100 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 avril 1791.] qu’au règlement pour rendre une liberté que nous ayons déjà décrétée par un décret du 2 mars ? Ce décret dit précisément que, le 15 avril, les agents de change seront supprimés. Dès lors nous demandons l’exécution de ce décret. Les agents de change ne pourront exercer leurs fonctions que d’après la confiance qui leur est donnée. Tout homme demain doit avoir le droit de prendre des patentes et d’exercer ces mêmes fonctions. Le public s’adressera à ceux qui lui inspireront le plus de confiance. Je demande que ce décret ait sa pleine et entière exécution. ( Applaudissements dans les tribunes.) Toute autre marche favoriserait encore cet agiotage que nous avons tous intérêt de détruire, contre lequel on a si longtemps réclamé; et j’ajoute encore qu'il eu doublerait l’activité ( Applaudissements .) M. Prieur appuie l’opinion de M. de Noailles. M. Roussillon, rapporteur. Vous ne considérez que la Bourse de Paris; mais qu’arriverait-il aux Bourses de Bordeaux et de Marseille si vous établissiez la liberté avant le règlement? Il en pourrait résulter les plus grands inconvénients. (Applaudissements.) il faut préalablement que ces nouveaux agents se pourvoient de patentes, et le bureau des patentes n’est pas encore ouvert. D’ailleurs ce serait jeter dans de justes alarmes toutes les places de commerce de l’Europe, qui ont des rapports avec celle de Paris, que de confier peadant quelques jours les changes à des hommes qui ne rempliraient aucune des formalités indispensables pour l’exercice de cette profession. M. Anson. J’ajoute que les agents de change actuels ont des patentes provisoiies : celles en vertu desquelles ils ont exercé jusqu’ici et qu’on ne contrevient donc pas au décret qui porte qu’à compter d’aujourd’hui on ne pourra exercer sans patenîe, st on laisse exercer provisoirement les agents actuels, d’après les anciens règlements. M. Prieur. On pourrait ajouter, à la fin de l'article, une disposition portant que l’ancien règlement continuera d’être exécuté jusqu’à la promulgation du nouveau. M. Roussillon, rapporteur. Voici la rédaction que je propose pour l’article 2 : Art. 2. « Conformément à l’article 7 du décret sur les patentes du 2 mars dernier, il sera libre à toutes personnes d’exercer la profession d’agent et courtier de change, de banque et de commerce, tant de terre que de mer, mais à la charge de se con ¬ former aux dispositions des règlements qui seront incessamment aécrét js, sans que personne puisse être forcé d’employer leur ministère ; et cependant les anciens agents de change continueront d’exercer leurs fonctions conformément aux anciens règlements, jusqu’à laproinulgation des nouveaux règlements, qui seront incessamment décrétés. » (Adopté.) M. Ronssillon, rapporteur. Je propose maintenant d’ajourner à la séance de samedi soir la suite de la discussion. (Cet ajournement est décrété.) M. le Président lève la séance à dix heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 14 AVRIL 1791, AU SOIR. PÉTITION des courtiers de change de Paris à l’ Assemblée nationale. Messieurs, Nous gémissions depuis longtemps sur les abus sans nombre que laissaient encore subsister les anciennes institutions. Pénétrés de la sagesse de vos principes, nous attendions avec confiance une loi qui rendît, à tous les citoyens, la faculté d’exercer librement toutes les fonctions industrielles de la société. Yous vous êtes occupés de cette partie importante de l’administration, et vous avez décrété, le 16 lévrier dernier : « Qu’à « compter du 1er avril prochain, il sera libre à « toute personne d’exercer telle profession, art « ou métier qu’elle trouvera bon, après s’être « pourvue d’une patente, en avoir acquitté le « prix, suivant le taux déterminé, et s’être con-« formée aux règlements qui pourront être « faits. » Ce décret général a porté nommément sur les agents de change du royaume. La raison, la justice, 'qui ont présidé à cctle restitution des droits naturels des citoyens, ordonnaient à ces ci-devants privilégiés de rentrer en silence dans la clause commune; mais l’intérêt personnel, à défaut de motifs, leur a suggéré des prétextes pour demander la continuation de leurs fondions exclusives. Ils ont dit que la liberté accordée à tous les citoyens de prendre une patente d’agent du commerce allait ouvrir la porte au brigandage dans les affaires. Comme s’il était bien clairement prouvé que la probité n’eût trouvé d’asile que dans la circonscription de leurs membres et que le règlement sévère réclamé ne pût prescrire de meilleures conditions pour être admis, que celles portées par leurs statuts particuliers. Ils ont dit qu’un nombre déterminé était indispensable, c’est-à-dire qu’un privilège exclusif était nécessaire pour présenter une basa à la confiance. Comme si la confiance qui s’établit par un individu dans un autre pouvait jamais être commandée; comme s’il n’était pas déjà malheureusement trop constaté que plusieurs de ces privilégiés, qui se croient exclusivement dignes de confiance, ont failli pour une somme de près de 60 millions, depuis 5 ans, époque de leur création. Ils ont dit qu’ils voulaient bien se soumettre à une élection, mais qu’en adoptant ce mode les électeurs seraient pris seulement dans les banquiers, marchands en gros ou notaires, et avec la clause, que le quart de voix serait suffi-s tnt pour les remire admissibles et que les autres préundants ne p mimaient l’éire qu’à la majorité. Comme si ie citoyen, fort de sa bonne conduite dans l’état qu’il a exercé, ne devait pas se présenter avec la sécurité qui défie les récusations, et si au contraire le candidat, qui ne peut encore avoir que la présompdon en sa faveur, n’était pas, par cela seul, dans une position à mériter plus d’indulgence. Ils ont dit que le défaut de secret dans les négociations, l’obligation réclamée par nous de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |14 avril 179 l-J nommer les parties contractantes était un moyen de nuire au succès de quelques spéculations. Comme si la loi qui, sous l’ancien régime, les a autorisés à marcher dans l’ombre, pour favoriser les cuupables manœuvres des ministres des finances, pouvait continuer d’exister, par la considération de quelques intérêts particuliers lorsque tous vos travaux cherchent partout la lumière, et s’opposent d’une manière si évidente à tout ce qui peut alimenter cet agiotage effiéné, qm est, depuis 6 ans, te fléau du commerce et de nos manufactures. Nous ne taririons pas, Messieurs, s’il faisait réfuter en son entier la doctrine inconstitutionnelle des agents de change sur l’organisation future. Il vous suffira d’analyser les étonnants paradoxes qu’ils viennent de hasarder pour juger du ridicule de leurs prétentions. Mais, c’est moins ces ci-devants privilégiés que nous entreprenons de combattre, que les droits de tous les citoyens que nous venons réclamer. Gardez-vous de croire, surtout, que nous nous laissions ici guider par cet intérêt vil et personnel qui détruit la fraternité et sollicite l’injustice. Non, Messieurs! Si un tel sentiment avait pu jamais trouver accès auprès de nous, apologistes éhontés de l’égoïsme des agents de change, nous eussions demandé avec eux une fixation de nombre dans lequel votre équité n’aurait pu se dispenser de nous confondre. Mais il s’agit d’un plus grand objet. En entrant dans la carrière, noos demandons qu’elle soit ouverte à tous ceux qui voudront la parcourir. L’administration économique et sévère que votre sagesse vient d’établir dans les impôts et les perceptions, va livrer à l’oisiveté, et peut-être à l’indigence, un grand nombre de nos concitoyens. Votre justice ne vous permettra pas de leur interdire une profession que vous avez rendue libre comme toutes les autres; si elle cessait de l’être, alors toutes les corporations viendraient, sous des prétextes aussi spécieux, et tout aussi peu fondés que ceux des agents de change, réclamer les privilèges que vous avez anéantis. Vous avez senti qu’il suffisait, pour parer aux inconvénients de cette liberté, de faire de sévères règlements de police pour les professions qui en sont susceptibles. Nous joignons à cette pétition un projet de règlement qui vous manifestera, d'une (manière plus positive, la sévérité de uos principes et la pureté de nos intentions. PROJET DE RÈGLEMENT. Titre 1er. Admission des citoyens à la -profession d'agent de commerce. Art 1er. A compter du 13 avril prochain, conformément au décret sur les pateutes du 16 février 1791, il sera libre à toute personne d’exercer la profession d'agent de commerce, en se conformant à ce qui sera dit ci-après. Art. 2. Celui qui aura obtenu une patente se retirera par-devant le pré.-ident du tribunal de commerce pour y prêter serment. Art. 3. Le greffier de ce tribunal lui délivrera une expédition de sa prestation de serment, qu’il sera tenu de produire à la commune pour y justifier qu’il a rempli cette formalité. Art. 4. Il y aura à lu Bourse un tableau sur lequel seront inscrits, par ordre alphabétique, 101 les noms et demeures de ceux qui seront pourvus de patentes. Titre II. Obligation à remplir par les agents de commerce dans l'exercice de leur profession. Art. lor. Il est défendu aux agents de commerce, sous peine de destitution , d’arrêter en leur nom et de liquider par eux-mêmes aucune opération, à moins qu’ils n'eu soieut requis par les parties. Art. 2. Lorsqu’ils auront fait une négociation, ils donneront aux parties contractantes, un arreté dans chacun desquels seront mentionnés les noms, soit du vendeur, soit de l’acheteur, qui se connaissant, pourront terminer ensemble leur opération. Art. 3. Les agents de commerce seront tenus d’avoir chacun un registre-journal eu papier timbré, dont chaque feuillet sera coté et paraphé par un des juges du tribunal de commerce. Ce registre sera destiné à recevoir, jour par jour, et dans la forme la plus exacte, toutes leurs opérations. Art. 4. Au moyen du serment ci-dessus requis, il sera ajouté foi aux déclarations des agents de commerce. Ils ne pourront, dans aucun cas, refuser, soit aux juges, soit aux négociants intéressés, l’exhibition et même, au besoin, la compulsion de leurs registres. Art. 5. Ils ne pourront, sous peine de destitution, négocier aucun effet, lorsqu’il se trouvera cédé par un négociant dont la faillite serait déclarée. Art. 6. Il leur est défendu, sous la même peine, d’endosser aucun effet, ou d’eu donner leur aval. Ils seront seulement tenus de certifier la vérité de la dernière signature des lettres de change ou billets négociés. Titre III. Police de la Bourse. Art. 1er. La Bourse sera ouverte tous les jours, excepté les fêtes et dimanches, depuis midi jusqu'à une heure; et c’est pendant la durée de ce temps seulement qu’il est permis aux agents de commerce d’y traiter des négociations et d’en faire constater le cours. Art. 2. L’emplacement connu à la Bourse sous le nom de parquet est, à compter du 15 avril prochain, supprimé. Art. 3. Il sera envoyé chaque jour, pendant la tenue de la Bourse, une garde qui se tiendra au dehors, et u’obéira qu’à la réquisition des commissaires dont il sera ci-après fait mention. Art. 4. Toute opération faite à la Bourse devra être terminée avant l’ouverture de la Bourse suivante, passé lequel délai la partie lésée sera reçue à se pourvoir par-devant le tribunal de commerce pour faire prononcer les dommages et intérêts qu’elle pourra avoir à réclamer. Art, 5. Il sera nommé 4 crieurs jurés, dont les fonctions seront d’annoncer', à haute voix, les cours qui leur seront successivement donnés par les agents de commerce, et de les inscrire en-suite�sur un tableau ostensible, destiné à cet usage. Art. 6411 sera pareillement nommé deux com-