108 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juin 1790.] L’imagination a peine à se prêter à la eroyance d’un pareil projet. Mais, faut-il le dire? déjà plusieurs événements trop constatés autorisent toutes les défiances, et accréditent des bruits qui eussent été tout à fait incroyables dans tout autre temps. Les officiers occupent leurs places sous l’autorité de la loi. S’ils ne méritent plus sa protection, elle doit prononcer légalement leur destitution. Tant qu’elle ne l’aura pas prononcée, elle doit les protéger avec énergie. Qui de nous peut dire que ce n’est pas là notre devoir? et ne serait-ce pas méconnaître cette souveraineté de l’Assemblée nationale, dont on nous parle tous les jours, que de douter qu’elle n’en ait la possibilité comme elle en a le droit? Nous nous rendons donc coupables si nous n’en déployons pas toute la puissance dans cette grande circonstance, avec la force nécessaire pour faire respecter les lois et y soumettre tous les militaires, depuis le premier grade jusqu’au dernier. Je pense donc que l’Assemblée nationale doit mander le ministre de la guerre pour qu’il reode compte de l’armée et des précautions qu’il a dû prendre pour arrêter les désordres qui la détruisent : et qu’elle doit le rendre personnellement responsable des insurrections qui arrivent dans les régiments, toutes les fois qu’il n’aurait point employé les moyens que lui donne la loi pour les prévenir ; car c'est un crime égal contre la sûreté de l'Etat que de démanteler ses forteresses ou de dissoudre ses armées. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BRIOIS DE BEAUMETZ. Séance du samedi 5 juin 1790, au matin (1). M. le Président ouvre la séance à neuf heures du matin. M. Defermon , secrétaire , fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Chabroud, autre secrétaire , lit le procès-verbal relatif ,à l’assistance de l’Assemblée à la cérémonie de la Fête-Dieu. M. le Président fait donner lecture de l’état suivant des décrets acceptés ou sanctionnés par le roi: « 1° Le décret de l’Assemblée nationale, du 29 du mois dernier, concernant l'emprisonnement à Brest, du sieur de Martinet; « 2° Le décret du même jour, relatif à l’émeute qui a eu lieu au marché de Tours, le 26 mai, à l’occasion du prix des grains ; « 3° Le décret du 31, qui fixe définitivement à Melun l’administration du département de Seine-et-Marne ; « 4° Le décret du même jour, relatif à la détention actuelle à Valence, de trois officiers du régiment de Grenoble, artillerie, en garnison dans cette ville ; « 5° Le décret du premier de ce mois, concer-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. nant les élections faites dans les assemblées primaires du département du Haut-Rhin ; « 6° Le décret du même jour, qui déclare non aveuu l’arrêt rendu par le parlement de Pau, lé 8 mai, contre les officiers municipaux actuels de Sauveterre, ainsi que tout ce qui s’en est ensuivi ; « 7° Le décret du même jour, portant que les receveurs-généraux des finances et ceux des impositions de Paris fourniront, tous les mois, un état de leur recette, tant sur l’arriéré de 1789, que sur les acomptes de 1790 ; « 8<> Le décret du même jour, portant que la Caisse d’escompte fournira au Trésor public la somme de vingt millions en billets assignats; « 9° Le décret du même jour, sur les billets assignats, leur nombre, leur valeur, leur somme et leur titre; « 10° Le décret du même jour, portant que la nouvelle municipalité de Paris, aussitôt qu’elle sera formée, fera l’examen des anciens règlements relatifs aux étaux des boucheries; « 1 1° Le décret du même jour, concernant l’ancienne milice bourgeoise d’Amboise ; « 12° Le décret du même jour, qui déclare non avenus les arrêts rendus par le parlement de Toulouse, les 11 décembre, 12 janvier et 30 mars dernier, à l’occasion du renouvellement des consuls de la ville de Mirepoix, ainsi que tout ce qui s’en est ensuivi ; « 13° Le décret du 2, pour protéger la libre circulation des grains dans le département du Cantal, et autoriser la municipalité de Murat à faire un emprunt de la somme de 24,000 livres ; « 14° Le décret du même jour, concernant les poursuites à exercer, et les précautions à prendre contre les brigands et les imposteurs qui séduisent, trompent et soulèvent le peuple, notamment dans les départements du .Cher, de la Nièvre, de l’Ailier et de la Corrèze; « On s’occupe dans ce moment de l’expédition des lettres patentes sur ce décret, et elles seront incessamment envoyées, et spécialement dans ces quatre départements ; « 15° Sa Majesté a donné des ordres pour l’exécution du décret du 31 mai, portant qu’il sera délivré aux députés extraordinaires de Châtelle-rault et de toute autre ville, des expéditions en forme des décrets sanctionnés, qui autorisent la libre circulation des grains ; « 16° Et, enfin, a approuvé l’instruction du même jour, sur la vente des domaines nationaux. « Signé : Champion de Cicé , Archevêque de Bordeaux. M. le Président. J’ai reçu de M. le garde des� sceaux une note relative à une réclamation de l'ambassadeur d' Angleterre concernant le collège des Écossais à Paris. J’en donne lecture : « M. le comte de Montmorin vient de faire part à M. le garde des sceaux, d’une réclamation que lui a adressée, au nom de sa cour, M. Fitz-Gérald, ministre plénipotentiaire de Sa Majesté Britannique, près du roi, contre l’extension contingente, sur le collège des Ecossais, du décret de l’Assemblée nationale relatif à la propriété des biens ecclésiastiques. « Signé : CHAMPION DE CiCÉ , Archevêque de Bordeaux. » Suit une copie de la note de M. Fitz-Gérald , ainsi conçue : [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juin 1790.] 4 09 « Le soussigné, ministre plénipotentiaire de Sa Majesté Britannique près Sa Majesté Très Chrétienne, conformément aux ordres reçus de sa cour, a l’bonneur de représenter à Son Excellence M. de Montmorin, que le collège des Ecossais, à Paris, fondé premièrement, en 1325, par David, évêque de Murray, en Ecosse; secondement, en 1603, par Jacques Béthune, archevêque de Glas-cow, au même pays, doit absolument tout ce qu’il possède en France à la générosité des sujets de la Grande-Bretagne; et qu’en conséquence, les décrets de l’Assemblée nationale relatifs aux biens ecclésiastiques ou de mainmorte, ne pouvant affecter le collège, il doit subsister tel qu’il est. « Si des circonstances impérieuses rendaient impossible l’existence de cet établissement sur le pied actuel, le soussigné a ordre de demander qu’il soit permis aux administrateurs d’en vendre les biens, mobiliers et immobiliers, et de se retirer ailleurs avec le produit. Au surplus, le soussigné est autorisé à déclarer au gouvernement français, qu’un acquiescement de sa part à l’un ou à l’autre des alternatifs ci-dessus proposés, acquiescement auquel une nation généreuse et amie de l’Angleterre ne saurait se refuser, sera infiniment agréable à Sa Majesté Britannique, ainsi qu’à tout son peuple. « Signé: le lord Robert Fitz-Gérald. » (L’Assemblée renvoie cette affaire à son comité ecclésiastique.) M. Chabroud, l'un des secrétaires, fait lecture d’une lettre adressée, de la part du nommé Da-zema de Lanux, à M. Ducastaing, curé de ce lieu, membre de l’Assemblée nationale, par laquelle il charge celui-ci de présenter à l’Assemblée l’hommage du serment civique de lui, de sa femme et de ses six fils, prêts, dit-il, à manier, pour le service de la patrie, l’encensoir, la charrue, la balance, l’épée et la plume. Les prêtres de l’église métropolitaine de Saint-Sauveur de la ville d’Aix supplient l’Assemblée de ne les point oublier dans la dispensation de ses bienfaits; les dîmes étant supprimées, les chapitres étant près de l’être, ils se trouveraient réduits à la mendicité. M. de Boisgelin, archevêque d’Aix, dit que cette supplique est basée sur l’humanité et la justice, et propose de la renvoyer au comité ecclésiastique. (Ce renvoi est prononcé.) Il est fait lecture d’une adresse de la municipalité de Bussières et Belmont, par laquelle cette municipalité demande la faculté de disposer d’une somme qui est due à la commune par la caisse des Domaines et Bois, pour en employer 1,800 liv. en don patriotique; et, le surplus, à divers besoins qu’elle expose. Cette adresse est renvoyée au comité des finances, qui en fera le rapport à l’Assemblée. M. Vernier, au nom du comité des finances, fait les rapports à l’Assemblée de quelques affaires particulières relatives à la ville de Grenoble, à celle de Saint-Brieue, à celle d’Issoudun, à la commune de Bessens, district de Castel-Sarrasin, à quatre communes réunies, de Saint-Patrice, Ingrande, Saint-Michel et les Essarls, et à la ville de Brioude. L’Assemblée rend sur ces rapports les décrets suivants ; « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des finances, a décrété qu’elle autorise les officiers municipaux de la ville de Grenoble à imposer la somme de 130,000 livres, dans l’espace de dix années, pour être employée à l’acquittement des dettes énoncées au tableau joint à la délibération du conseil général de la commune, du 17 avril dernier; que cette imposition sera faite au marc la livre, soit des impositions foncières et territoriales, soit des impositions personnelles ou autres, suivant ce qui sera réglé et arrêté par le directoire du département; et attendu que, dans l’état fourni des dettes de la commune, il en est de très urgentes, lesdits officiers municipaux demeurent, dès à présent, autorisés à emprunter à concurrence des dettes pour lesquelles ils craignent des poursuites, à la charge de faire le remboursement desdits emprunts sur le produit des impositions à recouvrer. » « L’Assemblée nationale, vu la délibération prise par les officiers municipaux de la ville de Saint-Brieue, le 30 avril, énonciative de celle du 19; ouï le rapport de son comité des finances, autorise lesdits officiers municipaux à imposer la somme de vingt-cinq mille livres, en quatre ans, sur tous les contribuables qui payent au-dessus de quatre livres de capitation, pour ladite somme être employée en achats de grains, en ateliers de charité, sauf à eux à se procurer, par la voie de l’emprunt, le montant de ladite somme, jusqu’au recouvrement, à charge de rendre compte de l’emploi, notamment du produit des grains, et de se faire approuver par le district et département. » « Yu l’adresse du conseil général de la ville d’Issoudun; ouï le rapport du comité des finances, l’Assemblée nationale autorise les officiers municipaux à un emprunt de 24,000 livres pour payer les dettes de la commune, à charge, et non autrement, que par le titre d’emprunt, le remboursement partiaire sera assigné et délégué sur les revenusdela commune, et que ledit emprunt sera approuvé par le district et département. » « Vu la délibération prise en conseil général de la commune de Bessens, district de Castel-Sarasin ; ouï le rapport du comité des finances, l’Assemblée nationale autorise les officiers municipaux à imposer la somme de 800 livres, en deux ou quatre ans, pour soutenir leur atelier de charité, et, jusqu’au payement de ladite somme, à s’en procurer le montant par la voie d’emprunt, sauf à rendre compte. » « Yu l’adresse commune et les délibérations prises séparément en conseil général par les quatre communautés réunies pour le fait dont il s’agit : Saint-Patrice, Ingrande, Saint-Michel et les Es-sarts, en date des 17, 19, 21 avril et 9 mai dernier, l’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, autorise ces quatre communautés à imposer la somme de 5,000 livres seulement entre les quatre, au marc la livre de leur brevet de tailles, mandement ou département de cote, pour ladite somme être employée au payement des frais faits et à faire dans le procès qu’ils soutiennent au sujet de leurs landes communes; et, pour le surplus, les renvoie à leur district et département. » « Vu les différentes adresses de la ville de Brioude, département de la Haute-Loire, ci-devant Auvergne, les délibérations prises en conseil général les 29 avril et 26 mai dernier; ouï le rapport du comité des finances, l’Assemblée nationale considérant le prix excessif où les grains se trouvent portés dans ladite ville, et l’impossibilité où