86 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 novembre 1789.] ne pouvez le commettre au hasard d’un jugement auquel vous n’auriez point de part. D’après ces réflexions, Messieurs, la faute du parlement de Metz, qui est une véritable atteinte donnée à l’autorité d’un de vos décrets, doit être jugée et punie par vous-mêmes. Mais quel est le jugement à porter sur cette affaire ? Il me semble, Messieurs, qu’il convient de prévoir ici quelle sera très-vraisemblablement la conduite des autres parlements du royaume, et de vous rappeler le dernier décret que vous avez rendu au sujet du parlement de Rouen. Ce souvenir et cette prévoyance vous amèneront peut-être à l’indulgence. D’un côté, vous répugnerez peut-être à faire venir de toutes les provinces du royaume et à rassembler dans la capitale une foule de magistrats dont l’infortune intéresserait peut-être assez pour affaiblir l’impression de leur faute. D’un autre côté, vous aurez, je crois, quelque peine à sévir contre une cour qui n’est coupable au fond que de la même erreur que le parlement de Rouen. Enfin, Messieurs, il me semble que l’erreur du parlement peut être excusée par celle qui est répandue au sein de la capitale, et peut-être trop près de vous-mêmes, Messieurs, par des esprits qui voudraient s’en autoriser pour entretenir le désordre dans le royaume. Enfin, Messieurs, la manière de pourvoir à l’administration de la justice dans le ressort du parlement de Metz me paraît difficile; car, Messieurs, il est peut-être douteux que les bailliages ne se croient pas engagés à suivre la destinée des cours auxquelles ils ont toujours été subordonnés. Et puisque tous les membres du parlement de Metz ne sont pas coupables, ce serait, ce semble, remplir à la fois une Vue de prudence et une règle de justice, que de faire à Metz, comme à Rouen, une nouvelle chambre, composée des membres de ce parlement qui sont restés fidèles à leur devoir. Je vous propose, Messieurs, d’ordonner à six des officiers du parlement de Metz qui ont assisté à la séance du 12 du présent mois, de se rendre à la suite de l’Assemblée nationale, et de les faire comparaître à la barre dans l’une de ses séances ; d’ordonner au président de déclarer quels sont les membres qui se sont opposés à l’arrêt du 12 novembre; d’exprimer, à ceux qui y ont concouru, le mécontement de l’Assemblée, et de leur enjoindre de respecter ses décrets. Peut-être ne savez-vous pas, Messieurs, peut-être n’appartient-il ici qu’à moi, qui suis nouvellement arrivé au milieu de vous, de savoir à quel point est imposante la majesté de vos séances ; de concevoir à quel point tonnerait, dans le cœur de magistrats égarés, la voix de votre président, qui ferait entendre votre censure entre les murmures de leur conscience ; et peut-être enfin qu’en vous proposant de les citer devant vous, ai-je à me reprocher un décret trop rigoureux : car, je le sens, Messieurs, si j’avais à le subir, il serait pour moi la mort. M. le baron de Menou. L’Assemblée ne peut se laisser toucher par la défense éloquente qu’elle vient d’entendre. Le parlement de Metz méconnaît le souverain qui fait la loi et le monarque qui la fait exécuter; il appelle au peuple de ses décrets, tandis que cœst le peuple qui les fait par ses représentants. C’est donc le signal de la guerre civile, c’est donc l’étendard de la révolte qu’il a voulu déployer. L’impunité enhardit le crime et dit aux ennemis du bien public qu’ils sont assez nombreux, qu’ils peuvent tout oser ; mais vous ne souffrirez pas qu’au momentcù vous avez détruit les privilèges et les ordres, les parlements s’élèvent contre vos décrets, pour établir sur les ruines du despotisme ministériel un autre despotisme d’autant plus dangereux qu’il aurait l’apparence de la justice et des lois; voilà l’opinion que je voulais déclarer lors de l’affaire de Rouen. Il faut faire un grand exemple sur le parlement de Metz; il n’attend qu’un moment favorable pour nous ensevelir sous les ruines de la constitution. J’appuie la motion de M. Barrère de Vieuzac. M. Einmery, député de Metz. Il y a des magistrats à Metz qui ont protesté au péril de tout ce que l’esprit de corps peut avoir de terrible; vous pouvez renvoyer les auteurs du délit devant le tribunal établi pour le jugement de ces sortes de causes ; mais on peut mander les officiers qui ont rendu l’arrêt, pour savoir d’eux les motifs qui les ont portés à croire que l’Assemblée et le Roi n’étaient pas libres ; mandez-les pour savoir qui leur a donné ce conseil et cette inspiration funeste ; cela marque des relations étrangères sur lesquelles il est intéressant d’entendre les officiers du parlement ; des lettres particulières nous disent qu’il y aura une nouvelle explosion. 11 s’y est tenu une assemblée ecclésiastique qui n’a été arrêtée que par les curés qui ont montré de l’énergie. Nous connaîtrons le fil de cette trame odieuse qui nous enveloppe et de cette nouvelle conspiration dont on nous menace. Quant au remplacement des magistrats, il est dangereux et contraire au bien des justiciables de confier le pouvoir souverain à des tribunaux inférieurs qui manquent d’officiers. Il faut déléguer les fonctions de la chambre des vacations aux membres qui ont protesté. J’appüie la motion de M. Barnave, en ordonnant au greffier de cette cour de porter les registres et en exceptant les officiers qui étaient absents. On demande à aller aux voix et le décret suivant est rendu. « L’Assemblée nationale a décrété et décrète : « 1° Que ceux des membres du parlement de Metz qui ont assisté à la délibération du 12 de ce mois paraîtront à la barre de l'Assemblée nationale, dans le délaide huitaine, à compter du jour de la notification qui leur sera faite du présent décret, pour y rendre compte de leur conduite, et que le syndic, ou le greffier de ladite cour, apportera à leur suite les registres de la compagnie; « 2° Que le Roi sera supplié de former une chambre des vacations prise parmi les membres de ce parlement qui n’ont point concouru à l’arrêt du 12 de Ce mois, laquelle chambre enregistrera purement et simplement le décret de l’Assemblée nationale, du 3 du présent mois, et exécutera ses dispositions; « 3° Que son président se retirera devers le Roi pour le remercier de la promptitude avec laquelle il a réprimé les écarts du parlement de Metz et lui annoncer que l’Assemblée nationale est déterminée à prévenir par une juste sévérité les attentats d’un si dangereux exemple, le prier de donner sa sanction au présent décret, et les ordres nécessaires pour son exécution. » M. le Président. L’Assemblée se réunira