240 [14 janvier 1791. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. notre ouvrage à Iravers vos passions. Nous ne vous demandons pas de jurer contre la loi de votre cœur ; mais nous vous demandons, au nom du Dieu suint qui doit nous juger tous, de ne pas confondre des opinions humaines et des traditions scholastiques, avec les règles inviolables et sacrées de l'évangile. S’il est contraire à la morale d’agir contre sa conscience, il ne l’est pas moins de se faire une conscience d’après des principes faux et arbitraires. L’obligation de faire sa conscience est antérieure à l’obligation de suivre sa conscience. Les plus grands malheurs publics ont été causés par des hommes qui ont cru obéir à Dieu et sauver leur âme. Et vous, adorateurs de la religion et de Ja patrie, Français, peuple fidèle et généreux, mais fier et reconnaissant ! voulez-vous juger les grands changements qui viennent de régénérer ce vaste Empire ? contemplez le contraste de votre état passé et de votre situation à venir. Qu’était la France il y a peu de mois ? Les sages y invoquaient la liberté; et la liberté était sourde à la voix des sages. Les chrétiens éclairés y demandaient où s’était réfugiée l’auguste religion de leurs pères; et la vraie religion de l’Evangile ne s’y trouvait pas. Nous étions unenation sans patrie, un peuple sans gouvernement, et une église sans caractère et sans régime. M. Camus. On ne peut pas entendre cela, on a mis là des abominations qu’on ne peut écouter de sang-froid ; je demande l’ajournement et le renvoi au comité... 11 faut lever la séance. (Tumulte.) M. de Mirabeau. 11 n’y avait de régulier et de stable parmi nous que la déflagration de tous les vices, que le scandale de toutes les injustices, que le mépris public du ciel et des hommes, que J’extinciion totale des derniers principes de la religion et de la morale. Quel pays que celui où tout se trouve à la disposition absolue de quelques hommes sans frein, sans honneur et sans lumières, et devant qui Dieu et le genre humain sont comptés pour rien ! et quelle révolution que celle qui fait succéder tout à coup à ce désordre un spectacle où tout se place et s’ordonne selon 1 ancien vœu de la nature, et où l’on ne voit plus dissonner que la fureur impuissante de quelques âmes incapables de s’élever à la hauteur d’un sentiment public, et faites pour rester dans la bassesse de leurs passions personnelles ! Français 1 vous êtes les conquérants de votre liberté, vous l’avez reproduite au sein de ce vaste Empire par les grands mouvements de votre courage; soyez-en maintenant les conservateurs par votre modération et votre sagesse. Répandez autour de vous l’esprit de patience et de raison ; versez les consolations de la fraternité dans le sein de ceux de vos concitoyens à qui la Révolution a imposé de douloureux sacrifices; et n’oubliez jamais que, si la régénération des Empires ne peut s’exécuter que par l’explosion de la force du peuple, elle ne peut non plus se maintenir que dans le recueillement des vertus de la paix. Songez que le repos et le silence d’une nation victorieuse de tant d’efforts et de complots dirigés contre son bonheur et sa liberté, sont encore la plus redoutable des résistances à la tyrannie qui voudrait tenter de relever ses remparts; et que rien ne déconcerte plus efficacement les desseins des pervers que la tranquillité des grands cœurs. (Les membres de la partie droite se répandent tumultueusement dans la salle; les misse portent vers le bureau, les autres vers la tribune; quelques membres du côté gauche se lèvent. — Plusieurs minutes se passent dans de vives agitations. — Différentes personnes demandent ou prennent la parole. — Un murmure général étouffe leurs voix.) M. Régnant! (de Saint-Jean-