§72 lAssemblée national©»] ARCHIVES PARLEMEISTAÎfŒS, [28 novembre 1790.] Il serait aisé de répondre à toutes les objections que l’on pourrait faire pour conserver le contrôle, la raison et la vérité les détruiront toutes aisément, lorsque des hommes éclairés sur cette matière, en les traitant, n’auront d’autre intérêt que le bonheur public. Ainsi, je me borne à vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérant que le contrôle est l’impôt le plus tyrannique, le plus arbitraire et le plus à charge de tous , charge ses comités de Constitution, d’impôt, d’agriculture et de commerce, de choisir, chacun dans son sein, quatre commissaires, ce qui fera douze commissaires en tout, qui se réuniront pour examiner tous les mémoires et projets qui ont été présentés et le seront sur cette matière, soit à l’Assemblé nationale, soit à ses comités et commissaires, et qui, après avoir approfondi cette matière, présenteront à l’Assemblée, avec le résultat de leurs réflexions, un projet de décret qui puisse statuer d’une manière satisfaisante pour le bonheur des citoyens, sur l’abolition du contrôle, et son remplacement comme formalité et comme impôt. » TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 NOVEMBRE 1790. Première opinion de M. Bévière, député delà ville de Paris (1), sur la nécessité de la suppression du contrôle des actes des notariés (2). Messieurs, la réclamation contre le contrôle des actes des notaires est unanime et générale dans (1) Je supplie que l'on ait la complaisance de me lire, la faiblesse de ma voix m'interdisant absolument l’accès de la tribune. (2) Quoique le comité de l’imposition ait récemment annoncé qu’il avait fondu ensemble, et compris, dans un même projet de décret le contrôle, les droits d’insinuation, de centième denier et peut-être quelques autres, j’ai cru devoir présenter les réflexions suivantes, sur le contrôle particulièrement, parce que ce mélange me paraît infiniment dangereux. Ces autres impôts étant moins infectés que le contrôle, des principaux vices qui lui sont justement reprochés, tels que l’inquisition, la révélation du secret, l’arbitraire, l’espionnage, les visites domiciliaires, etc., la loi de la nécessité pourrait les faire admettre au moins provisoirement, puisqu’on ne trouve pas de moyens de remplacer leur produit, et ce motif impérieux pourrait, par suite, entraîner l’admission du contrôle aux étranges abus et défauts desquels cette confusion fournirait un déguisement capable de les faire perdre de vue. Je sais que ce projet et autres sur la même matière ne sont point, à proprement parler, l’ouvrage du comité. Je sais qu'ils sont sortis des bureaux de l’administration des domaines, soit de ceux des administrateurs eux-mêmes, soit de ceux de leurs préposés. Ceci n’est point un reproche, car il ne pouvait guère en être autrement à l’égard de ces sortes de droits qui forment un labyrinthe ténébreux connu seulement des percepteurs et de leurs victimes, ou plutôt de ceux qui tâchent de les préserver des pièges et des dangers qui s’y rencontrent, dans lequel encore les uns et les autres sont-ils souvent sujets à s’y égarer. Mais en me présentant au comité, avec quelques collègues, pour lui exposer le sort auquel le contrôle réduit les contribuables et les officiers qui sont l’objet de ses persécutions, en proposer la suppression et le remplacement du produit, je croyais pouvoir espérer que nous toutes les parties du royaume. Le désir etla volonté de sa suppression sont aussi fortement et aussi expressément prononcés par les cahiers des différents bailliages, qu’ils pouvaient l’être dans un temps où l’on ne pouvait supposer l’existence future d’une Assemblée nationale, où l’on n’avait pas la première idée desa puissance ni desgrandes ressources dont elle serait capable en pareille matière, lorsque les remplacements seraient faciles, et dans un temps où l’on connaissait cependant l’étendue du déficit et où l’on avait déjà, sur l’énormité de la dette, les notions les plus affligeantes, qui faisaient craindre que les besoins du produit de cet impôt ne fût un obstacle à sa suppression. Tous ces cahiers se plaignent hautement de l’impôt et de ses vexations. Les uns en demandent expressément la suppression, d’autres lui reprochent de n’êlre point consenti par la nation, d’être amplifié par des arrêts et des décisions du | balancerions les idées que lui avaient dès lors inspirées ceux qui nous avaient devancés, et qu’ils n’auraient point déjà pris un ascendant capable de lui insinuer peut-être que nous ne faisions que par intétêt personnel et particulier une proposition que nous rendions commune à tout le royaume. Au surplus, comme le comité lui-même n’a pu disconvenir de l’énormité des vices du contrôle des actes des notaires, qu’il a même témoigné le désir de pouvoir donner les mains à sa suppression, s’il pouvait être remplacé, il est évident qne sa persévérance pour sa conservation ne lui est suggérée que par les préposés à sa perception, qu’il a consultés. Je ne leur en fais pas un crime. Il est assez simple qu’ils ne voient le plus grand bien de la nation que dans le produit; mais outre qu’il me semble que les traitants ou leurs agents ne doivent pas être exclusivement écoutés pour la proposition des lois fiscales, et moins encore en avoir seuls une espèce d’initiative, latet anguis in herbâ , je crois devoir avertir l’Assemblée de se tenir en garde contre cet amalgame et cette trituration du contrôle, avec ces autres droits auxquels il ne peut ni ne doit être assimilé ; la prévenir qu’il doit eu être isolé, jugé seul après mûr examen de son mode particulier et de tous ses détails; que tout décret général ou de principes tendant cumulativement à la conservation de ces impôts, qui lui serait proposé, doit être divisé pour en séparer le contrôle des actes des notaires et ne point risquer de décider, sans grande connaissance de cause, la conservation d’un tribut oriental dont elle se verrait ensuite forcée de consacrer en détail tous les vices qui en sont inséparables, parce qu’ils sont de son essence et dont l’odieux rejaillirait sur elle; tribut, dont après un examen sévère, elle jugera certainement la suppression nécessaire, puisqu’il peut être remplacé, et même, quand on voudrait s’obstiner à soutenir l’insuffisance du remplacement; car, en vérité, un million, ou même deux ou trois de moins pour une première année seulement, et dont on pourrait reprendre tout ou partie sur la suivante, ne sont pas d’une assez grande importance pour faire hésiter de briser le dernier chaînon du genre de servitude le plus odieux et le plus intolérable, et pour déterminer l’Assemblée à retenir la France entière, peut-être pour un long temps encore, sous le jong d’un esclavage dont l’espèce est inconnue chez les nations qui rampent sous le despotisme le plus barbare et le plus absolu. J’ajoute que la faiblesse de ma voix me privant nécessairement de l’honneur de présnter à l’Assemblée ces observations à sa tribune, je la supplie de permettre que je les dépose sur le bureau, pour y avoir la force d’une motion conforme à mes conclusions. Je suis tellement convaincu delà justice de l’Assemblée, de la justesse et de la finesse de tact de son patriotisme, que je ne redoute nullement que ce désavantage influe, en aucune manière, sur le succès d’une cause dont je n’ai entrepris la défense que d'après des connaissances certaines acquises par une longue expérience dans l’exercice de mes fonctions, sur l’extrême importance dont elle est pour l’universalité du royaume. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (22 novembre 1790.] 673 conseil, sans aucune sanction, et même par simples lettres des ministres : d’autres veulent que le droit soit volontaire; d’autres qu’il ne subsiste que comme formalité ; d’autres enfin portent que si l’on estime absolument devoir le conserver, il soit fait un nouveau tarif clair, modéré, etc.; mais ils ne se réduisent à cetie réforme que dans le seul cas de l’impossibilité que l’Assemblée Nationale ne prenne pas en considération un vœu aussi universel. Au nombre des causes qui ont motivé cette réclamation générale, on doit compter le taux excessif de la quotité des droits, la rigueur, l’arbitraire et les autres vices de la perception, et surtout l’immoralité de l’impôt. Je ne prétends point faire une satire détaillée de cette perception, ni rappeler les injustices, les faits particuliers, les vexations sans nombre et les décisions iniques auxquelles elle adonné lieu et qui ne sont que trop connues. Il faut effacer jusqu’à la mémoire des calamités que le régime passé a malheureusement pu rendre presque indispensables, ou du moins ne se les rappeler que pour s’en garantir sous celui qui va commencer. Mais je ne puis épargner son immoralité, relativement aux actes passés par devant notaires. Je n’entends, au surplus, le considérer ici que comme impôt; lorsqu’il s’agira de le considérer comme formalité, je me propose de présenter des moyens simples et satisfaisants pour assurer, sans aucuns frais, et par des voies convenables, l’exactitude à tous égards dans la confection des actes. Ces moyens seront soumis à l’Assemblée nationale et pourront lui fournir la matière d’un décret ou règlement particulier, si elle le juge à propos; règlement indépendant de l’impôt avec lequel il n’a rien de commun, et dont il doit être d’autant plus séparé qu’il est depuis long-tenps reconnu que rien n’est plus irapolitique que le mélange d’une loi civile avec un plan ou établissement de finance; l’ordre civil et la finance ayant chacun leurs principes particuliers et devant êlre réglés sur des considérations différentes qui peuvent rarement se concilier. Les finances peuvent avoir besoin du produit de cet impôt, mais non certainement de l’impôt lui-même. Il serait cependant inutile de le supprimer et de chercher à le remplacer, si les vices qui en font demander la proscription pouvaient être entièrement corrigés; mais cette réforme est impossible, parce que ces vices sont de l’essence de l’impôt lui-même et qu’il ne peut subsister sans eux. Insuffisance de tout nouveau tarif. En effet, le remède d’un nouveau tarif, qui est celui le plus généralement proposé, est absolument insuffisant. De deux choses l’une, ou le tarif se réduira à un droit modique d’enregistrement, et alors le produit est presque nul et le but manqué, ou le tarif prendra pour base les quotités, les valeurs, les qualités des personnes, la nature des actes, etc. Impossibilité de sa justesse. Et alors il est impossible de tout prévoir, de classer avec une précision qui ne souffre jamais d’équivoque, tous les cas, tous les personnages, toutes les espèces de conventions, toutes les circonstances incalculables qui se présentent et se 1" Série, T. XX. différencient perpétuellement, tous les événements et leurs variations, toutes les considérations, et d’atteindre jamais à des proportions justes, quelque volumineux que puisse être ce tarif, et quelques soins que l’on se donne pour sa clarté; et il n’est personne qui puisse en disconvenir. On serait donc toujours en ce cas exposé, comme par le pas é, à l’arbitraire des interprétations, aux doublements, triplements et autres multiplications de droits, suivant la pluralité des contractants ou des conventions, et à toutes les explications versatiles-des préposés à la perception; car, dans les cas douteux, ils ne peuvent se dispenser de suivre la manière d’entendre ‘ ou d’expliquer le tarif, qui se trouve être la plus profitable pour la recette, et de là non seulement renaîtraient les interprétations, les extensions, les contestations, les décisions souvent injustes et arbitraires, les exactions et les persécutions. Nouveaux inconvénients d'un nouveau tarif. Mais de plus, un nouveau tarif les reproduirait sous de nouvelles formes, et serait un nouveau sujet d’étude pour les percepteurs, sur la manière de saisir ses ambiguités, ou de lui en créer de captieuses ou d’imaginaires ; et pour les redevables, sur les tournures et moyens de s’en défendre, d’éluder et même de frauder les droits; toujours on aurait sous les yeux ce même combat immoral et scandaleux de la méfiance qui lutte contre la ruse et, sans doute, le même fardeau de décisions sans cesse favorables à la fiscalité. Ce n’est point par son seul excès et pir le seul tourment de sa continuelle incertitude, que cet impôt funeste est immoral; c’est encore plus par les objets sur lesquels il pèse, par son injustice évidente et par sa totale inutilité. Immoral par les objets sur lesquels il pèse. L’impôt de la gabelle exigeait jusqu’à quatorze fois la valeur d’une denrée de première nécessité et n’etait en cela à charge qu’aux facultés des citoyens. Celui-ci non seulement lui vend au poids de l’or une formalité inutile et dérisoire, mais il pèse sur des traités indispensables dans l’ordre social; il taxe jusqu’aux intentions, souvent il les recherche et les suppose pour les mettre à prix; il enchaîne la liberté de pouvoir et de penser; mille fois plus inviolable et plus sacrée que la liberté d’agir, lorsqu’elle ne trouble point la société, il captive la liberté des expressions, en réduit les redevables à substituer la dissimulation à la vérité, les ténèbres à la clarté; il s’en fait un droit tyrannique de ne point s’arrêter au sens simple et naturel des conventions, déporter le fléau d’une inquisition odieuse jusque dans les intentions, le cœur et la volonté des contractants, et de s’en tenir à ses propres interprétations, presque toujours iniques et controuvées. Il condamne une immense partie des citoyens, et surtout la classe la plus indigente, non pas absolument au célibat, mais à ne pas oser constater par un contrat les conventions de leurs mariages, à se priver de titres authentiques pour assurer leurs acquisitions, leurs transactions, leurs partages, et les expose à la perte de leurs propriétés, dont souvent ils peuvent justement lui reprocher de se voir dépouillés. Il occasionne, lor3 des inventaires, le divertissementdesdenierscomplants, 43 674 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.} la soustraction des effets au porteur, et d’autres titres que l’on recèle dans la vue de diminuer d’autant les droits. II contraint les citoyens les plus aisés à des déguisements qui répandent le trouble et l’obscurité dans leurs affaires, sur tous leurs arrangements domestiques, sur toutes leurs relations sociales, et d’où l'on voit journellement s’élever des procès nombreux et interminables, qui, sans compter les contestations directement propres à l’impôt lui-même, portent dans les familles l’inquiétude, la désolation et quelquefois la ruine. Immoral par la profanation du secret. Mais ce qui outrage encore plus les principes et les saintes maximes d’une morale juste et épurée, c’est la profanation du secret dont il force la révélation, dont il contraint les citoyens à faire confidence à des commis qui leur sont étrangers, qui leur sont toujours suspects, et qu’ils regardent souvent comme des ennemis. Est-il un état d’anxiété plus déchirant que celui d’un négociant riehe en immeubles, mais privé de crédit dans le commerce par des pertes connues, et qui n’ose subir la loi juste que des particuliers ses amis, en lui offrant des secours, ne peuvent prudemment se dispenser de lui imposer, celle de leur procurer une hypothèque, qui, étant ou pouvant être aussitôt manifestée, provoquerait sa faillite? quelle gêne pour tous les citoyens en général de ne pouvoir jamais écrire, s’exprimer, penser ni agir dans leurs affaires, sans rencontrer une force coactive qui les oblige, malgré eux, à accepter à grands frais des confidents de leurs secrets les plus intimes! confidents inconnus, et non de leur choix, et cependant nécessaires, sans caractère, sans stabilité, et se succédant continuellement les uns aux autres. Je n’entends ici nullement les inculper; mais n’est-il pas évident que le grand nombre est un grand sujet d'inquiétude? La preuve en est que partout où ce fléau étend ses ravages, dilatés par l’art fatal de la fiscalité, il ne se fait d’actes authentiques que ceux qui sont strictement indispensables, et que presque toujours ils s'y font très mal. Enfin, la preuve en est, que l’édit de 1693, pour laisser au moins aux contractants la liberté de ne point se faire connaître personnellement, avait excepté de ses dispositions les contre-lettres. Ce palliatif pouvait à la vérité, avoir ses inconvénients et ses dangers; mais, dans les cas licites, il pouvait leur fournir une ressource légitime, et elle leur a été enlevée. Ajoutons qu’il n’arrive que trop souvent qu’un notaire, obligé de faire deux ou trois lieues pour aller faire contrôler ses actes, ne trouve point le contrôleur; que s’il les remporte,, il court le risque de faire un voyage inutile; qu’il se trouve donc obligé de les laisser soit à un commis in férieur, s’il y en a, soit à tout autre à qui il s’est adressé, et sur la discrétion duquel il ne peut compter; que ces actes restent alors sept ou Luit jours ou plus, sous tous les yeux; que si quelques-uns présentent quelques difficultés pour la taxe, le contrôleur les envoie à son directeur, ou autre supérieur, au risque de la perte qui peut en arriver, soit lors de l’envoi, soit lors du retour; qu’il se passe alors trois semaines ou un mois avant qu’ils soient rendus au notaire; et que si, lors de la remise qui lui est faite, il s’aperçoit qu’il lui en manque quelques-uns, il n’a ni preuves, ni titre, ni action contre le contrô-leur. L’impôt de la gabelle grevait les facultés pécuniaires, celui-ci grève les facultés intellectuelles et morales; il captive les volontés; souvent il en détruit les effets ou les empêche de se produire : toujours il les resserre, les restreint, les force à se déguiser; il fouille dans les intentions, il s’établit sur des suppositions, sur l’arbitraire; il déprave les mœurs des percepteurs et des redevables qu’il excite à une continuelle étude de ruses et de fraudes; il détruit entre eux tout sen� Liment de-fraternité, il les flétrit jusqu’à la haine et jusqu’à rendre odieuse la contribution même aux charges publiques; il introduit dans le commerce et les relations d’affaires des entraves tyranniques : enfin il se joue avec mépris et cruauté de l’intérêt le plus cher et le plus sensible du cœur humain, en exposant à une violation sacrilège le secret des familles. Inconciliable avec les principes de la Constitution . Cependant tout homme est libre, suivant la Constitution, libre dans ses démarches, libre surtout dans sa pensée, daus ses intentions, dans la manière de les manifester, en ne nuisant à personne, en ne troublant point l’ordre public (1). L’Assemblée nationale, fidèle à ce principe, a détruit l’immoral impôt de la gabelle; et l’on pourrait penser qu’elle s’en écarterait pour conserver le tribut asiatique du contrôle qui pèse principalement sur toutes les moralités, qui nuit à tous les individus, qui trouble le repos particulier de toutes les familles, dont la paix constitue le bonheur public; qui est enfin la chaîne ia plus pesante dont la barbarie fiscale ait accablé la liberté morale sous l’empire du despotisme. Non, il fut sans doute un temps où cette espèce de torture des volontés et de la pensée eût trouvé sou excuse à Goa, devant son terrible tribunal, mais elle n'existe point encore à Constantinople ; et ia Constitution française ne souffrira pas que les sublimes décisions de ses décrets soient souillées par sa conservation. Immoral par son injustice. La gabelle était injuste dans la fixation, du prix de sa marchandise et dans sa faculté exclusive de la débiter; mais enfin elfe ia distribuait, elle procurait, pour le prix injuste qu’elle avait fixé, une denrée réelle et de première nécessité, à laquelle elle avait soin de donner les préparations nécessaires pour la salubrité, et dont au moins le prix était certain et constant. L’injustice du contrôle est plus frappante et plus immorale; il exige un prix énorme pour une formalité illusoire, inutile, et facile à remplacer sans scandale et sans frais, ainsi qu’ou l’a déjà dit. Dans les successions, entre autres, il l’exige deux fois sur le même objet; une fois pour l’inventaire et une autre fois pour le partage. Il ne donne rien pour beaucoup d’argent; (1) Article il de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler,, écrire, imprimer librement, sauf à répandre de l’abus de cette liberté daus les cas déterminés par la loi.» [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] 67ï) et, de plus, l’incertitude de sa fixation, les embarras et les tourments qui en sont les suites, s’accroissent en proportion de l’importance et de l’étendue des branches des différentes conventions. Une autre espèce d’iojustïce, beaucoup plus criante, est la nullité prononcée de tous les actes non contrôlés, dont la rigueur est portée jusqu’à ne point permettre, à quelque prix que ce soit, de les contrôler après l’expiration du délai fatal ; injustice d’autant plus immorale, que par une autre injustice qui ne lui cède guère, c’est l’officier qui a reçu l’acte qui est tenu de le faire contrôler, et qu’en ce cas c’est par la négligence de cet officier, conséquemment par le fait d’autrui, qu’un créancier se trouve perdre son litre et sa créance, on. pour le aa oins, son hypothèque. immoral par l'inquisition des visites domiciliaires. Dans le nombre des désordres auxquels il donne lieu, il en est un que l’on ne peut passer sous silence; je veux parler des visites domiciliaires. Ce genre de vexation, qui lui était commun avec la gabelle, est celui dont l’immoralité a le plus révolté l’Assemblée nationale, et une des principales causes de la suppression de ce dernier impôt. Cependant, les visites pour la gabelle ne se faisaient que dans les demeures des redevables, de ceux qui avaient intérêt de se soustraire à l’impôt, parce qu’ils profitaient de la fraude; et celles qui ont lieu pour le contrôle se font, non ebez les redevables, mais chez des officiers qui ne sont point les vrais débi leurs, qui sont sans intérêt sur ce qui regarde les erreurs ou les fraudes, puisqu’ils ne peuvent en profiler et qu’ils ne peuvent que répéter le montant des quittances mises au bas de3 actes. Et pourquoi ces visites, lorsque la loi a eu la précaution injuste et eruelle d’annuler les actes non contrôlés dans le délai fatal qu’elle prescrit? Si ie fermier craint, de la part de ses commis, des erreurs ou des infidélités a son préjudice, qu’il s’applique à les choisir instruits et fidèles ; mais faut-il, pour calmer ses inquiétudes, qu’un essaim d’ambulants, d’inspecteurs, de vérificateurs, parcoure les villes et les campagnes, et porte le trouble, la crainte, quelquefois même la rudesse et les menaces, jusque dans les foyers des citoyens, et surtout jusque dans l’intérieur des asiles d’une classe d’officiers, au ministère desquels la société a la plus réelle et la principale obligation de ses jouissances, et de la paix qu’ils sont occupés sans cesse à y entretenir? Cependant, dès que l’un de ces émissaires se présente, il faut que les portes s’ouvrent, non seulement les portes, mais les bureaux, les secrétaires, les armoires, les endroits les plus secrets. Suivant le plus ou moins de discrétion ou d’humanité de l’inquisiteur, il fouille partout, révisé et retourne comme il lui plaît tous les actes et toutes les minutes; rien ne l’obligea replacer ce qu’il amis en désordre. Pour lui, rien de ce que l’homme a de plus précieux,, de plus consolant et die plus cher n’est caché ni respecté; il jette les yeux surlea pièces les plus secrètes, et, ce qui est affreux, sur les testaments, sur les dispositions des testateurs vivants, au mépris du grand intérêt qu’ils ont souvent de les cacher, même à leurs parents, à leurs amis, à leurs familles, et surtout à des étrangers, et au mépris de la volonté formelle du plus grand nombre, que personne ne sache qu’ils ont testé. Il en retient note, et en prend occasion d’aller pareillement visiter les registres des paroisses, pour être promptement informé de leur décès. Enfin, rien ne l’empêche de pousser ses recherches jusque dans les endroits qui renferment les papiers personnels à l’officier Lui-même, sous prétexte qu’ils peuvent en recéler d’autres, de connaître ainsi toutes ses affaires, toute Sa fortune, ses secrets et ses relations les plus intimes, et de demeurer maître d’en user ou d’en abuser, suivant ses bonnes ou mauvaises dispositions envers lui. Pour comble d’horreur, rien ne peut garantir jusqu’à quel point sa curiosité respectera les lois de la pudeur et de la décence... Si les preuves manquent, les faits n’en ont pas moins de réalité. Et c'est en France, c’est dans la seule France que cet espionnage intolérable exerce son inquisition terrible et scandaleuse, et que sa curiosité sacrilège, non contente de s’initier en détail dans les secrets qu’elle arrache journellement à tous les citoyens, porte ses regards impies jusque sur les combinaisons particulières, les arrangements, les dispositions qu’ils ont confiés à la discrétion la plus sévère, et perce le mystère inviolable des asiles et des dépôts qui rassemblent et qui renferment les monuments de leurs confidences les plus intimes, sur lesquels reposent leur fortune, leur honneur et quelquefois leur sécurité I Quel est donc ie puissant motif, le puissant intérêt d’Etat qui détermine à fronder ainsi toutes les règles de la pudeur et de la bienséance, à. braver sans respect, à profaner sans scrupule la sainteté des lois religieuses, politiques et morales qui ferment l’accès de cette espèce de tabernacle à quiconque y est étranger? Est-ee la loi suprême du salut du peuple? Non, certes; cette invention perfide est, au .contraire, ie chef-d’œuvre de la conspiration formée contre sa bourse et son repos. L’objet en est, soi-disant, la recherche des droits négligés; comme si le fermier ou ses employés négligeaient leurs droits; comme si, dans la supposition du cas très rare oü, lors de l’acquittement des droits, ils n’auraient pas porte leurs prétentions au plus haat degré, ils ne devraient pas en porter la peine, et comme si, dans quelque cas que ce puisse êire, la violation du domicile et du secret pouvait être excusée par le misérable prétexte de cette odieuse recherche de droits prétendus négligés, qui souvent ne sont autres qu’un surcroît de taxe arbitraire, inconnu dans le temps d’acquittement du droit principal, et qui ne doit son existence qu’au raffinement des extensions et des interprétations postérieures. On n’en prend pas tnoiDS occasion de rançonner et de tourmenter les prétendus redevables, qui, a bon droit, se croyaient quittes, et de forcer au payement les gens. faibles, peu instruits et timides, qui, redoutant le crédit, l’ascendant du fermier et les frais, n’osent rien examiner. Mais, dans ce nombre immense d’employés ambulants ou sédentaires, à qui le fermier ne peut faire qu’un sort modique, quelques soins que l’on puisse croire qu’il prenne de les choisir honnêtes et discrets, qui pourrait répondre qu’il ne s’en trouvera jamais aucun qui, soit par imprudence ou légèreté, ou peut-être même (ce que je n’entends point présumer, mais ce qui est cependant possible), peut-être par l’appât d’une récompense promise, laisse échapper les connaissances acquises par l’exercice de son emploi,, sur des spéculations, des négociationsou autres secrets d’affaires ou de familles ? qui pourrait assurer que ces connaissances ne parviendraient pas jusqu’à des envieux ou des rivaux qui auraient intérêt de s’en prévaloir au préjudice 676 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] de ceux dont les opérations ou les desseins seraient ainsi découverts? On n’ose arrêter ses réflexions sur les conséquences, le fermier lui-même n’oserait ni ne pourrait en cautionner ni réparer le dommage; et si elles étaient toujours présentes à l’esprit, elles seraient un sujet perpétuel d’angoisses et d’inquiétudes déchirantes. Non, ce ne sera pas dans le moment même où, par l’organisation d’un nouvel ordre judiciaire, qui va tenir un rang distingué parmi ses illustres travaux, l’Assemblée nationale s’attache à faciliter à tous l’accès des tribunaux, de ces palais ouverts à la discorde, où souvent la justice ne peut que la réduire au silence, sans parvenir à l’éteindre, que ses principes de liberté, de sagesse et d’humanité pourront lui permettre de respecter cette machination infernale de la fiscalité, qui, non contente d’interdire à plus des neuf dixièmes des citoyens l’approche du temple de la concorde, de la franchise et de la paix, en l’enveloppant de cent barrières, de mille pièges et de mille embûches, a non seulement placé sur le seuil la méfiance et l'effroi, mais a poussé l’avarice et la cruauté jusqu’à porter dans sou sanctuaire une inspection téméraire qui glace ou paralyse la confiance de quiconque parvient à s’en approcher, et lui ravit les ressources et les consolations qu’il aurait droit d’attendre de l’effusion pure et sincère des affectionsde son cœur, de l’épanchement libre de ses sentiments les plus chers, et de l’expression franche de ses volontés et de ses pensées les plus secrètes. Cet impôt doit être proscrit chez un peuple que l'on prétend rendre libre. Répétons donc et répétons avec confiance que cet impôt monstrueux, l’opprobre des mœurs et de la finance, doit à jamais être proscrit par une Constitution sage et fidèle à ses principes, chez un peuple qu’elle veut rendre libre. Moyen de remplacement. Mais si le produit de cet impôt est nécessaire au Trésor public, il faut chercher à le remplacer. Inutilement voudrait-on y parvenir par des taxes graduées, suivant l’importance des actes ou des personnages qu’ils intéressent; car elles seraient encore des sources d’interprétations, de contestations, des causes de réticenses, de dissimulations, de fraudes même et de gêne, qui ramèneraient les recherches et l’arbitraire; mais on peut y satisfaire amplement et simplement par une augmentation du prix de la formule des actes des notaires dans tout le royaume, ainsi que l’on va le démontrer. Suivant les instructions que le comité de l’imposition a bien voulu communiquer, cet impôt produit environ 12,000,000. En le remplaçant par le rehaussement du prix de la formule des actes des notaires des provinces aux taux de celle des actes des notaires de Paris, il faut trouver de plus le produit de la formule actuelle des notaires des provinces; le comité, par cette raison, demande un produit de 3,000,000 audelà de celui du contrôle, le tout formant 15,000,000. J’observe d’abord que dans les 12,000,000 que produit le contrôle, suivant le comité, est compris le contrôle des actes sous signatures privées, qui n’ayant pas, à beaucoup près, autant d’inconvénients et d’immoralités que celui des actes de3 notaires, peut être conservé, si l’on en a tellement besoin que cette fâcheuse conservation soit indispensable. De plus, il est à croire que, dans cette évaluation à 12,000,000, il s’est glissé quelque confusion du contrôle des exploits; car, d’après des instructions sur lesquelles on peut établir quelque confiance, le contrôle des seuls actes des notaires ne peut guère produire plus des trois quarts de cette somme. Enfin, les 3,000,000 demandés pour remplacer le produit de la formule des notaires des provinces, sont évidemment hors de mesure; car le taux de cette formule, ainsi qu’on le verra bientôt, est un peu moins d’un cinquième de celle des notaires de Paris : donc si on la portait au taux de la formule des notaires de Paris, elle produirait plus de cinq fois autant qu’aujourd’hui. Il s’ensuit que si, dans l’état actuel, elle produisait effectivement 3,000,000, les 1 5,000,000 demandés seraient bientôt trouvés, puisqu’en l’augmentant au taux de celle des notaires de Paris, elle produirait cinq fois 3,000,000 et plus, et par conséquent s’élèverait au delà de ces 15,000,000. Je n’argumenterai pas de cette évaluation, qui donnerait, par le calcul, ce que tout porte à croire que l’on ne trouverait point en réalité, le produit demandé de 15,000,000. Si, d’un côté, la justice commande d’affranchir les citoyens des vexations et de la tyrannie de cet impôt inique et désastreux, d’unautre, il n’est pas moins essentiel de procurer aux finances la contribution qui leur estnécessaire ; et pour parvenir à y satisfaire, je vais d’abord présenter une combinaison qui démontrera la solidité de la proposition qui sera faite ensuite, laquelle ne laissera à aucune personne désintéressée, libre de préventions, et qui aura bien voulu la calculer avec réflexion, aucun doute sur la certitude de l’exécution. Combinaison. Suivant les instructions données par le comité de l’imposition, le produit général de la formule par tout le royaume est de ....... 7,000,000 1. Le produit de la formule pour Paris particulièrement est de ..... 700,000 11 s’ensuit qu’il reste pour le produit de la formule dans les pro-- — vin ces. . ........................ 6,300,000 1. Sur le produit de la formule de Paris, de ........................ 700,000 1. Il faut retrancher ce dont le prix extraordinaire de timbre des actes des notaires de Paris, excède le prix commun pour le reste du royaume. Le prix commun étant de 3 sols 6 deniers la feuille de papier, et celui de la formule des notaires de Paris étant de 18 sols 9 deniers, le prix de cette dernière est quintuple du prix commun, et le surpasse encore d’un quinzième de ces 18 sols 9 deniers. Le produit de la formule des notaires de Paris est d’environ 450,000 livres que je ne compterai que pour 430,000 livres, ci ......... 430,000 1. A reporter. 430,000 1. 700,000 i. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] 677 Report... 430,000 1. 700,000 1. Pour décomposter ce produit, et le réduire au prix commun, il faut d’abord en retrancher le 15e dont ce produit excède le quintupledu prix commun (1).... _281666_L_ 28 , 666 \ Il reste... 401,334 1. I dont il faut f déduire les > 349,734 quatre cin-i qui è m es i montantà.. 321,068 1. 321,068/ Il reste la somme de 80,266 1. qui est le montant de ce que les actes des notaires deParissup-portentdans le prix commun de la formule, ci. 80,266 1. En déduisant sur les 700,000 livres, produit de la formule de Paris, les 349,734 1., prix du timbre extraordinaire des notaires, il reste pour le produit de la formule de Paris, sur le pied commun au surplus du royaume .............. « . 350 , 266 1. dont les notaires de Paris supportent 80,266 1., ce qui fait presque un quart qui ne sera considéré dans cette combinaison que comme un cinquième. S’il se passait proportionnellement plus d’actes à Paris que partout ailleurs, il s’y faisait aussi beaucoup plus de procédures et d’actes judiciaires, à cause de l’attribution du scel du Châtelet, qui attirait les affaires de toutes les parties du royaume, et à cause de la grande étendue du ressort du parlement. Ainsi, la consommation de la formule dans les provinces, doit être considérée comme étant à peu près dans la même proportion qu’à Paris, entre les actes judiciaires ou de procédures et les actes des notaires, c’est-à-dire de près d’un quart, qui ne sera compté que pour un cinquième pour les actes des notaires, et des quatre autres cinquièmes pour les actes de procédures et judiciaires. (1) Exemple ou preuve. Notaires de Paris ........... 18 s. 9 d. Un quinzième à déduire..... 1 s. 3 d. Reste ............. 17 s. 6 d. Quatre cinquièmes de ce reste à déduire ................ 14 s. » 3 s. 6 d. La consommation totale des provinces est, ainsi que je viens de l’établir, de 6,300,000 livres, dont le cinquième, pour la consommation particulière des notaires, monte à 1,260,000 livres, et ce, sur le pied du prix commun de 2 sols 6 deniers la feuille de papier (l), ci... 1,260,0001. Pour la porter au taux de la formule des notaires de Paris, dont elle est moins que le cinquième, il faut d’abord y ajouter le quadruple de son élévation actuelle, ci ...... 5,040,000 Ces deux sommes forment en -- — semble celle de .................. 6,300,000 Il faut y joindre ensuite un quatorzième de ces deux sommes réunies, lequel quatorzième est égal au quinzième, dont le prix de la formule des notaires de Paris excède le quintuple prix commun (voyez l’exemple ou preuve au bas de la page), et monte à ............... 450,000 Si donc la formule des actes des notaires des provinces était au même taux que celle des notaires de Paris (2), elle produirait dam - l'état actuel de leur consommation. 6,750,0001. 11 est incontestable qu’en supprimant le contrôle, les notaires des provinces feront trois ou quatre fois plus d’actes, et consommeront par conséquent trois ou quatre fois plus de formules; mais pour ne présenter rien d’incertain, je ne calculerai que sur une consommation double, ou une fois plus forte, ci .................... ..... 6,750,000 Ainsi, la consommation des notaires des provinces sera de ..... 13,500,0001. Celle des notaires de Paris n’est ci-devant comptée que pour ...... 450,000 Ces deux sommes montent à. . . . 13,950,0001. On pourrait ici compter la conservation du contrôle des actes sous signatures privées pour environ un million, et atteindre les 15,000,000 demandés ; mais si l’on craignait que le produit n’en fût incertain, il suffirait de rehausser le prix de la formule d’un dixième seulement, qui monte à... ................. 1,395,000 On aurait un produit de ...... . . 15,345,0001. Avec lequel on pourrait conserver le contrôle (1) On peut remarquer que ces 1,260,000 livres, qui ne sont point démenties par le comité, sont bien inférieures aux 3,000,000 qu’il demande pour remplacer cette partie de formule. Exemple ou preuve. Prix commun ............... 3s. 6 d. Quadruple .................. 14 s. » Ensemble ................... 17 s. 6 d. Un quatorzième de ces 17s. 6d. 1 s. 3 d. Somme pareille à la formule des notaires de Paris ...... 18 s. 9 d. (2) On ne chicanera pas, sans doute, sur ce que la combinaison n’est faite que sur les papiers formant la très majeure partie de la consommation; on n’ignore point qu’il y a une petite différence de proportion entre les parchemins de formule pour Paris et ceux des pro-Prix commun restant... [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 122 novembre 1796,] 678 des acte? sous signatures privées qui pourrait produire encore plus d’un million, et l’on aurait un produit de 16 millions 3 ou 4,000 livres, au lieu de 15 millions. Cet excédant compenserait les erreurs que l’on pourrait craindre dans les combinaisons des produits que l'on vient d’établir. Je présente les combinaisons qui précèdent, dans la vue principalement de démontrer qu’une simple augmentation, presque insensible, d’un dixième du prix de la formule des notaires de Paris, rendue commune à tout le royaume, suffirait non seulement pour remplacer 'le contrôle et la formule des actes des notaires des provinces, ui, dans le fait, ne s’élèvent qu’à environ 2,000,000; mais même pour fournir les 15 millions dont il faut se rappeler que la demande est exagérée. Si l’augmentation d’un dixième est suffisante, à plus forte raison une augmentation beaucoup plus considérable sera-t-elle capable de lever tous les doutes et de bannir toutes les inquiétudes ; et tel est l’objet de la proposition suivante, qui contiendra la certitude de l’élévation du produit, et celle de son recouvrement, et de plus un moyen pour que cette augmentation ne soit point à charge aux citoyens les moins fortunés. Proposition. Je propose, au lieu de l’augmentation d’un dixième, d’augmenter la formule du papier des notaires de Paris, qui est actuellement à 18 s. 9 d. ci ....................... 18 s. 9 d. D’abord d’un quinzième montant à ............. ..... ..... 1 3 Ce qui la portera à 20 sols, ci. 20 s, » Et ensuite de moitié en sus c’est-à-dire de. 10 sols, ci ..... . 10 » En sorte que le prix de la _ feuille de papier sera de 30 sols, ci 30 s . » D’augmenter dans la même proportion, la feuille de parchemin, dont le prix actuel est de 31. 2 s. 6 d. et de la porter à 5 liv. ci... 5 1. » » Et d’augmenter de près de moitié en sus la demi-feuille ou carré de parchemin, dont le prix est de 1 liv. 17 sous 6 den. et de la porter à 10 sous, ci ............. 2 1. 10 s. » Le tout dans les mêmes dimensions à présent observées à Paris. Je suppose que les quittances de ville, les quittances comptables et autres, destinées aux payements qui se font dans les caisses publiques, resteraient fixées comme elles le sont à présent sauf ce qui sera dit par la suite à ce sujet. Ces prix de formule seraient rendus communs à tous les notaires du royaume. J’observe que l'augmentation proposée est vinces; mais elle ne peut occasionner un changement important dans le résultat. En tout cas, en faisant connaître le montant de la Consommation de chaque espèce de formule, soit papier, soit parchemin particulièrement, on établirait les rehaussements de manière à atteindre au même but. dans la proportion d’abord d’un quinzième on plus du prix actuel de la formule des notaires de Paris, ensuite de moitié de la somme formée par la réunion de ce quinzième au montant du prix* actuel, à l’exception cependant des demi-feuilles de parchemin, dont l’augmentation est dans nue proportion un peu plus faible, parce qu’il a para juste de ne les porter qu’à la moitié du prix de la feuille entière, mais que l’on peut, au surplus, porter jusqu’à 3 livres au lieu de 2 liv. 10 sous, si l’on veut les mettre dans la proportion commune. Cette augmentation produira l’effet suivant : Les notaires des provinces faisant une consommation double de leur consommation actuelle, comme dans la combinaison ci-devant, la formule produira, comme il y est dit, y compris celle des notaires de Paris .......... 13,930, U001, Le quinzième en sus monte à. 938,667 Ces deux sommes forment celle de ........................... 14,868,667 1. La moitié de cette somme est de ............................ 7,434,333 Total du produit ........... 22,203,000 1. En conservant le contrôle des actes sous signatures privées, on aurait un produit de 23 millions 3 ou 400,000 livres, ou environ. Si l’on ne veut pas se persuader que les notaires des provinces feront une consommation double, en leur ôtant le contrôle, ce qui cependant est immanquable, toujours est-il impossible de ne pas être convaincu qu’ils en feront une beaucoup plus forte que jusqu’à présent. Au lieu delà porter au double de la consommation actuelle, je vais ne la compter que pour moitié en sus (1); alors au lieu de 13,500.000 L, portés en la combinaison ci-devant, elle ne serait plus que le 10,125,0001. ci ....... 10,125,0001. A quoi joignant pour la consommation des notaires de Paris. 430.000 Ces deux sommes montent à.. 10,555,000 1. Il faut y ajouter l’augmentation d’un quinzième en sus, ci.. 703,667 Ensemble ............. . ..... 1 1 ,258,667 Enfin, il y faut joindre l’augmentation de moitié de la réunion de ces deux sommes .......... .. 5,629,333 Produit total ................. 16,888,000 1, En conservant le contrôle des actes sous signatures privées, on aurait un produit de près de 18,000,000 livres. (t) Quiconque est sans intérêt et sans prévention, quiconque a connaissance de l’immense quantité d’actes que les entraves du contrôle empêchent de passer par devant notaires, et qui se font sous seings privés, ne peut pas n’ètre point convaincu de la certitude évidente de cette consommation, surtout dans les deux ou trois premières années, pendant lesquelles une grande partie des actes faits sous signatures privées, dans les années précédentes, seront indubitablement réitérés par devant notaires. Pour les années suivantes, les mutations des biens nationaux qui se trouveront dans le. commerce, soutiendront cette consommation ; et d’ailleurs les charges viagères de l’Etat, étant alors diminuées, exigeront moins de produit, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [2-2 novembre 1790.] Mais, comme on ne demande ni 23 ni 18 millions, mais seulement 15, il faut, d’une part, faire en sorte que ces augmentations ne dt viennent point à charge aux pauvres, et, d’une autre, prendre les précautions convenables pourassurer d'abord le supplément qui serait nécessaire, s’il était possible que la formule ainsi augmentée ne produisît point, avec le contrôle des actes sous signatures privées, 15 millions; et ensuite la réduction de l’impôt, dans le eas où l’un et l’autre produiraient davantage. Pour que ces augmentations ne soient point à charge aux moins fortunés, je proposerai ci-après un prix de formule plus modéré, pour les actes dont les valeurs principales ne s’élèveront que jusqu’à 50 livres et jusqu’à 100 et 150 livres. Cette modération ne peut apporter un changement fort important dans les combinaisons qui précédent. En tout cas, dans le montant de la formule des notaires à Paris est compris celui de la formule des quittances d’arrérages de rentes perpétuelles et viagères, pensions et autres revenus qui se payent au Trésorroyal et autrescaisses publiques, objet modique que le régime passé a laissé jusqu’ici subsister à un taux modéré. Cet objet, si l’Assemblée nationale le jugeait nécessaire, pourrait être susceptible d’une augmentation dont elle réglerait le taux dans sa sagesse; mais il n’est pas à croire qu’il y ait lieu d’y recourir quant à présent sauf à y avoir recours, s’il était besoin de rehausser encore le prix de la formule pour l’année 1792 et suivantes, comme il sera d it en l’article 11 ci-après, dans le cas y exprimé, qui n’est point à présumer. Conclusion. Je demande donc qu’il soit décrété : 1° Qu’à compter du 1er janvier 1791, le contrôle des actes des notaires sera et demeurera supprimé partout où il est établi, sans que cette suppression puisse s’étendre au contrôle des actes sous signatures privées, ni à celui des exploits, qui demeureront conservés; 2° Qu’à compter du même jour, le prix de la formule des actes des notaires dans tout le royaume sera et demeurera fixé; savoir : la feuille de papier de 12 sur 16 pouces, à 30 sols; La feuille de parchemin de dix pouces et demi sur quinze et demi, à cinq livres; La demi-feuille de parchemin de dix pouces et demi sur sept pouces trois quarts, à 2 livres 10 sols ; Que mention sera faite de ce prix, dans le timbre de chaque espèce de ces formules, lequel portera en outre ces mots : actes des notaires de (tel endroit) ; 3° Que pour les actes dont la valeur principale s’élèvera qu’à 50 livres ou sera au-dessous, il sera fait une formule particulière, en papier, d’un carré de huit pouces sur six, qui est fixée à 8 sols. Que pour ceux dont la valeur principale sera au-dessus de 50 livres, jusques et compris 100 livres, la formule sera d’une demi-feuille, en papier de huit pouces sur douze, et demeurera fixée a 16 sols. Que pour ceux dont la valeur principale sera au-dessus de 100 livres, jusques et compris 150 livres, la formule sera d’une pareille demi-feuille de papier et lixée à 24 sols; Quelelimbredela première de ces formules portera ceu n -ci : actes jusqu'à 50 livres ; notaires de (l el endroit); queie timbre de la seconde portera ceux - 67$ ci : actes au-dessus de 50 livres , jusques et compris 100 livres, notaires de (tel endroit); que le timbre de la troisiè ne portera ceux-ci : actes au-dessus de 100 livres jusques et compris 150 livres , notaires de (tel endroit); que pour l’expédition de ces trois espèces d’actes en grosses ou forme exécutoire, il sera fait; savoir : pour ceux dont la valeur principale sera de 50 livres et au-dessous, des carrés en papier, et pour les deux autres espèces, des demi-feuilles aussi en papier, le tout de mêmes dimensions que celles ci-dessus indiquées, dont le timbre, outre ce qui vient d’être dit, portera ces mots {titre exécutoire) et dont le prix sera fixé au double de la .formule simple de chacune de ces trois espèces respectivement, et qu’à l’égard de tous les actes dont les valeurs excéderont 150 livres, ou qui n’auront point pour objet principal des valeurs fixes et déterminées, ils seront portés sur la formule ordonnée par l’article 2 (1); 4° Qu’il soit fait défenses à tous notaires de se servir, à compter du 1er janvier 1791, d’autres papiers et parchemins que ceux de la nouvelle formule, et qu’il leur soit enjoint de les employer suivant la nature des actes conformément à l’article précédent, à peine d’amende pour chaque contravention ; 5° Qu’au fur et à mesure que chaque notaire lèvera les papiers, parchemins et quittances dans les bureaux de distribution de sa formule, il sera tenu de remettre au distributeur un bulletin contenant la quantité et le prix de chaque espèce à lui délivrée, lequel bulletin sera par lui signé et sera conservé, pour servir à former le compte ci-après, par le distributeur, lequel de sa part lui remettra un pareil bulletin de lui signé; 6° Que les distributeurs enregistreront ces bulletins sur les feuilles séparées pour chaque notaire, avec mention des espèces, de la quantité et du prix de la formule délivrée, sans mêler les espèces les unes avec les autres, et ne pourront faire aucune livraison de cette formule à qui que ce soit, autrement que sur les bulletins ci-devant mentionnés, signés d'un notaire, sauf aux créanciers de rentes perpétuelles et autres particuliers auxquels les quittances d’arrérages sur le Trésor public pourraient être nécessaires, à se procurer chez les notaires celles dont ils auraien t besoin; 7° Que, dans le mois de janvier 1792, il sera fait sur ces bulletins un compte général des papiers, parchemins et 'quittances délivrés en 1791 à chaque notaire, en distinguant de même les espèces, leurs quantités et leur prix, pour chacun d’eux; au montant duquel compte sera ajouté le produit du contrôle des actes sous signatures privées, pendant la même année; que ce compte sera rendu public par l’impression, et qu’il en sera placé eu la salle commune de chaque municipalité, un extrait, en ce qui concernera les notaires résidents dans l’étendue de la municipalité ; 8° Que si le total de ce compte ne s’élevait pas à 15,000,000 de livres, ce qui s’en défuudrait serait, pour cette première et unique fois , réparti proportionnellement entre les différents départements, et supporté à raison du montant de la (I) On pourrait peut-être former une quatrième espèce jusqu’à 200 livres et les fixer graduellement; savoir : la première à 6 sols, la seconde à 12 sols, la troisième à 18 sols, et la quatrième à 24 sols ; mais, eu général, il ne faut point trop multiplier les classes d’actes, ni las graduations ; l’expérience en a appris les inconvénients» 080 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790. | contribution de chacun d’eux, dans l'imposition directe personnelle du royaume, pour l’année 1792 seulement (1); et, en ce cas, le prix de la formule serait augmenté proportionnellement sur chaque espèce, de manière à produire, avec le contrôle des actes sous signatures privées, la somme de 15,000,000 de liv. en l’année 1792 et suivantes, jusqu’à ce que la libération des dettes de l’Etat, ou autres circonstances permissent de diminuer cet impôt; 9° Que si, au contraire, le lotal du compte dont il s’agit, surpasse la somme de 15,000,000 de livres d’un million ou de plus forte somme, il sera fait une réduction de l’excédant, pour avoir lieu en 1792 et dans les années suivantes ; que l’Assemblée nationale décidera si cette réduction portera d’abord sur les formules des notaires, comme étant à chargea tous les citoyens en général, ou si elle sera imputée en premier lieu sur le contrôle des actes sous signatures privées; et lorsque la réduction portera sur la formule, cette réduction sera faite proportionnellement sur chaque espèce ou nature de formule; 10° Que le temps arrivé d’une diminution suffisante des charges annuelles de la nation, parles extinctions des rentes viagères, pensions et autres traitements à vie, par la cessation des arrérages ou intérêts des capitaux amortis et remboursés sur la dette nationale avec le produit des ventes des biens et domaines nationaux, ou autrement, pour qu’il y ait lieu à la rédaction des différentes contributions auxquelles les citoyens seront assujettis, l’Assemblée nationale prendra en considération la réduction des 15,000,000 de livres susmentionnés, dans telle proporiion que lui prescriront sa justice et sa sagesse, eu égard à la hauteur démesurée du taux auquel cette contribution particulière est élevée par les articles précédents; 11° Que l’Assemblée nationale se réserve de statuer, par un décret ou règlement particulier, sur les formalités convenables pour assurer l’exactitude des actes, sur le rapport de son comité de Constitution. Dans le cas où l’Assemblée ne jugerait pas à propos de passer de suite à l’examen du projet de décret contenu dans mes conclusions, je demande qu’il soit renvoyé, avec tous les autres projets sur cette matière, à unecommission dedouze commissaires pris dans les comités de l’imposition, des domaines, des finances et de l’agriculture et du commerce, à raison de trois membres par chaque comité, en laquelle commission je serai entendu, ainsi qu’autres denos collègues qui se sont présentés au comité de l’imposition. Enfin, j’observe qu’au fond tout Je monde est d’accord, peut-être même sans excepter les fermiers ou leurs agents, que l’impôt du contrôleest le plus odieux, le plus arbitraire et le plus vexa-toirede tous les impôts ; conséquemment que tout le monde doit être d’accord de la nécessité de sa suppression, qui méritera à l’Assemblée toute la reconnaissance d’un véritable bienfait : que toute la question se réduit à examiner si le remplacement proposé paraîtra suffisant ; et que, quaud même on pourrait craindre que son produit n’atteignît pas tout à fait le but, il s’en faudrait tou-(1) Si, par impossible, il se trouvait un déficit en 1791, il ne pourrait jamais former un objet digne d’attention ; et réparti sur la contribution personnelle de tout le royaume, et, pour une fois seulement, il serait absolument insensible. jours si peu, qu'il ne pourra être difficile d’y suppléer. Seconde opinion faisant suite à l'opinion de M. Bévière, député de la ville de Paris , sur le CONTRÔLE DES ACTES DES NOTAIRES. J’aurais en vain mis sous les yeux de l’Assemblée nationale les principaux inconvénients du contrôle des actes des notaires, ses immoralités, son incompatibilité avec la Constitution et la liberté, si, en supprimant le nom, la chose présentée sous le titre d’enregistrement ou autre, ou sans apparence de formalité, ou mêlée et confondue avec d’autres droits, échappait à sa clairvoyance ; et si, dans les propositions qui lui seront faites sur la fixation des bases de l’imposition indirecte, et sur la détermination des objets qui y seront assujettis, les droits sur les actes s’y trouvant compris, comme on l’a déjà fait pressentir, on parvenait à l’induire à admettre implicitement le contrôle ou les droits par lesquels il serait présenté. Je demande donc, qu’en ce cas, la division soit prononcée ; que ce qui regarderait les droits sur les actes soit ajourné et renvoyé à la commission que j’ai pris la liberté de demander par mes conclusions, avec les plans et projets d’établissement de ces droits, pour être, du tout, fait rapport à l’Assemblée, afin de la mettre en état de statuer eu pleine connaissance de cause, tant sur le fond que sur tous les détails. Il sera facile de reconnaître ceux de ces droits qui représenteraient le contrôle sans le nommer, et quienauraienttous les effets. Deux indices certains les feront sortir du chaos dans lequel ils se trouveront enveloppés. Le premier sera l’extension des droits non seulement aux actes dont la manifestation a été jusqu’ici regardée comme intéressante pour le public, c’est-à-dire aux actes translatifs de propriété, à ceux de libéralité et à ceux de renonciation ; mais encore à� ceux que les particuliers ont le plus grand intérêt de tenir secrets, c’est-à-dire à tous les autres actes relatifs aux arrangements de familles, aux affaires particulières et aux relations journalières, sociales et commerciales de tous les citoyens. Le second sera la quotité de 1/2 0/0, qui est celle adoptée pour remplacer le contrôle par le plan des détails de l’assiette de ces impôts ; soit qu’elle se trouve proposée pour seul impôt sur partie des actes, soit qu’elle ait été ajoutée ou incorporée d’une part à l’impôt de 2 0/0 ou du cinquantième auquel ce plan prétend assujettir ceux ci-devant sujets au centième denier, ou à 1 0/0, et d’une autre part à l’impôt de 1 0/0 ou du centième denier auquel ce même plan veut soumettre les actes translatifs de propriété, des immeubles fictifs et autres qui n’y étaient point assujettis. Enfin ce seront encore les droits imaginés sur les actes dont les valeurs ne seront point déterminées. Je dis que ces droits ramèneront nécessairement, soit dès à présent, soit en peu de temps, tous les désastres du contrôle que je ne rappellerai point, et les rendront encore plus insupportables et plus funestes. Car le nouveau plan est machiné de manière, non seulement à les conserver tous, mais à ériger en lois toutes les maximes tyranniques de la fiscalité, toutes les interprétations forcées du tarif de 1722, les pièges des classifications de 1723, toutes les décisions iniques surprises au conseil ou aux com-