[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1790.] §81 pc voulez pas que je vous dise que personoe ne connaît l’état de cette colonie ; que ce que vous en savez, vous ne l’avez appris que par l’assertion d’un ministre et d’un seul de vos membres, n’examinez pas, prenez un parti sur la proposition des ministres ; croyez-les sur parole, et décrétez la guerre et la servitude. M. Arthur Dillon. Les armements dont se plaint M. Robespierre consistent en un bâtiment marchand portant 300 hommes. M. Duval ( ci-devant d'Eprémesnil). Si M. Robespierre doute des faits, je vous propose de l’envoyer pour commissaire à Tabago, afin de les vérifier. M. Robespierre. Il n’y a pas de milieu ; il faut entendre avec patience les membres de cette Assemblée, ou s’exposer à tous les dangers dont j’ai parlé. Je ne sais si les mesures proposées sont déterminées par les besoins de Tabago ou par des menées ourdies par les ministres pour occasionner la guerre. Nous avons pour garant des faits une lettre du ministre et l’assertion d’un de nos collègues. Jamais nos décrets ne doivent être rendus sur des assertions isolées et appuyées sur des assertions ministérielles. Nos inquiétudes sont d’autant mieux fondées, qu’on n’a pas laissé au comité le temps d’éclaircir les faits. D’après ce qui m’est dit en ce moment par les députés des colonies, je demande le renvoi du projet de décret au comité colonial. MM. de Reynaud et de Gouy, députés de Saint-Domingue, appuient la proposition du renvoi au comité colonial. M. Arthur Dillon. Si les craintes qui s’élèvent quelquefois contre les ministres sont fondées, ce n’est pas aujourd’hui. Gomment peut-on savoir un événement arrivé à deux mille lieues, si ce n’est par le ministre de la marine? M. de La Luzerne a fait remettre au comité un compte des faits, signé de lui et rendu par un commandant de la marine. J’ai reçu ce matin une lettre de MM. Labermoudière et compagnie, de Dunkerque, par laquelle ils me mandent que le navire la Thérèse, arrivé le 27 dans ce port, a apporté la nouvelle de l’incendie du Port-Louis. Je propose, pour tranquilliser sur l’armement, qu’il soit dit dans l’article premier que trois cents hommes seront transportés sur un bâtiment marchand, qui portera en même temps des armes et des vivres. Les armes que je demande sont trois cents fusils pour les habitants, qui, au nombre de trois cent cinquante, sont entourés de seize mille noirs sortant à peine d’une insurrection qui a duré huit années. (On fait une lecture du projet de décret avec ce changement.) (On demande à aller aux voix.) M. de Reynaud. Je propose l’ajournement à samedi, et le renvoi au comité des rapports et au comité colonial réunis. (On demande encore à aller aux voix.) M. de Toulongeon. On ne suit point dans ce décret la marche constitutionnelle. Il faut supplier le roi de mettre l’Assemblée à même de délibérer, en faisant connaître, par la voie des ministres, les secours qui seront nécessaires. M. Démeunîer. Le décret dont il s’agit est très important. La France ne veut pas la guerre; on n’accorderait pas indéterminément un arme-mement et un envoi de troupes sans donner de l’inquiétude aux cabinets étrangers. Depuis que vous avez rendu sur la guerre un décret qui sera à jamais célèbre, il ne s’est point encore présenté l’occasion d’une délibération qui y eût quelques rapports. Je demande que pour consolider la maxime de la responsabilité, et consacrer la marche que les ministres doivent suivre en pareil cas, il soit décrété que le président se retirera par devers le roi, pour prier Sa Majesté d’or-donnner aux ministres de notifier officiellement l’état de Tabago ; ensuite le comité présentera un projet de décret. Gette proposition est adoptée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera dans le jour devers le roi, pour le supplier d’ordonner au ministre de la marine de commmuniquer officiellement à l’Assemblée les renseignements qu’il a reçus de Tabago, et le nombre des troupes et la quotité des secours qu’il juge nécessaires pour cette colonie. » M. de Aoailles ( ci-devant le vicomte. ) Quelques lettres particulières avaient laissé des doutes sur la soumission du régiment Royal-Marine. Une lettre du maire d’Uzès affirme que ce régiment est rentré dans l’ordre, qu’il a rappelé ses officiers, et qu’il est pénétré de reconnaissance pour la lettre que M. le président lui a écrite au nom de l’Assemblée nationale. (La séance est levée à quatre heures.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 30 JUIN 1790. Lettre du contrôleur général des finances sur la situation des perceptions de la Régie générale des aides dans les villes des ci-devant généralités d’Amiens et de Soissons (1). LETTRE DU CONTROLEUR GÉNÉRAL. Du 28 juin 1790. Monsieur le Président. La Picardie est une des provinces du royaume où l’esprit d’insurrection s’est le plus manifesté. J’avais espéré que les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, rendus successivement pour le maintien des impôts indirects, y opéreraient le rétablissement des perceptions de la Régie générale des aides ; mais, loin d’y obtenir la soumission due aux décrets de l’Assemblée nationale et aux ordres du roi, le mal se propage, et si les exercices et visites des employés sont encore soufferts dans quelques lieux, les droits qu’ils constatent ne peuvent pas être recouvrés. Les employés manquent d’une protection suffisante : des municipalités ont de la bonne volonté sans force, d’autres craignent de se rendre odieuses en protégeant les perceptions. Dans beaucoup d’endroits, les municipalités ou les gardes nationales sont composées en grande partie de redevables, et c’est vainement qu’on sollicite d’eux (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. 582 {Assemblée nationale.] secours ou main-forte. Il est cependant bien nécessaire de ne pas laisser ainsi les perceptions à la discrétion des redevables; indépendamment de ce qu’il en résulte que le Trésor public est privé d’une branche importante de revenu, et que l’ordre devient d’autant plus difficile à rétablir dans les finances, il est bien essentiel de ne pas paraître fermer les yeux sur un genre d’insubordination qui a pour but de se soustraire aux impôts, car l'exemple en est très contagieux. J’ai fait faire, Monsieur le Président, un relevé qui présente l’état d’insurrection de la Picardie etduSoissonnais, formant aujourd’hui une partie des départements de la Somme, de l’Aisne et du Pas-de-Calais. J’ai pensé qu’il devait être soumis à l’attention de l’Assemblée nationale, et qu’il la déterminerait à chercher dans sa sagesse un parti capable d’assurer le payement des impôts indirects. J’ai l’honneur de vousenvoyerce relevé ; je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien le mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale. Je suis avec respect, Monsieur le Président, Votre très humble et très obéissant serviteur. LAMBERT. RELEVÉ DE LA SITUATION DES PERCEPTIONS DE LA RÉGIE GÉNÉRALE DES AIDES. Département de la Somme. Ville de Péronne. Le 18 juillet 1789, les bureaux de la ferme générale ont été pillés : depuis cette époque, les employés de la régie générale ont été obligés de cesser les exercices. Le 19 octobre, envoi par le ministre des finances à la municipalité, de la déclaration du roi, du 27 septembre précédent, portant sanction du décret de l’Assemblée nationale du 23 du même mois concernant la perception des impôts, etc., et recommandé particulièrement à cette municipalité de veiller au maintien de la perception des droits d’aides. Le 28 octobre, réponse de la municipalité ; elle mande que dans l’alternative de montrer une autorité qui n’eût pas été respectée, ou d’en suspendre l’exercice jusqu’à des moments plus calmes, elle a chosi le dernier parti. A cette réponse est jointe une copie d’une délibération du corps municipal, de la veille; on y voit la menace faite par des billets burinés, dans le cas où les employés reprendraient les exercices, de vouer leurs propriétés au pillage et leurs personnes au meurtre. On y voit aussi que les cabaretiers et aubergistes se refusent à souffrir les exercices, sur le fondement que le décret de l’Assemblée nationale, du 23 septembre, a défendu aux employés les visites domiciliaires : on y voit encore qu’ils ont dit avoir adressé un mémoire à l’Assemblée nationale. Le 25 novembre, nouvelle lettre du ministre des finances à la municipalité; elle explique que c’est relativement à la gabelle que l’Assemblée nationale a défendu les visites domiciliaires, et que les exercices des employés des aides, absolument nécessaires pour conserver les droits d’aides, doivent continuer de se faire autant que subsisteront ces droits ; et elle invite la municipalité à éclairer les cabaretiers et aubergistes sur leurs obligations. Cette lettre n’a produit aucun effet. [30 juin 1790.1 Depuis, le préposé de la régie générale a fait, à différentes fois, des démarches auprès de la municipalité pour parvenir à rétablir les exercices ; il n’a pas pu obtenir d’elle qu’elle mandât les redevables les plus obstinés pour les amener à s’y soumettre. La municipalité s’est renfermée à dire qu’elle ne devait que main-forte. Au mois de mars 1790, les brasseurs, cabaretiers et autres redevables ne voulaient consentir au rétablissement des perceptions, qu’à condition qu’il leur serait fait remise de tous droits depuis le mois de juillet 1789, et ils ont adressé un mémoire dans cette vue à l’Assemblée nationale. Au commencement du mois de mai 1790, il a été envoyé un avis aux redevables pour qu’ils eussent à payer les débets sur les droits d’aides, conformément au décret de l’Assemblée nationale du 22 mars précédent, sanctionné par le roi. Les brasseurs ont répondu par une signification suivant laquelle ils attendent qu’il ait été statué sur leur adresse à l’Assemblée nationale, laquelle a été renvoyée du comité des rapports à celui des finances. Le ministre des finances a envoyé copie de cette signification, le 2 juin 1790, à M. le marquis d’Estournel, en lui observant qu’il serait bien à désirer que l’Assemblée nationale statuât sur l’adresse des brasseurs (1). Dans toute l’étendue de la direction des aides de Péronne, il n’y a ni exercices ni perceptions. Lors des insurrections du mois de juillet 1789, les registres et expéditions de plusieurs bureaux de campagne, dépendant de la Régie des aides, ont été brûlés ou emportés. Ville de Roye. Les exercices sont interrompus dans cette ville depuis le 18 juillet 1789 ; les buralistes ont été obligés d'ôter leurs tableaux, et les employés ont été menacés par des placards. Le préposé de la Régie a obtenu du comité permanent des proclamations, mais elles ont été sans effet. Le 22 octobre 1789, le ministre des finances a envoyé au comité permanent la déclaration du roi, du 27 septembre, sur le décret de l’Assemblée nationale du 23 septembre, concernant la perception des impôts, etc. Le 7 novembre, les cabaretiers et aubergistes ont annoncé au comité permanent assemblé qu’ils ne souffriraient plus les exercices ; et pour eu être affranchis, ils ont offert 24 livres aux entrées de chaque pièce de vin, et 5 livres par chaque pièce de bière ou de cidre. Le 12 décembre, lettre du ministre des finances au comité permanent, sur la résistance des habitants de Roye au rétablisement des exercices et des perceptions. Le 19 décembre, réponse du comité permanent, accompagnée d’une délibération de la surveille, qui annonce que les cabaretiers et aubergistes, à l’exception de trois, persistent dans la résolution de ne plus souffrir les exercices. Le 25 décembre, nouvelle lettre du ministre des finances au comité permanent qui l’excite à (1) Le ministre des finances a eu connaissance d’une décision du comité des finances de l’Assemblée nationale, du 5 juin 1790, sur une adresse des cabaretiers i de Péronne, qu’il serait à propos d’étendre aux bras-; seurs de cette ville ; il a en conséquence écrit au président du comité des finances le 23 du même mois, et n’a point reçu de réponse. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 583 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1790.J redoubler de soins et d’efforts pour opérer le rétablissement des perceptions . Les cabaretiers et aubergistes se sont adressés à l’Assemblée nationale pour obtenir un abonnement des droits ; le comité des rapports les a prévenus que leur demande avait été renvoyée au comité des finances. Le 20 février 1790, iis ont écrit à l’Assemblée nationale que, mieux instruits, ils renonçaient à leur demande d’abonnement, et demandaient définitivement la suppression des droits d’aides, dont la charge illégale est contraire au décret du 7 octobre 1789, qui veut que toutes les contributions et charges publiques soient supportées par tous les citoyens et propriétaires en raison de leurs biens et facultés. On remarque dans leur lettre cette phrase : Nous périrons avant de nous plier à nourrir du fruit de nos travaux l'oisiveté révoltante dé ces vampires du peuple. Le 7 mars, le sieur Babeuf a prononcé devant la municipalité un discours tendant à exciter les esprits contre les droits d’aides, et à faire op-oser la force à la force qui tenterait de réta-lir ces droits. On remarque dans ce discours, entre autres maximes, celle-ci: Que si toute l’Assemblée nationale était oppressive , il faudrait résister contre elle à l’oppression : que c’est un des droits de l'homme.... que c’est au peuple, seul , qu'appartient le veto. Le ministre des finances a envoyé, le 3 avril 1790, une copie de ce discours à M. le procureur général de la cour des aides de Paris ; en vertu d’un décret de prise de corps, prononcé par la cour des aides, le sieur Babeuf a été arrêté et amené dans les prisons de la Conciergerie à Paris. La municipalité de Roye, pensant que l'arrestation du sieur Babeuf pouvait être une circonstance favorable au rétablissement des exercices et des perceptions, a convoqué, le 24 mai 1790, les cabaretiers et aubergistes. Les opposants, représentés par deux d’entre eux, ont seulement offert une somme pour tenir lieu des droits de leur débit, et d’envoyer cette somme à l’Assemblée nationale. La municipalité n’a pas ordonné la reprise des exercices, craignant de compromettre son autorité, et d’exposer les commis. Le maire, en envoyant copie de la délibération prise à ce sujet, a mandé, le 25 mai, que ce n’était pas de la part des cabaretiers qu’il y avait à craindre, mais de la part du peuple, et qu’il n’y avait pas à espérer que le détachement de cavalerie qui est à Roye, se prêtât à seconder les commis. Le 29 mai, le ministre des finances a écrit au maire, afin d’engager lui et la municipalité à faire tout ce qui dépendrait d’eux pour ramener les contribuables à la soumission due aux décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi. Il n’y a ni perceptions ni exercices dans un grand nombre de paroisses de la Direction des aides de Roye. Ville de Doullens. Le 16 août 1789, la maison du directeur des aides a été pillée, les registres brûlés, et lui obligé de fuir ; deux des auteurs de l’insurrection ont été arrêtés et conduits dans les prisons d’Amiens, pour y être jugés prévôtalement. Les officiers municipaux ont sollicité la grâce des coupables, en représentant qu’ils pouvaient être des citoyens aveuglés, déçus, entraînés, victimes des souffles empoisonnés du moment. Le 22 octobre 1789, le ministre des finances, envoyant aux officiers municipaux la déclaration du roi, du 28 septembre, sur le décret de l’Assemblée nationale, du 23 du même mois, concernant les impôts, leur a marqué, relativement à la demande de la grâce des coupables, qu’elle ne pourrait être mise sous les yeux du roi que lorsque les exercices et les perceptions auraient été rétablis à Doullens, et que le directeur aurait été dédommagé des pertes qu’il avait subies. Le 6 "novembre, les officiers municipaux ont annoncé que le rétablissement des droits était opéré dans leur ville. Il a été envoyé un autre directeur à Doullens. Le 17 janvier 1790, une vingtaine d’hommes s’étaient réunis pour aller piller la maison du nouveau directeur, mais leur projet n’a pas été effectué. L’ancien directeur n’a pas été dédommagé de ses pertes. Le service se fait toujours fort mal, tant dans la ville que dans les départements de la campagne, et les recouvremen ts y sont absolument nuis ; les redevables paraissent déterminés à ne payer que lorsqu’ils auront reçu réponse à un mémoire qu’ils ont présenté à l’Assemblée nationale. Ville de Corbie. Les bouchers, les débitants de boissons, un brasseur refusant de se soumettre aux déclarations et aux exercices, la municipalité les a mandés le 25 mars 1790 : ils avaient promis soumission, mais tous, à l’exception de trois, persistent à s’y refuser ; le brasseur, qui est officier municipal, est un des moins soumis aux décrets de l’Assemblée nationale. Ville de Saint-Valery-sur-Somme. Le 3 mai 1790, les employés de la régie générale ont voulu saisir chez le nommé Gransin, ca-baretier, une pièce de cidre entrée en fraude; mais une émeute, excitée par ce cabaretier, les a obligés d’aller requérir l’assistance de la municipalité, pour opérer cette saisie. La municipalité a employé un long temps à délibérer, pendant lequel la pièce de cidre a été spoliée; depuis, la fraude se commet impunément par l’introduction des cidres, des viandes et des bois, sans déclaration. La plupart des officiers municipaux montrent des dispositions peu favorables aux perceptions. Ville de Montdidier. Après le carême dernier, la majeure partie des bouchers de cette ville a cessé de faire des déclarations : le directeur des aides a eu recours à la municipalité qui les a fait venir pour leur enjoindre de payer les droits et de souffrir les visites des employés. Ayant encore fait des massacres sans déclarations, la municipalité les a mandés de nouveau le 9 avril; ils ont alors annoncé leur résolution de ne plus payer aucuns droits. Quelques-uns ayant d’ailleurs dit qu’ils n’avaient pas fait de massacres, le maire voulut envoyer le sergent de ville pour vérifier ce qui en était : un des bouchers s’est jeté à la porte de la salle pour s’opposer à la sortie du sergent de ville, en ajoutant que personne n’entrerait chez lui ; il est ensuite sorti avec plusieurs autres. Les 584 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1790.1 officiers municipaux sans confiance dans la garde nationale de cette ville, se sont bornés à verbaliser contre ces bouchers, dans l’intention alors d’adresser leur procès-verbal à l’Assemblée nationale (1). Le 23 avril 1790, il s’est tenu une assemblée des cabaretiers de cette ville, en conséquence d’une lettre et d’une pétition imprimée (le discours du sieur Babeuf), gui leur avaient été adressées de Roye. La pétition a été signée dans cette assemblée par la moitié à peu près des cabaretiers; depuis, plusieurs ont montré de l’opposition aux services; définitivement ils s’y sont soumis, mais ils n’en sont pas plus disposés à acquitter les droits et il ne se fait aucun recouvrement. Bourg d’Airaines. Depuis le mois d’octobre 1789, les exercices ne se font plus dans ce bourg ; on impute au curé du lieu, M. l’abbé Marduel, qui en est aujourd’hui le maire, le conseil de ne les plus souffrir. La nuit du 18 au 19 janvier 1790, des malfaiteurs ont forcé la maison du buraliste et enlevé ses registres. On assure que sur l’observation faite à M. l’abbé Marduel qu’il en était resté quelques-uos, il répondit : Tant pis, il fallait tout prendre. Le 17 février, la maison du receveur a été assaillie, ses effets pillés et lui obligé de fuir : M. l’abbé Marduel est encore soupçonné d’avoir excité cette insurrection. Le 22 mars, le directeur des aides a envoyé les employés du département d’Airaines en ce bourg pour y reprendre les exercices, et les a chargés d’unie lettre pour M. l’abbé Marduel. En sortant de chez le curé, ils ont essuyé des huées, reçu des coups de pierres, et ont été obligés de fuir. M. l’abbé Marduel a écrit le même jour au directeur la lettre suivante : « Monsieur, l’apparition de vos préposés a mis « le trouble dans le bourg : la tranquillité pu-« blique ne saurait être rétablie tant que l’Assem-« blée nationale n’aura rien statué de plus « particulier relativement à l’exercice dans la « campagne; jusque-là ce serait s’exposer que de « l’entreprendre. » Le 27 mars, le ministre de la guerre, sur la demande du ministre des finances, a envoyé les ordres du roi à M. le comte de Puységur, pour faire passer un détachement des troupes de ligne à Airaines, dans la vue d’y protéger le rétablissement des exercices; M. l’abbé Marduel a réussi à empêcher l’arrivée de ce détachement. En sa qualité de maire, il a convoqué les officiers municipaux qui, par une délibération du 5 avril, ont déclaré que l’arrivée du détachement ne pourrait être que prématurée et dangereuse. Le même jour, il a mandé au subdélégué d’Abbeville, qu’il avait envoyé la veille à M. le président de l’Assemblée nationale les ordres que ce subdélégué lui avait fait passer, en lui demandant s’ils n’étaient pas trop précipités. Dans cet état de choses, l’envoi du détachement a été suspendu jusqu’à la réquisition formelle de la municipalité d’Airaines; depuis, les employés n’ont pu reparaître dans ce bourg. L’insubordination qui (1) On a appris depuis que ce procès-verbal n’avait point été envoyé à l’Assemblée nationale. règne à Airaines s’étend dans les arrondissements voisins de ce département. Mareuil. Le 26 février 1790, quatre commis, accompagnées de six fusiliers du régiment de Berwick, se sont transportés chez un cabaretier à Mareuil, près Abbeville, pour vérifier ses boissons; le peuple s’est attroupé, on a sonné le tocsin au village de Goubert, voisin de Mareuil; tous les paysans des paroisses de Goubert, Villers et Le Sellier, armés de faux, bâtons, etc., sont accourus; les commis et soldats, assaillis, ont été obligés de fuir, les registres ont été pris et déchirés. L’élection d’Abbeville a informé de cet attroupement. Ville de Ham. Les exercices ne se font plus chez les cabaretiers et détaillants de cette ville; deux délibérations de la municipalité, des 5 et 19 mars 1790, constatent l’opposition de ces redevables qui s’autorisent de la conduite de ceux des villes voisines. Des lettres anonymes, des libelles ont été répandus, tant dans cette ville que dans la campagne, pour exciter les redevables contre les perceptions et les percepteurs. Un marchand de chansons y est venu du dehors et y a chanté la suppression des aides sans que la municipalité s’y opposât : les commis des aides le trouvèrent devant leur porte, au moment qu’ils rentraient chez eux; ils furent honnis par le peuple, et ils ont remarqué que le maire de Ham regardait fort tranquillement, à travers les vitres d’une fenêtre de son cabinet, ce qui se passait. Le 18 avril 1790, les soldats de la garde nationale de la ville de Ham, en prêtant le serment civique à la suite d’une invitation qui leur avait été faite par les officiers municipaux de favoriser les perceptions et de prêter main-forte aux percepteurs, ont déclaré à haute voix qu’ils s’opposeraient de toutes leurs forces aux perceptions des droits de traites, du tabac et des aides ; qu’ils ne voulaient plus entendre parler ni de gardes, ni de commis; les officiers municipaux ont promis d’en faire mention dans leur procès-verbal. Le 30 avril, le ministre des finances, informé de cette circonstance, a écrit aux officiers municipaux, pour recommander à leur zèle le rétablissement des perceptions : les officiers municipaux ont, en conséquence de cette lettre, fait assembler les cabaretiers, bouchers et autres redevables de droits d’aides, et leur ont représenté de se soumettre aux décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et de payer les impôts conservés suivant la forme prescrite; mais ces redevables assemblés ont tous, à l’exception de deux cabaretiers et de trois bouchers qui se sont soumis purement et simplement, déclaré que le mode oppressif de l’exercice des commis leur était trop onéreux pour qu’ils se décidassent à le souffrir ; que d’ailleurs ils étaient informés que dans les villes voisines, et encore plus particulièrement dans les campagnes, les cabaretiers et autres n’étaient pas disposés à consentir l’exercice des commis; et que quand les autres villes feraient leur soumission, soit d’une manière, soit d’une autre, d’exécuter les décrets, iis s’empresseraient de montrer la même [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1790.] 535 obéissance. Les officiers municipaux ont dressé procès-verbal de ces réponses et l’ont envoyé à M. le contrôleur général. Ville d’Amiens. Vers la fin du mois d’avril 1790, les brasseurs de Péronne ont adressé à ceux d’Amiens la pétition du sieur Babeuf, dont il a été parlé ci-dessus, avec des lettres d’invitation de se joindre à eux. Cet envoi n’a produit aucun effet par les soins du directeur des aides. Les cabaretiers de Péronne et de Roye ont adressé la même pétition à ceux d’Amiens, avec de pareilles lettres d’invitation; les cabaretiers d’Amiens se sont assemblés à ce sujet; le directeur a su détourner une partie des principaux de se réunir aux autres. Les derniers avis portent que les commis éprouvent les plus grandes difficultés pour maintenir les exercices chez les cabaretiers : que les ventes sans déclarations augmentent journellement, soit en cidre, soit en eau-de-vie, sans qu’il soit possible de s’y opposer, et que les cabaretiers menacent sans cesse de suivre cet exemple, et se regardent comme dupes de payer des droits dont le plus grand nombre s’affranchit. Département de l'Aisne. Ville de Saint-Quentin. L’insurrection qui a eu lieu au mois de juillet 1789, dans la ville, de Saint-Quentin, dirigée d’abord contre les employés de la ferme générale que le peuple a chassés, et dont il a détruit les bureaux, s’est étendue à la régie générale des aides. Tant dans la ville que dans la campagne, les redevables ont refusé les visites des employés de la régie; la vie des commis a été menacée; ils ont été obligés de s’abstenir de toute espèce d’apparition chez les débitants de boissons pendant plusieurs mois. Le directeur a réussi à calmer les esprits jusqu’à un certain point, et est parvenu à rétablir les commis dans leurs fonctions à Saint-Quentin; tous les redevables, à l’exception de huit cabaretiers, se sont soumis aux exercices, mais tous ont persisté dans la résolution de ne point payer. Il n’a pas été possible de rétablir les exercices dans la campagne. Le 21 mai 1790, des brigands, au nombre de quatre à cinq cents, ont pillé la maison du neveu du directeur des fermes à Saint-Quentin; le lendemain ils ont pillé plusieurs maisons : la milice nationale s’est montrée pour arrêter ce brigandage, mais elle a été obligée de se retirer. On assure qu’enhardis par ce succès ils avaient formé le complot de pendre le directeur des fermes et le receveur général des aides, de piller la maison du directeur des aides, de brûler tous les papiers de la régie et d’assassiner tous les commis ; il est venu du secours du dehors, tant en troupes réglées qu’en milice nationale; ce complot est par là resté sans exécution : vingt de ces brigands ont été arrêtés. Le 28 mai, le ministre des finances informé de ce nouveau désordre, et instruit que le secours en troupes réglées, envoyé à Saint-Quentin, ne consistait que dans un détachement de quarante dragons qui devait retourner à sa garnison, et que la municipalité s’était adressée au ministre, de la guerre pour avoir un détachement plus considérable, en a fait aussi la demande au ministre de la guerre. Suivant la réponse de ce ministre du 5 juin, il a été provisoirement donné des ordres pour que le détachement de quarante dragons ne quittât pas Saint-Quentin. Une lettre du 13 juin annonce que le peuple menace sourdement de forcer les prisons et d’enlever les vingt prisonniers arrêtés à la suite de la dernière insurrection. Cette même lettre annonce que le bruit court dans la province que le sieur Babeuf, de Roye, a des défenseurs à l’Assemblée nationale, et qu’il sera mis en liberté avant peu. Ville de Soissons. Les officiers municipaux ont fait publier une proclamation pour le payement des débets sur les droits d’aides dans les trois mois d’avril, mai et juin, conformément au décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi : aucun cabaretier n’est venu payer. La municipalité s’est proposé de mander les redevables ; on n’est pas encore informé de ce qui s’est passé ultérieurement. Les électeurs, qui ont été à Ghauny pour le département, ont annoncé dans toutes les campagnes qu’on ne payait aucuns droits à Ghauny ni dans la Picardie, et ont, par leurs discours, animé les redevables contre les commis. On ne paye point les droits. Ville de Guise. Les cabaretiers et aubergistes de Péronne ont envoyé à ceux de Guise, vers la fin du mois d’avril 1790, la pétition du sieur Babeuf dont il a été parlé ci-dessus, avec une lettre d’invitation de se joindre à eux ; il y a eu une assemblée des cabaretiers à ce sujet. Vers le même temps un marchand de chansons a paru dans cette ville, s’est annoncé au son du tambour, et a chanté la suppression des aides; il a été de village en village en faire autant, et il paraît qu’il n’a trouvé d’obstacles en aucun endroit de la part des municipalités. Il est à craindre que les commis ne cessent tout à coup leurs exercices, étant menacés de toutes parts d’être chassés ou assommés. Les recouvrements sont à peu près nuis, tant dans la ville que dans les départements de campagne, où d’ailleurs les exercices sont presqu’en-tièrement interrompus. L’huissier, porteur des commandements, a essuyé des menaces des redevables ; on cite le maire de la paroisse de la Vacresse, qui est un cabaretier, lequel lui a enjoint de défendre aux commis de paraître. Le 20 avril 1790, la municipalité de Guise a. sur la demande du directeur des aides, pris une délibération pour inviter les redevables à acquitter fidèlement les droits, et l’a fait publier et afficher; le même jour le contrôleur des aides a été insulté par les femmes qui disaient hautement dans les rues qu’on ne payerait pas, qu’on se moquait des ordonnances, et que martin-bâton marcherait. D’après la disposition des esprits, le directeur estime qu’on ne pourrait tenter des saisies-exécutions, sans exciter une insurrection. Ville de Noyon. Le directeur des aides désespère de pouvoir 586 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1790.] maintenir le service dans cette ville; les refus d’exercices s’y multiplient de plus en plus, sans qu’on puisse s’y opposer; les redevables disent que, si on en avait le droit, on aurait fait cesser la résistance qui a lieu généralement dans les directions de Péronne et de Roye. La municipalité agit loyalement, mais il paraît qu’il n’y a point de secours à attendre de la garde nationale, et qu’elle favorise la fraude. Les clefs des portes de la ville sont remises le soir au corps de garde; on est assuré que la nuit du 27 au 28 avril, quatre bœufs ont été introduits dans la ville, la garde ayant ouvert la porte sans la participation du portier ordinaire, et; sans qu’il ait été prévenu, ni le receveur de la porte. Les bouchers ont été mandés à l’hôtel de ville; ils s’y sont autorisés de la conduite des redevables de Péronne, Roye, etc., et ont refusé de se soumettre aux exercices, promettant seulement d’acquitter fidèlement les droits aux entrées. La pétition du sieur Babeuf, dont il est parlé ci-dessus, a été envoyée également à Noyon, avec les mêmes invitations. Le marchand de la chanson contre les droits d’aides s’est présenté à Noyon ; les officiers municipaux lui ont refusé la permission de la chanter et distribuer dans cette ville. Le service est également près de cesser entièrement dans les paroisses circonvoisines. Gelles de Queby et de Mancourt déclarent hautement qu’au moindre signal elles auraient plus de quarante communautés qui voleraient à leur secours, si on voulait se présenter pour exiger des droits. Ville de la Fère. Le 12 mai 1790, jour du marché-franc qui se tient chaque mois en cette ville, les employés se sont présentés pour percevoir les droits sur la vente des bestiaux : ils étaient accompagnés d’un détachement de troupes réglées: mais les soldats disaien t à demi-voix aux marchan ds pressés d e faire les déclarations et d’acquitter les droits :N’en faites rien, n’ayez pas peur. L’insurrection a été générale, et il n’a pas été possible de percevoir les droits; il a été dressé procès-verbal de cette insurrection : les noms des séditieux sont rapportés dans le procès-verbal. Depuis, les redevables ont tenu une assemblée, dans laquelle ils sont convenus de ne plus souffrir ni exercices, ni commis; les trois quarts des cabaretiers ne souffrent plus les exercices, et ils excitent les redevables de la banlieue à en faire autant, même à tuer les commis, s’ils osaient se présenter dans les paroisses : le receveur de la régie à la Fère est journellement menacé d’être assommé. L’esprit de révolte et d’insurrection du peuple de la Fère l’a porté à menacer la vie du maire ; ce fut à l’occasion d'un convoi de neuf cents setters de blé, passant le 16 mai 1790 par la Fère, et destiné pour Nancy, que le peuple avait arrêté nonobstant les passe-ports de la municipalité de Nancy, dont les voituriers étaient porteurs. Le maire fut d’avis de faire escorter ce convoi jusqu’à Laon ; l’avis des autres municipaux et de la commune fut de le déposer à l’arsenal : le peuple entra eu fureur à cette occasion contre le maire ; le 18 mai il a donné sa démission et la commune lui a nommé un successeur (1). (Il On est informé que depuis l’envoi de ce mémoire à l’Assemblée nationale, le nouveau maire de la Fère, Paroisse de Landisaye. Le 30 avril 1790, les employés des aides s’étaient mis en disposition d’arrêter" dans la paroisse de Landisaye des bières qui venaient du Gambrésis, et qui sè versaient en fraude dans la direction de Marie ; ils avaient appelé les officiers municipaux qui se prêtaient de bonne grâce à les secourir, mais malgré la municipalité, malgré la moitié des paroissiens qui la secondait, l’autre moitié a favorisé les fraudeurs et fait spolier la fraude : un des officiers municipaux a été blessé à la main. Les employés ont dressé procès-verbal de cette rébellion, mais ils n’ont pu y dénommer les rebelles; les officiers municipaux, craignant pour eux-mêmes, ont refusé de les faire connaître. DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS. Ville de Montreuil-sur-Mer. Au mois d’août 1789, les employés de la ferme générale ont été renvoyés de cette ville; depuis cette époque, les droits de la régie générale ont éprouvé une fraude considérable dans la ville et dans toute la direction. La municipalité, sans se refuser précisément à donner secours aux employés de la régie, avait dit que, pour donner des forces, il fallait savoir s’il y avait nécessité, et en justifier. Le ministre des finances lui a écrit le 30 avril 1790, pour l’exciter à protéger les percepteurs et les perceptions ; elle a pris une délibération par laquelle elle a chargé le commandant de donner les ordres et les forces nécessaires, et a dit au directeur des aides qu’elle ne pouvait pas faire davantage. Le directeur a demandé les forces au commandant, qui a répondu que, loin d’espérer du secours de la garde nationale, elle se tournerait contre les employés; qu’il fallait des troupes étrangères, qu’il en avait demandé plusieurs fois à M. de Puységur, et que M. de Puységur avait répondu que cela n’était pas possible. OBSERVATIONS GÉNÉRALES. On aurait ajouté beaucoup à ces détails, si l’on avait entrepris de faire connaître l’effet de l’insubordination des chefs-lieux sur les paroisses qui les environnent ; les campagnes, comme les villes, ont proscrit les employés de la régie générale, ou se sont au moins refusées au payement des droits. Il résulte de cet état de choses une perte considérable pour le Trésor public. Les produits constatés dans les généralités d’Amiens et de Soissons ont monté pendant les dix mois du 1er juillet 1789 au 30 avril 1790, à 2,364,000 liv.; ils sont inférieurs aux produits des mêmes mois de 1788 et 1789, de 1,581,000 livres, et il est à observer que sur les 2,364,000 livres de produits M. Dorigny, chevalier de Saint-Louis, a fait donner aux perceptions et aux percepteurs toute la protection désirable, à laquelle ont concouru avec zèle les officiers de la garnison de la Fère. En effet, depuis le 20 juillet dernier, les droits d’entrée sont exactement payés à la Fère, et les exercices ont été rétablis tant dans la ville que dans la banlieue. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l«r juillet 1790.] constatés, il en reste à recouvrer environ les deux tiers qui seront définitivement perdus, s’il n’est pas pris promptement des mesures qui assurent les moyens d’en suivre le recouvrement. Ce sont les villes de Péronne, Saint-Quentin et Roye, qui sont le foyer de l’insurrection. C’est de Péronne et de Roye qu’est sortie la pétition du sieur Babeuf contre les aides ; elle a été répandue jusques dans les campagnes ; il s’en envoyait deux exemplaires, principalement aux cabaretiers et aubergistes, en les invitant à en conserver,; un, et à adresser l’autre à M..., député à l’Assemblée nationale, après l’avoir fait revêtir du plus grand nombre de signatures possible. Pour remédier efficacement au mal, il semble nécessaire de l’attaquer dans sa source, et par conséquent de s’attacher principalement à rétablir les exercices et les perceptions dans les villes de Péronne, Saint-Quentin et Roye. Si l’on peut y parvenir, il y a lieu d’espérer que l’on obtiendra facilement le retour à la soumission de la part des redevables des autres lieux : beaucoup ont été entraînés par l’exemple, l’exemple les ramènera. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE PELLETIER. Séance du jeudi 1er juillet 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Vernier, rapporteur du comité des finances. Le 30 mai dernier, vous avez autorisé la ville de Montbrison à contracter un emprunt de 8,000 livres pour achat de grains nécessaires à la subsistance des personnes indigentes de la commune et établissement d’un atelier de charité. Cent cinquante habitants ont formé, par le ministère de procureurs, opposition à l’exécution du décret, et le maire et les officiers municipaux ont cru devoir donner leur démission. Le comité des finances n’a vu dans ces oppositions que des chicanes et aucune raison plausible. Les 150 habitants, dont plusieurs ne sont pas même citoyens actifs, affirment qu’ils ont pourvu aux besoins des pauvres, mais ils ne le prouvent pas; ils soutiennent que le conseil général n’a pas le droit de faire des demandes d’emprunt, sans le concours de tous les citoyens. Ces principes étant faux et de la plus dangereuse conséquence, nous vous proposons le décret suivant : « L’Assemblée nationale s’étant fait rendre compte, par son comité des finances, de l’opposition formée par des particuliers de la ville de Montbrison, à l’emprunt décrété le 30 mai dernier; des actes relatifs à ladite opposition, des motifs qui ont déterminé les officiers municipaux à donner leur démission, déclare que le décret rendu le 30 mai pour la ville de Montbrison sera exécuté selon sa forme et teneur; invite les officiers municipaux de cette ville à continuer leurs fonctions avec le zèle qu’ils ont apporté jusqu’ici dans l’administration qui leur a été confiée. » (Le décret est adopté.) 587 M. Populus, secrétaire , donne lecture d’une lettre de M. de Clermont-Tonnerre, commandant de la garde nationale de Corbsil, et de deux autres lettres écrites à M. de Clermont-Tonnerre par les administrateurs du district. M. de Clermont-Tonnerre rend compte qu’il revenait de Corbeil, pour reprendre sa place de membre de l’Assemblée nationale, lorsque des députés des gardes nationales de trois communes, au nombre desquelles se trouve celle de Ris, l’ont prévenu qu’elles voulaient s’affilier avec la garde nationale de Corbeil, chef-lieu de leur district et qu’elles le priaient d’assister à la cérémonie. M. de Clermont y a consenti pourvu qu’il n’y eût pas d’opposition. Sur ces entrefaites, le sieur Raby, maire de Ris, qui s’opposait à la démarche, sous prétexte que les gardes nationales ne doivent rien faire que de concert avec leur municipalité, avait été remontré, insulté et frappé de coups de bâton par quelques gardes nationaux et s’était sauvé dans une maison voisine. Aussitôt M. de Clermont y court, délivre le maire et réussit à rétablir le calme et l’union. Tout paraissait tranquille, lorsque, le même soir, les partisans du sieur Raby ont assassiné le sieur Moutier, vieillard de 74 ans. Le brigadier de la maréchaussée de Ris dit que la municipalité ne fait aucune poursuite. M. de Clermont-Tonnerre ajoute qu’en sa qualité de commandant de la garde nationale de Corbeil, il se croit obligé de rester sur les lieux pour employer toute son influence au maintien du bon ordre. On demande le renvoi des pièces au comité des rapports. M. d’André fait remarquer que le comité est saisi depuis longtemps d’une affaire relative à l’organisation de la municipalité de Ris. Il demande que les deux affaires soient rapportées incessamment. Ces propositions sont adoptées. M. Robespierre, secrétaire , commence la lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Ce procès-verbal, ne rendant pas un compte exact ; de la séance, est ajourné pour que la rédaction en soit révisée. M. de Villoutreix de Paye, évêque d' Oléron. Un de vos plus chers désirs étant de venir au secours des malheureux, je vais vous mettre sous les yeux la situation déplorable des régions méridionales du royaume. Des inondations excessives ont causé dans ce pays d’affreux dégâts : les rivières, en se creusant de nouveaux lits, ont enlevé pour plus de 200,000 livres de biens-fonds, détruit des moulins, renversé des maisons, et fait périr un grand nombre de familles. Les malheureux qui restent dans ces contrées se trouvent dans l’impossibilité non seulement de payer leurs impositions, mais même de pourvoir à leur subsistance. Tous ces faits ne sont que trop avérés. Nos malheureux riverains m’ont écrit à ce sujet des lettres déchirantes : vous êtes devenus leur unique refuge et leur seule espérance; daignez prendre leur sort en considération. Us m’ont chargé de vous exposer leur infortune pour la rendre plus touchante. Il est démon devoir de vous faire considérer que nulle part on ne s’est montré plus ami de la Révolution : la contribution patriotique de la ville d’Oléron seulement s’élève à 100,000 livres, quoique le commerce soit ruiné, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.