[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 décembre 1790.] alors, ci ................ . ..... 319,000,000 1. il faut d’abord ajouter, pour les offices de chancellerie ......... 103,124,158 Ce qui donne déjà .......... 422,124,158 I. Le surplus, c’est-à-dire les 28 millions, ou à peu près, qu’on présente ici par approximation, pour compléier 460 millions, se trouvent dans les suppléments que le comité croit devoir faire entrer dans ses calculs, pour couvrir les augmentations qu’il a reconnues d’après la vérification des premiers états qui lui ont été tournis et de tous les détails qui lui sont parvenus depuis. Le comité aurait désiré pouvoir remplacer des aperçus, quelque rapprochés qu’il les croie de la vérité, par des calculs positifs; mais quelques efforts qu’il ait faits, malgré l’attention qu’il a eue d’envoyer, à chaque tribunal ou corps supprimé, des tableaux détaillés et prêts à être remplis d’une manière claire et uniforme, il n’a pu compléter les renseignements nécessaires. Plusieurs tribunaux n’ont pas répondu ; d’autres ont donné des détails défectueux ou incomplets, en sorte qu’on ne pourra connaître au vrai la somme totale des offices que par la liquidation même. Mais il suffira pour les opérations de l’Assemblée, pour la fixation des bases qu’elle croira devoir adopter, d’avoir une approximation, dont les variations, en plus ou en moins, ne peuvent former un objet important. L’aperçu qu’on présente ici est l’extrait non seulement des travaux faits aux parties casuelles, mais encore de quarante cartons au moins d’états, de notes et renseignements que le comité a recueillis de toutes les parties du royaume, et qui seront de la plus grande utilité pour la liquidation. M. l’abbé Bourdon. Je demande, avant tout, que le comité nous présente l’aperçu de la somme à laquelle peut monter le remboursement des officiers ministériels. M. ISoutteville-Bumetz. J’ai peine à croire que la suppression de ces offices puisse donner lieu à une longue discussion. On ne peut ôter aux citoyens le droit de choisir librement leurs défenseurs. Il faut établir ce principe et discuter d’abord cette question. Est-il indispensable d’établir, auprès des tribunaux, des officiers qui auront l’instruction exclusive des procédures? M. Dcfermoi». Voici, ce me semble, les trois questions préliminaires : La suppression des offices sera-t-elle générale ou restreinte? Tous les citoyens pourront-ils également se présenter dans la carrière des hommes de loi? A quelle somme doit monter le remboursement total des offices ? M. Guillaume, avocat aux conseils, député de Paris (1). Messieurs, s’il est nécessaire que les formes soient exactement observées ; si, dans l’indispensable communication des pièces, il faut en assurer le sort ; si l’on doit conserver à chacun, devant les tribunaux, cette précieuse égalité qui fait partie de la justice, il faut dès lors qu’il y ait, près des cours de justice, un certain nombre d’officiers chargés de la défense légale des plaideurs. (1) Le discours de M. Guillaume est incomplet au Moniteur. lre SÉRIE, T. XX.I. 449 Des procureurs en titre, légalement pourvus de leur office, remplissaient ces fonctions sous l’ancien régime. La possession qui suppose de l’habitude et de l’expérience, le prix de leurs charges, leur état, leur discipline, garants de leur conduite et de leur responsabilité, tout semblait donner à ces fonctionnaires des droits à leur conservation dans un ministère dont la nécessité est démontrée. Cependant le rapport soumis, en ce moment, à la discussion de l’Assemblée nationale, a pour objet la suppression absolue des officiers ministériels; et, comme on reconnaît qu’on ne saurait s’en passer, on vous propose leur remplacement par voie d’élection. L’importance d’une telleaffaire qui compromet, à la fois, l’intérêt des finances, la sûreté des plaideurs et l’existence d’un nombre prodigieux de familles, tout me répond de l’attention que l’Assemblée nationale apportera dans cette délibération : la solliciter, Messieurs, serait faire injure à votre patriotisme comme à votre humanité. Je n’ai besoin que d’indulgence; et vous m’en accorderez, si vous daignez réfléchir que le plan des comités, tenu jusqu’à présent dans le plus impénétrable secret, ne nous était pas encore parvenu il y a vingt-quatre heures. J’entre en matière. Depuis plusieurs siècles, les offices ministériels ayant été rendus vénaux, ceux qui s’en trouvent actuellement revêtus les tiennent, sous la foi publique, comme dus propriétés immobilières, patrimoniales et disponibles. L’hérédité, surtout, leur a imprimé le caractère irréfragable de la propriété. L’est donc d’après les lois, sous la sauvegarde desquelles vous avez mis les propriétés, qu’il faut examiner le nouveau projet qu’on vous présente. Or, quels sont, à cet égard, vos principes? '■ Les propriétés, avez-vous dit, étant un droit « inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, « si ce n’est lorsque la nécessité publique , léga-« lement constatée, l’exige évidemment, et sous « la condition d'une juste et préalable indemnité. » (Déclaration des droits de l’homme, article 17.) Mais si ces règles sont constantes par rapport à toute espèce de propriété, combien doivent-elles l’être, à plus forte raison, pour la propriété des offices? Le plus précieux des biens est celui qu’on acquiert par l’exercice de son esprit, par ses réflexions. Cette propriété tient à celle de la pensée; elle en est une branche; on ne peut la ravir sans blesser l’homme dans l’usage de ses facultés morales et intellectuelles, le premier et le plus inviolable de ses droits. De plus, pour acquérir une propriété quelconque, il ne faut que de l’argent ; mais s’il faut aussi de l’argent pour se faire revêtir d’un office ministériel, il faute en outre, il faut, surtout, avoir consacré les plus belles années de sa vie à des études arides, avoir subi des examens rigoureux, et avoir fait preuve de connaissances et de bonne conduite. Enfin, si vous dépossédez un laboureur de son champ, bientôt sa propriété sera remplacée par une autre; et comme il n’aura rien perdu de son aptitude à la culture, son expropriation ne lui causera presque aucun dommage ; mais si vous privez un procureur de son office, si vous le réduisez à l’inaction, si vous lui enlevez son état, si vous l’arrachez aux habitudes de son esprit, aux occupations auxquelles il s’était livré toute sa vie, vous changez pour lui cette manière d’être dans la société, de laquelle dépendaient ses priu-29 450 (Assemblée nationale.) cipaux rapports avec ses concitoyens ; vous lui faites perdre la considération dont, il jouissait dans le monde par ses services. Ce n’est pas seulement alors à sa fortune que vous attentez ; vous le frappez d’une espèce de mort civile et morale, pire cent fois que la mort naturelle. Voyons donc si c’est pour cause d 'utilité publique que l’on se propose d’enlever aux officiers ministériels une propriété, et une propriété à tous égards si précieuse; mais voyons d’abord, non par une discussion d’un projet de liquidation qui n’est pas encore à l’ordre du jour, mais du moins par un simple aperçu ; voyons, dis-je, si l’Etat pourrait supporter la juste indemnité à laquelle une telle opération serait subordonnée; car comme, avant d’élever un édifice, l’architecte prudent s’assure si le sol sur lequel il veut l’asseoir peut en supporter le poids, le législateur doit, avant de s’occuper d’une opération, savoir si la situation de ses finances lui permet de contracter les obligations auxquelles elle donnerait lieu. Le prix de la charge ne serait pas, à beaucoup près, la seule chose à rembourser à l’officier ministériel supprimé. A cette propriété s’en joint ordinairement une autre plus importante pour la plupart des titulaires. En effet, les provisions d’un office ministériel donnent bien à celui qui s’en trouve pourvu le droit d’en remplir les fonctions ; mais à la différence du juge qui, dans l’ancien régime, trouvait à la fois dans son office et le droit et l’exercice du droit, et qui n’avait pas besoin, dès lors, d’acheter les contestations des justiciables, le procureur qui n’aurait pas ajouté à son titre nu les actions Intentées par son prédécesseur, et même ses relations, aurait été longtemps réduit à l’inaction. Il a donc fallu qu’avec le droit de travailler, il en acquît les occasions; et cette acquisition entrait souvent pour les neuf dixièmes dans le prix de son contrat. Au surplus, cette transmission qui ne paraît, au premier coup d’œil, que la vente d’une espérance, et que l’on pourrait peut-être priser moins suus ce rapport, avait cependant des fondements plus solides, et que l’expérience consacrait. En général, ceux qui ont donné leur confiance à un officier, étant, par une conséquence naturelle de ce sentiment, portés à croire que le successeur qu’il se choisit, mérite de te remplacer, leur clientèle passe avec l’office au nouveau titulaire, qui la conserve ordinairement tant qu’il s’en montre digne. Ainsi s’incorpore et s’identifie la pratique avec le titre, comme l’édifice avec le sol ; presque Inutiles l’un sans l’autre, iis forment, par leur réunion, une propriété précieuse, mais une propriété indivisible. Acquis ensemble, ils auraient été revendus de même ; il faut donc ou les maintenir ou tes supprimer à la fois. De quelles sommes la nation ne serait-elle pas dès lors grevée pour le simple remboursement des finances des olfices ministeriels, et des pratiques inhérentes a ces titres, et qui en décuplent le prix? Et cependant elle ne serait pas encore quitte envers les officiers ministériels ; car remboursement n’est pas indemnité; et c’est indemnité , c’est même juste indemnité , que l’Assemblée nationale a promise à quiconque serait exproprié par elle. Or, qu’est-ce qu’une telle indemnité V C’est, Suivant le langage des lois, « l’équivalent du « gain que quelqu’un manque à faire, et de la | (13 décembre 1790. perte qu’il souffre (1). » La nation ne s'acquitterait donc pas envers les officiers ministériels qu’elle supprimerait, en leur remboursant la valeur de leurs titres et de leurs pratiques. Il faut encore qu’elle détermine ce qu’elle peut devoir à des citoyens, quand elle leur enlève l’état qui les faisait vivre : et ici elle doit être d’autant moins parcimonieuse dans cette compensation, que, si elle supprime, ce sera volontairement et sans nécessite ; j’espère le prouver tout à l'heure ; d’ailleurs elle ne remboursera qu’en reconnaissances, ce qui a été payé, et conséquemment ce qu’elle devrait en argent; enfin il n’est point, à vrai dire, de dédommagement pour un citoyen à qui ou enlève son existence civile, quand, avec sa fortune, il a, pour l’acquérir, sacrifié sa jeunesse, et que la profession qu’il avait embrassée, est la seule à laquelle il sou propre. Lorsque la société ôte à un citoyen l’unique moyen par lequel il pouvait s'alimenter, et qu’en avouant son travail, elle l’a, pour ainsi parler, rendu inhabile à tout autre emploi, il faut qu’elle pourvoie d’ailleurs à sa subsistance. Ce que l’Assemblée nationale a fait par rapport aux ecclésiatiques lorsqu’elle est rentrée dans leurs biens; ce qu’elle a cru devoir faire pour les religieux mendiants qui n’avaient d’autre litre auprès d’elle que l’habitude de leur existence sous un mode toléré, elle se verrait dans l’obligation de l’effectuer par rapport aux officiers ministériels, si elle les dépouillait de leur état. Qui peut maintenant calculer à quelles sommes monteraient ces remboursements et ces indemnités ? Cependant il faudrait encore y ajouter : 1° les frais de provisions payés par les titulaires ; 2° Les dettes énormes contractées par les compagnies, et qui deviendraient dettes nationales ; Et 3° l’on devrait mettre en ligne de compte les pertes que le Trésor public éprouverait par la privation des droits de centième denier, de mutation et autres, et par les impôts directs et indirects que payent les titulaires, et qu’ils seraient désormais hors d’état de supporter. Quelle immense distraction ne serions-nous pas obligés de faire des biens destinés à l’extinction de la dette exigible? Qui lle effrayante perspective offririons-nous aux créanciers de l’Etat 1 De pareils prélèvements, un semblable déficit, dont nous serions les auteurs, ne nous réduiraient-ils pas à la condition déplorable de leur manquer hautement de parole et de fausser notre foi ? Mais quand ia nation vouerait et pourrait, au risque de perdre et son honneur et son crédit, se constituer dans des dépenses et dans des pertes aussi exorbitantes, ce ne serait pas encore une raison pour quelle fût en droit d’exproprier les officiers ministériels ; il faudrait en outre, ainsi que je l’ai déjà dit, et que le portent vos décrets, il faudrait que l’utilité publique, légalement constatée, exigeât ce sacrifice. Voyons donc sur quoi l’on se fonde pour l’obtenir. La base principale du rapport que je combats, est un décret du 24 mars 1790, portant que l’Ordre judiciaire sera reconstitué en entier. La conséquence qu’on en tire, est qu’il doit l’être aussi bien pour les officiers ministériels que pour les officiers de judicature; comme si l’Assemblée (1) Leg. unie. Cod. de Sentent. » Une indemnité qui « no couvrirait qu’une partie du sacrilice, cesserait « d’en être une. » Second rapport du comité de judicature, page 5. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 décembre 1790.] 4ol nationale eût décidé que, dans la nouvelle organisation, il ne pourrait entrer aucune partie de l'ancien ne ! Comme si des analogies, des lins de rioo-recevoir pouvaient être invoquées dans une affaire de cette importance ! Mais rappelons-nous dans quelles circonstances a été rendu le décret dont on excipe : c’est le moyen d’en bien pénétrer et le sens et l’esprit. Voici ce qui se passa dans la séance du 24 mars, où fut pris cet arrêté. Vous vous en souviendrez sans doute, Messieurs, ou, eu tout cas, le procès-verbal que j’en ai rédigé, car j’avais alors l’honneur d’être votre secrétaire, et les journaux du temps, vous attesteront l’exactitude de mou récit. Un membre du comité de Constitution avait fait un rapport sur la nouvelle organisation à donner aux tribunaux ; il avait parié des vices de l’ancien ordre judiciaire, dans iequel le droit de rendre ia justice était devenu un objet de commerce ; il avait rendu compte des obstacles que la magistrature apportait, et prévu ceux qu’elle apporterait vraisemblement encore à i’établisse-ment de la Constitution, et il en avait conclu qu’il ne pouvait pas être question de modifier des tribunaux tout à la fois si inconstitutionnels et si malveillants, et qu’il fallait les détruire pour les recréer sur d’autres principes. L’Assemblée ordonna l'impression de cet ouvrage : ce qui semblait devoir différer de quelques jours la délibération. Mais alors deux motions opposées s’élevèrent ; d’un côté, l’on voulut aher aux voix sur les premiers articles du projet de décret; de l’autre, attaquant le plan par sa base, on mit d’abord en question si les anciens tribunaux seraient détruits, ou s’ils seraient simplement reformés. Or, c’est à cette occasion, c’est sur cette dernière motion, dans laquelle, comme dans le rapport, il n’était question que des juges, qu’a été rendu le décret qui ordonne la reconstitution totale de l’ordre judiciaire. Gomment donc peut-on aujourd’hui s’en prévaloir contre les officiers ministériels ? Ils ne sont évidemment pas dans les termes de ce décret, et vainement cherche-t-on à leur en appliquer l’esprit. Le pouvoir de juger, s’exerçant sur tous, devait, chez uu peuple libre, être conféré par tous. Ce droit ne pouvait donc être le patrimoine individuel de quelques êtres privilégiés que le lise avait, pour son seul intérêt, constitué les arbitres de l’honneur, de la vie et de la fortune de leurs concitoyens. Tout exercice de la puissance publique est inaliénable : premier principe qui a déterminé ia suppression de l’ancienne magistrature. üe plus, les juges ayant, pendant le trop long intervalle ne? Assemblées de ia nation, exercé une partie de ses pouvoirs, ii était à craindre qu’ils ne cherchassent à s’en ressaisir an détriment de la Constitution : seconde raison pour les renouveler eu totalité. Mais ni l’un ni l’autre de ces motifs ne sont applicables aux officiers ministériels, ni l’un ni l’autre n’en commandent conséquemment la suppression. 1° Rien à craindre pour la liberté de ia part de simples citoyens essentiellement subordonnés aux officiers élus par te peuple. 2° Ces agents secondaires, tenant leur mission de la confiance volontaire de chaque citoyen, n’exercent aucuu de ces pouvoirs publics qui seuls doivent essentiellement émaner de ia nation, il faut au juge un mandat général, puisqu’il prononce sur les contestations de tous les citoyens, sans leur consentement individuel; mais i’oltici r ministériel n’a besoin que d’une procuration particulière pour stipuler les intérêts de ses clients; chaque pouvoir qu’on lui remet est une électiou suffisante de sa personne pour l’affaire qu’on lui confie. Les comités ont §i bien reconnu que la volonté générale ne devait pas concourir au choix des officiers ministériels, simples organes des volontés particulières, qu’au lieu de les soumettre, comme les juges, à une élection populaire, ils n’ont fait que substituer, au mode actuel de leur admission, le jugement beaucoup moins satis-fai-ant de quelques membres des corps administratifs et des tribunaux. C’est donc à tous égards, et de leur propre aveu, sans aucune raison plausible, qu’ils veulent trouver le principe de la destruction des officiers ministériels dans le décret du 24 mars 1790, qui ne concerne et ne peut concerner que les juges. Ceci répond d’avance à l’objection de ces comités, que la vénalité des charges est anticonstitutionnelle. Sans doute, il est anticonstitutionnel que l’on acquière à prix d’argent l’exercice d’un pouvoir public; mais il est constitutionnel, parce qu’il est très raisonnable qu’avant d’être admis à des fonctions privées, dont l’abus pourrait compromettre la fortune des citoyens, on dépose dans le trésor de l’Etat un gage de sa responsabilité, surtout si ce dépôt ne dispense pas d’autres épreuves qui répondent à la société des connaissances et des mœurs de celui qui le fait. Or, c’est précisément la signification du mot vénalité appliqué aux offices ministeriels. 11 ne faut pas croire, en effet, que le titulaire d’un office ministériel se donne un successeur de I sa seule autorité, comme peut le faire le propriétaire d’un immeuble réel. Uu officier qui veut se démettre présente au prince son successeur; là Su borne son droit; le monarque accorde ensuite ou refuse des provisions; ii tes accorde ordinairement, j’en conviens , mais ce n’est qu’à la charge, par le pourvu, de se faire recevoir par le tribunal auquel ii doit appartenir, et cette réception est toujours précédée d’une informa-1 tiou de vie et mœurs du sujet et d’un examen public sur sa capacité fl). Ainsi, ia transmission (1) Et qu’on ne croie pas ces épreuves illusoires 1 Voici ce qui se pratique au Châtelet, ainsi que dans presque toutes les compagnies d’ofliciors ministériels : i° Avant de traiter, le sujet se présenté au chef du tribunal, accompagné, soit de l’ofticier auquel il doit succéder, soit d’un de ses confrères, pour lui demander son agrément; 2° Ce traite fait, il eu remet une expédition au syndic de ia communauté, avec les certificats de temps d’études qui sont delivres par les procureurs chez lesquels il a demeuré, et par la Bazoche; ces cerhiicals doivent constater au moins 5 années d’études, et une bonne conduite pendant ce temps; 3° Le syndic prévient ses confrères, par une lettré circulaire, que M... maître clerc de M°... a traité de l’office de M°. . . Cette lettre instruit toute la communauté que tel candidat se présente pour être admis, et donne le temps à chacun de ceux qui auraient des plaintes à, articuler contre lui, de les présenter au bureau ; car ce n’est qu’après huit jours révolus, sans qu’il soit suï,fc venu aucunes plaintes, que, l’audience de la communauté tenante, se fait la présentation du sujet à là compagnie. Le syndic fait rapport, tant dü traité qUe dos certificats cl des autres pièces, et le candidat est obligé d’obtenir le consentement par écrit de tous les officiers Composant le bureau. Ces formalites remplies, et sur le rapport et les conclusions du syndic, ou delivre au néophyte son admit-tatur , sur lequel il obtient des provisions. Ces provi- ARCHIVES PARLEMENTAIRES 13 décembre 1790.J 452 [Assemblée nationale.) de l’office, réduite au titre, est soumise, ppur l’exercice , à la surveillance de l’administration et des tribunaux. Les provisions et la réception émanées de ces deux pouvoirs sont ce qui constitue véritablement l’officier; la finance ne lait qu’ajouter aux autres précautions un gage de sa responsabilité. C’est sans doute d’après ces considérations que l’Assemblée nationale, après avoir, par son décret du 4 août 1789, supprimé en termes généraux la vénalité des offices, a cru devoir déclarer, le 11 du même mois, que cette suppression ne devait s'entendre que des offices de judi-cature et de municipalité ; et peut-être a-t-elle droit de s’étonner qu’on lui propose aujourd’hui de rétracter cette limitation qu’elle a apportée elle-même en connaissance de cause à son premier arrêté. Et, certes, le comité de Constitution regardait lui-même cette détermination de l’Assemblée comme irrévocable, lorsque, au mois de janvier dernier, il a annonce publiquement que votre intention n’avait jamais été de supprimer les offices ministériels. En applaudissant, Messieurs, à cette déclaration, vous l’avez, à votre tour, irrévocablement ratifiée. Aussi est-ce par une suite de cet esprit que, consulté, depuis, par des officiers ministériels qui se proposaient de se démettre de leur état, ou par des citoyens qui désiraient en traiter, ce comité a répondu qu’on pouvait acquérir ces sortes de charges avec sécurité, et qu’on en a effectivement expédié des provisions, quoique on n’en délivrât plus pour les officiers de judi— cature. Un magistrat, membre de l’Assemblée, vous assurera que le comité de Constitution l’a autorisé à dire aux procureurs du tribunal, dont il était chef, qu’ils fussent tranquilles sur leurs charges, qu’un pouvait en vendre ou en acheter avec sécurité; et c’est sur sa foi, qui avait celle du comité et la vôtre pour garantes, que nombre d’individus ont conclu leur marché. D’après cela, vous cesserez d’être étonnés, Messieurs, que les comités, tout en concluant à la suppression des offices de procureurs comme anticonstitutionnels, vous proposent, comme très constitutionnelle, la conservation de certains notaires en litre d’office (1); comme si les sions scellées sont présentées au magistrat avec une requête pour parvenir à la réception. Le magistrat ordonne la communication au procureur du roi, qui, de sa part, requiert une information de vie et mœurs, et ne donne ses conclusions détinitiyes qu’après cetle information. Enfin le jour de la réception indiqué, le candidat se présente à la cbambre du conseil, où il n’est reçu qu’après un examen que les magistrats lui font subir, et ils ne l’admettent au serment que lorsqu’il a répondu d’une manière satisfaisante. 11 n’est pas sans exemples que quelques-uns aient été exclus définitivement, et d’autres renvoyés à d’autres temps. Or, on le demande, l’élection faite par trois administrateurs et deux juges remplacerait-elle d’une manière bien utile tant de formalités introduites successivement pour l’admission des officiers ministériels? Si ces épreuves n’ont pas suffi pour épurer entièrement les choix, que sera-ce si le mode indiqué leur est substitué? L’intrigue obtiendra facilement des suffrages qu’on ne pouvait guère accorder qu’au mérite. (1) Les comités déclarent qu’à l'égard des notaires des lieux dont la population est de 3,000 âmes et au-dessus, il ne sera rien innové. Ainsi ce n’est qu aux notaires de village et de campagne que l’on enlèvera leur état! J’avoue que je n’ai pas la vue assez perçante pour uns et les autres n’étaient pas des officiers ministériels! comme s’ils ne liaient pas également les parties, soit en jugement, soit dehors, d’après les pouvoirs particuliers qu’on leur donne et qu’on leur relire à volonté (1)! comme si, enfin, les titres originaux qu’on est obligé de confier à son défenseur exigeaient une moindre responsabilité que la minute d’un acte quelconque qui reste, à la vérité, en dépôt chez un notaire, mais dont les parte s peuvent avoir des expéditions qui valent, pour elles, l’original! Vos comités ont cédé, sans s’en apercevoir, à l’impulsion que leur ont donnée le sens de vos décrets et la connaissance de vos principes. Et dans cette occurence, on observe en vainque les notaires sont de la juridiction volontaire, et les procureurs, de la juridiction contentieuse. Cette différence n’en apporte aucune dans la qualité de simples mandataires, qui appartient indistinctement à ces deux classes d’officiers; elle ne fait pas que les uns doivent présenter moins de sûreté que les autres pour l’exercice de leurs fonctions respectives; et surtout elle n’assimile pas plus les offices de procureurs que ceux des notaires aux charges de judicature, les seules dont l’Assemblée nationale ait décrété la suppression. Faut-il répondre aux autres réflexions contenues dans le rapport : « On ne peut, dit-on, laisser des procureurs en « titre d’office auprès de juges qui n’ont plus île « charges. » Pourquoi a-t-on donc exigé des cautions de la part des greffiers, tandis qu’on n’a pas assujetti les juges à en fournir? Pourquoi ces derniers sont-ils temporaires et les autres perpétuels? Pourquoi les hommes de loi que l’on veut établir seraient-ils eux-mêmes inamovibles ? Ces nuances ne nuisent-elles pas à l’espèce de symétrie que le rapport semble désirer dans l’ordre judiciaire? Qu’il souffre donc encore que des fonctionnaires particuliers et volontaires soient constitués sur un autre pied que des fonctionnaires publics et forcés? Je crois avoir suffisamment expliqué la raison de cette différence. Dire que « dans un nouvel ordre de choses il « faut des officiers revêtus d’un nouveau carac-« tère », ne serait-ce pas ridiculement supposer que les abus que peut commettre un officier, sont dans le titre, et non dans l’exercice de ses fonctions? Et, dans la circonstance, si l’on y regarde d’un peu près, vos comités, en vous proposant leur système, n’en sont-ils pas à prétendre que moins au homme court derisqueen prévariquant, moins il sera disposé à prévariquer? On ajoute que « les procureurs doiventsuivre le « sort des tribunaux auxquels ils étaient atta-« chés. » Pourquoi donc? Les officiers ministériels ne tenaient pas aux juges destitués, ils tenaient à Injustice et aux justiciables. Ils doivent dès lors exister aussi longtemps qu’il existera dans leur territoire une justice et des justiciables, malgré le changement des juges, et quel que soit la dénomination des nouveaux tribunaux substitués aux anciens. C’est ce que l’Assemblée nationale a déjà reconnu dans une circonstance toute semblable. Par l’article 2 d'un décret du 23 avril dernier, elle a voir la raison d’un traitement si différent; car je ne supposerai pas que le motif d’enrichir l’homme aisé et d’appauvrir le misérable soit une raison pour les comités. (1) lu judicio quasi contrahimus. [Assemblée nationale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 décembre 1790.J 453 supprimé toutes les juridictions de grenier à sel, et néanmoins, par l’article 6 de la même loi, elle a conservé aux huissiers établis près de ces tribunaux, le libre exercice de leurs fonctions. On objecte encore « la nécessité de réunir le « ministère de l’avocat à celui du procureur ». Vain prétexte pour admettre entre eux une concurrence. Le procureur Dominus litis a essentiellement la plénitude des droits des parties qu’il représente. L’avocat, au contraire, n’a pas de ministère qui lui soit propre dans l’ordre judiciaire et il s’en glorifie. L’association proposée serait donc une société léonine dans laquelle les avocats prendraient tout sans y avoir rien apporté. Il y a plus: dans le projet du comité, l’homme de loi prendrait la place du procureur, et le défenseur officieux celle de l’avocat : il n’y aurait que les noms de changés. Quant à la prétendue réunion, comme elle est peut-être impossible au fond, elle ne serait qu’idéale. Mais, dit-on, « la finance des offices est le prin-« cipe des droits attribués aux officiers ». Si celte considération n’a pas empêché les comités de conclure à la conservation des charges des notaires, pourquoi deviendrait-elle un moyen de proscription contre celles des procureurs? Les droits sont, pour les uns comme pour les autres, le prix du travail, et les finances seulement un gage de responsabilité. « La sûreté que semble présenter la finance, « nous réplique-t-on, est insuffisante. » Mais les finances des procureurs, si l’on excepte Paris, sont à peu près égales à celles des notaires. Si donc les comilés trouvent dans celles-ci une caution rassurante, pourquoi ne se contenteraient-ils pas de celles-là? D’ailleurs c’est moins la finance que l’hérédité, qui, dans l’état actuel, sert de gage aux parties. L’officier, qui sait pouvoir transmettre son état, a soin de le conserver et de l’améliorer pour en tirer un parti plus avantageux. La finance de sa charge offre un privilège à ses clients, mais son état est le principal garant de sa gestion. Enfin quelque modique qu’on suppose un nantissement, ce n’est pas par sa suppression qu’on peut jamais donner au créancier plus de certitude de payement. Et qu’on n’insiste pas sur ce que les procureurs des justices seigneuriales et les avocats n’avaient pas de finance ! La discipline pour ceux-ci et la révocabilité pour ceux-là en tenaient lieu et répondaient de leur conduite. On oppose encore « la diminution des procès et la simplification prochaine de la procédure ». A la bonne heure! Mais, en attendant, les formes actuelles, la division des biens nationaux, la justice gratuite, ne laisseront pas tarir subitement la force des procès. Au fait, si ce qu’il doit y avoir encore de contestations et de formes à remplir pour leur instruction, peut alimenter les hommes de loi qu’on se propose de substituer aux procureurs, pourquoi ceux-ci ne profiteraient-ils pas plutôt que des intrus, de ces restes, de ces fragments de leur ancien état? On objecte enfin que « plusieurs communautés de procureurs demandent leur suppression ». Mais on ne dit pas quelles sont ces communautés. Or, il est de notoriété que ce sont celles qui se trouvaient près des cours supprimées sans remplacement, ou que si quelques autres, en très petit nombre, ont présenté di s adresses de ce genre, elles ont eu pour base une erreur de fait, la fausse interprétation des décrets sur l’ordre judiciaire : du reste, la majorité des officiers ministériels, qui trouvent dans les tribunaux reconstitués les sièges auxquels ils étaient attachés, ont conjuré l’Assemblée nationale de leur conserver leur état, et peut-être a-t-on lieu d’être surpris qu’il n’ait été rendu aucun compte le leurs pétitions et des motifs sur lesquels elles sont fondées. Maintenant, après avoir parcouru les divers prétextes dont est étayé le projet de suppression des officiers ministériels, sans y avoir trouvé cette utilité publique , seule cause pour laquelle un citoyen puisse être exproprié, cherchons du moins quel intérêt particulier a pu inspirer cette idée au comité de Constitution, ou plutôt, pour ne pas nous livrer, à cet égard, à des conjectures que l’on pourrait croire insdiscrètes, laissons parler les faits. Le 22 décembre 1789, ont été arrêtés et classés les décrets sur la formation des assemblées primaires et des corps administratifs. Le 7 janvier suivant, on rassure les procureurs sur leur état, on rejette comme anticonstitutionnelle l’idée aujourd’hui si constitutionnelle de leur destruction, et les journaux leur portent dans tout l’Empire des paroles trompeuses qui les rassurent. Alors, et dès le lendemain 8, on provoque la sanction des décrels du 22 décembre; elle est accordée, les assemblées se forment et les procureurs, qui se croient certains de leur sort, sont loin d’aspirer aux fonctions administratives. Les corps administratifs étant organisés, on engage la discussion sur l’ordre judiciaire, et l’on garde sur les offices ministériels le silence le plus absolu. Cependant la première condition qu’on exige pour l’éligibilité aux places de judicature est la qualité d’homme de loi. Mais que sera-ce qu’un homme de loi? Les procureurs seront-ils compris dans cette classe ? En vain demande-t-on à plusieurs reprises au rapporteur du comité de Constitution ce qu'il entend par cette nouvelle dénomination ? Toujours il élude de répondre à cette question; et ce n’est qu’à la fin du travail sur cette partie de la Constitution qu’il fait décréter, on ne sait comment, que, pour celte fois, ou entendra par hommes de loi, les avocats, les juges et les officiers des justices seigneuriales, gradués avant le 4 août 1789. Ainsi les procureurs exclus de fait des places d’administration, le sont de droit des fonctions de judicature, non seulement en faveur des avocats, mais même au profit de simples praticiens étudiants en droit, et parvenus depuis un an aux équivoques honneurs du baccalauréat, dans l’Université de Reims. Voilà les hommes que l’on préfère aux officiers ministériels les plus expérimentés. On les exclut ensuite des places de juges de paix, ou du moins, on les déclare incompatibles avec leur profession, et cela par de simples décisions du comité de Constitution. Enfin, seuls dans l’Etat, ils ne pourront défendre les citoyens dans le tribunal de paix où il leur est interdit de s’asseoir. Et c’est lorsqu’on les a réduits aussi strictement à leur état, lorsque, soit dans l’ordre administratif, soit dans l’ordre judiciaire, toutes les places sont remplies, lorsque plus de dix mille avocats sont employés dans les municipalités, dans les cantons, dans les directoires, dans les tribunaux de district, et dans les départements, et qu’il reste à tous ceux qui ne le sont pas, leur état primitif, celui de défenseurs officieux, c’est [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 décembre 1790.] 454 alors, disons-nous, que le comité de Constitution, revenant sur l’assurance qu'il avait donnée solennellement à ces officiers pour la conservation de leurs charges, assurances fondées sur de? décrets antérieurs de l’Assemblée naiionale, et qu’elle a depuis ratifiée, nous propose de soumettre ces malheureux procureurs à une élection et de faire concourir cette fois avec eux ces avocats avec lesquels ils étaient indignes de rivaliser eux-mêmes un mois auparavant, pour toutes les places d’administration ou de judicature. Mais les avocats, vraiment dignes de ce titre, ne rejetteraient-ils pas eux-mêmes avec horreur les avantages qu’on leur présente? Déjà, comme nous venons de le dire, les fonctions administratives et judiciaires ont fourni des emplois honorables et lucratifs à ceux qui, soit par leurs lumières, soit par leur patriotisme, avaient acquis des droits à la reconnaissance publique; et parmi le petit nombre des jurisconsultes estimables sur lesquels les suffrages du peuple ne se sont pas réunis, les uns n’aspirent qu’au repos et les autres, éloignés par délicatesse d’une profession dont ils n’obtiendraint l’exercice qu’aux dépens de la propriété d’autrui, aimeront mieux, remplis du noble orgueil que leur inspirera l’ancienne gloire des fonctions brillantes dont ils étaient chargés, se consacrer à la défense officieuse. Quels seraient donc les avocats qui aspireraient aux dépouilles qu’on veut leur attribuer? Des individus sans confiance, sans aveu, qui, s’honorant d’un tilre qu’ils déshonorent, sont la charge inutile, quand ils ne sont pas les fléaux, de la société. Cependant, au milieu de la sorte deconcurrence qu’on daigne accorder celle fois aux procureurs avec ces espèces de 'proxénètes, qu’il me répugne d’appeler avocats, la chance est entièrement à Davantage de ces derniers; c’est à cinq personnes seulement qu’on défère le choix des hommes de loi, et de ces suffragants deux seront membres du tribunal, et trois du directoire; or, présumer que, d’après les précautions prises pour ne mettre que des avocats dans les tribunaux et dans les corps administratifs, il y aura, sur ces cinq électeurs, ap moins trois avocats, qui ne donneront leurs voix qu’à leurs confrères, ce n’est pas faire une supposition invraisemblable. Autant et mieux aurait-il donc valu dire franchement qu’on voulait sacrifier absolument les procureurs, pour enrichir de leurs dépouilles les avocats et les avocats les moins dignes de cette honorable qualité ? Et la tendresse du comité, pour cette espèce d’avocats, n’est pas encore rassurée par les précautions qu’il a prises pour leur sauver les risques de la concurrence; il veut encore; il veut que, pour cette fois, les hommes de loi n’aient pour électeurs que des juges, c’est-à-dire des avocats. Mais que les procureurs se rassurent contre cette haine que semblent leur avoir vouée des hommes qui leur devaient peut-être d’autres sentiments. Plus l’Assemblée nationale compte de jurisconsultes au nombre de ses membres, et moins ils voudront eux-mêmes qu’on puisse attribuer à l’intérêt personnel ou à l’esprit de corps un décret qui, comme tout autre, ne doit avoir pour base que l’intérêt générai. Le caractère des hommes de bien est de prendre les intérêts des absents. Celui des vrais avocats est de défendre avec toute l'énergie du courage et la force de l’éloquence ceux de la justice. En toute occasion leur cri de ralliement est équité. Non, Messieurs ; tandis que, délivrés des fléaux dont les accablait le despotisme, on va voir l’agriculture, le commerce, les arts prendre un nouvel essor, quand les créanciers de l’Etat sont assurés de leur fortune, lorsque de nombreux ateliers s’ouvrent de toutes parts à l’indigence laborieuse, à l’époque enfin où tons les Français vont jouir des fruits de la nouvelle Constitution, elle ne sera pas pour les officiers ministériels une occasion légitime de plainte. Non, la misère de ceux que le peuple avait honorés de sa confiance, et qui lui avaient consacré leurs études et leurs vrilles, ne viendra pas affliger ses regards. Non, seuls dans l’Empire, les officiers ministériels ne payeront pas de leur existence entière une Révolution à laquelle chacun ne doit et ne paye sans murmure que des sacrifices indispensables; et, dès qu’il est démontré que la suppression des offices ministériels grèverait le Trésor public de remboursements énormes, enlèverait aux plaideurs leurs sûretés, et à des milliers de citoyens des états qu’ils ont acquis par les plus grandes dépenses, le tout sans autre intérêt que celui d’une caste particulière déjà si prodigieusement favorisée, T Assemblée nationale, fidèle à ses principes, maintiendra sans doute la propriété de ces offices, comme elle a consacré toutes les autres. On ne peut néanmoins se dissimuler que la division actuelle du royaume, la circonscription nouvelle des ressorts, le morcellement des uns et l’accroissement des autres nécessiteront une différente répartition des officiers ministériels. Mais nous allons montrer qu’elle est facile à faire ; et l'Assemblée pèsera, dans sa sagesse, un projet que ses comités ont vainement tenté de combattre. Ce mode, que j’ai concerté avec les députés de la plupart des anciens bailliages du royaume, est, en effet, aussi frappant dans sa théorie, que facile dans son exécution. « Il consiste à déterminer, pour l’avenir, le « nombre des procureurs, et à conserver leurs <> offices jusqu’à concurrence du nombre fixé; « cependant,’ tous continueraient leurs fonctions « dans leurs tribunaux de remplacement, à « moins qu’ils ne préférassent une indemnité et « leur remboursement. Trois mois seraient fixés « pour celle option ; et l’on attendrait des décès « ou des démissions successives, la réduction dé-« finitive des titulaires, dont, en ces cas, biudem-« ri i té serait réduite à moitié. » Ce projet simple, sert à la fois, la convenance des localités et la convenance des particuliers. Il fait sortir le bien public de l’application des principes, qui sont mauvais quand ils n’ont pas le bien public pour objet unique. Il réduit naturellement le nombre des officiers ministériels à la mesure de l’utilité publique; et cette réduction s’opère sans convulsion par la volonté même de ceux qui en son! l’objet. Dans cette hypothèse, en effet, les ot liciers que l’âge détermine à la retraite, donneront dès à présent leur démission pour obtenir l’entière indemnité; le même motif décidera également la démission de ceux que leur fortune affranchit du besoin ci e leur état, et de ceux qui craindront de ne pas trouver, en le continuant, au produit qui puisse les dédommager de la moitié d’indemnité qu’ils risqueraient en le conservant. Le nombre de ces démissions sera d’ ailleurs proportionné dans chaque tribunal à l’étendue du nouveau ressort agrandi ou diminué, aussi bien qu’à la réduction îles affaires, parce que l’intérêt personnel ordonnera des démissions partout où elles seront nécessaires; elles se feront, [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 décembre 1790.) 455 et cet ordre de choses amènera, si l'on peut parler de la sorte, un triage heureux qui s’opérera tranquillement et de lui-même : car ceux des officiers qui préféreront de suivre leur état, seront certainement ceux-là pour qui le travail est indispensable, et qui sont le plus occupés, c’est-à-dire ceux qui jouissent d’une confiance plus générale. Ainsi, dans ce système, il se fera un choix agréable au public, utile aux officiers, et précieux pour les nouveaux tribunaux auxquels il procurera des fonctionnaires expérimentés dont ils seraient dépourvus dans les premiers moments. Tous ces avantages ont été dédaignés par le comité de Constitution ; et la communication du projet qui en est la base n’a servi qu’à faire inventer des sophismes, et créer des illusions pour le combattre. Qu’importe, en effet, qu’il y ait, comme le prétend le comité, quelques compagnies de procureurs qui demandent leur suppression et sollicitent des indemnités, puisque ces procureurs se trouveront désintéressés par l’alternative d’être indemnisés, ou de continuer leurs fonctions? Et si, dans chaque tribunal, il y en a qui veulent être remboursés, il y en a certainement aussi qui désirent conserver leur état. De quel droit le comité choisit-il entre les deux partis, et vient-il proscrire les hommes de bonne volonté? Mais, encore une fois, on abuse étrangement de ces prétendues pétitions, dont les unes ont été présentées par les officiers ministériels des cours supprimées sans remplacement, qui sont dans une position bien différente des officiers des juridictions territoriales, et les autres sont fondées sur la supposition que le décret qui supprimait les ofrices de judicature comprimait les offices ministériels. Or, peut-on argumenter d’une erreur qui, n’en fût-elle pas une, finirait, après tout, par être assez indifférente, puisque les articles proposés peuvent satisfaire tous les goûts, et s’appliquer à toutes les positions? Autre objection du comité. Il trouve un inconvénient dans la disposition d’après laquelle, dans le cas où les démissions actuelles réduiraient les officiers restants à une quantité moindre que celle qui aurait été fixée, les démettants ne seraient remboursés et indemnisés que jusqu’à concurrence (Su nombre excédant celui qui doit rester. Le comité prétend que c’est forcer l’officier, qui serait démis, à continuer ses fonctions malgré lui, ce qui, dit-il, est contraire à la liberté, l’officier ayant le droit de donner sa démission quand il lui plaît. Mais par quelle raison l’officier, qui ferait partie du nombre fixé pour un tribunal, se plaindrait-il de ce qu’en donnant sa démission, il n’obtiendrait pas de la nation le remboursement et l’indemnité accordée à ceux du nombre superflu ? C’est pour ce nombre excédant que le remboursement et les indemnités auront été décrétés, et non pour le nombre nécessaire. L’officier conservé sera donc libre de donner sa démission, comme il l’est à présent; mais, faisant partie du nombre réservé, sa position étant la même qu’à présent, alors, comme à présent, il n’aura pas le droit d’exiger son remboursement, mais alors aussi comme à présent, il pourra disposer de son état. Groiraii-on qu’en présentant un projet ruineux pour les officiers ministériels, lecomiié veut leur persuader qu’il n’a eu en vue que de prévenir leur ruine? « Le nouveau code nécessitera, dit-il, encore « des suppressions ; de là incertitude dans l’état « des officiers qui se trouveraient conservés. » C’est pour les guérir d� la crainte d’être ruinés par la suite, que le comité propose charitablement de les dépouiller dès à présent. Mais s’il faut de nouvelles réductions, on peut les opérer encore .le la même manière, et les coups seront moins sensibles. Le comité ajoute « que l’option qui serait laiq-« sée aux officiers de recevoir leur rembourse-« ment, ou de continuer leurs fonctions, force-« rait les moins occupés à perdre leur état ». S’il disair que ce sera pour eux un moyen de se démettre utilement d’un état qui ne leur présenterait pas un avantage égal au prix qu’ils pouvaient en retirer, il dirait une vérité que nous avons dite. Ce motif doit, en effet, opérer la c|é-mission des officiers les moins utiles aux citoyens, et accélérer la réduction du nombre; mais quand il n’agirait sur aucun, on ne voit pas que} inconvénient il en pourrait résulter pour l’ordre judiciaire. Objectera-t-on que les officiers pourraient ne passe presser de donner leurs démissions, dans l’espoir d’être du nombre de ceux auxquels il resterait des occupations suffisantes ? Mais d’abord, cette objection ne peut s’appliquer à ceux qui, parleur âge, leur fortune ou leur insuffisance, sont dans le cas de désirer une retraite, que l’appât de l’indemnité totale, subordonnée au délai fixé pour les démissions actuelles, ne manquerait pas de leur faire opter . Ensuite quand, après l’expiration de ce délai, il resterait encore pendant quelque temps un nombre d’officiers excédant celui déterminé, serait-il doue vrai, comme le prétend le comité, qu’il en résulterait une charge pour le public? On peut dire, au contraire, que ce nombre excédant servirait essentiellement la Constitution, même d’après le rapport; car si les nouvelles lois doivent, par la suite, prévenir beaucoup de procès, on ne peut se dissimuler que, dans les premiers temps, elles en occasionneront plus d’un. D’ailleurs, les anciennes lois conserveront encore longtemps leur influence dans les tribunaux, par rapport aux actions ouvertes. Ainsi Don peut dire que c’est un nouvel avantage du plan que je propose, que cette réduction progressive des officiers, qui, après l’expiration du délai fixé, s’opérera par Jeurs décès et par leurs démissions ultérieures, en même temps que la masse de leurs occupations diminuera par la progression des temps et l’affermissement d’un ordre de choses tout nouveau. Au surplus, les inconvénients, s’il y en a? seraient plus grand encore dans le cas contraire. î En effet, supposons que le nombre des officiers j excède et le nombre fixé et le besoin réel des | justiciables, seront-iis moins à charge au public, s’ils sont dépouillés de leurs fonctions? Revêtuâ j du litre d’officiers, soumis à la discipliné de I leurs pairs, surveillés dans leurs fonctions par le public et par les juges, ils seraient encore arrêtés par le frein de la responsabilité; au lieq que, privés d’un état qu’ils auraient conservé par nécessité, un dénuement absolu peut les précipiter dans la classe obscure des proxénètes, un les forcer d’aller dégrader celle des défenseurs officieux ; ce qui est d’autant plus à redouter, qu’affranchis de toute discipline, soustraits à toute surveillance, ils ne seront retenus par au 1 cune considération, et se permettront une foule 456 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 décembre 1790.] de délits que les lois ne pourront jamais atteindre. Mais à quoi bon s’arrêter à de telles difficultés? Ce que n’aura pas produit l’intérêt personnel des officiers, dans le délai fixé par le décret, leurs décès et leurs démissions ultérieures le feront; et tous ces moyens concourant ensemble, on ne tardera pas à voir le nombre des officiers au niveau des besoins des tribunaux et du public. D’un autre côté, si l’on considère notre projet dans ses rapports avec les finances de l’Etat, quels avantages n’offre-t-il pas? En conservant dans les tribunaux de leurs domiciles, tous les officiers nécessaires, sans aucun remboursement, ni indemnité, en transférant une partie des autres dans les tribunaux incomplets, sans remboursement, et avec moitié seulement de l’indemnité, en n’accordant non plus que moitié, de l’indemnité à ceux dont les démissions seront postérieures au délai fixé, la nation ne se trouvera chargée que d’un dixième au plus, des compensations qu’elle aurait à payer dans le système contraire. Alors elle pourra se montrer plus généreuse dans la fixation des indemnités, dont la quotité même peut contribuer encore à hâter la réduction des offices. Elle pourra surtout dédommager honorablement les officiers des cours et des tribunaux d’exception, qui, n’ayant pas, comme les autres, une clientèle directe et réunie dans un même lieu, et n’ayant jamais exercé leurs fonctions que sur des appels ou des matières qui feront la moindre partie de l’occupaiion des nouveaux tribunaux, n’ont de droit et de ressource que dans les indemnités pécuniaires qui leur seront accordées. Ce moyen avantageux et facile de répartir les officiers ministérielsdans les nouveauxtribunaux, doit donc écarter tout prétexte de les dépouiller de leurs propriétés et de leur état, et les considérations puissantes, les moyens victorieux que nous avons fait valoir contre ce projet d’expropriation, aussi contraire à l’intérêt des finances qu’à celui d’une bonne administration de la justice, reçoivent une nouvelle forcede ce principe, que la violation des 'propriétés est surtout odieuse quand on peut pourvoir à l’utilité publique , sans porter atteinte à ce droit sacré . Voici, d’après cela, Messieurs, le projet de décret que j’ai l’honneur de vous proposer : « Art. 1er Les officiers ministériels, établis près des cours supérieures, tribunaux d’exception et autres sièges supprimés sans remplacement, seront remboursés et indemnisés de la manière qui sera déterminée par l’article 4 ci-après. « Art. 2. A l’égard des officiers ministériels créés auprès des tribunaux supprimés, mais rétablis sous d’autres formes et dénominations, ils continueront leurs fonctions auprès des tribunaux de remplacement, ainsi qu’il suit: « Art. 3. L’Assemblée nationale réduira pour l’avenir, d’après l’avis des tribunaux, le nombre des officiers ministériels nécessaires dans chacun d’eux, à raison de leurs populations respectives, et ces officiers demeureront en titre d’office jusqu’à concurrence du nombre qui sera déterminé. « Art. 4. L’Assemblée nationale laisse néanmoins, quant à présent, à tous les officiers ministériels des juridictions territoriales, actuellement pourvus en titre d’office, la faculté de continuer leurs fonctions dans le ressort des tribunaux, qui, dans les villes de leurs domiciles, auront remplacé les juridictions dans lesquelles ils postulaient ci-devant, si mieux ils n’aiment recevoir dès à présent le remboursement de leurs offices avec la totalité des indemnités qui seront fixées nar le Corps législatif, d’après les avis des directoires de département, lesquels prendront ceux des directoires de districts sur la valeur commerciale qu’avaient leurs offices et leurs pratiques au premier janvier 1789. Les officiers ministériels seront tenus de faire cette option dans trois mois du jour de la publication du présent décret, sinon ils seront réputés avoir préféré la conservation de leur état. « Art. 5. Dans le cas où le nombre des démissions réduirait celui des officiers restants à un nombre inférieur à celui fixé, les titulaires se démettant, ne seront remboursés et indemnisés, conformément à l’article précédent, que jusqu’à concurrence du nombre excédant celui fixé ; et seront en ce cas préférés d’abord ceux qui auront les premiers donné leur démission ; ensuite les plus anciens en exercice, et les plus anciens d’âge en cas d’égalité. « Art. 6. Dans les villes où le nombre actuel des officiers ministériels n’égalerait pas le nombre nouvellement fixé, ou s’il n’y en avait aucun, ceux qui auront donné leur démission dans d’autres villes, pourront s’établir dans celles-ci jusqu’à concurrence du nombre fixé; auquel cas le remboursement de leur office ne sera pas effectué, ou sera restitué par eux s’il y a lieu, et leurs indemnités seront restreintes à moitié. S’il se présentait un nombre d’officiers excédant celui des places à remplir, on préférera d’abord ceux dont l’ancien ressort comprendrait tout ou partie de celui du nouveau tribunal dans lequel ils voudraient s’établir, ensuite ceux du département où ce tribunal se trouvera placé ; et si les concurrents se trouvent dans une position égale, les plus anciens en exercice auront la préférence qui sera accordée aux plus âgés, quand l’ancienneté sera la même. « Art. 7. Si les translations et les démissions, qui auront eu lieu dans le délai de trois mois, ne réduisent pas le nombre des officiers ministériels à celui qui aura été fixé pour les tribunaux de chaque ville, les réductions qui resteront à faire s’opéreront progressivement au fur et à mesure des démissions et des décès ultérieurs des titulaires; et les titulaires ou leurs héritiers ne recevront alors, avec le remboursement de leurs offices, que la moitié de l’indemnité qu’ils auraient eue, s’ils s’en fussent démis dans le délai fixé pour les démissions actuelles. » Divers membres demandent l’impression du rapport de M. Dinocheau. D’autres membres demandent que le plan de M. Guillaume soit également imprimé. (Ces deux propositions sont adoptées.) M. Vieillard (de Coutances). Le comité des rapports vous prie d’interrompre la discussion sur les offices, afin qu’il puisse vous rendre compte immédiatement de troubles survenus dans le déparlement du Lot. (L’Assemblée décide que M. Vieillard sera entendu.) M. Vieillard. Je suis chargé de vous rendre compte d’une affaire apportée ce matin à votre comité des rapports par un courrier extraordinaire des administrateurs du département du Lot. Votre comité a pensé qu’il suffirait de vous lire l’adresse de ces administrateurs.