[Assemblée nationale. ) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 14 janvier 1790. J Des considérations aussi importantes, et qui ne peuvent être balancées par aucune raison solide, ont fait penser à votre comité qu’il est absolument nécessaire que vous prononciez votre vœu sur les entreprises des ports, afin que le pouvoir exécutif n’éprouve plus d’obstacles aux opérations qu’il ordonne d’après vos principes d’économie. Il n’est pas moins instant, Messieurs, que vous prononciez sur la réclamation des citoyens de Brest contre le marché des hôpitaux , accordé aux sœurs de la sagesse. C’est ici la cause de l’humanité. Elle appartient de droit aux fondateurs de la liberté française. L’administration de la marine, dégoûtée des régies qui étaient très-coûteuses, n’aurait pu, sans rougir, proposer au rabais l’entreprise des hôpitaux ; mais voulant réduire les frais, sans nuire au secours qu’elle devait à ses malades, elle invita divers ordres hospitaliers à faire des propositions sur cet objet. Les sœurs de la sagesse méritèrent la préférence par les offres qu’elles adressèrent; elles la méritaient déjà parce qu’elles étaient femmes, et qu’elle se dévouaient. Qui ne sait combien les secours de ce sexe intéressant et sensible sont plus Utiles et plus doux aux infortunés qu’il cherche à soulager ? Elles remplissaient, depuis longtemps, les fonctions respectables auxquelles elles s’étaient vouées, lorsqu’on imagina, pour le bien du service, de réunir à l’entreprise des hôpitaux de Brest une partie qui était restée en régie; celle de la fourniture des médicaments. C’était assimiler les sœurs de la sagesse aux sœurs grises de Ro-chefort et de Toulon. C’était aussi une manière de leur prouver combien l’administration faisait cas de leurs vertueux services. Elles devaient entrer en exercice de leur nouveau marché, au premier janvier de cette année, lorsqu’on a réclamé contre cette opération. On a soutenu qu’une congrégation hospitalière, qu’on a travestie en ordre religieux, ne devait point avoir l’entreprise des médicaments, qu’elle nuisait aux intérêts de l’Etat et au commerce de la ville de Brest. D’après les calculs qui ont été mis sous les yeux de votre comité, par les membres du conseil de la marine, et dont il serait inutile de vous présenter les minutieux détails, il résulte qu’en comparant la dépense de l’hôpital de Brest, pendant les années précédentes, avec celle qui aurait eu lieu par le nouveau marché, soit en frais généraux et constants, soit en journées de malades, l’économie se serait élevée à 24,000 livres; et si vous combinez Je nombre des lits en temps de guerre, sur les mêmes rapports et les mêmes bases, vous trouverez une économie de 150,000 livres par an. Dans tous les cas, les sœurs de la sagesse ayant l’entreprise du soin et de la nourriture des malades, il était sage et utile de ne point laisser la pharmacie entre les mains de particuliers, dont la régie présentait des inconvénients et un surcroît de dépense. Cependant, l’administration a été obligée de céder aux réclamations qui lui ont été faites. L’exécution du nouveau marché a été suspendue pour faire place à une régie provisoire, beaucoup plus coûteuse, et surtout moins utile. Tels sont, Messieurs, les objets sur lesquels le Roi a ordonné à son ministre de la marine de consulter votre vœu, de vous présenter des preuves d’économie et des raisons d’humanité. C’est sans 183 doute consolider des établissements dont l’utilité vous devient évidente. Mais votre comité, chargé par vous, Messieurs, d’approfondir tout ce qui intéresse le département de la marine, et de fouiller les nouveaux fondements de sa régénération, vous doit aussi compte des raisons politiques qui provoquent votre décision. Les puissances maritimes de l’Europe sont armées d’une manière formidable. Leurs arsenaux sont approvisionnés avec une abondance imposante, et les ordres donnés dans leurs ports sont exécutés avec la plus grande exactitude et la plus aveugle soumission. Vous n’êtes pas, à beaucoup près, dans une position aussi heureuse : si vous avez en vaisseaux des forces réelles, vous n’avez encore aucune force relative , et les ennemis delà nation pourraient calculer leurs projets sur ces considérations majeures. Vous avez un grand nombre de matelots, endurcis aux fatigues de la paix, et formés par l’honneur aux dangers de la guerre. Mais plusieurs commencent à ne plus reconnaître cette obéissance passive, sans laquelle le chef, qui commande au nom de la loi, ne peut plus répondre d’aucun événement. Vous avez les meilleurs ouvriers de l’Europe. On cherche à leur persuader qu’ils ne doivent plus travailler qu’à leur profit et à leur fantaisie. Vous avez encore de grands établissements , susceptibles de grandes économies ; mais toute économie utile au bien général blesse toujours des intérêts particuliers ; et de là naissent tant de plaintes souvent adoptées par la multitude, parce que la multitude en ignore les véritables motifs. Cet état de choses serait alarmant sans doute , si votre influence sur l’esprit de la nation était moins active et moins fondée en raison ; mais vous pouvez en un instant rétablir l’ordre et la subordination, en consacrant le principe que l’administration des ports et arsenaux est absolument dépendante du pouvoir exécutif : que nul n’a le droit de s’immiscer, et de s’opposer aux ordres émanés de son autorité, sauf la responsabilité du ministre. Alors, Messieurs, vous assurerez le service ; alors tous les citoyens employés dans les ports , ne pouvant plus douter que l’autorité qui les administre ne dérive essentiellement de vous, concourront avec zèle au maintien de l’ordre public, et regarderont comme un des premiers devoirs de la liberté, le plaisir de se soumettre aux lois que vous aurez dictées. Par toutes ces raisons, Messieurs, votre comité de la marine a l’honneur de vous proposer le décret suivant : L’Assemble nationale a décrété et décrète que le pouvoir exécutif suprême, résidant en la personne du Roi, tout ordre émané de l’autorité de Sa Majesté, et tout marché conclu et à conclure en son nom, doivent être exécutés dans les ports et arsenaux, sans opposition quelconque, sauf la responsabilité du ministre de la marine. M. Fermond des Chapellères. je propose un amendement qui consiste à remplacer ces mots : sauf la responsabilité du ministre, par ceux-ci : se réservant l’Assemblée de proposer les règlements et ordonnances qu’elle jugerait nécessaires. M. Bouche, le demande que les mots : sauf 484 [Assemblée nationale.] la responsabilité du ministre de la marine , soient accompagnés lie la phrase suivante : et la responsabilité de tous les agents qu'emploiera le gouvernement. M. de Vaudreuil. J’observe qu’il y a dans la marine deux sortes de travaux, ceux de construction et ceux de radoub • qu’il faut faire ceux-ci à la journée et ceux-là à l’entreprise ; je demande que l’Assemblée, avant de prendre un parti, s’instruise du genre de travaux qui a donné lieu à l’insurrection des ouvriers. M. Renaud, députe' d’Agen. MM. de Fermond et Bouche réclament des réserves et une responsabilité pour les agents du gouvernement qui sont parfaitement inutiles. L’Assemblée nationale a tous les pouvoirs et n’a donc pas besoin de s’en réserver; quant à la responsabilité des agents du gouvernement, l’Assemblée ne peut y soumettre que les ministres qui ont la surveillance de leurs subalternes. Je conclus en disant qu’il n’y a lieu à délibérer sur les deux amendements. M. Lanjjuinais. Je crois qu’au lieu de ces mots : se réservant l’Assemblée , il vaudrait mieux dire : et toujours conformément aux lois que l’Assemblée jugera à propos d’établir. M. Legendre, député de Brest. Je propose l’amendement suivant : « Attendu la soumission de la ville de Brest , de procurer un bénéfice de 50,000 livres à la nouvelle entreprise des hôpitaux de la marine de Brest, cette soumission sera publiée et mise à l’adjudication. » On demande vivement la question préalable sur tous ces amendements. La question préalable est prononcée. M. le Président prononce le décret suivant : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète : « Que le pouvoir exécutif suprême résidant en la personne du Roi, tout ordre émané de l’autorité de Sa Majesté, tout marché conclu ou à conclure en son nom , doivent être exécutés dans les ports et arsenaux , sans opposition quelconque , sauf la responsabilité du ministre de la marine. » M. le Président fait donner lecture du résultat du scrutin pour l’élection des douze membres destinés à former 1e comité des pensions. Voici la liste de ceux qui le composent : MM. de Montcalm-Gozon. Camus. le baron de Wimpfen. Fréleau. Treilhard. Gaulthier de Biauzat. le baron de Menou. de Champeaux. Expilly. Cottin. La Révélière de Lépaux. Goupil de Préfeln. Voici la liste de ceux qui ont ensuite réuni le plus de suffrages : MM. Faydel. Bison du Galland. Turpin. Trudon. La Chèze. le marquis de Foucauld. Cortois de Balore, évêque de Nîmes. Henry de Longuève. Bouchotte. y Prugnon. Picquet. M. le Président. L’Assemblée reprend la suite de la discussion sur la division des départements. M. Gossin, rapporteur du comité de constitution, a la parole. M. Gossin. La ville de Lisieux forme la demande d’un sixième département dans la Normandie. Les motifs, dont elle appuie sa demande sont les mêmes que ceux qui ont été condamnés la veille pour la Franche-Comté. Je propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que la division en cinq départements de la province de Normandie subsistera. » Ce décret est adopté. M. Gossin. La ville de Saumur, très-intéressante par sa situation, sa population et ses contributions, demande un département pour le Sauraurois, dont Saumur serait le chef-lieu. Cette demande, suivie avec zèle par les députés à l’Assemblée nationale et par ceux que cette ville a envoyés extraordinairement, n’a pas été adoptée par votre comité à cause des moyens victorieux que l’Anjou a fait valoir d’après les décrets même de l’Assemblée : à tout événement, la ville de Saumur demande l’alternative avec Angers ; cette question se décidera lorsqu’il s’agira de ce département. En attendant , je propose de décréter que la ville de Saumur et le Sau-murois feront partie du département d’Anjou. Cette proposition est adoptée. M. Gossin. La ville de Montluçon prétend que ses intérêts ont toujours été sacrifiés aux deux capitales du Bourbonnais et de la Marche , et que ses habitants ont la plus grande répugnance à entrer avec elles en communauté d’administration. Elle ajoute qu’éloignée de Moulins de quinze lieues, et de quatorze de Guéret, ce serait violer tous les décrets de l’Assemblée de comprendre Montluçon dans ces départements. Cette ville désire d’en former un par six lieues de territoire du côté de Guéret , de neuf lieues de celui de Moulins , en s’étendant vers le Haut-Berry et la Basse-Auvergne , du côté de Montaigu. Le comité n’adopte pas cette demande, le territoire du pays de Combrailles et du Bas-Bourbonnais ne présentant qu’une surface indépendante pour un département qui d’ailleurs dérangerait tous ceux qui sont convenus et limités. Il paraît convenable que l’Assemblée nationale s’occupe de Montluçon dans la distribution des nouveaux établissements ; mais que, sur la demande d’un département, le comité propose de décréter que la ville de Montluçon sera unie au département du Bourbonnais. L’avis du comité est adopté. M. Gossin. Il s’agit maintenant de décider si la division en départements de la province de Bretagne doit être portée à six, selon le vœu des députés extraordinaires de Saint-Malo, ou àcinq seulement, suivant l’opinion delà majorité des députés de la Bretagne, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 janvier 1790.] MM. I