déduites des principes, qui méritent, par leur importance, d’être incorporées à la Constitution. Après avoir réuni toutes les dispositions fondamentales qui auraient pu rigoureusement suffire pour former une Constitution, nous avons encore recueilli celles de ces conséquences immédiates qui sont tellement saines en principes, tellement bonnes dans la pratique, et si clairement susceptibles d’une exécution facile et durable, qu’on ne doit pas craindre que le besoin de les changer se fasse sentir prochainement. Mais si, après avoir bien défini, bien divisé les pouvoirs, bien assigné à chacun l’étendue et les limites de sou activité, constitué électif tout ce qu’il appartient au peuple de nommer, et temporaire tout ce qui ne doit pas être délégué à vie, nous voulions rendre permanentes d’autres modifications moins essentielles, que nous croyons bonnes, mais qui pourraient ne pas soutenir l’épreuve de l’expérience, ou qui, bonnes momentanément, peuvent cesser de l’être avec le temps, nous passerions le but que la sagesse nous prescrit. Nous mettrions la nation dans la nécessité, ou de rappeler fréquemment le pouvoir constituant , dont la présence produit inévitablement un état de crise politique, ou d’approuver que les législatures , tentées de toucher à �Constitution, consommassent cette entreprise subversive. Cette considération , la plus impérieuse de toutes, doit dominer sans cesse dans tout le' cours de la discussion qui va s’ouvrir. Pour régler l’ordre du travail, j’ai Phonneur de proposer à l’Assemblée de délibérer d'abord sur l’admission du plan en masse tel qu’il lui est proposé pour la distribution des grandes parties des matières, sauf les augmentations ou les retranchements dont chaque partie pourra se trouver susceptible par le jugement qu’elle portera d’après le produit de la discussion. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. le Président. Avant de consulter l’Asseip-blée sur la proposition de M. le rapporteur, je dois le prévenir que plusieurs mémbrps mrqnt demandé la parole : les uns sur l’ensemble du travail, les autres sur la déclaration des drpits ; d’autres, enfin, sur les divers titres du plan. M. Thouret, rapporteur. Il ne peut y avoir d’équivoque sur l’objet de ma motion : Je ne propose actuellement de délibérer que sur l’ordre du classement et de la distribution des matières. M. lie Chapelier. Il me semble qu’avant de mettre aux voix la proposition de M. le rapporteur, il faut entendre ceux qui ont de-maudé la parole et veulent parler sur l’ensemble du travail ; car c’est précisément cette disposition qui peut amener une proposition contradictoire à celle que M. le rapporteur vient de faire. Je demande donc que ceux 264 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |8 août 1791.] qui sont inscrits pour parler sur l’ensemble du travail, aient la parole sur-le-champ. ( Marques d'assentiment .) M. le Président. En ce cas, la parole est à M. Malouet. (Murmures.) Je crois inutile de rappeler à l’Assemblée que iamais matière n’a exigé une attention plus grande et un silence plus profond, et j’observe à M. Malouet qu’il n’a la parole que sur la distribution du travail proposé. M. Malouet. Messieurs, vous avez ordonné une révision de la Constitution. Je commence par déclarer que, quelle que soit la Constitution arrêtée, S obéirai fidèlement; c’est mon devoir de citoyen. ais si la nation tout entière était dans cet instant assemblée pour entendre la lecture de la Charte constitutionnelle, chaque Français aurait le droit de nous dire : J’accepte, je rejette, je blâme telle disposition. Nous ne connaissons encore que partiellement les différents décrets constitutionnels; c’est pour la première fois que nous pouvons les juger dans leur ensemble. Je ne me dissimulerai point que l’ avis de l’Assemblée est arrêté sur les principaux points. Je ne me dissimule point que c’est offenser l’opinion dominante ..... ( Murmures ) ; que c’t st offenser l’opinion dominante que de la contredire. Mais je ne dois vis-à-vis de vous, ni de mes concitoyens, porter le blâme de mon improbation sans vous en soumettre pour la dernière fois les motifs. Assurément, Messieurs, si la Constitution peut tenir tout ce gu’elle promet, elle n’aura pas de plus zélé partisan que moi, car je ne connais rien au-dessus de la parfaite liberté, que l’égalité absolue; mais, quand j’examine la déclaration des droits, et ce qu’elle a produit, i’y vois une source désastreuse de maux pour le commun des hommes. Je vois les hommes simples et grossiers dangereusement égarés par cette déclaration, à laquelle vous dérogez immédiatement par votre Constitution, puisque vous avez cru devoir reconnaître et établir la différence des talents. Je ne pense pas que pour le boaheur commun, que pour la liberté, la sûreté de tous, vous lui ayiez donné l’exécution qu’elle doit avoir. Nous voyons que les législateurs anciens, quiontpresque tous été très sages, ont reconnu la nécessité d’une subordination morale, d’une classe, d’une profession à une autre. Si cependant, en ne voulant arracher que les préjugés de l’orgueil du pouvoir, vous portez la hache sur les racines de la propriété, ae la sociabilité, si ceiix auxquels la liberté ne suffira plus s’enivrent de l’indépendance, qu’elle force de répression ne faudra-t-il pas aux magistrats et aux lois, pour maintenir l’homme dans cette multitude immense de nouveaux fers. C’est dans les pouvoirs délégués, c’est dans leur distribution, leur force, leur dépendance, leur équilibre, qu’il faut chercher la garantie des droits naturels et civils, que vous assurez par le premier titre à tous les citoyens. Ces dispositions fondamentales ne doivent rien laisser àidé-sirer. Chacun doit dire en les lisant : Voilà mon vœu exprimé, voyons comment il sera exécuté. L’expérience nous prouve qu’un droit reconnu n’est rien s’il n’est mis sous la sauvegarde d’une rotection immédiate et sûre. Une seconde leçon e l’expérience et de la raison, et infiniment plus précieuse et plus utile aux hommes, est la sûreté et la libre disposition de leur personne et de leur propriété. C’est là le bien solide, le bonheur de tous les instants, et le but principal de toute association. Il résulte de cette vérité qu’un gouvernement ne peut être regardé comme parfaitement libre, sage et stable, qu’autant qu’il est combiné non sur la plus grande liberté politique, mais sur la plus grande sûreté et liberté des personnes et des propriétés. Quel a été votre premier objet dans l’organisation et la distribution des pouvoirs? la plus grande extension possible de la liberté politique, sauf à y attacher ce qui est souvent inconciliable, la plus grande sûreté possible des personnes et des propriétés. Vous avez voulu, par une marche rétrograde de vingt siècles, rapprocher le peuple de la souveraineté, et vous lui en donnez continuellement la tentation sans lui en confier immédiatement l’exercice. Permettez-moi de le dire, je ne crois pas cette vue saine. Ce fut la première qui se développa dans les institutions politiques et dans les petites démocraties. Mais, à mesure que les lumières se sont répandues, vous avez vu tous les législateurs et les politiques bien séparer l’exercice de la souveraineté de son principe, de telle manière que le peuple, qui en produit les éléments, ne les retrouve plus que dans une représentation sensible et imposante qui lui imprime l’obéissance. Si donc vous vous bornez à dire que le principe de la souveraineté est dans le peuple, ce serait une idée juste. Il faudrait encore se bâter de le fixer en déléguant immédiatement le principe de la souveraineté. Mais en disant que la souveraineté appartient au peuple et en ne déléguant que des pouvoirs, l’énonciation du principe est aussi fausse que dangereuse. Les assemblées primaires ne peuvent rien saisir de ce que vous déclarez lui appartenir; vous lui défendez même de délibérer. Elle est dangereuse, car il est difficile dans l’état de sujet, celui auquel vous avez dit sans cesse : tu es souverain ; ainsi dans l’impétuosité des passions (Murmures), il s’emparera toujours du principe en rejetant les conséquences. Tel est donc le premier vice, à mon avis, de la Constitution, d’avoir placé la souveraineté en abstraction. Par là vous affaiblissez les pouvoirs suprêmes qui ne sont efficaces qu’autant qu’ils sont liés à une reconnaissance sensible, et soutenues de la responsabilité dans la qualité du sujet, et qui, par les dépendances où vous les avez mis, prennent en réalité dans l’opinion du peuple un caractère subalterne. Cette combinaison, qui paraît à l’avantage du peuple, est tout à son détriment, car elle le trompe dans ses prétentions et ses devoirs. Dans ce genre, les écarts de la multitude sont bien redoutables pour la sûreté et la tranquillité individuelle. Il n’en serait pas de même si, voulant constituer une monarchie, après avoir reconnu, constaté le principe de la souveraineté, l’exercice en était délégué au Corps législatif et au roi. Cette disposition générale me paraît indispensable à déclarer. M. lie Chapelier. Je demande à dire un mot d’ordre. J’étais bien loin de m’attendre, après avoir demandé que la discussion s’ouvrît sur l’ensemble du plan, que la question telle qu’elle était posée, allait amener une critique de la Constitution, et j’avoue que je m’attendais à la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1791. J CJ65 critique du plan que nous avons suivi. Il ne me semble pas possible en effet de permettre une discussion sur la Constitution même; car, certes, nul ne doit avoir la pensée de la changer et toute discussion qui tendrait à ce but doit être interdite. Nous n’avons jamais entendu, par la révision, le changement de la Constitution ; ceux mêmes qui prétendent l’altérer ne voudraient pas nous attribuer la puissance de faire un changement dans la forme du gouvernement monarchique. Nous n’avons clans ce moment qu’à metire dans l’ordre le plus clair et le plus méthodique les décrets constitutionnels rendus après de longues discussions. C’est sur cette proposition que je demande que l’Assemblée aille aux voix et que l’on interdise toute critique générale. ( Applaudissements à gauche.) Les critiques partielles qui pourraient être faites sur tel ou tel mot, sur telle au telle disposition accessoire, même sur disposition principale qui pourrait être modifiée ou changée, si on y connaissait une grande utilité : [ toutes ces observations-là doivent venir dans le cours de la discussion. (. Applaudissements à gauche.) M. le Président. Messieurs, vous venez d’entendre la proposition de M. Le Chapelier. M. Malouet. Permettez-moi de répondre, Monsieur le Président. Je n’ai pu douter qu’au moment où il s’agissait d’arrêter la charte constitutionnelle... Plusieurs membres à gauche : L’acte ! l’acte ! M. Malouet. Hé bien, l’acte, comme vous voudrez, présenté pour la première fois dans son ensemble, le droitde chaque membre de l’Assemblée ne fût pas en cet instant d’exposer son avis général sur cet acte général. Il est impossible d’exposer des idées générales sur un acte de cette importance sans en examiner les dispositions. Je ne parle pas du serment auquel je vais être tenu comme sujet, et auquel, certes, je ne me refuserai pas ; mais de celui auquel je pourrais être tenu comme représentant, et auquel je me refuserais comme mandataire du peuple. Il est impossible que je le prête, si vous ne me permettez pas de faire mes efforts pour que la Constitution soit ce que je crois qu’elle doit être. Plusieurs membres : C’est fait. (Murmures.) M. Malouet. Je réponds à M.Le Chapelier que nous avons été envoyés pour faire une Constitution libre et monarchique. (Murmures.) Plusieurs membres : Elle est faite î Elle est faite ! M. Malouet. Si l’Assemblée ne veut pas m’entendre, je me range désormais dans la classe de ceux qui obéiront en silence, car certainement c’était pour la dernière fois que je me proposais de parler sur la Constitution. Je me borne à déclarer que je ne saurais, comme mandataire du peuple, donner mon suffrage à la charte consti-tutionnellle qui nous est soumise... (Rires ironiques à gauche.) Je me borne à demander que la délibération se termine par un appel nominal, et à demander aussi que l’Assemblee accélère les mes ;res qui peuvent assurer la plus parfaite liberté du roi. Si l’Assemblée veut me permettre de continuer, je vais achever mon opinion. (Murmures.) M. Buzot. Le préopinant voudrait faire croire qu’on lui ôte la parole sur le projet présenté par le comité. Il se trompe : on lui donne la parole sur la question telle qu’elle a été présentée. Le comité de révision n’était point chargé de changer les décrets constitutionnels établis par l’Assemblée. La Constitution est faite ; il ne s’agit dans ce moment que de classer, d’une part, les divers décrets constitutionnels, et, de l’autre, de voir si tel ou tel article doit y être compris ou si on en doit ajouter d’autres. Ainsi le discours apprêté que le préopinant vient de faire à l’Assemblée ne peut pas être entendu. M.ÜIalouet. Jedemandeun décret; cela fin ira tout de suite. M. Buzot. Je demande donc que le préopinant se borne lui-même à la question de savoir si l’Assemblée approuve ou non l’ordonnance des matières. Et sur sa demande inconsidérée, je demande l’ordre du jour et qu’il soit rappelé pré cisément au véritable état de la question. A gauche : Aux voix ! aux voix ! M. Malouet. Je ne saurais m’en tenir au classement des matières, lorsque j’ai tant de choses que je crois importantes à dire sur le fond. (Rires ironiques à gauche.) Si l’Assemblée refuse de m’entendre sur la masse du travail, je renonce à la parole sur le classement des décrets. (Il descend de la tribune.) _ A gauche : Aux voix ! aux voix! M. Madier de Agontjau.Nous ne'sotnmes pas ici pour arranger des matières. Je m’en rapporterais aussi bien à M. Baudoin (1) qu’à vous pour ce travail. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau. Je crois que c’est par un malentendu que l’Assemblée vient de perdre près d’une heure d’un temps qui lui est infiniment précieux. Certainement l’intention de l’Assemblée et de chacun de nous en particulier est queM. Malouet et que tous les autres membres qui voudront nous éclairer sur ces importantes questions, soient entendus aussi longtemps qu’ils le désireront (Murmures); mais en même temps, l’intention de l’Assemblée est de prendre une méthode qui puisse lui amener dans le moins de temps possible le plus de lumière qu’il sera possible de réunir, et ce n’est pas en attaquant successivement la déclaration des droits, la division des pouvoirs ou divers autres articles de la Constitntion qu’on, pourrait y parvenir. Lorsque l’ordre du travail sera une fois fixé et déterminé. M. Malouet et tous les autres membres pourront être entendus sur chacun des articles. Plusieurs membres à gauche : Non! non! M. Le Pelletier-Saint-Fargeau. Je conclus à ce qu’on aille aux voix sur la proposition du comité et à ce que l’on adopte le mode de discussion que vient de nous exposer M. Le Chapelier. (1) M. Baudoin était l’imprimeur jde l’Assemblée nationale. 266 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 août 1791.] M. Duval d’Eprémesnil. Mon intention est de me soumettre très religieusement à l’ordre établi par l’Assemblée pour la discussion de l’acte constitutionnel; mais, pour m’y soumettre, il faut bien s’entendre et je dois m’assurer cjue je l’ai bien saisi. Il me semble que l’intention du comité, appuyée par plusieurs préopinants, est de distinguer, relativement à la parole, la méthode adoptée par le comité, d’une part, et la nature des décrets rassemblés dans l’acte constitutionnel de l’autre. Je crois qu’on pourrait réduire la question à ceci : La méthode adoptée par les comités de Constitution et de révision est-elle bonne? Les décrets rassemblés dans l’acte constitutionnel sont-ils véritablement constitutionnels y (Murmures et approbations.) Il ne s’agit pas de savoir si tel décret est ou n’est pas bon, s'il est ou n’est pas utile à la chose publique : on prétend la constitution décidée ; il faut donc se réduire à demander si ce décret est ou n’est pas réellement Constitutionnel et si on ne peut pas ajouter aux décrets qui sont déjà rangés dans l’acte constitutionnel quelque antre décret qui aurait été omis. {Applaudissements à gauche.) Ces dispositions étant bien entendues, je ne m'en écarterai pas, mais je crains qu’on né me retire les applaudissements que je viens d’entendre. Je ne désapprouverai rien, mais nous nous croirions indignes de l’estime des gens de bien, si nous n’avions pas la courageuse probité de vous déclarer d’avance que nous persistons dans toutes nos précédentes déclarations. ( Rires à gauche .) Les membres de l'extrémité droite se levant : Oui! oui! M. La vie. Tant mieux ! l’improbation des méchants est une apologie pour nous. M. Duval d’Epréracsnil. Oui ! nous persistons dans nos précédentes déclarations pt protestations au sujet des entreprises pratiquées depuis deux ans sur l’autorité royale... A gauche : fît sur celle des parlements, M. Duval d’Eprémesnil... et sur les principes constitutifs de la monarchie française. {Applaudissements à droite .) MM. l’abbé Maury, Madier de lion tj au Foucatilt-Eardimalie, de l’audreuil, et plusieurs autres membres de l'extrémité droite se lèvent en déclarant qu’ils partagent l’opinion dp M. Duval d’Eprémesnil. {Rires à gauche. Applaudissements à droite.) 4 gauche : 4 l’ordre du jour! M. Robespierre. L’objet de la délibération n’étant point de changer ni d’altérer la Constitution d’aucune manière, mais au contraire de la déclarer et de la déterminer d’une manière nette... M. La vie. La question étant connue, je demande que l’on passe à la délibération. M. Robespierre... pour accélérer la délibération, il faut, ce me semble, qu’il soit bien établi que la délibération a pour objet non seulement d’examiner si, tel ou tel article est ou non constitutionnel, mais encore de regarder comme constitutionnel tout article qui est relatif à la distribution des pouvoirs et qui fixe la forme du gouvernement. Plusieurs membres : L’ordre du jour ! M. La vie. Ce sont des phrases que cela. M. Treilhard. La motion est faite de passer à l’ordre du jour. Monsieur le Président, mettez-là aux voix, tout le monde la demande. M. Robespierre. Je demande que l’on discute le projet sous ce point de vue. M. Malouel. J’insiste pour continuer mon opinion (l). A gauche : L’ordre du jour! aux voix! aux voix ! M. Malouet. Je demande la parole, du moment qu’il n’y a pas de décret prononcé pour mel’ôter. A gauche : Aux voix ! aux voix ! M. Malouet. Un décret! un décret! M-le Président. Vous avez entendu, Messieurs, la proposition de M. Le Chapelier; à l’exception de M. Malouet, elle a été appuyée par tous les opinants, même par M. d’Eprëmesnil. {Rires à gauche.) M. Duval d’Eprémesnil. Je ne l’ai pas appuyée. M. le Président. Je vais mettre aux voix si l’Assemblée veut adopter l’ordre des matières, la distribution des parties du travail des comités. A gauche : Oui! oui! A droite : Point de voix ! (L’Assemblée, consultée, adopte l’ordonnance générale du travail et la distribution des matières présentées par les comités de Constitution et de révision, et elle ordonne de passer immédiatement à l’examen et à la discussion du projet.) M. le Président. Il résulte du décret que l’Assemblée vient de rendre, que la discussion est dans le cas d’être ouverte sur le commencement du travail, c’est-à-dire sur la disposition des articles qui composent la déclaration des droits. M. Thouret, rapporteur. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen est en tête de notre travail. Elle y est exactement telle qu’elle a été décrétée. Les comités n’ont pas cru qu’il leur fût permis de vous proposer d’y faire aucun changement. Ils croient même qu’il ne serait pas bon qu’il y fût fait aucun changement. Cette déclaration a, en quelque sorte, acquis un caractère sacré et religieux. Elle est depuis deux ans devenue le symbole de tous les Français, elle est imprimée dans tous les formats ; elle se trouve en placards dans tous les lieux publics et jusque dans les habitations des habitants d< s campagnes ; elle a servi et sert à apprendre à lire aux (1) Voir ci-après, aux Annexes de la séance, le texte complet de cette opinion, imprimée par les soins de M. Malouet.