447 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] ne produira aucun droit ni aucun profit en faveur •du ci-devant seigneur du fief dominant, et n’augmentera, dans aucun cas, le prix du rachat du fief servant, ni celui des biens tenus eu censive. » (Cet article est décrété.) L’.ordre du jour est un projet de décret additionnel présenté par le comité de Constitution sur l'ordre judiciaire. M. ILe Chapelier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, le comité de Constitution est interrogé, depuis plusieurs mois, sur différentes questions relatives aux juges de paix, à leurs greffiers, aux juges, greffiers et huissiers des tribunaux, et aux bureaux de paix. Les réponses qu’il a faites et celles que donne le ministre de la justice, à qui ces questions sont renvoyées par le comité, lorsqu’il ne s’agiique de l’application évidente des décrets de l’Assemblée, ne portent la lumière que dans un cercle fort étroit, et ne préviennent ni les doutes qui naissent ailleurs, ni le renouvellementeoatiouel des mêmes questions. Votre comité a pensé que, par quelques décrets additionnels, qui ne sont que la conséq mncedes premiers que vous avez rendus, ou qui manquent en effet au complément de l’organisation de l’ordre judiciaire, la source des difficultés serait tarie, et que l’activité de la justice ne serait plus retardée, soit par de chimériques prétentions, soit par des scrupules exagérés. lia paru juste d’accorder une légère récompense au juge de paix pour les vacations de scellés qui ne sont pas des jugements; cela a paru utile pour prévenir les négligences. Le respect pour la loi lient souvent à l’impression des sens; nous vous proposerons donc un costume, ou plutôt un signe extérieur servant à faire reconnaître le juge de paix et les officiers ministériels de l’exécution des jugements ; la demande en est formée de toutes les parties du royaume. Vous avez réglé les menus frais des directoires; il faut déterminer aussi ceux des tribunaux. Les fonctions et les droits des suppléants ont donné lieu à plusieurs questions qu’il paraît convenable de résoudre. La taxe des dépens, la reconnaissance et levée des scellés apposés par les municipalités sur les greffes, exigent aussi quelques dispositions particulières. Voici le projet de décret i Projet de décret. Des juges de paix , do leurs assesseurs et de leurs greffiers. « Article 1er. Nul ne pourra être juge de paix et en même temps officier municipal, membre d’un directoire, greffier, avoué, huissier, juge de district, juge de commerce, percepteur de deniers publics . « Art. 2. Les assesseurs des juges de paix sont exclus des mêmes fonctions, si ce n’est que dans les bourgs et villages, il leur sera permis d’être officiers municipaux : ils ne peuvent être parents du juge de paix au degré de cousins germains; et s’ils sont parents entre eux à ce degré, ils ne jugeront point ensemble sans le consentement de toutes les parties. « Art. 3. La première fois que les assesseurs assisteront le juge de paix, ils prêteront dans ses mains le même serment prêté par lui devant le conseil général de la commune, et il en sera dressé acte. « Art. 4. Le juge de paix sera tenu de nommer un greffier, lequel ne pourra être son parent jusqu’au troisième degré, selon la supputation civile, c’est-à-dire jusqu’au degré d’oncle et de neveu. « Art. 5. Les greffiers des juges de paix ne pourront exercer les fonctions mentionnées en l’article 1er, ni celles de notaires. Il eu sera de même des greffiers des tribunaux de district ou de commerce. « Art. 6. Si le greffier de la municipalité refuse signifier les citations, actes et jugements du juge depaix,il ne pourra conserver sa place ; et l’huissier qui le remplacera pour les significations ne recevra, à peine de concussion, que les droits attribués au greffier, si la signification est faite dans la municipalité du domicile de l’huissier; mais en outre, en cas de transport, il recevra 12 sous par lieue, sans qu’il puisse jamais être mis à la charge de la partie condamnée plus que les frais de deux lieues de transport. « Art. 7. Les juges de paix procéderont d’office à l’apposition des scellés, après l’ouverture des successions, lorsque les héritiers seront absents ou mineurs, et ils passeront outre, nonobstant les oppositions, dont ils renverront le jugement au tribunal de district. « Art. 8. L’apposition de scellés étant un acte purement ministériel et conservatoire, il sera alloué au juge de paix 2 livres pour une vacation de 3 heures, et 20 sous pour les suivantes. Le greffier aura les 2 tiers de la somme attribuée au juge. Les droits seront d’une moitié en sus dans les villes au-dessus de 25,000 âmes, et du double pour Paris. Il en sera de même pour les vacations de reconnaissance et levée de scellés, et pour celles employées aux avis de parents; le tout indépendamment des droits d’expédition du greffe. « Art. 9. La confection des inventaires n’appartiendra point au juge de paix, mais aux notaires, même dans les lieux où elle était ci-devant attribuée aux juges et aux greffiers. « Arl. 10. La légalisation des actes appartiendra, non aux juges de paix, mais aux présidents des tribunaux de district, ou aux juges qui en feront les fonctions, et concurremment aux maires des chefs-lieux où sont établis, soit les tribunaux, soit les administrations de district. « Art. 11. Les juges de paix pourront porter, attaché au côté gauche de l’habit, un médaillon ovale en étoffe, bordure rouge, fond bleu, sur lequel seront écrits, en lettres blanches, ces mots : La loi et la paix. < Art. 12. Les huissiers des juges de paix dans les villes, lorsqu’ils seront en fonctions, porteront à la main une canne blanche. Les citations et jugements des juges de paix seront signifiés par eux, et non par autres huissiers, à peine d’amende de 6 livres, qui sera prononcée par le juge de paix, dont la moitié sera applicable à son huissier; l’autre moitié sera versée dans la caisse du receveur des amendes du district. Des bureaux de paix. « Art. 13. Aucuns avoués, greffiers, huissiers et ci-devant procureurs ne pourront représenter les parties aux bureaux de paix. Les autres citoyens ne seront admis à les représenter que lorsqu’ils seront revêtus de pouvoirs suffisants pour transiger. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1791.] 448 Art. 14. Les affaires commencées avant l’installation des tribunaux, seront porté s à ceux qui doivent en connaître, par simple assignation de la partie la plus diligente, sans autres procédures et sans avoir passé au bureau de paix, si l’une des parties s’y refuse. « Art. 15. Toutes saisies, oppositions et autres actes conservatoires pourront être faits avant de donner la citation devant le bu eau de paix. Les affaires qui iniéressent la nadon, les communes et l’ordre public seront portées aux tribunaux sans qu’il soit besoin de comparution préalable devant ce bureau ; il en sera de même des affaires de la compétence des juges de commerce. « Art. 16. Les officiers municipaux sont autorisés à pourvoir économiquement aux menas frais de bois, lumière, papier et secrétaire du bureau de paix, qui seront à prendre sur le produit des amendes prononcées sur les appels. Art. 17. Les bureaux de paix exerceront leurs fonctions sans qu’il soit besoin d’aucune installation. » Des juges de district , suppléants et greffiers. « Art. 18. Les fonctions mentionnées en l’article 1er sont interdites aux juges et aux commissaires du roi, ainsi que celles de notaire. « Art. 19. Les suppléants ne pourront être greffiers, huissiers, ni percepteurs de deniers publics; mais ils pourront exercer le ministère de défenseur officieux, d’avoué, de juge de paix, ainsi que les fonctions municipales, à la charge d’opter au moment où ils auront dos provisions de juges. « Art. 20. Les suppléants ne seront appelés par le tribunal que dans le cas où leur assistance sera nécessaire à la validité des jugements, à l’exception des suppléants qui, remplaçant les membres de l’Assemblée nationale nommés juges , complètent le nombre habituel de 5 dans chaque tribunal. La première fois qu’ils seront appelés, s’ils n’ont pas prêté le serment, lors de l’installation des juges, ils prêteront devant eux le même serment, et il en sera dressé acte. « Art. 21. Lorsque les suppléants seront appelés pour la validité des jugements, ils porteront le même costume que les juges et ils recevront leur part des droits d’assistance feulement. « Art. 22. Les commis assermentés des greffiers des tribunaux ne peuvent, non plus que les greffiers eux-mêmes, être parents de l’un des juges du tribunal qui les a choisis, jusqu’au troisième degré, selon la supputation civile, quand même le juge, parent du greffier, se serait abstenu de donner sa voix pour son élection. « Art. 23. Dans les lieux où l’u-age des taxateurs est établi, il sera nommé par chaque tribunal 2 ou 3 taxateurs de dépens pris parmi les avoués, et qui exerceront pendant 3 mois, après avoir prêté serment de remplir fidèlement leurs fonctions ; ils pourront êlre continués ; partout ailleurs les dépens seront liquidés par le jugement même. « Art. 24. Toute perception de droits et émoluments, contraire aux règlements, est défendue à peine de concussion et les taxateurs en seront personnellement responsables, sauf leur recours contre l’officier qui aurait trop reçu. « Art. 25. Par provision, et eu attendant qu’il ait élé fait un nouveau tarif, les émoluments personnels des greffiers, sur chaque expédition, seront de la moitié des anciens. Ceux des avoués, des taxateurs, des huissiers audienciers, seront des trois quarts ; ceux des huissiers ordinaires seront les mêmes ; mais tous ces droits ne seront perçus sur ce pie J, même dans les affaires d’appel, qu’eu égard aux tarifs qui étaient établi s dans chaque lieu pour les affaires de première instance. A Paris, ces proportions seront établi1 s sur le tarif de 1778, qui avait lieu aux requêtes du palais ; mois il ne sera passé aux avoués aucuns des droits de conseil ou de consultation attribués par ce tarif aux ci-devant procureurs, ni plus de 3 actes pour venir plaider dans chaque cause. « Art. 26. Ju-qu’à ce que l’Assemblée nationale ait statué sur la simplification de la procédure, les avoués suivront exactement celle qui est établie par l’ordonnance de 1667 ; il ne sera cependant présenté aucune requête pour obtenir la permission d’assigner; et dans tes affaires appointées, il ne sera signifié que deux écrits au plus pour chaque partie; et dans les lieux où il se fait un inventaire de production, il sera fait par un ét it sommaire qui ne passera en taxe que pour 15 livres. « Art. 27. Les tribunaux de district et de commerce sont provisoirement autorisés à faire des arrêtés relatifs à la police et à l’ordre des audiences ; ils feront exposer dans l’auditoire les rôles : l°des affaires sommaires ou provisoires, ou portées par appel des juges de paix et tribunaux de police; 2° des affaires ordinaires; 3° des affaires majeures et de celles qui sont appointées. Il y aura par semaine des audiences destinées à chaque genre d’affaires civiles, et d’autres pour le rapport et le jugement des procès criminels. « Art. 28. Les défenseurs officieux seront tenu ? de justifier au président et de faire viser par lui les pouvoirs de leurs clients trois jours au moins avant celui de l’audience. « Art. 29. H sera provisoirement alloué par an, pour menus frais de chaque tribunal de district, en papier, registres, bois, lumière et serviteur ou concierge, une somme de 800 livres, laquelle sera payée par les receveurs de district, sur les mandats des présidents. Cette somme sera n’une moitié en su3 dans les villes au-dessus de 60,000 âmes, et du double à Paris. 11 ne sera passé aucuns frais de buvette. « Art. 30. Les huissiers, gardes du commerce et autres exécuteurs des jugements, faisant une exécution quelconque, porteront une canne blanche et, à la boutonnière, une médaille suspendue par un ruban aux trois couleurs et portant ces mots : Action de la loi. a Les huissiers audienciers porteront, dans le même ca=, le costume réglé par le décret du 2 septembre 1790 : ceux-ci feront seuls les significations d’avoués à avoués; tous autres huissiers qui feront ces significations seront condamnés pour chacune à une amende de 12 livres, dont moitié applicable aux huissiers audienciers du tribunal. « Art. 31. Les juges d-s tribunaux de commerce seront installés par les officiers municipaux dans la même forme prescrite à l’égard des tribunaux de district. « Art. 32. Les officiers municipaux des lieux où il y avait des justices ci-devant seigneuriales, reconnaîtront et lèveront les scellés qu’ils ont apposés sur les greffes, et feront transporter les minutes et registres au greffe du tribunal de [23 février 1791.] 449 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. district, dont le greffier s’en chargera au pied d’un bref état. Il en sera de même des ci-devant sièges royaux compris dans le territoire du tribunal ; mais à l’égard des ci-devant cours, ci-devant présidiaux, bailliages, sénéchaussées, vi-gueries, établis dans les lieux où les tribunaux de district sont placés, les officiers municipaux nommeront tel gardien qu’ils jugeront à propos, duquel ils prendront le serment, et qui, après la reconnaissance et levée des scellés, se chargera sur un bref état, des minutes, registres, archives de ces anciens tribunaux, et pourra en délivrer des extraits ou expéditions, en ne recevant que 20 sous par chaque rôle, dont ils compteront de clerc à maître à la municipalité, qui leur lixera un salaire raisonnable. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Ce Chapelier, rapporteur , donne lecture de l’article 1er. M. de Follevllle. Je demande qu’on ajoute à la nomenclature contenue dans cet article le mot : notaire. M. Ce Chapelier, rapporteur. J’ai l’honneur de vous faire observer que c’est avec réflexion que nous n’avons pas mis les notaires. Les fonctions de notaire sont des fonctions de paix, sont dts foncions conciliatoires. Vous ne donnez pas un salaire assez considérable à vos juges de paix pour les priver des fonctions particulières qui sympaihhent si bien avec celles de notaires dont ils pourraient déjà être revêtus. (L’amendement de M. de Folleville n’est pas adopté.) L’article 1er est adopté sans modification dans les termes suivants : Art. 1er. « Nul ne pourra être juge de paix et en même temps officier municipal, membre d’un directoire, greffier, avoué, huissier, juge de district, juge de commerce, percepteur de deniers publics. » M. Ce Chapelier, rapporteur , donne lecture de l’article 2. M. Cegrand. Je demande par amendement que, dans les villes dont la population est inférieure à 4,000 âmes, les assesseurs ne soient pas exclus des fonctions mentionnées à l'article précédent et que cette incompatibilité soit restreinte aux villes dont la population est supérieure à ce chiffre. (La question préalable est demandée sur cet amendement.) (L’Assemblée décrète qu’il y a lieu à délibérer et adopte l’amendement.) L’article 2 est décrété, avec cette modification, comme suit : Art. 2. « Les assesseurs des juges de paix sont exclus des mêmes fonctions, si ce n’est que dans les bourgs et villages au-dessus de 4,000 âmes, il leur sera permis d’être officiers municipaux. Ils ne peuvent être parents du juge de paix au degré de cousins germains; et s’ils sont parents entre eux à ce degré, ils ne jugeront point ensemble sans le consentement de toutes les parties. » 1" Série. T. XXIII. M. Ce Chapelier, rapporteur , donne leclure des articles 3 et 4, qui sont adoptés, saos discussion, en ces termes : Art. 3. « La première fois que les assesseurs assisteront le juge de paix, ils prêteront dans ses mains le même serment prêté par lui devant le conseil général de la commune, et il en sera dressé acte. » Art. 4. « Le juge de paix sera tenu de nommer un greffier, lequel ne pourra être son parent jusqu’au troisième degré, selon la supputation civile, c’est-à-dire jusqu’au degré d’oncle et de neveu. »> M. Ce Chapelier, rapporteur , donne lecture de l’article 5. Un membre: Je demande si, pour être élu et pour être greffier des tribunaux de district et des juges de paix, il faut être citoyen actif? Il y a beaucoup de jeunes gens dans les provinces méridionales qui ont des talents et qui demandent que cela se décide. Plusieurs membres : On ne peut pas être fonctionnaire public sans être citoyen actif. Un membre demande que le greffier soit tenu de faire sa résidence dans le lieu du domicile du juge de paix. Un membre demande que le greffier soit tenu de résider dans le canton. Un membre demande que le greffier soit tenu de résider au plus à une lieue de distance du lieu clu domicile du juge de paix. (Ces amendements sont rejetés par la question préalable.) Un membre propose par amendement que les avoués puissent être greffiers du juge de paix. (Cet amendement est rejeté par la question préalable.) M. Coupllleau. Je crois qu’il est intéressant, comme le comité l’a observé, que les greffiers des juges de paix ne puissent exercer les fonctions mentionnées dans le premier article; mais je ne crois pas qu’il soit intéressant d’exclure les greffiers des juges de paix des fonctions de notaire; dans la majeure partie des campagnes, dans les chefs-lieux des cantons, vous ne trouverez personne d’a-sez instruit pour exercer ces fonctions, si ce n’est les notaires. Je demande donc qu’il n’y ait pas d’incompatibilité entre les greffiers des juges de paix et les notaires. M. Fe Chapelier, rapporteur. Le motif du comité pour étendre l’incompatibilité jusqu’aux fonctions de notaire, a été que les greffiers que l’on charge de différentes opérations assez occupantes, fussent tout entiers à ces opérations. Cependant je consens à rayer cette addition ; car je n’y vois pas un grand inconvénient. Mais aussi je dois dire que je n’aperçois pas l’avantage qu’on y voit Un membre : Quant à moi, Messieurs, je trouve des inco ivénients très sensibles dans celte réunion. 1® C’est que le greffier ne doit pas être dis-99