I Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 août 1790.] M. de Lautrec. Je connais beaucoup de particuliers qui se servent des municipalités pour acquérir. J’ajoute, pour ce qui concerne le moulin situé sur le Loiret, qu’on néglige de nous faire connaître le prix du bail. M. de Menou, rapporteur. Nous avons pensé qu’il n’y avait pas lieu de suivre cette marche pour tous les biens qui sont susceptibles de beaucoup de réparations. Un membre propose d’ajouter au décret les mots : à charge de revente , parce qu’alors il y aura des enchères. Tous les amendements sont rejetés par la question préalable. Le décret proposé par le comité est adopté ainsi qu’il suit : (' L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite par la municipalité de la ville d’Orléans le 10 juillet dernier, en exécution de laoélibération prise par le conseil général de la commune de cette ville, le 9 avril 1790, et conformément aux décrets rendus les 17 mars et 14 mai derniers, pour autoriser la vente des biens nationaux aux municipalités, jusqu’à la concurrence de quatre cents millions , ladite soumission tendant à acquérir, entre autres biens, le moulin Foulon, situé sur la chaussée de la rivière de Loiret, paroisse Saint-Privé, Saint-Nicolas, Suint-Menin, district d’Orléans, dépendant de l’abbaye royale de Saint-Mémin-Mixi-lès-Orléans , affermé aux sieurs Benoît frères, négociants à Orléans, et d’après l’estimation dudit moulin, faite le 9 août dernier, conformément à l’instruction décrétée le 11 mai 1790, « Déclare vendre à la municipalité d’Orléans le moulin ci-dessus mentionné, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix de huit mille livres, payables de la manière déterminée par le même décret. » M. le Président. M. Guignard-Saint-Priest, ministre, vient de m’adresser l 'état des domaines et maisons que le roi désire conserver et un procès-verbal qui constate l’invasion faite à main armée par des braconniers, dans les parcs de Sa Majesté. Un de MM. les secrétaires va donner lecture de la lettre de M. GuignardrSaint-Pnest (1). M. Alquier, secrétaire, donne lecture de la lettre ainsi qu’il suit : « Monsieur le Président, le roi avait différé jusqu’ici de faire remettre à l’Assemblée nationale un état des maisons d’habitation et des domaines que Sa Majesté désire conserver. Peu attentive à ce qui la concerne personnellement, elle n’a pas voulu distraire l’Assemblée des objets du bien public dont elle est occupée; mais d’après l’invitation que l’Assemblée nationale a chargé son Président de faire à Sa Majesté à cet égard, elle m’a ordonné. Monsieur, de vous adresser le mémoire ci-joint, avec des cartes et des notes explicatives à l’appui. Je dois en même temps vous observer que, dans ce moment-ci, les parcs même du roi sont inondés d’une foule de braconniers, ainsi que le prouve le procès-verbal (1) Le Moniteur mentionne ce document sans l’insérer. 139 ci-joint. Ce désordre menace de l’entière destruction des plaisirs de Sa Majesté, s’il n’est incessamment réprimé par une loi dont les dispositions soient plus étendues que celles du décret du 22 juillet dernier. « Je suis avec respect, « Monsieur le Président, « Votre très humble et très obéissant serviteur, et Signé : Guignard. » MÉMOIRE SUR LES MAISONS ROYALES (1). L’Assemblée nationale, par son décret du 20 avril dernier, a invité le roi à déterminer les cantons qui seront exclusivement réservés pour le plaisir de sa chasse; cette désignation se trouvant essentiellement liée au choix des châteaux et domaines dont Sa Majesté croit à propos de se conserver la jouissance, et que l’Assemblée nationale, par son décret du 15 de ce mois, l’a pareillement invitée à indiquer, on va réunir ici ses vues sur ces deux objets. Au premier rang des maisons royales, on doit placer le Louvre, les Tuileries et leurs dépendances, ainsi que les maisons affectées au service du roi dans Paris. Sa Majesté pense que les Champs-Elysées doivent être regardés comme une suite nécessaire au jardin des Tuileries et elle n’a d’autre objet en cela que de conserver au public une promenade agréable et qui contribue essentiellement à la beauté de ce côté de la capitale. Le roi voulant faire à Paris son séjour le plus habituel, il importe à Sa Majesté de conserver dsns le voisinage de cette ville des maisons de plaisance qu’elle avait précédemment songé à abandonner; dans ce casse trouvent les châteaux de Vincennes et de la Muette, qui sont compris dans les seuls parcs où Sa Majesté puisse, aux environs de la capitale, entretenir du fauve. La conservation de Choisy-le-Roy devient de même intéressante , parce que la plaine qui sépare le château du parc de Villeneuve-le-Roi servira pour la chasse au tiré de Sa Majesté, c’est le seul canton de chasse qu’elle entende se réserver auprès de Paris; d’ailleurs, depuis plusieurs années que ces maisons sont en vente, il ne s’est présemé aucun acquéreur, il paraît qu’on ne les achèterait que pour la valeur, très peu considérable, de la démolition ; il peut même se présenter des circonstances où ces édifices, solidement bâtis, pourraient être employés à des objets d’utilité publique, et on regretterait de les avoir détruits; en attendant ils serviront d’asile à d’anciens serviteurs du roi et de l’Btat (2.) Les châteaux de Versailles, Marly, Saint-Cloud, Meudon, Saint-Germain et les maisons, forêts et terres qui en dépendent, présentent un ensemble de propriétés contiguës et susceptibles d’être renfermées en grande partie dans l’enceinte d’une même clôture; il importe au roi de les conserver, tant pour son usage que pour celui de la famille royale. Sa Majesté désire qu’on (1) Aux notes explicatives près qui ont été ajoutées, ce mémoire est entièrement conforme à l’original qui se trouve entre les mains du comité des domaines. (2) Un assez grand nombre de familles pauvres, et que distinguent des services rendus à l’Etat, habitent aujourd’hui Vincennes ; La Muette est occupée en partie par une manufacture de métiers anglais; Choisy sert de dépôt à l’habillement des troupes ; le roi ne fait ni ne fera pour lui-même aucun usage de ces maisons, dont le sacriûce, quant à son personnel, ne lui coûterait rien. 140 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 août 1790.] y réunisse les biens ecclésiastiques qui se trouvent compris dans l’arrondissement de ce canton. Indépendamment de l’avantage de ne pas multiplier, par la vente de ces biens, des propriétés particulières dans l’enclave des domaines du roi, cette réunion secondera les vœux de Sa Majesté pour un établissement à Saint-Denis, qui intéresse sa piété ainsi que son respect pour la mémoire de ses ancêtres et celle des héros de la nation qui y sont ensevelis. La suppression des religieux chargés jusqu’à présent de prier sur ces illustres mausolées, nécessite l’institution d’un corps d’ecclésiastiques assez nombreux pour remplir avec décence ce service; on ajoutera encore à l’utilité de cet établissement, en chargeant ces ecclésiastiques de desservir l’oratoire de Sa Majesté dans ses diverses résidences. Déjà, depuis quelques années, elle s’occupait de l’exécution du projet d’affecter aux dépenses de sa chapelle, les biens de plusieurs chapitres, qui, dans le principe, avaient eu cette destination (1) : mais la réunion, aux domaines du roi, des biens ecclésiastiques qui y sont enclavés, jusqu’à la proportion qui sera jugée nécessaire pour fonder à Saint-Denis l'établissement dont il s’agit, remplira plus utilement le but que Sa Majesté se propose. Elle fera remettre à l’Assemblée nationale un mémoire particulier sur cet objet. Les châteaux de Fontainebleau, Compiègne et Rambouillet (2) et leurs dépendances réunissent, par l’étendue des bâtiments, les embellissements que Sa Majesté et les rois ses prédécesseurs y ont multipliés, et l’agrément des forêts qui les environnent, tout ce qui peut rendre des maisons royales précieuses à conserver. Sa Majesté désire aussi y réunir les biens ecclésiastiques enclavés dans ces domaines, ainsi que les bois de l’abbaye de Barbeaux (3), quoique séparés de la forêt par la rivière; ils seraient employés à servir d’échange pour des bois appartenant à divers particuliers, qui font partie de la même forêt. Le château de Chambord est une des anciennes résidences royales, à laquelle est joint un parc d’une assez grande étendue, mais dans un mauvais terrain; sa vente produirait peu, et comme (1) On ne saurait porter, par simple aperçu, le revenu qu’offrirait la réunion proposée des biens ecclésiastiques enclavés dans les domaines que conserverait le roi, à plus de cent mille livres de rente, ce qui serait fort au-dessous de la dépense que coûterait rétablissement ecclésiastique projeté à Saint-Denis. L’état des revenus de cette abbaye, dont les religieux font le service, montant seul à 291,184 livres 18 sous, non compris lamanse abbatiale; sans une telle addition ou son équivalent, Sa Majesté, ne pouvant satisfaire le vœu de sa piété, se rendrait simple acquéreur des biens ecclésiastiques enclavés, dont elle appliquerait le revenu au service de sa chapelle. (2) Le relevé qu’a fait le comité des domaines de l’Assemblée nationale, des revenus utiles attachés aux maisons principales de Sa Majesté, ne va pas à deux millions de rente, sans déduction des charges publiques et particulières, On trouvera, à la suite de ce mémoire, le tableau qu’en a formé ce comité. (3) 11 n’est ici mention que de la partie des bois de cette abbaye qui tient à la rive droite de la Seine, et peut être un objet d’environ quatre cents arpents. l’entretien peut être payé par le revenu, le roi préférerait de garder cette habitation. Sa Ma jesté désire aussi garder la terre du Pi a (1) en Normandie et celle de Pompadour en Limousin, afin d’y entretenir les haras qui y ont été établis pour son usage privé, et ne peuvent d’ailleurs qu’être utile à ces provinces. Il serait pénible et superflu d’entrer ici dans le détail topographique des limites des cantons qui, d’après cette indication générale, composeront désormais les plaisirs du roi. Sa Majesté en a fait dresser des cartes qu’elle a ordonné de joindre à ce mémoire avec des notes explicatives. On y remarquera que Sa Majesté ne conserve pas la dixième partie de l’étendue des terrains qui étaient précédemment réservés pour ses chasses. Au reste, afin d’en diminuer autant que possible le préjudice pour les propriétés voisines de ces réserves, le roi augmentera incessamment ses murs de clôture; il fera aussi des acquisitions de terrains enclavés, à mesure qu’il s’en présentera, quoique tes propriétaires actuels de ces enclaves n’aient acquis leurs propriétés qu’avec exclusion du droit de chasse (2). Le roi n’aurait pas moins désiré que ses plaisirs n’apportassent de gêne à personne; mais il est évident que Sa Majesté ne pourrait se livrer avec agrément et sûreté à un exercice qui lui est salutaire, si l’étendue de sa chasse était trop restreinte, et si, dans les cantons qui y sont destinés, elle n’était interdite à tout autre. Cependant Sa Majesté est disposée à laisser aux propriétaires des cantons qu’elle ne destine qu’à la grande chasse, l’usage de la chasse à tirer sur le petit gibier ; elle excepterait aussi de toute interdiction les parcs clos de murs de huit pieds d’élévation pour le moins. Quant aux indemnités à accorder aux propriétaires dont les possessions seront comprises dans les plaisirs du roi, Sa Majesté désire que l’Assemblée nationale charge ses comités d’en fixer le mode et la quotité. Le roi ne s’est pas dissimulé qu’en réduisant le nombre de ses maisons royales (3), il eût soulagé sa liste civile de dépenses considérables d’entretien dont elle demeurera chargée; mais les considérations qui l’ont déterminé a les conserver sous les rapports de convenance, et même d’utilité éventuelle, lui ont paru mériter toute préférence. (1) Le roi ajoute tous les ans aux revenus de la terre du Pin en Normandie, 23,763 livres 11 sous, et à ceux de Pompadour en Limousin, 9,730 livres pour l’entretien des haras. Celui de Chambord coûtait jusqu’à cent mille francs au-dessus du revenu de la terre. On a lieu néanmoins de présumer qu’une nouvelle administration pourra réduire cette dépense au revenu de ces terres ; il ne s’agit que d’y entretenir quelques étalons, dépense que peu de particuliers sont en état de faire, et sans laquelle les plus belles races des chevaux s’abâtardissent. (2) Cette observation seule répondrait aux plaintes des propriétaires des enclaves, quand même le roi n’of-frirail pas de leur payer des indemnités dont Sa Majesté désire que l’Assemblée nationale soit l’arbitre. (3) Choisy, La Muette et Vincennes u’ont aucun revenu qui mérite attention. Les parcs de Boulogne et de Vincennes, qui servent à la promenade des citoyens de Paris, offrent à peine de quoi fournir aux frais d’entretien des clôtures, des parterres, des gardes de sûreté et des replantations. Tableau.