SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - N08 57 ET 58 521 douleur aux acclamations de la victoire qui retentissent dans toute la France. Les rois ne pouvant plus combattre les héros de la liberté par l’effort de leurs armes mercenaires, ont donc achevé, de se deshonorer aux yeux de la postérité en employant les moyens les plus lâches et les plus vils. Qu’ils sachent que les attentats commis sur les mandataires du peuple français, ne feraient qu’exciter son énergie et que sa vengeance serait aussi terrible que la cause qui l’aurait provoquée serait basse et criminelle, et qu’ils ne s’imaginent pas se raffermir sur leurs trônes chancelants par la corruption et le meurtre. Les peuples qui sont encore courbés sous leurs chaines, révoltés de leur scélératesse, plus que de l’abus de leur puissance, oseront les briser et l’éternel qu’ils outragent, en publiant qu’ils tiennent leur sceptre sanglant de ses mains paternelles, lancera sa foudre sur les fléaux de l’humanité. Ce sont les vœux que forment les habitants de cette commune qui se fait gloire d’être un rocher de la Montagne qui s’ensevelirait avec elle sous les ruines, plutôt que de lui survivre, mais qui forme le doux espoir de jouir bientôt de la félicité inaltérable qu’elle prépare à la France. S. et F. ». Dulaureux, Lehure, Le Cordier, Tréfouel, [et 12 signatures illisibles]. 57 Le citoyen Palissot, homme de lettres, fait offrande à la Convention nationale des 20 premiers volumes des œuvres de Voltaire, enrichies de notes et de commentaires. Cette offrande sera suivie de deux autres de pareil nombre de volumes. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité d’instruction publique (1). 58 Un membre [DUBARRAN], au nom des comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, fait un rapport (2). DUBARRAN : Citoyens, la représentation nationale est fondée pour le bonheur du peuple; elle ne doit donc se composer que d’éléments dignes de lui. C’est sur cette base que repose votre décret du 23 vendémiaire. Il s’exprime en ces termes : « Les suppléants à la Convention, qui, dans les divers départements, auraient protesté, soit comme fonctionnaires publics, soit comme citoyens, contre les événements des 31 mai, 1er et 2 uin, ou qui seraient convaincus d’avoir participé aux (1) P.V., XXXIX, 215. Minute de la main de Briez (C 304, pl. 1126, p. 31); Décret n° 9477. Bin, 24 prair.; J. Mont., n° 46; J. Fr., n° 625; Mon., XX, 714; Débats, n° 629, p. 341; Mess, soir, n° 662; J. Sablier, n° 1372; J. Perlet, n° 627. (2) P.V., XXXIX, 216; C. Eg., n° 662. mesures liberticides des administrations fédéralistes, ainsi que ceux qui auraient été suspendus de leurs fonctions, comme suspects, par les représentants du peuple envoyés dans les départements, ne seront point admis dans le sein de la Convention. » Je viens, au nom de vos comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, vous dénoncer le citoyen Dario, premier suppléant du département de la Haute-Garonne, comme se trouvant frappé par cette loi. Vous en jugerez d’après les détails que vous allez entendre. Les premières explosions du fédéralisme dans les départements méridionaux se rapprochent de l’époque où éclatèrent les trahisons de Dumou-riez et la révolte de la Vendée; ce fut dans le sein même des administrations que l’on combina les moyens d’opérer ce fatal déchirement. A Toulouse, les autorités constituées se réunissaient dès le commencement de mai pour délibérer en commun. C’est là que, sous prétexte d’exercer une surveillance active sur l’armée des Pyrénées, elles travaillèrent à jeter les bases de leur plan liberticide. Les malveillants osèrent calomnier la représentation nationale dans la personne de ses commisaires. Le patriotisme eut à gémir sous l’oppression, l’esprit public fut paralysé : bientôt cependant, et à la vue des dangers qui menaçaient la liberté, l’énergie patriotique se ranima. Le 14 mai, la Société populaire résolut de demander aux représentants du peuple alors à Toulouse la convocation de leurs collègues, députés dans les départements méridionaux, et d’un des membres de chaque Société affiliée à elle. Cette détermination offusqua vivement les autorités administratives; elles ne purent voir qu’avec regret, dans le rassemblement proposé, un moyen puissant de contre-fédéralisme, et dont le résultat serait de les démasquer elles-mêmes. Deux jours après, et dans leur propre sein, on entendit le nommé Loubet demander l’arrestation de vos commissaires. Déjà les envoyés des Sociétés arrivaient dans Toulouse, lorsque, le 23 mai, les autorités leur enjoignirent d’en sortir sur-le-champ, sous peine d’être emprisonnés. Des réclamations qui furent faites amenèrent un sursis; mais il ne dura que quelques heures, car il fut révoqué le 29, après une discussion orageuse, et où les fédéralistes, très-forts en nombre, accablèrent d’outrages les députés patriotes des Sociétés; il fut même un instant où ces derniers se virent exposés à un danger réel. Un secrétaire de l’assemblée osa dire au peuple : « Ne craignez rien, aucun n’échappera; nous les tenons tous, les mesures sont prises. » On remarqua aussi Donziech, comandant de la garde nationale. Il voulait pénétrer dans l’enceinte où était placés les députés, et il criait avec fureur : « Où sont ces coquins, ces scélérats ? que je les arrête ! ». Dans la même séance, les autorités accueillirent avec enthousiasme une Adresse qui remplissait leurs vues. Les auteurs y débutent par les déclamations d’usage contre les hommes qu’ils qualifient de factieux, d’agitateurs et de Maratistes. Us invitent les autorités à se prononcer avec énergie. « D’autres départements, leur disaient-ils, dénonceront ce que vous auriez dû dénoncer; des milliers de signatures auraient appuyé celles de nos magistrats. Imitez SÉANCE DU 23 PRAIRIAL AN II (11 JUIN 1794) - N08 57 ET 58 521 douleur aux acclamations de la victoire qui retentissent dans toute la France. Les rois ne pouvant plus combattre les héros de la liberté par l’effort de leurs armes mercenaires, ont donc achevé, de se deshonorer aux yeux de la postérité en employant les moyens les plus lâches et les plus vils. Qu’ils sachent que les attentats commis sur les mandataires du peuple français, ne feraient qu’exciter son énergie et que sa vengeance serait aussi terrible que la cause qui l’aurait provoquée serait basse et criminelle, et qu’ils ne s’imaginent pas se raffermir sur leurs trônes chancelants par la corruption et le meurtre. Les peuples qui sont encore courbés sous leurs chaines, révoltés de leur scélératesse, plus que de l’abus de leur puissance, oseront les briser et l’éternel qu’ils outragent, en publiant qu’ils tiennent leur sceptre sanglant de ses mains paternelles, lancera sa foudre sur les fléaux de l’humanité. Ce sont les vœux que forment les habitants de cette commune qui se fait gloire d’être un rocher de la Montagne qui s’ensevelirait avec elle sous les ruines, plutôt que de lui survivre, mais qui forme le doux espoir de jouir bientôt de la félicité inaltérable qu’elle prépare à la France. S. et F. ». Dulaureux, Lehure, Le Cordier, Tréfouel, [et 12 signatures illisibles]. 57 Le citoyen Palissot, homme de lettres, fait offrande à la Convention nationale des 20 premiers volumes des œuvres de Voltaire, enrichies de notes et de commentaires. Cette offrande sera suivie de deux autres de pareil nombre de volumes. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité d’instruction publique (1). 58 Un membre [DUBARRAN], au nom des comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, fait un rapport (2). DUBARRAN : Citoyens, la représentation nationale est fondée pour le bonheur du peuple; elle ne doit donc se composer que d’éléments dignes de lui. C’est sur cette base que repose votre décret du 23 vendémiaire. Il s’exprime en ces termes : « Les suppléants à la Convention, qui, dans les divers départements, auraient protesté, soit comme fonctionnaires publics, soit comme citoyens, contre les événements des 31 mai, 1er et 2 uin, ou qui seraient convaincus d’avoir participé aux (1) P.V., XXXIX, 215. Minute de la main de Briez (C 304, pl. 1126, p. 31); Décret n° 9477. Bin, 24 prair.; J. Mont., n° 46; J. Fr., n° 625; Mon., XX, 714; Débats, n° 629, p. 341; Mess, soir, n° 662; J. Sablier, n° 1372; J. Perlet, n° 627. (2) P.V., XXXIX, 216; C. Eg., n° 662. mesures liberticides des administrations fédéralistes, ainsi que ceux qui auraient été suspendus de leurs fonctions, comme suspects, par les représentants du peuple envoyés dans les départements, ne seront point admis dans le sein de la Convention. » Je viens, au nom de vos comités de salut public, de sûreté générale et des décrets, vous dénoncer le citoyen Dario, premier suppléant du département de la Haute-Garonne, comme se trouvant frappé par cette loi. Vous en jugerez d’après les détails que vous allez entendre. Les premières explosions du fédéralisme dans les départements méridionaux se rapprochent de l’époque où éclatèrent les trahisons de Dumou-riez et la révolte de la Vendée; ce fut dans le sein même des administrations que l’on combina les moyens d’opérer ce fatal déchirement. A Toulouse, les autorités constituées se réunissaient dès le commencement de mai pour délibérer en commun. C’est là que, sous prétexte d’exercer une surveillance active sur l’armée des Pyrénées, elles travaillèrent à jeter les bases de leur plan liberticide. Les malveillants osèrent calomnier la représentation nationale dans la personne de ses commisaires. Le patriotisme eut à gémir sous l’oppression, l’esprit public fut paralysé : bientôt cependant, et à la vue des dangers qui menaçaient la liberté, l’énergie patriotique se ranima. Le 14 mai, la Société populaire résolut de demander aux représentants du peuple alors à Toulouse la convocation de leurs collègues, députés dans les départements méridionaux, et d’un des membres de chaque Société affiliée à elle. Cette détermination offusqua vivement les autorités administratives; elles ne purent voir qu’avec regret, dans le rassemblement proposé, un moyen puissant de contre-fédéralisme, et dont le résultat serait de les démasquer elles-mêmes. Deux jours après, et dans leur propre sein, on entendit le nommé Loubet demander l’arrestation de vos commissaires. Déjà les envoyés des Sociétés arrivaient dans Toulouse, lorsque, le 23 mai, les autorités leur enjoignirent d’en sortir sur-le-champ, sous peine d’être emprisonnés. Des réclamations qui furent faites amenèrent un sursis; mais il ne dura que quelques heures, car il fut révoqué le 29, après une discussion orageuse, et où les fédéralistes, très-forts en nombre, accablèrent d’outrages les députés patriotes des Sociétés; il fut même un instant où ces derniers se virent exposés à un danger réel. Un secrétaire de l’assemblée osa dire au peuple : « Ne craignez rien, aucun n’échappera; nous les tenons tous, les mesures sont prises. » On remarqua aussi Donziech, comandant de la garde nationale. Il voulait pénétrer dans l’enceinte où était placés les députés, et il criait avec fureur : « Où sont ces coquins, ces scélérats ? que je les arrête ! ». Dans la même séance, les autorités accueillirent avec enthousiasme une Adresse qui remplissait leurs vues. Les auteurs y débutent par les déclamations d’usage contre les hommes qu’ils qualifient de factieux, d’agitateurs et de Maratistes. Us invitent les autorités à se prononcer avec énergie. « D’autres départements, leur disaient-ils, dénonceront ce que vous auriez dû dénoncer; des milliers de signatures auraient appuyé celles de nos magistrats. Imitez