[Convention nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ”r déS�mtaTiTW 481 Le même ministre envoie à la Convention na¬ tionale le rapport que lui a adressé le citoyen Huet, commandant du 2e bataillon du Cher, sur la tentative faite par l’ennemi, dans la nuit du 26 au 27 brumaire, pour s’emparer du fort de Bitche, et duquel il résulte que la garnison de ce fort, composée du 2e bataillon du Gher, et d’une compagnie de canonniers du 1er régiment d’artillerie, a non seulement conservé une des clefs de la République dans les Vosges, mais en¬ core maintenu les mêmes mesures prises pour écarter l’ennemi de la frontière. Sur la motion d’un membre, « La Convention nationale décrète que la gar¬ nison de Bitche, composée du 2e bataillon du Cher et d’une compagnie de canonniers du 1er régiment d’artillerie, a bien mérité de la patrie (1). » Suit la lettre du ministre de la guerre (2). Le ministre de la guerre, au Président de la Convention nationale. « Paris, 10 frimaire, l’an II de la Répu¬ blique française. « Je joins ioi copie du rapport que m’adresse le commandant du 2e bataillon du Cher sur la tentative faite par l’ennemi dans la nuit du 26 au 27 pour s’emparer du fort de Bitche. « La Convention nationale, après en avoir entendu lecture, trouvera juste sans doute de décréter que la garnison du fort de Bitche, composée du 2e bataillon du Cher, et d’une compagnie du 1er régiment d’artillerie, a bien mérité de la patrie. « En effet, son courage républicain a non seulement conservé, par cette glorieuse défense, une forteresse importante, une des clefs de la République dans les Vosges, mais il a encore maintenu les mesures prises pour écarter l’ennemi de la frontière. « Salut et fraternité. « J. Bouchotte. » Note sur l'attaque de Bitche (3). La nuit du 26 au 27 brumaire, à minuit quel¬ ques minutes, 6,000 Prussiens et plus sont venus, comme descendant du ciel, prendre d’assaut par une attaque et un coup forcé, le fort de Bitche. L’ennemi a commencé à attaquer sur tous lès points, mais principalement du côté du pont de la principale entrée du château par un fèn de files d’environ trois quarts d’heure, croyant (I) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 297. (2) Archives du ministère de la guerre ; Armées du Rhin el de la Moselle, carton 2/24. (3) Archives du ministère de la guerre : Armées du Rhin el de la Moselle, carton 2 /24. 1” SÉRIE. T. LXXX. occuper la garnison, et sur le flanc opposé ils ont escaladé le glacis, brisé les palissades en fraise (sic) et se sont portés en force sur tout le contour du chemin couvert. Il est sans doute que leur plan principal d’attaque était d’entrer au château par la communication des gêna de pied qui aboutit sous la partie du château que l’on appelle la Petite-Tête, puisque c’est là qu’ils ont porté tous leurs moyens de rompre tous les obstacles qui se présentaient sur leur passage, et cinq portes ont été rompues dans un très court espaee, après avoir égorgé deux sentinelles qui gardaient l’entrée de cette comr munication par laquelle ils ont monté. Ils ont rempli l’escalier qui communique à la capon-nière sous le pont de la Petite-Tête; là, occupés à briser une porte pour entrer dans cette oapon-nière, la garnison s’est hâtée de l’encombrer de tous les matériaux qui lui tombaient sous la main, entre autres de bois de chauffage et poêles de fonte qui se trouvaient à la portée amoncelés. - Alors l’ennemi -trouvant un obstacle beaucoup plus difficile, obligé de déblayer ce passage, nous avons eu l’avantage de pouvoir lancer sur lui des pièces (sic) de grenades et une fusillade si bien nourrie, que perdant beaucoup de monde, nous les avons forcés à abandonner leur expédition et à demander grâce, au nombre de 251 qui se trouvaient éneore vivants dans ce passage; après nous être assurés qu’ils ne pouvaient plus rien tenter, nous les avons contenus là jusqu’au jour, cessant notre feu. Quant à l’ attaque sur la principale entrée, après avoir rompu le pont de l’avancée, ils se sont portés tout à coup, au nombre de 7 à 800, sur le grand pont, où après avoir fait de fortes tentatives pour briser la grande porte, ils ont été chassés en leur jetant ou en leur lançant du plateau supérieur et par les fenêtres, des bûches, des pierres et par la fusillage (partie) de deux croisées, es qui les a décidés sur-le-champ à se retirer en égorgeant encore quelques sentinelles. Outre ces deux points, tous les fossés, les che¬ mins couverts et les palissades en fraises étaient remplis de Prussiens. Le feu de la garnison et l’affaire ont cessé de (sic) une heure avant le jour et à 8 heures nous étant bien assurés que l’armée prussienne s’était retirée, alors on fit une sortie pour s’emparer des prisonniers qui avaient été forcés de rester dans le petit escalier, au nombre de 251, y compris 9 officiers, dont un ingénieur, auxquels on fit rendre les armes. Sur les chemins couverts, dans les fossés et les palissades, nous avons fait relever 125 morts et plus, du nombre desquels étaient 2 officiers, dont 1 capitaine. L’ennemi a, dit-on, encore beaucoup perdu de monde dans sa retraite par le feu de l’artillèrie qui tirait de tous côtés, et principalement sûr le chemin de Sarreguemines. Quant à la garnison, sa perte monte à 13 morts et environ 27 ou 28 prisonniers, du nombre desquels sont encore 15 malades pris dans l’hôpi¬ tal de la ville; elle n’a été supportée que parle bataillon du Cher. Quant aux canonniers, ils n’ont eu que trois hommes pris à l’hôpital. Il est à remarquer que cette perte n’a en lieu que parce qu’il y avait 120 hommes de service en ville qui n’ont pu rentrer assez tôt au château. Si l’on en excepte deux hommes, qui ont été tués au château. Le général prussien; que l’on dit être un prince, a été blessé à nne jambe et celui qui a dirigé 31 482 | Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \\r Smbroni793 l’assaut est un ingénieur français, qui est pri¬ sonnier. Les fiévreux, galeux et vénériens qui étaient à l’hôpital de la ville ont été enlevés avec le chirurgien en chef, son second et un élève. Enfin il a été laissé par les Prussiens 252 fu¬ sils avec leurs baïonnettes, 11 pinces, 4 grosses masses, des haches, des pics, des pioches, des ciseaux, des coins, des scies, des limes, des cordes, des échelles en grand nombre et beau¬ coup d’autres ustensiles propres à l’assaut. Nota. — Pour soutenir une attaque aussi vi¬ goureuse, la garnison n’était composée, pour le 2e bataillon du Cher, que de 673 hommes, com¬ pris les officiers et sous-officiers, et d’une com¬ pagnie du premier régiment d’artillerie, mon¬ tant à 64 hommes y compris de même les offi¬ ciers et sous-officiers, ce qui est toute la force de la place de Bitche. Quant au courage de nos braves camarades, tant du bataillon que de la compagnie d’artille¬ rie, je ne t’en parle pas, citoyen général, parce que je présume qu’il t’en a été fait un rapport assez fidèle pendant ton séjour ici. Le présent passé, fait et certifié véritable par le chef du bataillon du Cher et commandant de la place par intérim. Huet. Le garde d’artillerie a commis des négligences pendant l’expédition et s’est absenté de la place le matin sans aucun ordre et n’a pas reparu. Compte rendu du Moniteur universel -(1). On lit une lettre du ministre de la guerre, ainsi conçue : « J’envoie à la Convention nationale un rap¬ port que m’a fait passer le commandant du 2e bataillon du Cher, relativement à la tentative u’ont faite les ennemis pour s’emparer du fort e Bitche. La conduite sublime qu’a tenue dans cette occasion le 2e bataillon du Cher, engagera sans doute la Convention à décréter qu’il a bien mérité de la patrie. Copie du récit de la tentative faite par V ennemi pour s'emparer du poste de Bitche. .. La nuit du 26 au 27 brumaire, à minuit quel¬ ques minutes, 6,000 Prussiens et plus sont venus (1) Moniteur universel [n° 73 du 13 frimaire an II (mardi 3 décembre 1793), p. 294, col. 2]. Le Supplé¬ ment au Bulletin de la Convention du 1er jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II reproduit le Mo¬ niteur avec quelques légères variantes. D’autre part, le Mercure universel [12 frimaire an II (lundi 2 dé¬ cembre 1793), p. 187, col. 2] rend eompte de l’at¬ taque de Bitche dans les termes suivants : « Le ministre de la guerre fait passer la relation militaire de la tentative faite par 6,000 Prussiens pour surprendre de nuit le fort de Bitche, l’une des clefs de la République dans les Vosges. L’ennemi l’a attaqué sur plusieurs points à la fois. Après s’être emparé des retranchements, il s’est avancé par les chemins couverts. Un feu de mousqueterie très vif n’a pu arrêter sa marche; il s’est avancé jusque sous un pont. Là il a été violemment assailli de grenades et forcé de crier : « Grâce, Français! » Il n’y res-comme tombant d’en haut par un coup forcé enlever le fort de Bitche. L’ennemi, après avoir escaladé les glacis en brisant les palissades et fraises qui les contour¬ nent, s’est emparé du chemin couvert, laissant dehors l’ouvrage avancé appelé la queue d’hi¬ rondelle. Là, voulant occuper la garnison par un feu vif de mousqueterie sur le quartier et sur la Grosse Tête, il a dirigé ses véritables at¬ taques sur la grande entrée du fort et sur la communication des gens de pied qui aboutit sur la Petite Tête, mais principalement sur ce dernier point, puisqu’il y a porté tous ses moyens de rompre les obstacles qui se présen¬ taient sur son passage; et cinq portes de cette communication ont été rompues dans un court espace, après avoir égorgé deux sentinelles qui gardaient l’entrée du chemin couvert dans cette partie. L’ennemi remplissait déjà l’escalier qui communique à la caponnière sous le pont de la Petite Tête, lorsque, heureusement, nous nous sommes trouvés assez en force pour non-seule¬ ment ralentir ses progrès, mais même l’arrêter là par le feu de dessus le pont et l’encombre¬ ment que nous avons produit dans cette capon¬ nière par tous les matériaux que nous y avons jetés. Alors l’ennemi trouvant un obstacle beau¬ coup plus difficile, obligé de déblayer ce pas¬ sage, nous avons eu l’avantage de pouvoir lancer sur lui des pierres, des grenades et une fusillade si bien fournie, que perdant beaucoup de monde, nous l’avons forcé d’abandonner l’ expédition et de crier : Grâce, Françous! au nombre de 251 hommes qui se trouvaient vivants dans ce passage. Après nous être assurés qu’ils ne pou¬ vaient plus rien tenter, nous les avons tenus en respect jusqu’au jour, cessant notre feu. Quant à l’attaque sur la principale entrée, l’ennemi, après avoir fait tomber le pont levis de l’avancée, s’est porté en foule sur le tait que 251 hommes; le reste était détruit ou s’était retiré. Nous les avons tenus en arrêt dans cette po¬ sition jusqu’au jour. « D’un autre côté, dans la principale attaque du côté de la grande entrée, l’ennemi, assailli d’une fusillade, avait été forcé de se replier, tandis que du côté de la troisième attaque, après avoir brisé les chevaux de frise et renversé ce qui s’opposait à leur passage, les Prussiens sont entrés dans les rues de Bitche. Là, le fort ne pouvait plus tirer sur eux; ils se sont portés chez les habitants pour y exercer le pillage et les faire contribuer, mais sur les huit heures du matin, voyant que ses attaques princi¬ pales contre le fort avaient échoué, l’ennemi a cher¬ ché à faire sa retraite. Nous avons fait une vive sortie et nous l’avons éconduit en ramassant le butin qu’il avait abandonné et en lui faisant quan¬ tité de prisonniers. « Sa perte est très grande. Nous avons eu 13 hom¬ mes tués et 28 faits prisonniers. Nous avons pris aux Prussiens 252 fusils avec leurs baïonnettes, des haches, une centaine de scies, des cordes, des échel¬ les, des lanternes sourdes et tout ce qui est néces¬ saire pour une pareille attaque. « Le défense de ce fort important est due au courage du 4e bataillon du Cher, composé de 673 hom¬ mes et à une compagnie de canonniers du 1 er régi¬ ment d’artillerie. Ils se sont battus en vrais répu¬ blicains; c’est tout dire. Le général qui commandait les Prussiens et un prince ont été blessés dans cette affaire. (Vifs ap¬ plaudissements. ) La Convention décrète que la garnison de Bitche a bien mérité de la patrie.