444 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790.] vet de 1,000 livres qui sera délivré à chacun desdits enfants, que cette exception a été décrétée par elle comme un témoignagne de son estime particulière pour la mémoire d’un officier aussi distingué par ses talents et son humanité, que par sa bravoure et ses services éclatants. M. Camus, rapporteur, lit l’article 7 ainsi conçu : Art. 7. « Les pensions accordées aux familles d’Assas, de Chambord, de Monlcalm, et au général Luckner, seront conservées en leur entier, nonobstant les dispositions des articles précédents qui pourraient y être contraires. A regard des autres exceptions qui ont été ou seraient proposées, elles seront renvoyées au comité des pensions, qui en fera le rapport à l’Assemblée. » (Cet article est adopté.) M. «le Wimpffen. Je demande qu’il soit ajouté à l’exception décrétée en faveur du général Luckner, ces mots: conformément aux conditions sous lesquelles il est entré à notre service , afin d’éviter la multitude de réclamations qui me parviennent de toute part, fondéessurl’exemple de ce général Luckner, dont les titres sont d’uDe nature toute différente de celle des réclamants. M. Delley-d’Agier. Je réclame aussi une exception en faveur des pensionnaires du roi de Pologne qui se trouvent à la charge de l’Etat. M. Camus. Les legs doivent se prendre sur la succession du testateur; ainsi il faut, avant de statuer sur le payement, savoir qui devra le faire. M. Dupont (de Nemours). M. Lagrange, géomètre, qui n’a point de pareil en Europe, a été appelé du service de Prusse par le gouvernement français : je demande une exception en sa faveur, ainsi que pour la famille de M. Poivre, qui, après 30 années de service, a obtenu une pension de 3,000 livres pour sa femme, et une de 1,000 livres pour chacune de ses filles. M. Gaultier de Riauzat observe qu’il y a au moins deux mille réclamations de cette nature. (Ces réclamations, notamment celles qui concernent M. Lagrange et la famile de M. Poivre, sont renvoyées au comité.) M. Camus, rapporteur , présente un article particulier concernant les pensions établies sur la caisse de l’ancienne administration du clergé. Après une courte discussion, ce* article est décrété ainsi qu’il suit: « Les pensions qui étaient établies sur la caisse de l’ancienne administration du clergé seront payées sur cette même caisse, pour les six premiers mois de la présente aunée, sur le pied néanmoins de 600 livres au plus pour l’année entière, conformément au décret du 16 de ce mois ; et il en sera de même des pensions qui pourraient exister encore sur d’autres caisses que le Trésor public. » M. de Toulouse-Lautrec. On ne reçoit pas de nouvelles de la municipalité de Toulouse qui, par un décret de l’Assemblée du 27 juin, est autorisée à poursuivre la procédure commencée contre moi. Je demande que M. le président soit chargé de demander à cette municipalité d’accélérer l’envoi des charges qu’on peut avoir faites contre moi, désirant convaincre l’Assemblée et le monde entier de mon innocence. J’ai grand besoin des eaux, je souffre de douleurs abominables. Je ne veux point aller à Barèges, parce que c’est trop loin, d’ailleurs cela coûte cher; mais j’irai aux eaux de Bourbonne, qui ne sont pas loin d’ici. Cependant je ne vous ferai cette proposition que lorsque mon affaire aura été jugée. M. Fréteau. Un membre qui s’engage à revenir auprès de l’Assemblée dès qu’il en sera requis ne peut être retenu près d’elle lorsqu’il a des motifs d’absence aussi légitimes. Je propose d’accorder à M. de Lautrec l’autorisation de partir quand il voudra. (Cette autorisation est accordée.) M. Gossin, rapporteur du comité de Constitution, propose un projet de décret, pour annexer le faubourg de Gloire à la municipalité de La Chapelle. Ce décret est adopté, sans discussion, ainsi qu’il suit: « L’Assemblée nationale décrète: 1° que la partie du faubourg Saint-Denis, connue sous le nom de faubourg de Gloire, avec ses dépendances, et qui se trouve hors des murs de Paris, est réunie à la municipalité de la Chapelle : 2° que les habitants de cette partie de faubourg et dépendances, réunissant les qualités prescrites par la loi, seront éligibles aux fonctions municipales et militaires de cette paroisse. » M. La Révelllère de Lépeaux fait un rapport sur les règles particulières h observer pour la distribution des pensions et gratifications aux gens de lettres, savants et artistes. Avant de vous présenter les règles qui, réunies aux principes généraux que vous avez déjà décrétés, doivent établir, autant qu’il est possible, une juste répartition des grâces envers ceux qui se rendent recommandables dans les sciences et les arts, votre comité aura l’honneur de vous soumettre un court exposé des motifs qui l’ont guidé dans ce travail. Il ne s’attachera pas à prouver que chez un peuple nombreux et civilisé depuis longtemps, on doit regarder comme bienfaiteurs du genre humain ceux qui, par leurs veilles et les fruits de leur génie, augmentent la somme de ses lumières. Celte vérité, sans doute, serait susceptible de longs développements; mais le temps nous presse, et ce n’est pas avec vous qu’il est nécessaire de descendre dans les détails pour faire sentir toute l’étendue d’un objet. Déjà vous êtes, ainsi que nous, convaincus que, dans Tordre actuel des choses, il est du devoir étroit des représentants du peuple français de protéger, de toutes les manières, les savants, les artistes, les gens de lettres et les établissements qui servent essentiellement aux progrès des sciences et des arts. Vous ne trouverez pas, dans cette partie du travail de votre comité, la précision qu’il s’est efforcé de mettre dans les autres. 11 avait pour cela deux bases faciles à saisir : la durée des services et le traitement qui y est attaché; mais ici elles lui manquent. Cependant vous jugerez, ainsi que lui, qu’il n’est pas moius nécessaire de fixer des bornes à l’espèce de latitude exigée impérieusement par la nature du sujet. Le premier objet qui s’est préseuté à votre comité, c’est la reconnaissance que méritent ceux qui, abandonnant leur patrie et leurs plus douces [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790.] affections, vont chez des peuples éloignés et sauvages, et jusqu’au sein des déserts, étudier la nature pour éclairer le genre humain, ou chercher des productions utiles au soulagement et à la nourriture des hommes, à celle des animaux, et à la perfection des arts; vous ne refuserez pas sans doute de les mettre au rang de ceux qui exposent leur vie pour la patrie. 11 a jeté les yeux sur ces savants et artistes qui, se livrant à des travaux de longue haleine, mais dont le produit est éloigné, peuvent être forcés de l’abandonner, faute de moyens. Il a pensé qu’il était juste que l’Etat vînt à leur secours, mais avec les mesures nécessaires pour que ces secours n’entretiennent pas le désir de rolonger l’ouvrage, loin d’en accélérer la fin. insi,il vous demandera de décréter que ces encouragements ne soient accordés qu’en raison des progès effectifs du travail, et que la récompense n’en soit donnée que lorsqu’il est parvenu à son terme. Il a pensé, néanmoins, que ce principe devait souffrir quelques modifications, lorsque le progrès des sciences et des arts exige qu’on envoie un citoyen hors de sa patrie pour aller recueillir des connaissances utiles chez les nations étrangères. Enfin, pour apporter dans cette matière toute la précision dont elle est susceptible, votre comité a cru qu’il fallait diviser les pensions à accorder aux gens de lettres, savants et artistes, en trois classes, dans chacune desquelles ils seraient placés suivant la nature de leurs occupations habituelles et l’importance des services u’ils auraient rendus. Tel est l’objet des deux erniers articles du projet de décret qui va vous être soumis. PROJET DE DÉCRET. « Art. 1er. Les artistes, les savants, les gens de lettres, ceux qui auront fait une grande découverte propre à soulager l’humanité, à éclairer les hommes, ou à perfectionner les arts utiles, auront part aux récompenses nationales, d’après les règles générales adoptées par les décrets des 10 et 16 du présent mois, et les règles particulières qui seront énoncées ci-après. « Art. 2. Celui qui aura sacrifié ou son temps, ou sa fortune, ou sa santé à des voyages longs et périlleux, des recherches utiles à l’économie publique, ou au progrès des sciences et des arts, pourra obtenir une gratification proportionnée à l’importance de ses découvertes et à l’étendue de ses travaux ; et s’il périssait dans le cours de son entreprise, sa femme et ses enfants seront traités de la même manière que la veuve et les enfants des hommes morts au service de l’Etat. « Art. 3. Les encouragements qui pouvaient être accordés aux personnes qui s’appliquent à des recherches, à des découvertes et à des travaux utiles, ne seront point donnés à raison d’une somme annuelle, mais seulement à raison des progrès effectifs de ces travaux, et la récompense qu’ils pourraient mériter ne leur sera délivrée que lorsque leur travail sera entièrement achevé, ou lorsqu’ils auront atteint un âge qui ne leur permettra plus de les continuer. « Art. 4. Et il pourra néanmoins être accordé des gratifications annuelles, soit aux jeunes élèves que l’on enverra chez l’étranger pour se perfectionner dans les arts et les sciences, soit à 445 ceux que l’on ferait voyager pour recueillir des connaissances utiles à l’Etat. « Art. 5. Les pensions destinées à récompenser les personnes ci-dessus désignées, seront divisées en trois classes : « La première, celle des pensions dont le maximum sera de 3,000 livres; « La deuxième, celle des pensions qui excéderont 3,000 livres et dont le maximum ne pourra s’élever au-dessus de 6,000 livres. « La troisième classe comprendra les pensions au-dessus de 6,000 livres, jusqu’au maximum de 10,000 livres fixé par les précédents décrets. « Art. 6. Le genre du travail, les occupations habituelles de celui qui méritera d’être récompensé détermineront la classe où il convient de le placer, et la qualité de ses services fixera le montant de sa pension, de manière néanmoins qu’il ne puisse atteindre le maximun de la classe où il aura été placé que conformément aux règles d’accroissement, par les articles 19 et 20 des décrets du 16 du présent mois. » M. d’Elbhecq. Il est très étrange qu’on ait fixé le maximum de la pension d un lieutenant-général à 6,000 livres, tandis qu’un homme qui se sera amusé à voyager en pays étranger, et qui dira ‘qu’il en a apporté des simples , pourra obtenir 10,000 livres. M. Blin. Cette observation n’est pas juste. L’on connaît facilement la plus grande étendue des services que l’on peut attendre d’un homme placé dans les emplois militaires, tandis que les services rendus dans ce genre sont incalculables. Les savants n’emploient point leur argent à un pompeux étalage; ils font des expériences utiles: on doit donc leur assurer un traitement digne d’une nation qui a acquis de la réputation dans les arts et les sciences. M. Martineau. Je demande que l’on réduise le maximum des pensions proposées à 6,000 livres, en accordant, toutefois, des indemnités aux savants qui auront fait des expériences utiles. M. Duquesnoy. Je suis loin de penser, comme le préopinant, que les sommes proposées par le comité soient trop fortes, et je suis au contraire persuadé que si l’état des affaires publiques n’était pas aussi déplorable, nous devrions donner à ces sommes une bien plus grande latitude. Sans doute, les savants, ces hommes qui, dans tous les genres, ont reculé les bornes des connaissances humaines, ne travaillent pas dans l’espoir d’un peu d’argent; mais ils ont besoin, comme tous les hommes, d’avoir à la fin de leur carrière une existence aisée et honorable; ils ont besoin de l’espérance de voir leurs enfants vivre commodément. Eh 1 comment voulez-vous que, sans cet espoir, un père consacre l’enfance de ses fils à une étude pénible ? Gomment voulez-vous que les hommes y dévoueut toute leur vie, qu’ils s’y livrent sans partage, qu’ils oublient leurs familles, leurs affaires, qu'ils ne vivent enfin que pour l’étude? On parle du peuple, et qui donc mérite mieux de l’humanité, qui a autant de droits à la reconnaissance publique, que le philosophe qui éclaire le peuple sur ses droits, les princes sur leurs devoirs ? Les artistes qui perfectionnent nos manufactures et enrichissent notre commerce, les savants qui facilitent la navigation, nous lient aux autres nations de la terre, et portent dans toutes