[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { J® J�mbre ' 1793 421 cratie, qui n’avait pas encore reçu une chique¬ naude légale, soumise à des lois sévères et vain¬ cue par la liberté, dipsaraître journellement du sol de la République; je vois les puissances étrangères perdant leurs espérances avec leurs moyens, car elles n’ont plus, comme autrefois, un parti dans la Convention, la nomination de nos généraux, la faculté de jeter de la défaveur sur nos assignats; je vois les derniers efforts de nos ennemis se brisant à chaque instant contre la force, l’énergie du peuple français et l’amour qu’il porte à la liberté; et cette force, cette énergie, je les vois parfaitement secondées par l’invariabilité des mesures prises par la Conven¬ tion et par la suite qu’elle y met. Il est un objet de dessus lequel nous ne devons jamais détourner nos regards, c’est que les ennemis de la liberté cherchent à l’attirer entre deux écueils également redoutables : un patrio¬ tisme exagéré, et un modérantisme coupable; et je vous demande quelle époque on a choisi pour renouveler le comité de Salut public. Etait-ce donc le moment opportun? Est-ce au moment où les puissances étrangères em¬ ploient leurs dernières ressources? Est -ce au moment où de grandes opérations sont prêtes d’être exécutées? Est-ce au moment où Tou¬ lon va tomber? Est-ce au moment où le Midi va signaler son amour pour la liberté sous les murs de cette commune coupable? Est-ce au moment où nos armées du Nord et de la Moselle sont en présenoe de l’armée ennemie? Est-ce, dis-je, dans ce moment qu’il peut être avanta¬ geux de faire des changements au milieu de vous? Que pourraient désirer de plus Pitt et Cobourgî Pour moi, je ne le vois point. Mais ce n’est pas tout. Par là vous jetteriez dans la nation de la défiance, je ne dis pas seu¬ lement sur les membres du comité, mais encore sur les grandes mesures qu’il a méditées, qui vous ont été soumises et que vous avez adoptées. On supposerait que votre comité n’a plus votre confiance; on exciterait l’imagination du peuple sur ce renouvellement inopiné. Il y a plus encore : le comité de Salut public ne vous a pas encore rendu compto de sa con¬ duite et de la mission que vous lui avez donnée. Il connaît toute la vérité; il la dira un jour; mais si vous le changez, vous le dispensez du compte qu’il doit vous rendre, et même, d’avance, vous en dispensez tous ses successeurs. Vous plaindriez-vous du nouveau comité? Il vous dirait que l’ancien avait pris de mauvaises mesures, et qu’il n’était plus temps de les corri¬ ger. Vous plaindriez-vous de l’ancien? Il vous dirait : « Nos mesures étaient bonnes ; elles ont été mal exéoutées : on en a méconnu l’objet. » Ainsi vous n’auriez aucune responsabilité. Je conclus d’abord à ce que ceux qui ont des griefs contre quelques membres du comité de Salut public aillent les déposer au comité de Sûreté générale. On a feint d’élever des doutes sur la durée de l’existence du comité pour amener la disposi¬ tion que vous avez faite. Mais qui ignore donc que cette existence est précaire? En conservant le comité, la Convention le crée continuelle¬ ment ; et vous n’avez pas besoin de le renouve¬ ler pour donner l’exemple de l’exercice d’un pouvoir dont personne ne doute. Je demande, en conséquence, l’ordre du jour. Plusieurs membres demandent la prorogation des pouvoirs et le rapport du décret rendu hier. (Décrété.) II. Compte rendu de l'Auditeur national (1). Il avait été décrété hier, à la fin de la séanoe, qu’il serait procédé aujourd’hui au renouvelle¬ ment du comité de Salut public. L’heure étant arrivée, quelques membres ont demandé qu’il fût à cet effet procédé à l’appel nominal. Granet a demandé le rapport du décret qui ordonnait le renouvellement ou que l’on procé¬ dât à l’appel nominal, pour savoir quels étaient ceux qui voulaient ce renouvellement. Jay Sainte-Foy a combattu aussi cette mesure dans laquelle il a vu de grands dangers pour ia chose publique dans les circonstances où se trouve la France. « Ce n’est pas seulement, a-t-il dit, le comité de Salut public qu’on vous propose de renouve¬ ler, mais c’est encore le centre du gouvernement. A-t-on donc oublié que c’est depuis l’existence du comité de Salut publie qu’on a vu le plus grand exemple de justice populaire qu’ait donné la terre, je veux dire la punition de mandataires infidèles? A-t-on oublié que la chaîne du fédéra¬ lisme a été brisée du nord au midi, que Marseille, que Lyon, ces villes superbes qui prétendaient rivaliser la représentation nationale, ont suo-combé sous les coups de la puissance du peuple? A-t-on oublié les victoires de Dunkerque et de Maubeuge? A-t-on oublié tous les triomphes qui ont signalé les efforts des républicains sur les aristocrates de l’intérieur et leur armée de la Vendée? « C’est sans doute le courage et l’énergie du peuple français qui ont produit ces grandes choses; mais enfin, n’est-ce pas à la prudence et à l’énergie des mesures du comité de Salut public que l’on doit la direction de ses mouvements su¬ blimes? N’est-ce pas à lui que l’on doit l’éloi¬ gnement des traîtres, qui, à la tête de nos armées et dans nos places fortes, donnaient à l’ennemi extérieur l’espoir de nous vaincre par trahison, ne pouvant tenir à la force des armes d’un peuple combattant pour la raison et la liberté ? Ne voit-on pas que leur système aujourd’hui est de nous affaiblir en secouant, parmi nous, les brandons de la discorde ? « Est-ce donc au moment où nos ennemis jouent de leur reste, où l’infâme ville de Tou¬ lon va tomber sous les efforts des républicains, où les rebelles de la Vendée sont journellement battus, où nos armées sont en présence, que l’on doit ainsi légèrement renouveler un comité qui tient les rênes du gouvernement et qui im¬ prime une terreur salutaire à tous nos ennemis ? Si vous le renouvelez dans de telles circons¬ tances, ne craignez-vous pas qu’on dise qu’il avait perdu votre confiance, et que, par suite, toutes les mesures qu’il a prises ne soient bl⬠mées. « Ne voyez-vous pas qu’en lui substituant de nouveaux membres avant qu’il vous ait rendu compte de sa conduite, vous le dispensez de toute responsabilité, parce qu’il pourra vous (1) Auditeur national |n° 448 du 24 frimaire an II (samedi 14 décembre 1793), p. 3], [Coarention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES { g 422 dire, en cas qu’il nous arrive, qu’il avait pris d’excellentes mesures, et que ce n’est pas sa faute si les membres qui lui ont succédé ne les ont pas mises à exécution; et les nouveaux membres, à leur tour, ne pourraient-ils pas aussi se débarrasser de toute responsabilité, en vous disant que le mal est venu des mesures prises par leurs prédécesseurs? Vous voyez donc dans quel chaos vous jetterait la mesure du renou¬ vellement actuel. S’il est quelques membres dans le comité qui déplaisent, et qu’on ait des rai¬ sons, il faut le dire ici franchement. « Autrement je demande le rapport du décret d’hier et la prorogation des pouvoirs du comité, parce qu’il ne pourrait être renouvelé sans dan¬ ger. Les patriotes delà Montagne ont deux points uniques de ralliement; les principes et les dan¬ gers de la patrie. Continuer les membres du comité de Salut public, c’est les renommer. » Au milieu des applaudissements qu’a recueil¬ lis ce discours, la Convention a décrété unanine-mement la prorogation des pouvoirs du comité. III. Compte rendu du Journal de Perlet (I). Plusieurs membres demandent qu’on procède au renouvellement du comité de Salut public. Granet. L’Assemblée a décrété hier, sur la fin de la séance, que le comité de Salut public serait renouvelé dans celle-ci. La plupart des membres étaient absents. Je demande qu’on remette aux voix la question de savoir s’il sera renouvelé. Si l’affirmative est décidée, je deman¬ derai alors l’appel nominal pour savoir ceux qui veulent ce renouvellement. (On applaudit.) Jay Sainte-Foy. Il s’agit de changer le centre des mouvements révolutionnaires. Le temps est-il propice? Depuis quelques semaines, la Révolution marche, non pas en fiction, mais réellement. L’égide de l’inviolabilité a été brisée; la chaîne des départements coalisés a été rompue; la contre-révolution, le fédéralisme ont été étouffés à Lyon ainsi qu’à Marseille. Je sais bien que c’est là l’ouvrage de l’énergie du peuple; mais cette énergie a été secondée par le comité de Salut public. L’aristocratie, les puissances étrangères per¬ dent toute espérance; elles réunissent leurs der¬ niers efforts; elles élèvent deux monstres réunis pour nous attaquer révolutionnairement : ces monstres sont le patriotisme exagéré et le modé¬ rantisme. Peut-on suspendre les opérations entamées, au moment où. le Midi de la France va expier ses égarements en soumettant une ville rebelle? Est-ce le moment d’ébranler le centre de gra¬ vité de toute la République? Vous jetteriez la défiance sur les mesures commencées, si vous faisiez ce renouvellement sans le motiver. On supposerait que le comité a cessé de mériter (1) Journal de Perlet fn* 448 du 24 frimaire an II (samedi 14 décembre 1793), p. 107], votre confiance et qu’il a imprimé un mouve¬ ment à faux. D’ailleurs, le eomité, dépositaire de vérités qui ne doivent sortir de ses mains que pour être mises sous les yeux de la nation, serait alors dispensé de toute responsabilité. Vous plaindriez-vous des opérations du nou¬ veau? Il vous dirait que l’ancien a tout gâté. Vous plaindriez-vous des opérations de l’ancien? Il vous dirait que ses mesures étaient bonnes et qu’elles n’ont pas été mises à exécution. Si l’on a des griefs contre le comité en masse ou contre quelques-uns de ses membres, qu’on les expose. On dit que la Convention doit user de son droit, qu’elle doit recréer le comité; mais en le conservant, la Convention le crée continuelle¬ ment. Je conclus au rapport du décret portant que le comité de Salut public sera renouvelé, et à ce que les pouvoirs de ce même comité soient prorogés pour un mois. Ces conclusions, vivement applaudies, sont décrétées. IV. Compte rendu des Annales patriotiques et littéraires (1). D’après la proposition de Granet, appuyée par Sainte-Foy, sur ce que le comité de Salut public n’a point encore rendu compte de ses opéra¬ tions, et que la responsabilité ne doit porter que sur ceux qui les dirigent, l’Assemblée rapporte son décret d’hier pour le renouvellement du comité de Salut public, et le proroge dans ses fonctions pour un mois. V. Compte rendu du Mercure universel (2). L’on réclame l’appel nominal pour le renou¬ vellement du comité de Salut public. Granet s’y oppose. « Le comité, dit -il, n’a point encore rendu les comptes de ses opéra¬ tions. » Jay Sainte-Foy. Si vous rappelez les services qu’a rendus ce eomité vous le conserverez dans un moment révolutionnaire. Si d’ailleurs vous le renouvelez, le nouveau comité rejettera sa responsabilité sur l’ancien, et vous ne pourrez savoir lequel des deux aura pu commettre des fautes. L’Assemblée rapporte son décret d’hier, par lequel elle avait déclaré qu’elle renouvellerait aujourd’hui le comité de Salut public. Elle a prorogé ses pouvoirs pour un mois. (1) Annales patriotiques et littéraires |n° 347 du 24 frimaire an II (samedi 14 décembre 1793/, p. 1570, col. I], (2, Mercure universel Jj24 frimaire an II (samedi 14 décembre 1793,, p. 380, col. 1].