[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1“ juin 1791.] d’attirer la farouche curiosité du peuple à un spectacle de cruauté qui se perpétue pendant plusieurs jours, mais simplement de vouer à l’ignominie et à l’exécration publique, pendant plusieurs jours, les gens qui ont manqué à la société. 11 me semble que vous pouvez consacrer le principe ence moment-ci et renvoyer aux comités pour le mode de gradation de cet appareil. M. Dnquesnoy. 11 me semble qu’il ne faut pas décréter que vous ferez souffrir une agonie à un homme condamné. Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix le principe ! M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Voici le principe que je propose : « Sans aggraver en aucun cas les tourments, il y aura dans l’appareil du supplice des gradations analogues aux différents genres de crimes et proportionnées à leur intensité.» (L’Assemblée consultée décrète ce principe.) M. lie Pelletier-Saint-Fargcau, rapporteur. Je propose maintenant le renvoi au comité pour déterminer le genre et le mode des gradations dont vous venez de décréter le principe et pour fixer les crimes auxquels elles seront appliquées. (Ce renvoi est décrété.) M. Madier de Montjau. Je demande qu’on fasse une exception pour le régicide et qu’il puisse être soumis à la peine de la mutilation. M. Carat aîné. Cet amendement n'est pas pro-posable; il serait peut-être outrageant pour la nature humaine qu’après avoir réglé cette exception pour le parricide on vînt l’admettre pour le régicide. Les jours d’un roi ne sont pas plus précieux pour un citoyen que les jours d’un père. Plusieurs membres: A l’ordre du jour! (L’Assemblée passe à l’ordre du jour sur l'amendement de M. Madier de Montjau.) M. le Pelletier-Saint-Fargean, rapporteur. Il nous reste, Messieurs, à délibérer sur cette disposition : « La peine de mort sera réduite à la simple privation de la vie, sans tortures. » (Cette disposition est décrétée.) M. le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Messieurs, pour abréger la discussion du travail que nous avons l’honneur de vous présenter, nous ne croyons pas devoir vous soumettre encore les divers articles de notre projet de décret; nous vous proposons tout d’ahord de discuter et de fixer les trois questions principales : La première est de savoir si, dans certains cas, une marque indélébile serait imprimée sur la personne du condamné; La deuxième, si les condamnés seront voués à des travaux publics ou s’ils seront confiués et détenus dans des maisons particulières; La troisième, si la peine infamante, sans être afflictive, aura ou non plusieurs degrés. Votre comité, ayant cru qu'il y avait bien des inconvénient� à mettre ainsi l’honneur en frac-4ra Série. — T. XXVI. 689 tions, pose cette maxime, que la peine purement infamante n’aura qu’un seul degré. Je demande à l’Assemblée de décider si elle discutera ces 3 questions. M. Brillat-Savarin. Il me semble que M. le rapporteur a oublié une idée qui pourrait, dans beaucoup de cas, remplacer la première; c’est de vous proposer si vous adopterez, oui ou non, la déportation; car, dans le cas où vous jugeriez à propos d’adopter cette peine, elle remplacera presque toujours celle de la flétrissure avec un fer chaud; et elle aurait, selon moi, ce grand avantage qu’elle pourrait être perpétuelle ou à temps, et que vous pourriez permettre aux transportés de rentrer dans la société, selon qu’ils auraient donné des marques de conversion plus ou moins sincères. Je demande que cette question soit mise la première à l’ordre : « Y aura-t-il lieu ou non à la peine de la déportation? » M. le Pelletier-Saint-Fargean, rapporteur. Cette question a fixé les regards de votre comité. La déportation a certainement un grand avantage, celui de mettre hors de la société des portions dangereuses de cette société; mais elle a aussi des inconvénients. Votre comité ne l’a considérée que comme une peine secondaire et accessoire qu’il faut infliger, outre la peine ordinaire, à un sujet réputé incorrigible; il l’a donc adoptée, mais en cas de récidive seulement dans un même crime. M. de la Rochefoucauld-liancourt. Je ne crois pas que ce soit le moment de traiter cette question. Puisque vous avez à traiter celle de savoir si un coupable pourra ou non être frappé d’une marque, vous devez traiter en même temps la grande question de la réhabilitaùon, de la réintégration du condamné dans l’état de citoyen. Je demande que cette question soit jointe à la première de celle proposée par le comité. M. le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Je n’ai pas présenté la question de la réhabilitation, parce que j’ai cru qu’elle ne pouvait pas faire de difficulté. M. Garat aîné. Je demande qu’on s’occupe des questions posées par le comité dans l’ordre où il les a proposées, et pour ma part je soutiens que toute marque perpétuelle est un empêchement de retour à la vertu. M. Duport. Pour fixer les idées de l’Assemblée, je crois qu’il faudrait réunir dans une motion deux des idées qui vous ont été présentées, à savoir : que la réintégration pourra avoir lieu — et alors on en déterminera les cas dans le Gode pénal — et qu’il n’y aura aucune marque perpétuelle. M. Malouet. Il me semble que l’on vous propose de décider bien rapidement une question générale, susceptible de grands développements. En prononçant, sans autre détail dans ce moment-ci, qu'aucune flétrissure perpétuelle ne sera appliquée à un criminel, vous perdriez de vue que votre intention est de réduire la peine de mort à un très petit nombre de cas. 11 se trouve donc des crimes très graves qui ne seront punis que temporairement; et vous n’avez pas encore examiné si la justice n’exige pas que 44 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1« juin 1191.] 690 [Assemblée nationale.] des crimes très graves, non punis par la mort, soient cependant punis pendant toute la vie du criminel. Ainsi donc, Messieurs, si dans ce moment-ci la discussion s’établissait sur l’exposé de la définition des crimes que vous voulez punir, nous balancerions dans nos débats si telle peine est bien adaptée à tel crime, et peut-être alors trouverions-nous qu’il y a des cas où une flétrissure perpétuelle doit être infligée à un tel crime. Je m’oppose donc à cette discussion vague et générale, et je demande qu’on détermine le délit afin qu’on puisse leur appliquer des peines analogues. M. Duport. Permeltez-moi d’observer que le préopinant a conclu contre son propre raisonnement; car il ne s’agit ici que d’une chose : c’est de la marque de flétrissure perpétuelle. Il n’y a personne qui ne doive convenir, même ceux qui sont d’avis de continuer la peine perpétuelle, que l’effet de la révision est entièrement perdu avec une flétrissure perpétuelle. Il faut rendre l’homme à la société avec l’état et les avantages de l’innocence, ce que vous ne pouvez pas faire si ces hommes portent une marque indélébile. M. Boutteville-Dumetz appuie l’opinion de M. Duport. M. Ménard de La Groy». La première question que vous avez à examiner est de savoir s’il y aura des peines, ou si, dans tous les cas, les peines ne seront que temporaires, et je demande que la première question qu’on examinera soit celle-ci : Les peines, dans tous les cas, seront-elles temporaires, ou bien pourront-elles, en certains cas, être perpétuelles? Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix ! Fermez la discussion 1 (L’ Assemblée ferme la discussion.) M. Duport. Voici la disposition que je propose : « La réintégration dans l’état de citoyen pourra avoir lieu et aucune marque indélébile ne sera imprimée sur la personne du condamné. » (Cette disposition est décrétée.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. le Président. Je viens de recevoir une lettre de M . le ministre des affaires étrangères, dont il va vous être donné lecture. Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Ce serait une tâche difficile à remplir, et même absurde à tenter, que celle de répondre aux calomnies répandues habituellement dans une partie des nombreux journaux dont nous sommes inondés. Le parti le plus sage, et surtout le plus facile, est sans doute d’abandonner ces calomnies au mépris qui les attend, lorsque le calme, dont elles ont pour principal objet d’éloigner le retour, permettra de les apprécier à leur juste valeur. « Mais cependant, lorsque ces calomnies sont de nature à alarmer la nation entière , lorsqu’elles tendent à élever les défiances les plus injustes et les plus outrageantes sur les intentions de la famille royale; lorsqu’elles se trouvent consignées dans un journal qui, jusqu’à présent, n’était pas encore confondu avec ceux qui paraissent n’avoir d’autre but que celui d’agiter le peuple, de l’égarer et de le porter à des excès ; lors, dis-je, que toutes ces circonstances se trouvent réunies, ils est de mon devoir, comme fonctionnaire public et comme ministre du roi, de démentir avec la plus grande publicité ce que la malveillance invente et répand, et ce que la défiance n’est que trop portée, dans les circonstances actuelles, à accueillir. « Je crois donc devoir mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale un article inséré dans le numéro 151 du Moniteur , sous le titre à' Allemagne (1). L’auteur suppose que deux contre-lettres ont été envoyées, en même temps que les instructions du roi, dans les cours étrangères; il prétend que son correspondant de Francfort a les copies fidèles des contre-lettres; et ne craignant pas de prêter à Sa Majesté le projet d'évasion le plus absurde, il affirme que ces détails partent des Tuileries; qu’ils sont portés dans une cour d’Allemagne par des lettres confidentielles, et que ce même correspondant de Francfort a vu deux fois les lettres originales. La précaution que preud l’auteur de garder l’anonyme et de cacher le nom de son correspondant porte assez le caractère de la calomnie; mais cette réflexion, toute simple qu’elle est, ne suffit peut-être pas dans ce moment. (1) Voici cet article : ALLEMAGNE. Suite d'une correspondance de Francfort , en date du 17 mai 1791. « J’ai dans ce moment entre les mains les copies fidèles de 2 contre-lettres envoyées en même temps que la déclaration dont on a voulu qu’elles annulassent l’effet, et qu’elles ont discréditée entièrement. On annonce que l’on s’est soumis pour très peu de temps aux lois de la nécessité; il fallait recourir à cet expédient, d’abord pour assurer sa vie, ensuite pour apaiser la défiance, et se servir de l’instant où elle se ralentirait, afin de reprendre les mesures de précaution récemment déconcertées. Voici l’explication de ces derniers mots ; je l’ai puisée à la même source, il y a peu de jours. « Le voyage de Saint-Cloud, qui n’a pu s’effectuer, ne devait pas se terminer à 2 lieues de Paris; la nuit suivante aurait conduit à Compiègne, et de là à Bruxelles. Alors un manifeste eût appris à l’Europe qu’on venait d’échapper à une longue et pénible captivité ; que prévoyant les maux qui pouvaient résulter, pour la partie fidèle de la nation, de ce départ, lorsqu’il serait connu de Ceux qui égarent le peuple, on l’avait différé; mais qu’il était devenu nécessaire dès qu’on s’était vu sur le point d'être forcé à une espèce d’abjuration de la religion de ses pères, en communiquant à l’époque qu’elle solennise le plus pompeusement avec un prétendu pasteur que l’Eglise ne reconnaît pas. En même temps, le bref du pape aurait été répandu avec profusion dans tous les départements. Les espérances, les plus étendues s'appuyaient sur le concours du fanatisme monarchique et religieux, et sur la détermination enfin publiée de différents despotes. Ces détails doivent obtenir votre confiance : ils partent des Tuileries, et sont apportés par une correspondance confidentielle dans une cour d’Allemagne peu éloignée d’ici ; deux fois j’ai vu les lettres originales, régulièrement j’en obtiens les copies. Vous vous doutez bien qu’aucune signature n’accompagne ces missives, mais je sais qu’elles viennent d’un des agents les plus actifs d’un grand personnage aristocratique, qui lui a fait donner une part considérable dans la direction du département auquel sont réservées les trahisons diplomatiques . » (Extrait du Moniteur universel , du mardi 31 mai 1791, n° 151, 1" page, lr« colonne.