512 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er avril 1790.] avancés qu’elle sur cette partie de la législation et de l’administration, si importante au bonheur public. L’Angleterre même, si jalouse de la liberté, est soumise à des impôts dont la perception est souillée par une inquisition révoltante; et l’obscurité réelle qui règne dans ses fiuunoes, malgré les apparences de la publicité, est soigneusement entretenue par l’intérêt des ministres, dont le crédit et la grandeur sont attachés au besoin que la nation croit avoir de leurs lumières, pour débrouiller un chaos dont sa volonté seule la ferait sortir. Le comité a donc pensé que lorsqu’une révolution heureuse donnait à la France une constitution fondée sur la liberté, la justice et légalité, ces mêmes principes doivent dicter toutes les lois, que les contributions publiques doivent être établies d’après un plan simple, régies par des formes appropriées à la Constitution, et que la France devait donner aux autres peuples le salutaire exemple de substituer au régime et à l’esprit lis-cal, un esprit et un régime tels qu’ils peuvent convenir à des hommes devenus libres, parce qu’ils ont eu assez de lumières pour vouloir l’être. Il a cru devoir méditer d’abord sur les principes de V impôt, ou plutôt des contributions publiques, car il pense que le nom d'impôt doit disparaître de noire langue, avec la nomenclature barbare qui en classait les nombreuses et vexa-toires espèces, et que le nom de contribution exprime mieux la part que chaque citoyen doit fournir aux frais nécessaires de la société. Il a cherché quelle est la source des richesses, et quelle est la partie des revenus qui doit la contribution : il a consulté les ouvrages ou ces questions importantes ont été traitées, et s’est aide des lumières de citoyens éclairés qui en ont l'ait une élude approfondie, et qui se sont prêtés avec zèle aux conférences qu’il leur a proposées. Il a dis cuté les moyens de déterminer la quotité des contributions, d’en faire l’a>siette, de régler la forme de leur perception ; il a vu avec douleur que les besoins d’un Etat chargé d’une dette immense, et la nécessité de laisser reprendre aux richesses leur cours naturel que les erreurs, les déprédations et l’avidité de l’ancienne administration oui tant interverti, ne permettraient pas à l’Assemblée nationale d’adopter, dans toute leur étendue, les véritables principes ; mais il croit qu’eu fondant la Constitution, elle doit au moins les déclarer, et que, s’en écartant avec connaissance de cause, le moins possible, mais autant que les circonstances actuelles t’exigeront, elle doit donner ces principes aux législatures pour bases de leurs opérations, et leur recommander de ramener successivement le système des contributions à la simplicité et à la clarté qui doivent caractériser 1’admiuistration d’un peuple libre. Il a pris connaissance de la nature, de l’assiette, de la répartition, des formes de perception et de la somme des revenus publics actuels ; il a appelé plusieurs des personnes qui dirigent, régissent ou exploitent les différentes parties, et il a embrassé avec satisfaction ia certitude consolante que. si l’Etat a besoin encore, pour un temps assez long, d’une masse considérable de contributions, elle sera cependant inférieure à celle qui grève actuellement les contribuaoles, que ce soulagement réel dans la somme versée au Trésor public, sera bien plus sensible encore par la diminution des frais de perception, par l’abolition de ces formes inquisitives et vexatoires qui accroissent la charge, et par un moyen qu’il espère pouvoir présenter, de soulager la génération présente, en prolongeant une partie de cette charge sur les générations futures qui n’en seront point lésées puisqu’elles la verront s’éteindre graduellement, et que les heureux effets qu’elles recueilleront chaque année d’une bonne administration, compenseront avec avantage le secours qu’elles auront prêté à celles de qui elles tiendront le bienfait inestimable de la liberté. Occupé de former ce plan général, qui ne pourra recevoir son exécution que l’année prochaine, le comité de l’imposition a vu avec plaisir le comité des finances proposer, dès cette année, la suppression de la gabelle et de plusieurs autres impôts condamnés depuis longtemps par l’opinion publique, et leur remplacement sous une forme plus simple, et avec le profit pour le peuple, des frais de perception très considérables, de frais de vexations qui ne l’étaient pas moins, et même avec un soulagement effectif sur la somme de l’impôt : il verra de même avec satisfaction tous les moyens que ce comité proposera pour pourvoir aux besoins de l’année courante, sans embarrasser les perceptions de la prochaine. Mais ces heureuses suppressions nécessitant une opération très prompte pour celle des traites iu-térieures, il a cru devoir suspendre la suite de son travail sur les autres parties, pour s’occuper, de concert avec le comité d’agriculture et de commerce, des traites et du tabac, deux branches de revenu si étroitement liées l’une à l’autre, qu’il est impossible de les séparer dans la discussion, et de ne pas proposer à l’Assemblée nationale une décision combinée sur les deux objets. Les deux comités espèrent bientôt être en état de i’en entretenir. Le comité de l’imposition reprendra ensuite l’ordre qu’il s’était prescrit ; et le temps, utilement employé dans l’examen des traites et du tabac, ne sera pas perdu pour le reste, puisqu’il recevra, dans cet intervalle, des mémoires et des renseignements qu’il a demandés tant à Paris que dans les proviuces. L’Assemblée nationale, persuadée de son zèle, a sans doute trouvé bon qu’il mûrit ses opinions dans le silence : il n’attendra cependant pas que son ouvrage soit entièrement achevé, pour lui soumettre les bases sur lesquelles il se propose de l’asseoir, et dont l’adoption ou les moditica-tions devront diriger la suite du travail ; mais ses bases elles-mêmes ont besoin d’être encore discutées, et elles le seront avec l’attention qu’exige leur influence sur le bonheur public. Honoré de la conliance de l’Assemblée nationale, le comité ne négligera rien pour ta justifier : s’il ne parvient pas à remfdir sa tâche aussi complètement qu’il le désire, il ose au moins se flatter que les efforts de son patriotisme ne seront pas entièrement vains; et si le travail auquel il a dû se dévouer, même pour approcher de son but, est pénible, il en sera pleinement récompensé par l’approbation que l’Assemblée nationale daignera peut-être accorder à quelques-uns des résultats qu’il aura l'honneur de lui présenter. Signé : le DUC DE LA ROCHEFOUCAULD, président ; ÜEFERMON, llOEDERER, MûNNERON, Jariiy, Dupont (de Nemours), secrétaire ; l’Evêque d’autun, Duport, le baron d’allarde, la borde de lMf.réville, secrétaire. M. le Président dit que l’ordre du jour ramène la discussion sur la question relative au privilège de la compagnie des; Indes.