2 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1789. J pour objet l’acquittement de la partie des impôts arriérés, un don gratuit à faire à l’Etat, un payement anticipé des impositions de l’année 1790, et la sûreté de la perception des revenus du Roi ; d’une autre adresse d’environ 300 citoyens de la ville de Paris, versés dans le service militaire, qiai, pour veiller à la sûreté de l’Assemblée, proposent de former un corps sous le nom de gardes de la régénération française; d’un arrêté des officiers du bailliage de Sérents,qui témoignent à l’Assemblée leur reconnaissance et leur respect ; d’une adresse de félicitation, de remerciements et d’adhésion delavilledePontrieux en Bretagne; d’une adresse de la municipalité de la ville de la Rochefoucauld, qui exprime sa reconnaissance sur les arrêtés du 4 août et jours suivants; des adresses de félicitation, de remerciements et d’adhésion delà ville de Clermont-Ferrand, de celle d’Argenton en Berry, et d’une autre, sur le même objet, des of liciers du bataillon des chasseurs d’Auvergne. M. le Président rappelle l'ordre du jour qui consiste à rédiger l’article de V inviolabilité de la personne du Roi , l’indivisibilité du Trône et l’hérédité de la couronne de mâle en mâle, reconnue hier par V Assemblée, par acclamation. M. de Cazalès. S’il est une question qu’il importe de couvrir d’un voile religieux, à cause des inconvénients qu’elle entraîne, c’est celle que vous agitez relativement à la maison d’Orléans et à la maison d’Espagne, sur la succession à la couronne. Le vœu de l’Assemblée n’est certainement pas douteux, mais elle ne veut pas l’expliquer. Cependant il me paraît, d’un autre côté, qu’il ne convient pas à la dignité de cette Assemblée j de se renfermer dans un silence qui pourrait devenir un moyen en faveur de l’un ou de l’autre des concurrents; il me semble que l’on pourrait ajouter à l’article contesté la phrase suivante : Le cas advenant où la branche d’Orléans opposerait une exception à ees principes et la renonciation faite par Philippe V, stipulée dans le traité d’Utrecbt, à la maison d’Espagne, il sera statué par une Convention nationale convoquée à cet effet. Cette phrase me paraît concilier toutes les opinions, en laissant intègres les droits des deux parties ; elle me paraît aussi prévenir le danger de perdre un allié, de voir notre commerce rompu avec lui; enfin, elle prévient le malheur des guerres civiles, en décidant à l’avenir ce que la nation doit faire. (Cette proposition est applaudie.) M. la vicomte de llacaye, député du Labour, représente que la question que l’on agite actuellement est une question oiseuse. De longtemps, dit-il, la famille royale ne sera éteinte ; les héritiers du Trône sont nombreux et en bonne santé. Mais il y a des considérations politiques qui doivent écarter celte question. Le commerce avec l’Espagne est considérable; nous tenons d’elle ces belles laines que l’on sait si bien employer dans nos manufactures ; l’Espagne fait circuler en France les trésors du Pérou ; les provinces voisines de l’Espagne font avec nous un commerce considérable de bœufs, de chevaux, etc. La jeunesse de ces provinces se répand dans l’Espagne, y exerce les métiers de charpentier, de maçon et revient passer l’hiver en France, chargée d’argent ; la Navarre partage également tous ces avantages. Il faut donc mettre d’autant plus de cir-1 conspection, dans la solution de cette question, que dans ce moment un habile négociateur anglais (celui qui a conclu le funeste traité de commerce entre la France et l’Angleterre) cherche à enlever à la France le commerce espagnol. (On applaudit dams toutes les parties déjà salle.) M. Bouche. La question que l’on agite relativement à la succession à la couronne est très-impolitique; il est étonnant que, sans intérêt, sans nécessité, on se livre à des débats aussi dangereux. Le commerce est très-étendu entre nos provinces méridionales et l’Espagne. En 1784, le conseil de Madrid fit enlever 190,000 bêtes à cornes dans les provinces voisines des Pyrénées, ce qui a répandu beaucoup d’argent. Cependant ce commerce est encore très-resserré ; les deux seules voies sont Perpignan et Bayonne. Il y a douze ans bientôt que la cour de France sollicite l’ouverture des autres barrières, ce qui ferait uni grand bien pour le commerce. Décider la question ce serait nuire considérablement aux provinces du Midi. Du côté politique les inconvénients sont incalculables ; et d’après les réflexions que je viens de présenter, il me paraît qu’il faut abandonner la question sur l’exclusion ou l’admission de la maison d’Espagne à la succession à la couronne de France. Je présenterai pour sortir d’embarras un moyen qui fera voir que l’on n’a pas cédé à la crainte, car la France n’est pas faite pour céder à ce motif. Mais j’ai quelques réflexions préalables à faire, et je réclame votre attention. Par édit du mois de juillet 1714, Louis XIV appelle à la succession du trône les princes légitimés, au défaut des princes légitimes. En 1717, cet «dit a été révoqué, et il est dit que le roi est supplié de ne rien préjuger sans les Etats généraux. Dans ces édits, ainsi que dans la déclaration de 1723, le prince déclare que la nation a le droit de se choisir un roi, dans le cas de défaillance des enfants mâles de la maison régnante. Certainement ce droit appartient d’une manière incontestable à la nation française. L’extinction de la maison régnante ne transmettrait pas à la nation le droit d’élire un roi, mais il lui en donnerait l’exercice. Dans les premiers temps, la couronne était élective. Plusieurs rois de la première, et même de la seconde race, prenaient le titre d'élus. Ce furent les grands et le clergé qui rendirent le trône héréditaire ; et Hugues Capet fut porté sur le trône au préjudice des enfants de Louis V. Nous n’avons pas besoin sans doute de tous ces exemples pour constater nos droits. Mais il e§t à propos de garder le silence sur les prétentions de la maison d’Espagne ; et si un jour elle voulait les faire valoir, vous auriez pour vous le traité d’Utrecht, et toutes les puissances de l’Europe intéressées à ce traité. Vous n’ignorez pas qu’en 1714, le fils de Philippe V a prétendu que son père n’avait pu faire de renonciation. Ainsi, quelles que soient les intentions de la maison d’Espagne, le parti du. silence est le seul convenable. Voici donc ce que je propose : En cas de défaillance d’enfants mâles et légitimes dans la maison régnante de Bourbon de France, la nation en décidera. M. I�osig fait une autre observation; il la [16 septembre 1789,] [Assemblée nationale.] présente comme devant rompre Ae nœud Je la difficulté. Vous allez statuer sur l’ordre delà succession à la couronne ; il ne sera seulement pas pour la maison régnante, mais pour toutes les autres maisons. Ce ne sera pas une règle particulière, mars un j principe général. Cependant vous la restreignez à , fa seule maison de Bourbon. Il faut se contenter de dire que le Trône est héréditaire et non éligible, et il ne faut pas surtout restreindre cette règle à la maison de Bourbon. M. le comte «le Mirabeau. Sans prétendre préjuger le procès entre la branche d’Orléans et la maison de Bourbon, je puis dire, après avoir été contre l’amendement de l’un des préopinants qui est contraire à la délibération : il n'y a lieu à délibérer , puisque l’amendement suppose qu’il y a lieu à délibérer, que ces deux objets sont contradictoires. Après cette déclaration, je pense -qu’il ne paraît pas sage de laisser de côte cette question.; je demande si, sous le règne d’un prince déclaré -restaurateur de la liberté, l’on doit abandonner rnn droit qui appartient à la nation. L’on ne doit sans doute pas commencer par traiter cette grande question aussi superiieielkmen t, aussi légèrement. J’ai eu i’boimeur de vous demander si vous persévérez dans la sage condition politique de déclarer qu’il n’y a lieu à délibérer.. Si vous y persévérez, je demande de nouveau la division de la rédaction ; si vous trouvez que la question doit être examinée, nous sommes prêts, aux yeux de l’Europe et de la nation, à laquelle une portion quelconque ne peut donner un roi, nous sommes, dis-je, prêts à délibérer. (La discussion cesse, on présente une foule d’amendements, et les observations de M-de Mirabeau sont inutiles.) M. Tiarget propose l'amendement suivant : Sans entendre rien préjuger de l’effet des renonciations sur lesquelles, le cas arrivant, une Convention nationale prononcera. Second amendement .: Le cas de défaillance arrivant, il sera statué par une Convention nationale convoquée à cet effet. Troisième amendement : Le Trône est héréditaire de mâle en mâle, par ordre de primogéni-ture, à l’exclusion perpétuelle des filles et de leurs descendants ; le Trône est occupé par l’auguste maison de Bourbon. Quatrième amendement : Eu cas d’extinction de la famille actuelle régnante, une Convention nationale décidera sur Tes .contestations qui pourraient s’élever sur l’ordre de la succession à la couronne. Cinquième amendement : Sauf à une Convention nationale à statuer, sur l’admission ou l’exclusion des princes étrangers. Sixième amendement : L’ordre pour la succession au Trône, tel qu’il a été suivi jusqu’à présent, sera solennellement confirmé. ■Septième amendement de M. de Talleyrand, évêque d’Autun: Et dans le cas douteux, la nation jugera. La séance devient très-tumultueuse. Plusieurs personnes veulent encore discuter la question ; mais l’Assemblée est impatiente d’aller aux voix. On témoigne un empressement marqué pour la motion de M. Target; d’autres réclament celle de M. l'évêque d’Autun. 3 Enfin on revient à celle de M. Target. Ce cüoix ne se fait que lentement e.t au milieu du pion grand désordre. La motion de M. Target est divisée, et l’on s’en tient aces mots : Sans rien préjuger sur l'effet des renonciations M. Je ccmle de Mirabeau. Il me paraît indigne de l’Assemblée de biaiser sur une question de l’importance de celle qui nous occupe. Autant les circonstances ont*pu nous, permettre, et peut-être dû nous inviter à nous abstenir de cette affaire, autant, si nous cm sommes saisis, il importe qu’elle soit jugée , et ce n’est passur des diplômes, des renonciations , des traités, que vous aurez à .prononcer ; c’est .d’après l’iiitérêt national. En effet, si l’on pouvait s’abaisser à considérer cette cause en droit positif, on verrait bientôt que le procureur le plus renommé par sa mauvaise foi n’oserait pas soutenir contre la branche de France , ni vous refuser le jugement que le monarque le plus asiatique qui ait jamais régné. sur la France vous a renvoyé lui-même. Plusieurs voix : A l’ordre,! M. le comte de Mirabeau. Messieurs, je ne sais comment nous concilierons le tendre respect que nous portons au monarque, honoré par nous du titre de restaurateur de la liberté , avec cette superstitieuse idolâtrie pour le gouvernement de Louis XIV, qui en fut le principal destructeur. Je suis donc dans l’ordre, et je continue. Je défie qu’on ose me nier que toute nation a le droit d’instituer son gouvernement , de choisir ses chefs , et de déterminer leur succession. Plusieurs membres demandent qu’on aille aux voix. M. le comte de Mirabeau. Je déclare que je suis prêt à traiter la question au fond, à l’instant môme, à montrer que si toute nation a intérêt que son chef se conforme à ses mœurs, à ses habitudes, à ses convenances locales, qu’il soit sans propriétés ni affections étrangères, cela est plus vrai des Français que d’aucun autre peuple; que si le sacerdoce veut de l’inquisition, et Je patriciat de la grandesse, la nation ne veut qu’un prince français ; que les craintes par lesquelles on cherche à détourner notre décision sont puériles ou mal fondées.; mais que l’Europe, et l’Espagne surtout, n’ont point dit avec Louis XIV : il n'y a plus de Pyrénées ; qu’en laissant maintenant la question indécise, s’il y a une question, on répandra des germes innombrables de discordes intestines ; et qu’enfin, je ne pourrai que conclure, s’il y a une question, à ce qu’elle soit jugée, s’il. n’y en a pas, à ce que la rédaction de l’article soit refaite hors de l’Assemblée.; car ici elle consommerait trop de temps, et n’atteindrait jamais un certain degré de perfection, les douze cents représentants fusseni-il douze cents écrivains excellents. (On allait aller aux voix lorsque les uns ont demandé la question préalable .sur les amendements.) Un autre membre veut que les détails de la question présente soient retranchés du procès-verbal. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.