SÉANCE DU 14 FRUCTIDOR AN II (31 AOÛT 1794) - N“ 19 149 X. Il y aura provisoirement, sous la surveillance du département de Paris, deux commissions qui sont chargées, l’une, de la partie administrative de la police municipale; l’autre, de l’assiette et de la répartition des contributions publiques. XI. La commission de Police administrative sera composée de vingt membres, et celle des Contributions publiques de quinze membres. Les uns et les autres seront nommés par la Convention nationale, sur la présentation des comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation. XII. Il sera attaché un agent national à la commission de Police administrative. La nomination en sera faite de la manière déterminée par l’article précédent. XIII. La commission de Police administrative et celle des Contributions publiques éliront chacune leur président. Les présidents seront renouvelés tous les mois, et ne pourront être réélus qu’après un intervalle d’un mois. XIV. Le comité des Domaines et d’aliénation indiquera, sous vingt-quatre heures, les édifices nationaux qui devront servir d’emplacement à ces deux commissions. XV. La partie contentieuse de la police municipale sera exercée par le tribunal de police correctionnelle. XVI. Les fonctions relatives à l’état civil des citoyens seront exercées dans chaque section, par un officier public qui sera chargé de constater les naissances, mariages, divorces et décés. Il sera nommé, par la Convention nationale, sur la présentation du comité de Législation. Le comité civil de chaque section nommera un des ses membres pour exercer les fonctions d’agent national dans les actes relatifs aux mariages et divorces dans lesquels la présence de l’agent est nécessaire. XVII. Les registres servant à constater, dans chaque section, l’état civil des citoyens, seront faits et signés doubles, et il en sera déposé un à la fin de chaque mois au département. XVIII. Le comité civil de chaque section dressera les listes des émigrés qu’il enverra au département. Les certificats de résidence et de civisme continueront d’être délivrés par les sections, et visés tant par les comités révolutionnaires que par le département. XIX. Les comités civils des sections correspondront immédiatement avec les comités de la Convention et avec les commissions exécutives nationales. XX. Il sera nommé par la Convention nationale, sur la présentation du comité de Législation, le nombre d’agents nationaux qui sera jugé nécessaire près le tribunal de Police correctionnelle (71). (71) P.V., XLIV, 250-254; C 318, pl. 1281, p. 50; Moniteur, XXI, 647; Débats, n° 712, 274; décret n° 10 664. Rapporteur : Merlin (de Douai). Mess Soir, n° 743, 744; M.U., XLIII, Un membre : Je déclare que, dans la section Poissonnière, on m’a assuré qu’hier une femme annonçait dans la rue Montmartre la reprise de Condé : aussitôt quatre scélérats sont tombés sur elle à coups de couteau. (L’Assemblée frémit d’horreur et d’indignation). BOURSAULT : Je ne passerai point sous silence un fait qui touchera la Convention. Le restaurateur qui est établi au Pont-Tournant, le citoyen Levestre et sa femme, ont montré l’exemple du plus grand désintéressement: ils ont donné pour leurs frères blessés tout leur vin, tout leur linge, tous leurs lits; ils allaient avec leurs garçons, les suppliant d’entrer chez eux de préférence (On applaudit à plusieurs reprises). Voici un trait plus admirable encore. Un malheureux maçon, blessé au feu, demandait qu’on lui jetât sur le corps une cruche d’huile : ce même homme lui disait : tu as bien souffert, mon ami ? Non, répond ce brave citoyen, on ne souffre point pour la patrie (Les applaudissements redoublent). Ce furent ses dernières paroles. Voilà, mes collègues, voilà de l’huile sur nos blessures (nouveaux applaudissements). La Convention ordonne l’insertion de ces faits au Bulletin, avec mention honorable, et le renvoi au comité d’instruction publique (72). 20 Le président annonce une lettre de David : la discussion s’ouvre pour savoir si elle sera lue. La Convention en entend la lecture, et décrète qu’elle sera renvoyée au comité de Sûreté générale. BENTABOLE : Comme ce renvoi a été mis en usage du temps de la tyrannie de Robespierre, je m’y oppose. On ne me soupçonne pas de vouloir défendre David; mais je demande la lecture de sa lettre (73). La Convention nationale, après avoir entendu la lecture de la lettre de David, représentant du peuple, décrète qu’elle sera renvoyée au comité de Sûreté générale (74). Un des secrétaires en fait lecture : elle est datée de la maison d’arrêt dite des Fermes, le 14 fructidor. David annonce qu’il est glorieux pour lui de se trouver au nombre des membres que la Convention a déclarés calomniés par Le Cointre. Il pourrait, d’après ce décret, réclamer sa liberté; mais il ne veut que la gloire de figurer à côté des athlètes de la révolution. Il demande que la Convention veuille bien l’ad-237-238; J. Mont., n° 124; C. Eg., n° 743; J. S.-Culottes, n° 564, 565; Ann. Patr., n° 608; Ann. R.F., n° 273, 274; Rép., n° 255 (suppl.); J. Fr., n° 707; J. Perlet, n° 708; F. de la Républ., n° 424; Gazette Fr., n° 974; J. Univ., n° 1743. (72) Moniteur, XXI, 647; Débats, n° 712, 274; Bull., 14 fruct.; Rép., n° 255 (suppl.); J. Perlet, n° 708; F. de la Républ., n° 424; Gazette Fr., n° 974. (73) Débats, n° 712, 274; Moniteur, XXI, 647. (74) P.-V., XLIV, 254-255; Décret n° 10 663. Rapporteur: Le Cointre. 150 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mettre à sa barre pour entendre sa justification (75). 21 Le rapporteur du comité d’instruction publique, qui avait été interrompu, continue son rapport, et présente un projet de décret. GRÉGOIRE : Le mobilier appartenant à la nation a souffert des dilapidations immenses, parce que les fripons, qui ont toujours une logique à part, ont dit : Nous sommes la nation; et, quoique en général on doive avoir mauvaise idée de quiconque s’est enrichi dans la révolution, plusieurs n’ont pas l’adresse de cacher des fortunes colossales élevées tout à coup. Autrefois ces hommes vivaient à peine du produit de leur travail, et depuis longtemps ne travaillant pas ils nagent dans l’abondance. C’est dans le domaine des arts que les plus grandes dilapidations ont été commises. Ne croyez pas qu’on exagère en vous disant que la seule nomenclature des objets enlevés, détruits ou dégradés, formerait plusieurs volumes. La commission temporaire des arts, dont le zèle est infatiguable, regarde comme des conquêtes les monuments qu’elle arrache à l’ignorance, à la cupidité, à l’esprit contre-révolutionnaire, qui semblent ligués pour appauvrir et déshonorer la nation. Tandis que la flamme dévore une des plus belles bibliothèques de la République, tandis que des dépôts de matières combustibles semblent menacer encore d’autres bibliothèques, le vandalisme redouble ses efforts. Il n’est pas de jour où le récit de quelque destruction nouvelle ne vienne nous affliger : les lois conservatrices des monuments étant inexécutées ou inefficaces, nous avons cru devoir présenter à votre sollicitude un rapport détaillé sur cet objet. La Convention nationale s’empressera sans doute de faire retentir dans toute la France le cri de son indignation, d’appeler la surveillance des bons citoyens sur les monuments des arts pour les conserver, et sur les auteurs et instigateurs contre-révolutionnaires de ces délits, pour les traîner sous le glaive de la loi. Il y a cinq ans que le pillage commença par les bibliothèques, où beaucoup de moines firent un triage à leur profit. Ce sont eux sans doute qui ont enlevé le manuscrit unique de la chronique de Richelius, à Senones, comme autrefois ils avaient déchiré, dans celui de Geoffroy de Vendôme, la fameuse lettre à Robert d’Abrissel. Les libraires, dont l’intérêt s’endort difficilement, profitèrent de la circonstance, et en 1791 beaucoup de livres volés dans les ci-devant monastères de Saint-Jean-de-Laon, de Saint-Faron de Meaux, furent vendus à l’hôtel de (75) Débats, n° 712, 274; Moniteur, XXI, 648; Mess Soir, n° 743; M.U., XLIII, 238; C. Eg., n° 743; J.S.-Culottes, n° 563; Ann. Patr., n° 608; Ann. R.F., n° 273; Rép., n° 255 (suppl.); J. Fr., n° 706; J. Perlet, n° 708; F. de la Républ., n° 425; Gazette Fr., n° 974; J. Paris, n° 609. Bullion, d’après le catalogue de l’abbé***, titre supposé pour écarter les soupçons. Plusieurs lois et instructions, émanées de trois assemblées nationales, avaient pour but la conservation des trésors littéraires. Le texte ni l’esprit des décrets ne furent jamais d’autoriser la vente. Celui du 23 octobre 1790 ordonne d’apposer les scellés, d’inventorier, d’envoyer les inventaires au comité d’instruction publique; et cependant les livres ou les tableaux ont été vendus en tout ou en partie dans les districts de Charleville, Langres, Joigny, Auxerre, Montivil-liers, Goumay, Carentan, Neufchâtel, Gisors, l’Aigle, Lisieux, Saint-Agnan, Romorantin, Châ-tillon-sur-Indre, Château-Renault, Thonon, La Marche, Vihiers, Riom, Tarascon et Montflan-quin. Le législateur crut arrêter ces désordres par la loi du 10 octobre 1792; et malgré cette loi on vendit encore dans les districts de Lure, Cusset et Saint-Maixent. La plupart des administrations qui ne vendirent pas laissèrent les richesses bibliographiques en proie aux insectes, à la poussière et à la pluie. Nous venons d’apprendre qu’à Amay les livres ont été déposés dans des tonneaux... Des livres dans des tonneaux ! Le 22 germinal le comité d’instruction publique vous rendit compte du travail de la bibliographie, sur laquelle on n’avait jamais fait aucun rapport. La Convention nationale enjoignit aux administrations d’accélérer l’envoi des catalogues, et de rendre compte du travail dans une décade; par la correspondance la plus active et la plus fraternelle nous n’avons cessé d’éclairer, de stimuler ce travail. Nous devons des éloges à plusieurs corps administratifs; leurs nouveaux envois forment environ douze cents mille cartes, ce qui répond à près de trois millions de volumes; mais il en est qui n’ont seulement pas daigné nous écrire. Une nouvelle circulaire est en route pour leur annoncer que si elle reste sans réponse on dénoncera leur conduite à la Convention nationale. Mais, parmi ceux mêmes qui ont répondu, quelques-uns, malgré le texte précis des décrets, malgré les instructions les plus formelles, ont encore, je ne dis pas la manie, mais la fureur de détruire et de livrer aux flammes. Vous concevez que cette marche est plus expéditive que celle d’inventorier. Ainsi l’a-t-on fait à Narbonne, où beaucoup de livres ont été envoyés à l’arsenal; et à Fontaine-lez-Dijon, où la bibliothèque des Feuillants a été mise au rebut et jetée dans la salle des vieux papiers. D’autres proposent de faire un choix qui écarterait les livres licencieux, absurdes et contre-révolutionnaires. Un jour on examinera si ces productions illégitimes et empoisonnées doivent être réservées pour compléter le tableau des aberrations humaines. La Convention indiquera le point de départ pour déterminer la conservation des ouvrages qui formeront nos bibliothèques. Mais si l’on permettait de prononcer des arrêts isolés sur cet objet, chacun poserait la limite à sa manière. Quelques individus, dont le goût peut être faux, dont les lumières peuvent être très resserrées, formeraient un tribunal révolutionnaire qui prescrirait des arrêts de mort contre leurs écrits. Non