602 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 octobre 1790.] Jard de Rocheland, vice-président ; Lévesque et Lux, secrétaires. Au Cap, le 15 août 1790. Lettre des députés de la province du nord de Saint-Domingue à Messieurs les citoyens des districts du Port-au-Prince. Messieurs, chers frères et amis, votre situation critique a vivement affecté les membres de la députation de la province du Nord; elle s’est appliquée sérieusemement à rechercher la source de vos maux, pour en découvrir le remède : elle croit y avoir réussi. Amis, écontez-nous avec un désir aussi sincère de recouvrer la paix, que nous avons de contribuer à vous la rendre. Vos principaux griefs sont renfermés dans ce petit nombre d’objections que nous avons recueillies, tant au milieu de vos assemblées, que de la bouche de vos principaux membres. Pourquoi M. le général se déclare-t-il contre nous? Pourquoi nous fait-il la guerre? Pourquoi une partie de nos concitoyens se joint-elle aux troupes pour nous accabler ? Voici, Messieurs et chers frères, la solution de ce grand et terrible différend, qui n’existerait pas si vous l’aviez bien connu. Vous juriez de toutes vos forces, et certainement de tous vos cœurs, que vous vouliez rester fidèles à la nation, à la loi et au roi ; mais en même temps vous étiez fidèles et attachés aux opérations de l’assemblée coloniale et de votre comité, ennemis déclarés de la nation, de la loi et du roi. Vous paraissez douter encore de cette fatale vérité, parce qu’on vous a caché ou falsifié les décrets de cette assemblée séditieuse. Vous demandez que l’on vous prouve ses entreprises téméraires; mais, Messieurs, il faudrait vous retracer, presque sans exception, tous ses travaux; un seul de ses principes vous les peindra tous. Personne de vous n’ignore ni conteste, sans doute, cette base de la Constitution qu’elle s’est faite le 28 mai, par laquelle elle se déclare législative : voilà son principe fondamental, et c’est ce principe que nous avons en horreur. Tout ce qu’elle a fait depuis a été et devait être conséquent à cette déclaration : voilà ce que nous voulons punir. Vous avez encore demandé, Messieurs, quel droit la province du Nord avait de dissoudre, par la force, l’assemblée coloniale, sans la participation des autres provinces? Nous vous répondons que nous les y avons invitées; mais que si elles ne veulent pas y concourir, nous y travaillerons seuls, par le droit incontestable que chacun adepoursuivre ladestruction de quiconque médite la sienne, et que pour nous destruction ou esclavage sont une même chose ; nous y sommes encore déterminés par la nécessité de prévenir l’ennemi public avant qu’il acquît assez de forces par l’intrigue et la séduction, pour nous affermir à son pouvoir despotique; enfin, par la certitude d’être approuvés de la nation française, notre mère commune, dont nous soutenons les droits outragés par cette criminelle coalition. Eh 1 pouvez-vous croire, Messieurs, que les habitants d’une province entière fussent assez fous pour se disputer l’honneur de coopérer à cette grande entreprise, au péril de leur vie, si le danger de l’asservissement ne lui paraissait pas inévitable ! Voilà, Messieurs et chers amis, des idées nou-yelles sans doute pour vous ; vos guides sont bien coupables de vous les avoir laissé ignorer, puisque c’est de là que viennent tous vos maux ; en effet, n’est-il pas affreux pour vous de voir une partie de vos concitoyens, mieux instruits de la vérité, obligés de se séparer de vous, et, la loi française à la main, sommer M. le général de leur prêter l’appui du pouvoir exécutif pour le maintien de cette loi, et par une conséquence nécessaire contre votre comité antinational, contre vous-mêmes, infortunés citoyens, assez abusés pour vouloir le maintenir? Oh ! combien cet aveugle attachement vous a été funeste ! Combien il doit en coûter à vos cœurs, bons Français sans doute, que ce soit comme ennemis de la nation française qu’on ait pu vous poursuivre! Quelle haine ne devez-vous pas concevoir contre une assemblée qui vous procure desi grands maux et un si douloureux affront! Enfin, quels regrets seront les vôtres, lorsque vous concevrez que, bien loin d’être opprimés, vous auriez joui de tout l’honneur, de toute la dignité qui appartient à un peuple sage, si vous aviez été assez bien conseillés pour vous couvrir de l’étendard national, en abjurant la criminelle association de Saint-Marc! Alors votre caractère français n’étant plus équivoque, quiconque aurait déployé contre vous des forces militaires se serait rendu coupable du crime de lèse-nation. Mais, Messieurs, tout n’est pas désespéré, hâtez-vous de faire votre profession de foi et vous rentrez aussitôt dans tous vos droits. Ne vous y trompez pas cependant; ce ne sont plus ces paroles de fidélité à la nation , à la loi et au roi, que l’assemblée de Saint-Marc a su rendre vaines à force de les profaner , qui peuvent attester désormais votre croyance : si vous ne reconnaissez pas la forfaiture de l’assemblée de Saint-Marc , vous l’approuvez ; si vous l’approuvez, vous n’êtesplus Français. Désavouez-la hautement; vous reprenez votre caractère ; vous recouvrez le calme et la paix. Voilà, Messieurs, chers frères et amis, le point fondamental où vous devez vous rallier. N’allez point vous égarer dans ces idées ennemies de votre repos et de votre bonheur; ces idées de haine ou de crainte que vous inspirent les noms de Corporations , de Poufs , de Pompons et autres choses semblables. Remplissez cette première condition, nécessaire à votre bonheur autant qu’à votre sûreté, remplissez-la sincèrement et de bonne foi, et nous osons vous promettre que tous les sujets de mécontentement, quels qu’ils soient, disparaîtront à l’instant. Nous allons plus loin; et, si vous étiez trompés dans votre attente, lorsque vous vous serez revêtus de tous les caractères nationaux et pacifiques des bons citoyens, interpellez notre députation ; quelque part qu’elle se trouve, elle sera, ainsi que la province que nous représentons, votre conseil et votre appui. Quelle satisfaction pour nous, Messieurs, pour notre province et pour vos généreux voisins, les députés de la Groix-des-Bouquets, si nos efforts communs pouvaient vous rendre la paix et le bonheur dont nous ne jouissons nous-mêmes que par les principes que nous vous proposons d’adopter. Nous avons l’honneur d’être, avec un fraternel et sincère attachement, Messieurs et amis, vos trè s humbles et très obéissants serviteurs. Les députés de la province du Nord, Signé : Rouyssou, Gauvain, Gouet de Monta-rand, et fitiesneau de La Mégrière, commis* {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |13 octobre 1790-1 603 suives de l'assemblée provinciale ; de La Corée, pour le corps des grenadiers; Fadeville, pour le corps des dragons; Brard, pour le premier bataillon , Paillieux ; pour le deuxième bataillon; de La Chaise, pour le corps des volontaires; Hardi villier , pour le corps des mulâtres; de Ponf-Lovoye, pour le corps des nègres libres; Gard, pour les commissaires de rade. M. Grossi u, secrétaire, donne lecture des adresses suivantes : Adresse de la garde nationale d’Orléans, qui annonce que, pénétrée d’admiration et de regrets pour ses frères d’armes morts à Nancy, elle leur a rendu le 27 du mois dernier, des "hommages funèbres. Elle offre aux veuves et aux orphelins des malheureuses victimes de leur patriotisme, ce qui lui reste, après avoir prélevé les frais funéraires, du produit d’une contribution volontaire. Adresse des administrateurs du district de Beaucaire et de celui de Vigan, département du Gard, contenant adhésion à la délibération du directoire de ce département, et à celle du district de Nîmes, qui réclament une amnistie en faveur des citoyens qu’on avait égarés, lors des troubles qui ont agité la ville de Nîmes. Adresse d’adhésion et de dévouement de la commune d’Arteuf, près Cbâteau-Chinon; elle demande que ce bourg soit un chef-lieu de canton. Adresse des officiers municipaux du Mans, qui déclarent que cette ville est redevable de la tranquillité dont elle jouit au régiment de Chartres, dragons, dont les chefs, par leur sagesse et leur civisme bien connu, et les soldats par leurs sentiments patriotiques, avaient mérité de l’ancienne municipalité des lettres de citoyens du Mans : dans les circonstances les plus difficiles, ce brave régiment a non seulement rétabli l’ordre dans cette ville, mais encore dans les environs où l’on a envoyé des détachements; partout il adonné l’exemple du plus pur patriotisme et dejla plus exacte discipline. Adresse du district de Ghâteau-du-Loir qui demande à être conservé. Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution. M. lignes, député de la commune et des gardes nationales de Pamiers est admis à la barre et prononce le discours suivant : « Messieurs, « Armés depuis plus d’un an pour faire respecter vos sages décrets; luttant depuis cette époque contre toute la rage de l’aristocratie qui nous entoure ; alarmés, comme vous, des trames perfides des ennemis de l'heureuse Révolution, nous venons vous offrir nos bras et les baïonnettes dont vous voudrez les armer, pour voler au Champ-de-Mars, au nombre de 300 volontaires bien déterminés à ne jamais immoler les engagements de l’honneur. Nous nous y verrons réunis avec orgueil, à nos précieux camarades, aux braves parisiens et à tous les généreux défenseurs de la liberté de notre France et de ses augustes représentants. « Chacun de nous prendra un ennemi à combattre, chacun sera terrassé ou vainqueur, parce que nul ne saura ni céder, ni fuir. « Nous sommes prêts, Messieurs, à nous porter partout où vos ordres suprêmes nous enverront, avec le même jsèle, le raâroe courage, que bous avions offert à nos dignes frères de Toulouse et de Bordeaux, pour concourir à sauver et à venger avec eux nos anciens et infortunés camarades de Montauban. « Daignez, Messieurs, seconder notre_ courage et nous associer aux vengeurs et aux vainqueurs de la patrie ; c’est sur le champ de bataille que nous irons encore nous montrer dignes de ce bienfait. « Ce sera sur ce théâtre de l’honneur que nous apprendrons par notre constance et par notre fermeté, à tous ceux qui nous tourmentent, que les vrais citoyens, que les fidèles patriotes, ennemis de toute lâcheté et de la basse intrigue, seront toujours dans votre garde nationale de Pamiers; elle vous consacre, de nouveau et à jamais, ses hommages, toute son énergie et toute sa force. « Notre nombre serait bien plus fort et bien plus redoutable sans la cabale et P oppression qui nous accablent, mais sans nous décourager. « Nos devises sont connues : vaincre ou mourir, c’est pour le soldat; vivre libre ou mourir, c’est pour le citoyen. Nous sommes l’un et l’autre. Notre serment est sacré, nos âmes sont agrandies par vos vertus et comme vous, Messieurs, nous serons inébranlables pour le soutien de la sublime Constitution, dont vous avez le bonheur et la gloire d’être les artisans. (Ce discours est fort applaudi.) M. le Président répond : « Le courage et l’héroïsme des gardes nationales de France i déjà étonné l’Europe, et tous les esprits qui savent calculer la marche des choses humaines ont senti que tant que laCons-tituiion française serait environnée de défenseurs aussi braves et aussi intrépides, elle serait inattaquable. Les sentiments que vous avez manifestés ici n’offrent donc aucune nouveauté à l’Assemblée nationale ; vos sentiments lui étaient connus et elle comptait sur votre zèle à défendre et faire exécuter ses décrets, comme vous avez droit de compter sur la sagesse qui les dicte; soldats de la patrie, poursuivez votre glorieuse carrière; la liberté de la nation française, celle de l’humanité entière, sera le fruit de vos efforts et leur reconnaissance éternelle en sera le prix. « L’Assemblée nationale vous offre les honneurs de sa séance. » M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret proposé par le comité di aliénation sur les biens nationaux à vendre ou à conserver, sur leur administration , etc. Le titre V sur lequel va porter la délibération est relatif à la dîme inféodée. M. Chasset, rapporteur, lit l’article 1er qui est adopté sans opposition en ces termes : TITRE V. De V indemnité de la dîme inféodée . Art. 1er. «• L’indemnité due aux propriétaires laïcs des dîmes inféodées, français ou étrangers, sera réglée sur le pied du denier 25 de ieur produit pour celles en nature, et sur le pied du denier 20, pour celles réduites en argent par des abonne-pients irrévocables»