SÉANCE DU 19 VENDÉMIAIRE AN III (10 OCTOBRE 1794) - N° 41 49 Je viens, au nom du comité de Salut public, vous communiquer des nouvelles qui ne sont pas moins accablantes pour eux. (Vifs applaudissements.) L’armée de Sambre-et-Meuse, après avoir forcé l’ennemi sur les bords de la Roër, s’est empressée de profiter de sa victoire ; elle a divisé ses troupes en trois colonnes : une s’est portée sur Bonn pour lier la droite de cette armée avec la gauche de l’armée de la Moselle ; une autre sur la route de Dusseldorf, et la troisième sur Cologne. Lorsque les Français se sont portés à Heuss, ville séparée de Dusseldorf par le Rhin, les avant-postes de l’ennemi l’avaient abandonnée ; retranchés dans Dusseldorf, ils ont de cette ville fait feu de leur artillerie sur l’avant-garde du général Kléber; à l’instant elle a été bombardée ; elle était en feu lorsque notre collègue Gillet écrivait sa dépêche. (On applaudit.) L’armée française est en possession de Cologne. (Les applaudissements recommencent ; les cris de vive la république! se font entendre dans toutes les parties de la salle et des tribunes.) (66) [Les plus vifs applaudissemens font retentir la salle : l’assemblée se lève toute entière aux cris de vive la liberté.] (67) Elle y a trouvé une artillerie nombreuse, un arsenal qu’on annonce être l’un des mieux fournis de l’Europe, et de vastes magasins. (Nouveaux applaudissements.) Représentants du peuple, votre objet est rempli ; l’ennemi a été obligé de passer le Rhin et de nous abandonner les lieux les plus avantageux pour les quartiers d’hiver (68). [Les applaudissemens se renouvellent avec le même enthousiasme : l’assemblée toute entière se lève de nouveau; on agite les chapeaux en l’air; les cris de vive la liberté, la république, retentissent de toutes parts.] (69) Ce qui s’est passé à Cologne lors de l’arrivée de nos troupes est une preuve irrésistible que tous les peuples abhorrent le joug du despotisme, et qu’il est de la plus sage politique de séparer toujours leur cause de celle des tyrans. Tous les habitants de cette ville se sont pressés sur le passage des soldats de la Liberté, et ont fait entendre l’expression de l’admiration et de l’allégresse. Il semblait qu’en possédant dans leurs murs une partie d’une armée immortalisée par une suite non interrompue de victoires, ils se croyaient assez heureux pour être associés à sa gloire. (On applaudit.) Le grand acte de possession que nous avons fait et ceux qui doivent le suivre encourageront les peuples qui demandent à grands cris compte de l’or et du sang qui n’ont été versés que pour servir l’orgueil et assurer le règne universel de la tyrannie. (66) Moniteur, XXII, 202. (67) Débats, n 749, 298. (68) Moniteur, XXII, 202-203. (69) Débats, n’ 749, 298. Ils donneront de l’énergie aux hommes qui cherchent les grands principes, et qui paraissent disposés chez toutes les puissances coalisées à parler sincèrement en faveur de la liberté et de l’égalité. Que la Convention nationale reste à la hauteur où elle est, et c’en est fait, tous les ennemis de la république seront anéantis. ( Vifs applaudissements.) (70) Voici les nouvelles. Gillet, représentant du peuple près l’armée de Sambre-et-Meuse, au comité de Salut public (71). Au quartier général, à Cologne, le 16 vendémiaire, l’an 3e de la République. L’armée de Sambre-et-Meuse, chers collègues, avait entrepris de chasser l’ennemi au-delà du Rhin ; je vous annonce qu’elle a rempli sa mission. Nous entrâmes hier à Cologne, aux acclamations d’un peuple immense qui se pressait sur notre passage, pour voir une armée célèbre par une suite non interrompue de victoires. Les ennemis avaient profité de la nuit précédente pour achever leur retraite au moyen des ponts qu’ils avaient jetés sur les différents points au-dessous de Cologne. L’armée est satisfaite d’elle-même : elle jouit de ses travaux en voyant les rives du Rhin, et je crois que les Autrichiens sont encore plus contents de voir cette barrière entre nous et eux ; car il ne s’est presque pas écoulé un jour, depuis six mois, qu’ils n’aient entendu à leur réveil le bruit de nos canons, ce qui les gênait beaucoup. Cologne renferme de grands magasins, une artillerie nombreuse et un arsenal qui est, dit-on, l’un des mieux pourvus de l’Europe, j’ai donné les ordres nécessaires pour dresser des inventaires que je vous enverrai aussitôt qu’ils m’auront été remis. Je vous envoie les clefs des villes de Cologne, de Juliers et d’Aix-la-Chapelle. Salut et fraternité. GILLET. (On applaudit.) Thuriot propose ensuite, et l’Assemblée adopte le décret suivant. La Convention nationale décrète : Article premier. - L’armée de Sambre-et-Meuse ne cesse de bien mériter de la patrie. (70) Moniteur, XXII, 203; Bull., 19 vend.; Débats, n° 749, 298-299 ; J. Mont. , n° 146 \M.U., XLIV, 300-302. Mention dans Ann. Patr., n° 648; Ann. R.F., n° 20; C. Eg., n 783; Gazette Fr., n° 1013; F. de la Républ., n° 20; J. Fr., n 745; J. Mont., n° 164; J. Paris, n° 20; J. Perlet, n 747; Mess. Soir, n° 783, 784. (71) Moniteur, XXII, 203; Bull., 19 vend.; Débats, n” 749, 299-300 ; Ann. R.F. , n° 20 ; C. Eg. , n° 783 ; Gazette Fr. , n° 1013 ; F. de la Républ., n° 20; J. Fr., n” 745; J. Mont., n° 164; J. Perlet, n° 747 ; Mess. Soir, n° 783. 50 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Art. II. - Le rapport fait au nom du comité de Salut public et la lettre de Gillet, représentant du peuple, seront imprimés, insérés au bulletin et envoyés aux armées. Art. III. - Les papiers envoyés aux armées le seront également aux élèves de l’École de Mars (72). 42 Jourdan, général de l’armée de Sambre-et-Meuse, écrit à la Convention nationale qu’il a reçu, par les mains de deux défenseurs de la patrie honorablement blessés, le drapeau qu’elle envoie à l’armée. Ce drapeau lui servira de ralliement, et sera la terreur des ennemis. L’armée a juré de vaincre sous ce drapeau les tyrans, ou de mourir sur le champ de bataille, et d’être toujours inviolablement attachée à la Convention. Mention honorable, insertion au bulletin (73). [Jourdan, commandant en chef de l’armée de Sambre-et-Meuse, au citoyen président de la Convention nationale, du quartier général de Juliers, le 13 vendémiaire an III] (74) Citoyen - Président, Nous avons reçu le drapeau que la Convention nationale nous a fait passer par deux défenseurs de la patrie honorablement blessés à cette armée. L’inscription qu’il porte nous dédommage bien des fatigues de la guerre, et est bien fait pour redoubler notre zèle, notre courage et notre haine pour les tyrans. Nous te prions de dire à la Convention nationale que nous pensons que cette récompense nous met dans l’obligation de faire encore plus que nous n’avons fait; nous te prions de lui dire que ce drapeau nous servira de ralliement, et sera la terreur de nos ennemis; enfin, Citoyen - Président, nous jurons tous sur ce drapeau de vaincre les ennemis de la république, ou de mourir sur le champ de bataille; nous jurons tous d’être toujours inviolablement attachés à la Convention nationale. Salut et fraternité. Jourdan. (72) P.V., XLVII, 97. C 321, pl. 1333, p. 18, minute de la main de Thuriot, et p. 30, décret attribué à Chazal par C*II 21, p. 9. Moniteur, XXII, 203; Débats, n° 749, 300; Bull., 19 vend. ; Ann. Patr., n° 648; Ann. R.F., n° 20 ; F. de la Républ., n° 20; J. Mont., n° 164; J. Paris, n” 20; J. Perlet, n° 747. (73) P. V., XLVII, 97. (74) C 321, pl. 1338, p. 21. Moniteur, XXII, 216; Bull., 19 vend.; Débats, n° 749, 300; Ann. R.F., n° 20; C. Eg., n 783; Gazette Fr., n° 1013; F. de la Républ., n° 20; J. Fr., n” 745; J. Mont., n° 164; J. Perlet, n° 747; Mess. Soir, n" 783, 784. 43 Les artistes du spectacle d’instruction publique, établi à Limoges [Haute-Vienne], offrent le produit d’une représentation, montant à 1 132 L 15 s., pour être distribué aux veuves et enfans des infortunés qui ont péri lors de l’explosion de la poudrerie établie à Grenelle. Mention honorable, insertion au bulletin (75). [Les artistes du théâtre d’instruction publique de Limoges à la Convention nationale, s. d.] (76) Citoyens représentans, La commune de Paris a incontestablement acquis des droits à notre reconnaissance. Nous ne vous rappellerons pas tout ce qu’elle a fait pour la chose publique; les actions des Parisiens sont gravées dans le coeur de tous les français. Nous disons seullement qu’après l’incendie survenu à Limoges en 1790, cette commune sensible à nos malheurs chercha à les alléger, en faisant tourner au profit de nos concitoyens les sommes provenues des recettes de plusieurs représentations qui furent données à leur bénéfice par les artistes des différans théâtres de Paris. Citoyens, une des poudreries de Paris a été nouvellement incendiée ; cet incendie a causé la mort à des pères de famille, à des sans-culottes, qui s’occupoient à la donner aux ennemis de notre liberté. La réciprocité des sentimens qui doivent unir les républicains, nous fait un devoir de venir au secours des veuves et des enfans de ces infortunés. Aussi les artistes du spectacle d’instruction publique établi à Limoges, vous remettent le produit de la représentation donnée le 28 fructidor, au bénéfice des malheureux incendiés de Paris. Cette recette se monte à la somme de 1 132 L 15 s. Il nous fâche que notre offrande soit si peu considérable : si l’attachement sincère que nous avons voué à nos frères de Paris, pouvoit y suppléer, nous vous assurons qu’ils seroient amplement dédomagés. Les artistes du théâtre d’instruction publique, établi à Limoges. 44 Le citoyen Jean-Claude Rozet, âgé de quatre vingt-douze ans, demeurant à Paris, section de l’Homme-Armé [Paris], réclame une pension de 400 L affectée sur le domaine national de Saint-Cloud, et dont les arrérages lui sont dus depuis le premier juillet 1792. Il expose qu’il a (75) P. V., XLVII, 97. Bull., 25 vend, (suppl.); F. de la Républ., n° 20. (76) C 321, pl. 1342, p. 1.