[16 mars 1791. [ 131 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. Defermon. J’observe que le comité d’aliénation a arrêté de ne plus présenter à l’Assemblée aucune adjudication de biens nationaux, jusqu’à ce qu’elle en ait décrété au delà des 400 millions qui se trouvent remplis. (L’Assemblée décrète la motion de M. Lavie.) M. Pison du Oaland, au nom du comité des domaines , propose le projet de décret s avant : « L’Assemblée nationale, après aroir ouï son comité des domaines, déclare qu’aucun droit de chauffage, pâturage ou autre droit d’usage, de quelque Dature qu’il soit, dans les bois et autres domaines nationaux, non plus qu’aucune, rente ou redevance affectée sur les mêmes biens, n’ont « dû être compris dans les ventes de biens nationaux, et que toule vente de semblables droits ou redevances qui pourrait avoir été passée, est et demeure nulle et révoquée. » (Ce décret est adopté.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre par laquelle M. Bailly informe l’Assemblée que la municipalité de Paris a fait hier l’adjudication de trois maisons nationales, situées rue d’Enfer en la cité: La première, louée 1 ,460 livres, estimée21 ,800 livres, adjugée, 30,500 livres; La deuxième, louée 937 livres, estimée 15,834 livres, adjugée 22,000; La troisième, louée 412 livres, estimée 6,790 livres, adjugée 9,500 livres. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité des contributions publiques sur les moyens de pourvoir aux dépenses publiques et à celtes des départements pour l'année 1791 (1). M. de La Rochefoucauld, rapporteur. Messieurs, d’après les vues qui vous ont été présentées hier par M. Ramel-Nogaret, et que vous avez paru accueillir, le comité des contributions publiques a invité M. Ramel à se réunir à lut ; et c’est après vous être consultés ensemble, que nous vous présentons un nouveau projet de decret qui vient de vous être distribué. 11 y a plusieurs départements où il a été établi une grande quantité de tribunaux et de corps administratifs; cet inconvénient n’existera peut-être pas longtemps, et lorsque dans chaque département on aura examiné avec attention les besoins des administrés et des justiciables, on réduira ces différents corps à un nombre convenable, mais il a paru à votre comité que, pour l’année actuelle, il y aurait une espèce d’injustice à charger entièrement ces départements de la faute qu’ils ont pu commettre. C’est dans ce dessein que votre comité vous propose un maximum au delà duquel les sols additionnels destinés aux besoins des départements ne pourront être portés. Il vous propose, pour cette année seulement, d’accorder à ces départements-là un secours pris sur la caisse de l’extraordinaire. Dans le projet de décret que votre comité vous propose, les 4 sols pour livre de la contribution foncière s’élèveront à 48 millions; les 2 sols pour livre de la contribution mobilière s’élèv s pays d’electiou et d’Etats, les dîmes ecclésiastiques et iniéodees, les décimes, la portion des droits d’aides, de gabelle, qui pesaient sur lespro, riétmres fonciers devaient à 324 millions l’impôt dont les terres étaient grevées, votre comité, en proposant de le fixer a 294, a donc effectivement opéré un soulagement de 30 millions et comme un privilège, uu abus, ces deux mots sont synonymes, mettait une partie des terres hors de l’atteinte de l'imposition, aujourd’hui, par l’égalité de la repaitition, le contribuable bénéficié encore des 40 millions qui résultent ue l’impôt auquel les privilégiés sont assujettis. Et qu’on ne dise pas que ces idées ne peuvent arriver à l’esprit du contribuable qu’il ne comparera que laderuière taxe avec la nouvelle. Il compai era aussi le produit présent au produit passé, et cette comparaison est de nature à le Irapper. Il ne faut pas pour cela qu’il traîne son imagination sur de longs calculs, il lui suffit de regarder autour de lui : ses moissons qu’il ne laisse plus ruiner pour le plaisir des grands sont plus abondantes; le gibier qui les dévastait le nourrit; ses pâturages sont fertilisés par le sel que la modicité du coût lui permet d’y répandre; ses vignobles sont enrichis par la suppression d’une partie des droits d’aides : partout les terres affranchies d’impôts tyranniques et vexatoires reprennent leur première valeur et en acquièrent une nouvelle. La bienfaisance de ces décrets doit conduire les contribuables à se pénétrer de la justice de ce dernier. Protégés par l’Etat, ils doivent contribuer en raison de ses besoins. Ces besoins sont la mesure d� la taxe. Prétendre que le peuple voudrait s’y soustraire est un blasphème contre son patriotisme... Et l’impôt n’est-il pas consenti par le peuple, par ses représentants? L'impôt n’est-il pas réparti, levé, administré par tes délégués du peuple? L’impôt n’est-il pas perçu pour te peuple?... Lis besoins de l’Etat sont-ils autre chose que les siens? Le� revenus publics ne sont-ils pas sa force, et la force sa liberté, sa propré é? Ainsi l’impôt retourne à sa source , il est alors, si j’ose parler ainsi, comme ces vapeurs qui, attirées de la terre, s’y reversent ensuite avec la fécondité. Pourrait-on appliquer à ce régime loyal, fraternel, les idées qui devaient r -pousser le régime du desp itisme, exacteur infidèle? Sans doute, si c’est un crime que de porter la plus légère atteinte aux droits de la propriété pour des besoins imaginaires, c’en t st un aussi que de soustraire les propriétés à une contribution pour des besoins réels : l’Etat et les particuliers exercent l’un sur l’autie un droit réciproque : si l’Etat ne doit pas demander trop , le particulier doit donner assez. CVst être ennemi du peuple que luifüire une remise sur ce qu’il doit à l’Etat, à lui-même. Quelle cruelle modération que celle qui causerait sa perte. C’est alors que la rigupur est bienfaisance. Je répète, Messieurs, que la ressource des impôts indirects est épuisée; que la calamité des finances e4 grande ; que l’impôt direct est le dernier moyen ; que vous ne pouvez énerver ce moyen régénérateur de l’Etat , qu'en le remplaçant par des impôts qui, < n dernière analyse, (léseraient davantage sur les terres, et qui entraînent avec eux des formes vexât ices auxquelles des hommes libres ne doivent plus être assujeuis. Je conclus donc à ce que l’Assemblée nationale décrète que la contribution foncière, pour les aunées 1791 et 1792, sera de 294 millions. M. de Delley. Lorsque hier je me suis renfermé, dans mon op nion sur le rapport du comité des contributions puidiqms, aux seules propositions qui devaient appuyer mon amendement ; lorsque je me suis imposé silence sur tout ce que j’aurais eu à dire sur l’étonnement qu’a dû nous causer un rapport qui ne diffère de ceux que j’ose dire avoir combattus avec quelque avantage dans ma quatrième opinion imprimée par vos ordres, qui ne di Itère, dis-je, de ces premiers rapports, qu * parce que l’on vous propose d’employer à la dépende de cette année quelques millions de plus du produit de vos sels et tabacs en magasin, certes je ne me serais pas attendu : 1° A voir reproduire en cette tribune des calculs dont il est difticile d’entendre la fastidieuse répétition sans impatience, lorsqu’il a été tant de fois pmuvé qu’ils étaient sans base et sans motifs ; 2° A voir celui qui vous présentait ces calculs avec tant d’assurance, me reprocher de ne point offrir de remplacement aux 30 millions de dimi-nuiion sur la contribution foncière que je sollicitais tandis que lui-même et tout le comité réuni n’ont pu vous en présenter un pour vous éviter d’employer dans la dépense de cette année, la dette des Américains, les fonds de magasin en sels et en tabacs, la eontibutiou extraordinaire du quart patriotique que vous serez peut-être obligés de rembourser l’année prochaine aux termes de vos décrets, si l’intérêt tombe à 4 0/0; [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars 1791.] 133 tous objets que, sans doute, il n’a pas regardé comme des impôts. Lorsque j’ai renoncé à vous fatiguer de nouveau par des calculs, j’e-pérais, je comptais même que le comité voudrait bien avoir les mêmes égards, et que chacun de nous abandonnait la ridicule prétention de vouloir prouver : 1° A l’habitant des campagnes éloigné de Pari'1, qui souvent ne voit pas un lièvre en six mois, que l’abolition de la chasse doit augmeuter sa contribution ; 2° A l’habitant des Hautes-Alpes, qui paye son sel actuellement trois sous la livre, tandis" qu’il ne le payait que six sous avec la gabelle, nue la suppression de cet impôt, qui produisait 60 millions, soulage les propriétés foncières des 4/5 de 60 millions, c’est-à-dire de 48 millions, tandis que le plus simple calcul prouve que le soulagement des cultivateurs et propriétaires n’est pas en masse de 24 millions, étant toujours obligés de se procurer leurs sels en payant, sels qui leur étaient fournis par le passé, et qui devaient être défalqués de l’impôt ; 3° Que les 10 millions de droits supprimés sur les cuirs, etc., ont produit un véritable soulagement pour 1791, sur cet habitant des campagnes, tandis qu’il n’éprouvera que dans les années suivantes, et très insensiblement encore, les effets de cette suppression; 4° De chercher à prouver que la suppression du tabac et la liberté de cette culture doit encore influer sur 1791, tandis que les 3/4 des terres de France ne pourront commencer à profiter des prétendus avantages de cette culture que dans plusieurs années; 5° D’annoncer et de croire satisfaire l’habitant des campagnes en lui disant : Les terres peuvent porter 294 millions, car les vexations fiscales, les frais de justice, les religieux mendiants n’existent plus; en un mot, eu exagérant et les dépenses de la corvée et celles des milices : mais ce qui est bien plus incroyable, en lui parlant de la suppression de la dîme’ qu’il a encore payée cette année sur la récolte qui va payer l’impôt. Ne vous arrêtez pas davantage, Messieurs, aux calculs que vous a présentés M. Roederer sur les impositions foncières en Angleterre. 1° Il aurait dû vous dire que les impositions indirectes sont en ce royaume de 300 millions, en ne comptant la livre sterling que pour 12 liv. 10 s., savoir : En tout ..... 293 millions. Et qu’il s’ensuivrait, en admettant ces calculs, qu’au moins en Angleterre, les impôts directs sont égaux aux impôts indirects. Or, eu France, le comité ne nous a conservé que pour 161 millions d’impôts ou revenus indirects, en admettant toute la latitude où il les porte dans son dernier tableau; savoir : Pour le timbre, enregistrement et hypothèque ......... 77 millions Patentes ........... 20 Douanes ........... 20 — Portes aux lettres ....... 15 — Loteries ........... 10 — Forêts et bois ......... 15 — Poudres, salpêtres, salins, etc . 4 — En tout .... 161 millions. Et il nous propose pour la contribution foncière ........ 298 millions Pour la contribution mobilière 66 — Ce qui fait. ... 364 millions. Pourquoi veut-il nous citer l’exemple de l’Angleterre quand il s’éloigne autant des bases qui y sont admises : d’ailleurs il mms parle de la taxe des pauvres qu’il cornu te pour 75 millions en Angleterre. Sommes-nous donc délivrés, comme en Angleterre, de l’impôt journellement payé à la mendicité? Il nous dit que la dîme en Angleterre (pays qui n’a pas le tiers de nos terres cultivées), y est évaluée 150 millions; c’est comme s’il nous disait que la dîme en France doit y valoir 450 millions. Enfin, il nous compte l’impôt sur la dresche comme im >ôt direct; et qui ne sait pas qu’un impôt sur la matière qui fournit une boisson, est un véritable impôt indirect sur cette boisson? Messieurs, sans nous appesantir davantage sur les erreurs de calculs , de fait et de principe qui ont pu échapper aux opinants depuis que nous traitons l’impôt, considérons que ce que nous avons à faire de plus important en ce moment, c’est de terminer les incertitudes des campagnes tn fixant leur sort. Considérez que ces campagnes ne profiteront, celte année, que d’une manière très insensible, de tous les avantages que vous avez procurés dès ce moment même aux villes. Considérez que ces campagnes, le plus ferme appui de la Constitution ; que ces campagnes, le grand et le premier atelier de nos richesses, doivent, même pour l’intérêt des villes, partager, dès cette année, tous les avantages de la Révolution : parce que c’est le moyen le plus efficace de les y attacher. Considérez que l’impôt foncier de 1791, ne pouvant être payé que par une récolte faite qui fournisse les moyens de payer, il sera supporté par la récolte de 1790, et que cette récolte a déjà payé la dîme, obj�t que votre comité s’efforce de porter à 135 millions. Considérez que la difficulté que vous allez éprouver pour la répartition de l’impôt foncier entre les départements, devant nécessairement augmenter, si la masse de l’impôt est forcée, parce qu’alors les erreurs seront intolérables : il devient très politique de diminuer cette année l’impôt foncier, afin que les augmentations que vous pourrez y faire les années prochaines ne portent pas sur ceux qui auront été suffisamment chargés; vous laisserez aux législatures les moyens d’égaliser la répartiiion par addition de sommes sur les départements qui, dans ce premier moment, auraient échappé à leurs contingents. Considérez que, dans le moment où la vente des domaines nationaux doit avoir le plus d’activité, il est sage de ne point surcharger les propriétés dont il vous est si important d’accélérer la vente. Considérez enfin que lors même que la caisse de l’extraordinaire serait obligée de fournir les 30 millions de diminution que je sollicite sur la contribution foucière seulement pour 1791, parce que le payement de la dîme exige cette diminution pour cette année, vous pouvez décréter que ces 30 millions ne seront qu’une simple avance faite par le caisse de l'extraordinaire, et assurer la rentrée en intérêts et en capital de ces 30 mil- 134 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars 1791.] lion?, en ajoutant, pendant 20 années à la contribution foncière; et pour rembourser cette avance, une imposition extraordinaire de 2,400,000 livres, qui, en vingt ans, remboui seront le capital et l'intérêt, de cette avance. Or, ne vaut-il pas mieux faire supporter aux vingt années prochaines la modique imposition extraordinaire ne 2,400,000 livres que de risquer cette année; et lorsque tout s les bases vous manquent, même pour la répartition, lorsque l’habitant des campagnes a été fatigué par ie payeur m de la dîme, lorsque nous sommes si arriérés dans nus perceptions foncières, que de risquer, dis-je, un impôt de 30 mitions en a& roisrenn nt de ce qui était payé les années passées; car les calculs de M. Pison du Galaml, appuyés sur des pièces authentiques, ont [trouvé hier irrésistiblement la vérité de cet accroissement. D’après toutes ces considérations, Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de décret suiva t : « L’Assemblée nationale, considérant que le payement de la dîme supportée par la récolte de 1790, doit influer sur la quotité de la contribution foncière de 1791, décrète que la partie de cette contribution foncière, qui devra être versée au Trésor public pour les dépenses générales de la présente année 1791, sera fixée à 210 millions. » M. Gaultier-Biaozat. La question qui se présente dans cette discuscion est de savoir, non seulement de quelle manière on percevra l’impôt fOiicÛT, mais jusqu’à quelle quotité il sera porté. Le comité demandait hier 298 millions, aujourd’hui 301,725,000 livres. M. de I�a Rochefoucauld, rapporteur. Je demande la parole : ce fait n’est pas exact. M. Gaultier-Biauzat. Je vais le prouver. ? M. Rœderer. Dans notre calcul d’hier étaient compris 6 millions pour décharges et modérations Or, évidemment ces 6 millions ne sont pas ut imnôt. {Murmures.) A la vérité ils seront levés, mais cest pour être rendus; souvent ils ne seront pas levés. Or, Messieurs, c’est d’après l’observation de M. Ramel-Nogaret que nous avons vu hier soir au comité, qu’au lieu de 6 millions de décharges et moderaiions, nous avons cru pouvoir vous proposer aujourd’hui 10 millions, c’est-à-dire 4 millions de plus de décharges et de modérations. M. Gaultier-Biauzat. La question est seulement de savoir si on imposera véritablement 301 millions; car, lorsqu’on vous dit que la somme qu’on vous propose par sols additionnels n’est pas une imposition, on croit parler à des personnes qui n’ont pas payé leur cote; car, celui qui payera sa cote, sentira le poids de 301 millions. M. Rœderer. Je vous... Plusieurs membres : Laissez donc parier I Gaultier-Biauzat. Je ne m’arrête pas à ces détails-là, je prends la proposition du comité en soi. Le comité veut prouver que l impôt foncier était autrefois plus considérable; et pour cela il fait une longue énumération des anciens droits; mais à l’égard de la taille, de la capitation, où le comité a-t-il pris que toute la faille était un impôt sur le revenu territorial ? Où le comité a-t-il pris que la capitation était un impôt entièrement supporté par lj revenu territorial? (Murmures.) Je ne discute que des faits articulés par le comité; il convient de faire apercevoir les erreurs en fait, d’après lesquelles cependant le comité a procédé. 11 est constaté que la capitation était originairement un impôt personnel, un impôt à raison des qualité-, absolument indépendant de tout ce qu'on appelait impôt foncier. Il est vrai quhn 1708 il est devenu foncier pour une partie, et. il a été continué sur ce pied eu 1762; mais ce qui prouve qu’il était personnel dans son ori-g me, c’est qu’il fut intitulé d’abord : impôt sur les aisés. A l’égard de la partie foncière, elle était répartie dans les pays d’élection avec la taille; mais il y avait deux cotes, l’une pour le propriétaire, l’autre pour le métayer. Maintenant Jes propriétaires qui étaient imposés à une cote de 300 livres, par exemple, s’attendent à être diminués. Cependant, si vous adoptiez le projet du comité, au lieu de diminuer une partie de la taille, vous la quadrupleriez; car il faudrait joindre à la portion que payait le propriétaire, l’année dernière, la portion du fermier, de l’amudiateur, du métayer; et il se trouverait, lui, payer double impôt de ce qu’il pavait dans les années précédentes. Ne. vous plaignez pas, rions dit-on encore, parce que si, d’un côlé on vous charge, on vous décharge de l’autre : il résultera une diminution de 36 millions, à raison de l’imposition que supportent Jes ci-devant privilégiés. M. Dupont ue nous a point donné de preuves de ce fait, et je le délie de nous en donner; ce ne sont pas des allégations comme les siennes qui peuvent être données en preuves dans cette Assemblée; ce n’est pas de ridicules observations, faites dans un cabinet sur des lapins, qu’on peut asseoir la base d’un impôt de 300 millions. (Rires.) Mais, puisque votre comité vous propose de ne porter la contribution foncière qu’au cinquième du revenu, pourquoi veut-il, pour première disposition, vous faire décréter qu’elle s’élèvera à 290 millions? N’est-il pas évident que si votre somme de 298 millions forme plus du cinquième du produit net, vous voilà en contradiction manifeste avec vous-mêmes ? Comment votre impôt pourra-t-il alors se percevoir? Je demande donc, Monsieur le Président, que le décret du comité soit discuté sous ce point de vue : L’impôt sur le revenu net territorial sera-t-il réduit au cinquième, oui ou non ? Il y aura ensuite des observations à faire, soit pour les non-valeurs ou les décharges, ou pour les dépenses locales; ce sera une nouvelle discussion : et, pour répondre d’avance à l’objection que l’on pourrait faire sur le premier article, je vous fais, Messieurs, une observation ; Par le moyen de ce décret vous feriez une injustice, en ce qu’il pourrait résulter que, dans différentes parties du royaume, beaucoup de contribuables ne seraient pas imposés au cinquième, pendant que, dans d’autres parties du royaume, ceux qui seront imposés à plus d’un cinquième ne pourraient demander leur réduction qu’au cinquième. Il faut nécessairement qu’il soit dit précisément que l’on sera imposé au cinquième; et voici ma raison : En exigeant que tous les contribuables soient imposés au cinquième, vous évitez les différences qui sont autant, d’injustices : vous faites [16 mars 1791.] 135 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] plus, vous vous procurez ie seul moyen qu’on aurait pu imaginer de vous donner une règle d’imposition pour l’avenir. Je prie Monsieur le Président de vouloir bien mettre aux voix que l’impôt territorial sera du cinquième du revenu net. M. Martineau. Je demande que la discussion soit fermée. M. d’André. Je demande la parole pour une motion d’ordre; la discussion ne finira jamais tant qu’elle ne reposera pas sur des bases fixes. M. bison vous a proposé un déficit à combler par le moyen de la caisse de l’extraordinaire; or, il n’y a rien de si extraordinaire que de décréter un déficit. Nous avons été envoyés pour combler le déficit; donc cette proposition est inadmi-sible. M. deDelley vous a proposé un remboursement par annuité des emprunts successifs ; ce système-là ne peut pas être adopté par une nation qui veut se régénérer; donc ce système doit être mis à l’écart. M. Aubry vous propose un cadastre ; un cadastre est impraticable. Voilà donc trois projets qu’il faut mettre à l’écart. Il reste un quatrième projet, celui de M. Biau-zat, qui parait au premier coup d’œil le plus raisonnable; il vous propose de décréter le cinquième pour l’imposition. Or je soutiens que ce projet est également inexécutable, car vous ne sauriez pas ce que vous imposeriez ; autant vaudrait ne pas imposer, puisque vous auriez autant de difficultés que de propriétaires et que vous n’auriez pas de résultat. Il ne faut pas s’arrêter à tous ces calculs-là ; il n’y en a point que l’on ne puisse combattre. Quant à moi, je conclus pour ma motion d’ordre, à demander la priorité pour l’avis du comité. ( Applaudissements .) M. de Delley. J’interpelle M. d’André. (Murmures)... C’est pour un fait. Je prie M. d’André de vouloir bien ne pas me faire dire ce que je ne dis pas et de ne pas jeter du ridicule sur mes opinions. Je n’ai pas dit, comme il le prétend, qu’il fallût payer les dettes en annuités ; c’est pour la seconde fois qu’on m’inculpe faussement sur cet objet. On a inséré également dans des papiers publics que j’avais proposé des banqueroutes partielles, et pourquoi? Parce que plusieurs membres se sont permis, comme le fait M. d’André, de dire: M. de Delley propose des banqueroutes. Plusieurs membres : L’ordre du jourl (L’Assemblée, consultée, décrète l’ordre du jour.) M. de Montlosier. Il est indécent d’être insulté dans cette Assmeblée et de ne pouvoir pas se justifier. M. d’André. Je demande, moi, justice de M. de Montlosier. Je n’ai jamais insulté personne. M. de Delley. Je demande qu’on lise mon projet de décret et l’on verra que je n’ai pas proposé le remboursement par annuités. Plusieurs membres : L’ordre du jourl M. de Montlosier. On ne peut pas fermer ainsi la discussion. Je demande que, sans s’arrêter à la motion incidente de M. d’André, la discussion soit continuée et que les opinants soient entendus, pour que la question, une des plus importantes qui aient pu être agitées dans cetle Assemblée, soit éclaircie. Je demande que M. de Delley soit entendu. M. Foucault-Ijardiinalie. Je demande que la discussion soit continuée, afin qu’elle soit éclairée, dût-elle durer encore huit, dix jours et plus. M. fitewbell. Je demande que l’on discute jusqu’à ce que la France sache qu’il y a un parti qui rie veut pas d’impôts. M. de Mirabeau. Je désirerais que ceux de nos honorables collègues qui veulent continuer la discussion voulussent bien s’accorder dans leur système; car les uns nous demandent que tous ceux qui sont inscrits sur la liste soient entendus, ce qui ne pourrait être juste qu’en écoutant ceux qui se feraient inscrire ensuite; les autres appuient ce dernier système, et tous cependant veulent que dans quinze jours, ni plus ni moins, la Constitution soit finie. Il me paraît cependant que ces deux systèmes-là ne sont pas parfaitement cohérents. Je demande que la discussion qui est fermée, soit bien fermée, parce qu’enlin... (Applaudissements). M. de Montlosier. Elle n’a pas été fermée, Monsieur. M. de Mirabeau. Je demande que la priorité invoquée pour le projet du comité soit jugée, et alors, si cette priorité est jugée, on bataillera tant qu’on voudra sur les articles. Mettez aux voix cette proposition, je vous prie, Monsieur le Président. Tout le côté gauche se lève et demande à aller aux voix. M. 1© Président. Je consulte l’Assemblée sur la demande de priorité faite en faveur du projet du comité. (L’Assemblée accorde la priorité au projet du comité. ) M. Defermon. J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée que l’article que nous lui soumettons aujourd’hui emporte avec lui une augmentation sur la contribution mobilière de cinq millions. Lorsque l’on aura décrété, d’après cet article, les deux sols pour livre sur la contribution mobilière, je demanderai que, pour les dépenses des municipalités, les villes soient autorisées à percevoir une somme quelconque, par addition à la contribution directe ou mobilière. Je vous observerai qu’en portant dans le principe à 60 millions la contribution mobilière, nous ne connaissions pas alors, comme aujourd’hui, la population active de tous les citoyens du royaume ; elle se monte à quatre millions deux cent cinquante mille citoyens actifs. Nous pouvons vous proposer, d’après cela, que la contribution de trois journées de travail sera payée, non seulement par ceux qui sont citoyens actifs, mais par tous ceux qui ont la faculté nécessaire pour être citoyens actifs. Il en résultera une augmentation de contribution mobilière 136 lAesemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (16 mars 1791.} d’environ 7 à 800 cotes, ce qui peut faire porter à cinq millions de plus les cotes des contributions mobilières. Gela ne doitpas paraître effravant pour ceux qui seront dans le cas de payer cette contribution. Je prie Monsieur le Président de mettre aux voix le premier article; le voici : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « La contribution mobilière sera, pour l’année 1791, de 66 millions, dont 60 pour le Trésor public, 3 à la disposition de la législature, pour être employés conformément aux articles 6 et 7 du décret du 13 janvier 1791, et 3 millions à la disposition des administrations de département, pour être employés par elles en décharges ou réductions, remises ou modérations, conformément aux mêmes articles. » (Get article est adopté.) M. Defermon fait lecture de l’article 2 qui est ainsi conçu : Art. 2. « La contribution foncière sera, pour l’année 1791, de 240 millions, qui seront versés en totalité au Trésor public. » M. Gombert. Messieurs, l’affaire qui nous occupe aujourd’hui est un des principaux objets de notre mission; les ennemis delà Révolution critiquent nos opérations dans toutes les parties du royaume ; ils s’efforcent de persuader aux peuples que l’impôt foncier va accabler les propriétaires : c’est pour démentir toutes ces assertions que j’ai demandé la parole; honorez-moi d’un instant d'attention, et je me charge de vous démontrer : 1° qu’en portant l’impôt foncier à 280 millions, il sera de plus de 60 millions au-dessous de celui que les peuples payaient dans l’ancien régime; 2° Que si l’Assemblée nationale n’avait pas fait des réformes salutaires, il aurait faLu imposer sur les peu pies une somme de 924 millions, pour acquitter le déficit qui se trouvait entre la recette ordinaire, avec la dépense ordinaire, et pour rembourser l’arriéré et les sommes dépensées à l’avance. Dans l’ancien régime, les terres supposaient en vingtièmes, tailles, corvées, décimes .............. 190 millions. Les dîmes, suivantles connaisseurs, montaient à .................. 100 Les corvées, les bannalités, les droits représentatifs de la mainmorte, supprimés, au muins à.. 10 L’impôt foncier qu’auraient dû supporter les villes privilégiées, le clergé et la noblesse, doit être porté ici à .................... 40 Total ......... 340 millions. L’impôt foncier montait donc dans l’ancien régime a 340 millions au moins; je dis au moins, parce que, dans les 100 millions auxquels j’évalue la dîme, je ne comprends point les frais d’exploitations, qui coûtaient beaucoup aux décimuteurs et qui étaient nuis pour les cultivateurs. Ge dernier n’a pas besoin de | auliers ou de dîmeur, il n’a pas besoin de voituriers, parce qu i! ne lui en coûte pas plus d’amener six douzaines et six gerbes, que de n’en amener que six douzaines ; enfin les frais de battage deviennent nuis pour le cultivateur, parce qu’il bat l’biver, à son temps perdu; si vous ajoutiez à cela le bénéfice que faisaient les fermiers de la dîme, vous trouveriez qu’il faudrait ajouter au moins une somme de 40 millions à celle de 100 millions, qui fait le prix auquel les dîmes étaient relaissées. Tout ce que je vous dis, Messieurs, est dans la plus grande exactitude, il n’y a que des gens peu instruits ou des ennemis du bien public qui puissent révoquer eu doute ce que j’ai l’honneur de vous avancer. Mais, Messieurs, tout ce que je vous ai dit pour l’impôt foncier n’est pas sans observations. Il est intéressant de faire remarquer à l’Assemblée que l’impôt que vous allez faire supporter aux propriétés foncières porte sur la récolte de 1790; que celte récolte a acquitté la dîme, qui est portée dans mon calcul à 40 millions seulement. 11 serait donc juste de diminuer l’impôt foncier de 40 millions; mais si les propriétaires et les cullivateurs envisagent le bien que vous leur avez fait, la tyrannie, les oppressions et les vexations de toutes espèces auxquelles ils étaient journellement exposes, et dont vous les avez mis à l’abri par vos sages décrets, ils regarderont les 40 millions comme un léger sacrifice fait au bien public. Tous les gens Intéressé-, tous les ennemis de la Révolution ne penseront pas comme moi; mais un honnête homme doit toujours être vrai et désintéressé. J’ajouterai une réflexion : Une autre observation qui est intéressante, c’est que les biens nationaux qui ont changé de main depuis l’année dernière sont susceptibles d’être imposés pour la récolte dernière; si la nation paye cet impôt, les propriétaires n'ont rien à dire; si, au contraire, elle ne le paye pas, voilà une surcharge considérable. Pour obvier à cet abus, je crois qu’il serait juste de diminuer l’impôt foncier au moins de 20 millions, parce que je crois que les biens nationaux doivent supporter au moins cette somme dans l’imposition foncière. La dîme était un impôt si accablant pour l’agriculture que je suis persuadé qu’un propriétaire cultivateur, en détournant le grain provenant de sa dîme, il trouvera une somme suflisante pour acquitter son imposition : cette vérité est si constante, qu’en ma qualité de cultivateur et de décimateur, je peux vous assurer qu’exploitant des dîmes dans un pays purement agricole, j’ai toujours vu que le produit de mes granges aux dîmes excédait de beaucoup le montant des impositions des municipalités où j’avais la dime. Les cullivateurs n’ont pas de meilleurs amis que vous, Messieurs; mais il ne faut pas tirer d’un bon ami tout ce qu’on voudrait bien. Il s’agit de vous démontrer maintenant que si les choses fussent restées dans l’ancien état, nous aurions été obligés de payer, pendant bien des années, 940 millions d’impôt annuel. Quand le gouvernement a rendu son compte, lors de l’Assemblée des notables, les impôts montaient à ....................... 575 millions. Les frais de recouvrement à ..... 58 La dîme, avec les frais d’exploitation et bénélice des fermiers à 120 Les droits seigneuriaux supprimés à ....................... 6 Le déficit annuel ou la différence entre la recette et la dépense à 181 _ Total .......... 940 millions.