88 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Voilà ce que j’aurais dit à l’Assemblée si elle avait voulu m’entendre. Ayant déjà tenté en vain plusieurs fois d’obtenir la parole pour le dire dans la tribune, j’en avais fait imprimer une partie sous le titre d’observations (1) que j’ai cru devoir faire distribuer aux membres de l’Assemblée, pour réveiller la sollicitude de mes collègues et soulager mon coeur, et je les joins à cette feuille. J’aurais demandé que l’Assemblée nationale mandài le ministre de la guerre pour qu’il eût à rendre compte de l’état de l’armée et des précautions qu’il a dû prendre pour arrêter les désordres qui la détruisent : et quVlle le rendît responsable des insurrei tions qui arrivent dans les régiments, toutes les fois qu’il n’aurait point employé les moyens que lui donne la loi pour les prévenir. J’aurais demandé enfin que ces assemblées dangereuses connues sous le nom de clubs, fussent supprimées toutes les fois qu’une insurrection dans un régiment, ou une émeute populaire aurait été le résultat de leurs motions. L’Assemblée nationale a chargé Messieurs les membres du comité militaire de recevoir ma motion. Je me conforme au décret et j’acquitte ma couscience en la déposant entre leurs mains. Signé : Achard de Bonvouloir. 9 juin 1791. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILHARD, EX-PRÉSIDENT. Séance du jeudi 9 juin 1791, au soir (2). La séance est ouverle à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : Adresse de félicitation , d'adhésion et de dévouement de la municipalité et de la garde nationale de Saint-Apollinaire, près Dijon. Adresse de la société des amis delà Constitution , établie à Verdun-sur-Meuse, contenant un procès-verbal de la municipalité de Beauzée, distuct de cette ville, qui constate que les nommés Noirac et Otenin, citoyens de cette communauté, ont en le courage de sauver du naufrage, le 15 janvier dernier, un homme qui allait périr en traversant une rivière débordée. El le i m plore la bienfaisance de l’Assemblée en faveur de ces deux citoyens. Adresse des administrateurs du directoire du département de la Gironde , qui présentent à l’Assemblée nationale l’hommage de leur vive sensibilité au sujet du témoignage éclatant de satisfaction qu’elle vient de leur accorder. Adresse des électeurs du département des Hautes-Pyrénées, qui supplient l’Assemblée d’autoriser le directoire du département à leur fixer un traitement avant la session prochaine. Adresse de plusieurs citoyens d'Orléans, qui demandent, comme une grâce particulière, i’hon-(1) Voyez Archives parlementaires , t. XXVI, séance du 28 mai 1191, page 592, les observations de M. Achard de Bonvouloir sur l’état de l’armée. (2) Celte séance est incomplète au Moniteur. 19 juin 1791. | neur de marcher à la défense de la patrie lorsqu’on osera l’attaquer. Adresse des étudiants du collège de Magnac, département de la Haute-Vienne , qui annoncent que, professés par des ecclésiastiques anticonstitutionnels, ils avaient pris tous leurs inciviques systèmes, et s’étaient laissé entraîner par leur exem pie; mais qu’heureusement ils viennent d’être changés, et que leurs successeurs, citoyens, les ont rendus a la patrie. Réunis en société avec plusieurs habitants de Magnac, ils présentent à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur d vouement. Adresse du juge de paix du canton de Triel , district de Saiut-Germain-en-Laye, qui rend compte à l’Assemblée de l’heureux effet de ses fonctions. Il en résulte qu’en quatre mois il a jugé 155 affaires qui n’ont pas coûté 300 livres de frais. Adresse du sieur Garcin, maître de pension à Montoison, département de la Drôme, qui fait hommage à l’Assemblée d'un extrait en latin de l 'Histoire de France. Adresse de la société des amis de la Constitution de Bourbon-l' Archambault, qui supplient l’Assemblée d’instituer une fête civique en l’honneur des grands hommes junés dignes de la sépulture nationale, pour le 13 juillet de chaque année. Adresse des gardes nationales du district de Dôle, qui, rappelant les secours que réclament les départements des Haut et Bas-Rhin contre les menaces des prêtres réfractaires et des aristocrates émiarants, ajoutent qu’elles croient, par leur patriotisme, mériter l’honneur de concourir à faire renaître le calme et l’union que les malveillants ont cherché à détruire dans ces départements ; elles annoncent que leurs frères d’armes partagent leurs sentiments. « Le serment de la fédération, disent ces braves patriotes, est gravé dans nos cœurs ; mais la Constitution ne nous permet de l’accomplir qu’avec le consentement de notre département. » En conséquence, elles supplient l’ A-semblée nationale de les mettre à même de n’être pas parjures, et d’autoriser le directoire de leur département à rassembler un détachement de gardes nationales pour voler au secours de leurs frères, et de les pourvoir de munitions de guerre, dont elles se plaignent de manquer absolument. Elles demandent aussi que l’Assemblée fixe le nombre de ceux à qui elle permettra de combattre, car tous sont prêts à partir, tous ambitionnent une glorieuse préférence. Adresse contenant les soumissions faites par plusieurs gardes nationaux de Dijon , de se porter an secours de leurs frères d’armes du Bas-Rhin, aussitôt qu’ils seront appelés. A celte adresse est joint extrait de l’arrêté pris à ce sujet. Délibération de la municipalité de J allier, près Bourgom, département de l'Isère, pour ouvrir, acompte de l’impôt de 1791, le payement de la moitié de celui de 1790. Le maire de cette commune assure dans sa lettre d’envoi que, dût-il contribuer de sa poche, la recette indiquée sera faite dans la semaine. (L’Assemblée nationale, satisfaite de cette offre vraiment patriotique, décrète qu’il en sera fait mention honorable au procès-verbal.) Adresse de la veuve et des enfants du sieur Nt-colon, l’un des citoyens massacrés à Douai en mars 1791, qui supplient l’Assemblée nationale de leur appliquer, pur forme d’indemnité, l’amende à laquelle pourront être condamnés, par la haute cour nationale provisoire d’Orléans, les (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |9 juin 1791.] officiers municipaux de 1a ville de Douai, contre lesquels l'Assemblée nationale a décrété, le 19 dudit mois de mars, qu’il y avait lieu à accusation. Pacte fédératif des officiers , sous-officiers , grenadiers, fusiliers et tambours du 17° régiment d'infanterie , ci-devant Auvergne, en garnison à Strasbourg. M. IMonis du Séjour, au nom du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, il nous a été présenté par M. de Trouville ur e méthode d’élever les eaux; vous avez entendu le rapport de M. Lamerville à ce sujet. Je pris alors la liberté de combattre quelques-unes de ses idées (1). Les comités chargés d’examiner, avec des commissaires de l’Académie de sciences, la machine de M. de Trouville n’en ont pas approuvé toute les dispositions et n’y ont pas reconnu l’utilité qu’on avait annoncée; mai3, en même temps, ils n’ont pu refuser des éloges à quelques parties du travail de ce mécanicien. Ils ne se sont pas dissimulés, d’autre part, que M. de Trouville a employé et du temns et des fonds dans les estais qu’il a été obligé de faire. En conséquence, ils ont pensé qu’il serait de la justice de l’Assemblée nationale de lui accorder une somme de 2,000 livres à litre de gratification, d’indemnité ou d’encouragement. Voilà tout mon rapport. Plusieurs membres : L’ajournement! (L’Assemblée, consulte, ordonne l’ajournement du projet de décret présenté par M. Dionis du Séjour.) Deux officiers du régiment de Port-au-Prince sont admis à la barre. L’un d’eux prend la parole en ces termes : Messieurs, les événements funestes qui ont eu lieu dans la colonie de Saint-Domingue, et dont les détails ne vous sont pas encore bien connus, nous ont forcés à nous en éloigner, et à venir rendre compte, à cette auguste Assemblée, des faits dont nous avons été témoins, si vous voulez bien nous entendre. Recevez d’abord l’expression de notre reconnaissance; nous allons rendre hommage à la vérité dans toute sa simplicité. Les militaires sont sans art, et nos expressions seront bien au-dessous de l’importance ( t du caractère de ce que nous avons à vous exposer. Un régiment couvert de gloire et déshonoré par la plus affreuse des trahisons; un colonel admiré de toute la France, approuvé de la nation par l’organe de ses représentants, chéri de tous les bons citoyens, idolâtré de ses soldats, et livré par ces mêmes soldats au fer de ses assassins ; tel est le récit effrayant, mais vrai, des événements survenus à Port-au-Prince depuis l’arrivée de la station. _ Le régiment du Port-au-Prince s’était immortalisé dans le temps des troubles de la colonie; la France entière retenti-sait des éloges qu’il avait mérités, eu concourant à sauver cette partie précieuse de l’Empire français, qui allait devenir la victime des projets criminels de quelques ambitieux. M. Mauduit était colonel de ce régiment ; c’était à lui que l’on devait tons F s succès dont on se trouvait glorifié, et lui seul avait fait passer dans tous les esprits cette énergie et cette (1) Voyez Archives parlementaires, tome XXII, séance du 3 février 1791, pages 733 et suiv. 89 fermeté dont il était lui-même pénétré. Le mérite de cette officier est trop connu pour qu’on puisse rien y ajouter : l’Assemblée nationale, la France, l’Europe entière, lui ont rendu la jus'ice qui lui était due; ses soldats, surtout, montraient pour lui un enthousiasme qui animait toute la colonie; ce même enthousiasme était manifesté par tous les citoyens attachés à la métropole, et il en reçut les témoignages les plus flatteurs, à son retour d’une expédition qu’il venait de faire dans la province du Sud, où il avait été appelé, pour remettre dans le devoir les gens de couleur qui venaient de se soulever, it où il eut le bonheur de réussir sans effusion de smg. L’arrivée officielle du décret du 12 novembre ne laissait plus rien à désirer aux bons Français; mais les mal intentionnés, furieux de voir leurs espérances trompées, n’en devinrent que plus ardents à poursuivre leur entreprise que le succès a malheureusement couronnée : c’était la mort de M. Mauduit. Ils ne pouvaient pardonner à ce chef d’avoir fait échouer tous leurs projets; comme sa conduite était sans reproche, ils eurent recours à la trahison, et tramèrent dans l’obscurité un complot affreux où ils mirent une persévérance et un sang-froid dont les scélérats les plus pervers sont seuls capables. Les partisans de l’assemblée de Saint-Marc recevaient continuellement de France des nouvelles qui ne faisaient qu’entretenir l’espoir flatteur de voir revenir les membres de cet e assemblée triomphante. Des gens ambitieux, cachant leur ambition sous le masque de l’hypocrisie, avaient pour agents d’une correspondance criminelle, une clisse d’hommes sans aveu, perdus de dettes et de réputation, et qui ne pouvaient que gagner au milieu des troubles. L’arrivée officielle du décret qui devait naturellement faire cesser toute espèce de division ne fit qu’augmenter la rage des mécontents. Tous les moyens ordinaires de corruption avaient été vainement employés par eux; ils se servirent de la voix de l’honneur même : ils firent répandre parmi les troupes qu’on les abusait, et qu’on leur cachait les nouvelles de France. Un faux décret que les uns disent avoir élé fabriqué en France, et avoir été apporté par le vaisseau le Serin; que d’autres font éclore au milieu du Port-au-Prince même, fut répandu au même instant par toute la colonie. Voici ce faux décret, daté du 17 décembre après midi : « L’Assemblée nationale déclare que les remerciements votés à la compagnie des volontaires du Port-au-Prince, aux citoyens dudit lieu, et à MM. Peynier et Mauduit sont et demeurent expressément révoqués, comme ayant éié surpris sur un faux exposé; décrète que le roi sera prié de donner les ordres les plus prompts et les plus précis pour que réparation soit faite aux citoyens de la ville du Port-au-Prince par les-dits régiments et volontaires; que remise sera faite des drapeaux enlevés dans la nuit du 29 au 30 juillet dernier; et sur le surplus du rapport du comité des colonies, qui regarde jdus particulièrement ledit régiment, FAs-emblée a ajourné à trois jours, et ordonne que les renseignements relatifs à la conduite de ce corps seront communiqués aux comités militaire et de Constitution.» Tel est *e contenu de ce décret, si fameux par le mal qu’il a occasionné à Saint-Marc et au Port-au-Prince. Pour gagner le régiment du Port-au-Prince on chercha à intimider des hommes que l’on n’avait pu séduire. On fit courir le bruit que la station