[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1790.) qu’elles soient reprises au civil, pour laisser le recours aux parties lésées. M. Males demande qu’on rende un décret générai, puisque plusieurs départements sont dans une situation semblable à la ci-devant province de Bretagne. M. Rewbell s’oppose à ce qu’on s’écarte de la motion de M. Le Chapelier et représente que les circonstances particulières à la Bretagne ne sont pas communes aux départements de la Corrèze et du Loiret. On demande à aller aux voix. La motion deM. Le Chapelier est décrétée ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, informée par un de ses membres, des procédures criminelles qui s’instruisent dans les départements de l’llle-et-Vilaine, de la Loire-Inférieure, du Morbihan et autres de la ci-devant province de Bretagne, à l’occasion des troubles, dégâts et voies de fait qui ont eu heu il y a quelques mois dans les campagnes situées dans ces départements; « Considérant que ces insurrections et voies de fait très condamnables ont été partout le fruit d’un égarement momentané, et même, dans quel-ues endroits, l’effet de la supposition coupable e prétendus décrets de l’Assemblée nationale et d’ordres du roi, auxquels la simplicité des habitants des campagnes leur a fait ajouter foi, quelque incroyables qu’ils fussent ; « Considérant, en outre, que le zèle des municipalités et des administrations de département et de district, leur attention à instruire les habitants des campagnes des décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et à les leur expliquer, empêcheront ces insurrections et voies de fait de se reproduire, lesquelles ne pourraient renaître qu’au grand péril de ceux qui s’en rendraient coupables, parce qu’ils seraient punis avec toute la sévérité des lois ; « Décrète que le Président se retirera vers le roi, pour le prier de donner des ordres afin que les procédures criminelles qui s’instruisent dans les départements de l’Ille-et-Vilaine, delà Loire-Inférieure et du Morbihan, à l’occasion des dégâts et voies de fait commis dans quelques paroisses desdits départements, soient regardées comme non-avenues ; et que les personnes emprisonnées à raison de ces procédures soient mises en liberté, réservant à ceux qui ont pu souffrir quelques dommages de ces insurrections et voies de fait, la faculté de se pourvoir par une procédure civile, pour obtenir des dédommagements et réparations qui leur seraient dus, et à se servir comme d’enquêtes des informations faites sur leurs plaintes ou sur celles des officiers exerçant le ministère public dans ces paroisses. » Des citoyens de la ville de Saint-Maixent, département des Deux-Sèvres, font lecture d’uue adresse de félicitation, remercîment et adhésion : Dans un moment où tout paraît s’armer contre la liberté, ils déclarent renouveler, entre les mains de l’Assemblée, le serment civique qu’ils ont déjà fait au pied des autels. Le sieur Allard, maire et député de la ville et du district de Partheuay, même département, présente à l’Assemblée l’hommage des électeurs du district, et une pétition relative à la fixation du chef-lieu 4u département. Gette pétition est I renvoyée au comité de -Constitution. 623 M. le {président répond : « Le nouveau régime ne peut être utile à la natiou, elle ne peut reprendre sa première splendeur, qu’autant que les administrateurs des départements et districts feront tous leurs efforts pour seconder ses travaux, en faisant respecter les lois, payer les impôts, et maintiendront partout le bon ordre et la paix qui en est la suite. « L’Assemblée reçoit avec satisfaction l’expression de vos sentiments et votre adhésion à ses décrets. » Une députation des naturalistes est admise à la barre et présente l’adresse suivante : « Messieurs, une association de presque tous les naturalistes qui se trouvent actuellement à Paris a formé le projet d’élever, par une souscription volontaire, des monuments aux savants, qui, par leurs travaux et leurs succès, ont accéléré les progrès de l’histoire naturelle, en ont répandu le goût et fait connaître le véritable prix. Si ce projet se bornait à cette sorte d’apothéose, ceux qui l’ont formé seraient sûrs d’obtenir votre approbation, Messieurs, non à titre de législateurs, mais comme amis des hommes, et conséquemment de l’instruction; mais ils viennent de plus vous demander la permission de placer les bustes des grands hommes, dont ils veulent honorer la mémoire, au jardin public des plantes, établissement que nous désirons tous voir devenir national ; c’est-à-dire à l’abri de toute influence étrangère à la vôtre. Ils se concerteront, d’ailleurs, pour tout ce qu’ils se proposeraient de faire, avec les personnes chargées d’administrer ce lieu d’enseignement public. « Notre association s’est restreinte à donner un témoignage authentique de son admiration aux seuls grands hommes qui ont illustré la science, objet des recherches de ses membres ; science dont le nom de Buffon, en France, comme celui de Linnœus, chez toutes les autres nations de l’Europe, ferait sentir Je prix, si elle n’en recevait un plus grand encore de ses rapports avec l’agriculture et tous les arts utiles. Le naturaliste le plus digne de nos hommages, et conséquemment celui en l’honneur de qui le premier buste sera élevé, est ce même Linnœus, à qui le roi de Suède avait donné le nom de Linné , pour l’anoblir, et à qui nous, Français, libres, avons rendu celui de Linnœus , pour l’honorer davantage. « Qu’on ne s’étonne point de nous voir décerner les premiers honneurs de ce genre, à ce grand homme ; il a créé une nouvelle langue pour l’histoire naturelle, il a jeté un nouveau jour sur toutes les parties de cette science, et a déchiré ainsi un coin du voile dont la nature qui aime à se montrer, a toujours été, malgré elle, couverte par l’ignorance. Aucun titre n’a manqué à sa gloire; il a éprouvé des obstacles, des persécu-cutions de tout genre ; mais tel est le sort de tous ceux qui cherchent à répandre l’instruction : tel est aussi le sort de ceux qui s’occupent des grands objets de la chose publique ; car vous le savez mieux que personne, Messieurs, on ne travaille pas impunément au bonheur de l’humanité. « Il est temps que les savants paisibles, qui ont contribué si efficacement à i’améhoration de l’espèce humaine, soient offerts, par leurs disciples, à la vénération des siècles à venir et que notre postérité, à l’aspect des monuments que la génération présente lui aura transmis, puisse dire de nous : « ils connurent la vraie félicité ; ils 624 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1790.] eurent peu de héros, beaucoup de philosophes, et furent encore plus heureux en législateurs. « Arrêtéau Jardin des plantes, le 30 juillet 1190. «Louis Bosc, ci-devant d’Anlic, président ; Ser-villiers; Buisson ; Broussonet; Gely; Pelletier; Jacquin ; Alexandre Miche; Lenoir ; Bayen ; Marin; Donadei ; d’Andrada ; Daca-mara; Lamarck; Fagozo; Faujay; Lacepède; A. -F. Gouin; Jean-Claude Vincent ; Giroud ; Dujonquau; Gruvel; Godon ; Laurent; du Picrv, Michauî, Ghr. Girtanner; L. Richard; Riche; Beaurain ; Hédouin; Bevot; Redouté; Thuillier ; Mallet, fils ; Fourcroy ; Boutteron; René Geoffroy; Bouttdlon ; Boureau; Bou-reau père; Defrousseanx ; Guillot; Jean-Gabriel Gai lot, D. M. ; Guilbert fils ; L. Reynier ; Noë-Gabriel Gai lot ; Deschamps fils; Robin ; Jupuis ; Hapenfratz ; Sumonneau fils; Guérin; Duhamel; Troussel des Grouse, maire de Mantes: E. Reynier; E. Delessert; Vilmorin; Jean Thouin; Desfontaines; Louis Miliin; secrétaire; Mallet père; Guillot; Duhamel; J.-G. Dtdametherie; Lefebvre; Gigot; J. -P. Saurine, député à V Assemblée nationale ; Groteste; Barrois; F. Lanthenas, û. M. ; J. Forster; Vallant ; Sage; Bayen; Desève; Léré; Parmentier; Lelièvre; Bulliard ; A. Richard, de l’Académie royale d'Orléans; Damand; Olivier ; Dauphinot, avocat auPar-lement ; J.-B. Taillaud; B. Manuel; Otcher; Grégoire, député ; G. Routine. » M. le Président répond : « Messieurs, la science que vous cultivez réunit tous les genres d'intérêt ; le philosophe et le laboureur, le savant et l’artiste s’y livrent avec la même ardeur comme avec la même utilité. Ceux qui, par la constance de leurs travaux et la force de leur esprit, ont surpris le secret de la nature, et nous ont fait connaître ses procédés, ont des droits éternels à la reconnaissance des nations, et le monde entier est leur patrie. L’hommage que vous vous proposez de rendre à leur mémoire, illustrera ceux qui en conçurent l’idée comme ceux qui en seront l’objet. « Les noms de Bulfon et Linnœus survivront aux monuments que vous leur destinez ; mais ceux qui ont tant aimé leurs ouvrages aimeront à se retracer leurs traits, et nul emplacement, sans doute, ne peut mieux convenir à leurs bustes, que le théâtre de leur gloire. « L’Assemblée nationale n’a rien statué encore sur l’administration du Jardin royal des plantes; elle voit avec intérêt parmi vous* ceux à qui cet établissement doit l’ordre que l’on y admire : le libre hommage que vous venez lui rendre, est digne de lui plaire et de l’interesser; elle vous permet, Messieurs, d’assister à sa séance. » M. Payen, député d’Artois, demande et obtient un congé de quinze jours pour affaires de famille. L’ordre du jour est un rapport du comité militaire sur la réclamation de M. Moreton-Chabril-lan. M.de Menou, rapporteur. Jacques-Henri More-ton-Ghabiillau fut fait colonel du régiment d’infanterie de laFère en 1785. II étaità celte époque capitaine des gardes de Monsieur, frère du roi ; il avait fait deux campagnes de guerre et le siège de Gibraltar. Le 24 juin 1788, M. de Moreton fut destitué du commandement de son régiment par une simple lettre de M. de Brienne, aiors ministre de la guerre. M. de Moreton réclama aussitôt contre cette destitution arbitraire : il écrivit à M. de Brienne, à M. le cardinal de Brienne, son fi ère, enfin il se détermina à présenter au roi un mémoire justificatif, à la fin duquel il suppliait Sa Majesté de lui rendre son régiment, ou de le faire juger par un tribunal légal, et punir selon la rigueur des lois, s’il était coupable de quelque délit. Cette démarche n’eut pas de succès. Monsieur, frère du roi, s’intéressa à la réclamation de son capitaine des gardes ; cette bonté de sa part fut infructueuse. Au mois d’octobre 1788, M. de Moreton, espérant toujours que la justice qu’il réclamait lui serait rendue, ht le dépôt de toutes les pièces ci-dessus à l’étude de M® Broron, procureur au parlement, ainsi que delà protestation contre sa destitution arbitraire. Enfin, M. de Moreton se détermina à présenter ses réclamations à tous les bailliages du royaume assemblés pour faire leurs cahiers et nommer leurs députés aux Etats généraux, ainsi qu’aux assemblées d’éleciions de Paris. Il écrivit en môme temps à Monsieur, frère du roi, auquel, par respect, il crut devoir soumettre sa conduite, et déposa ces nouvelles pièces chez le même officier public, en renouvelant ses protestations. Une grande partie des cahiers des bailliages contient des articles sur les d stitu lions, et plu>ieurs, notamment celui de Paris, fout une mention expresse de M. de Moreton. D’après les faits énoncés ci-dessus et les pièces à l’appui, il résulte : 1° que la destitution de M.de Moreton a été entièrement arbitraire ; 2° qu’il n’a cessé de réclamer contre cette injustice , 3° que l’opinion de presque tous les officiers supérieurs de l’armée, que celle des Etats du Dauphine, que celle d'une grande partie des baildagesdu ro\aume a été en sa faveur ; 4° que M. de Boyer ri’a accepté le régiment de la Fère, que comme un dépôt qu’il était prêt à rendre ; 5° que M. de Moreton n’a ïamais donné sa démission, et n’a pas reçu 50, 0Ü0 écus de la finance de son régiment, qui auraient dû lui rentrer, si sa destitution avait été légale et consentie par lui. Votre opinion, Messieurs, sur la destitution, est et a été consacrée de la manière la plus solennelle ; ainsi, je n’entrerai pas dans l’examen du principe dont la vérité est incontestable et fondée sur la raison. Je me donnerai bien de garde aussi de faire aucun reproche au roi ; les principes d’équité qui animent notre monarque sont bien connus ; il nous en donne les preuves les plus convaincantes; mais le malheur des rois est d’être souvent trompés;i!s ne peuvent voir que parlesyeux des autres, et cette glace est le plus souvent infidèle. Mais Louis XVI, le restaurateur de la liberté française, sait trop combien il est glorieux de réparer des injustices que des agents infidèles et passionnés lui ont fait commettre, et que les rois ne sont jamais plus grands, que lotsque éclairés par ceux qui n’ont aucun intérêt à les tromper, ils reconnaissent leurs erreurs. La conduite de M. de Brienne, ministre de la guerre, qui a fait destituer M. de Moreton, est d’autant plus repréhensible, qu’il n’existe ni accusateur, ni accusation, et, par conséquent, point de corps de délit ; que les lois, tant anciennes que nouvelles du royaume, s’expliquaient formellement contre les destitutions arbitraires, daus quelque état que ce soit. Je ne remonterai pas