491 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 octobre 1790.1 mieux administrés et mieux conservés. A chaque instant le Corps législatif et l’administrateur suprême pourront connaître l’ensemble et les résultats des opérations; la régularité des versements se trouve suflisamment assurée ; ënfin il est impossible de se dissimuler la préférence due à l’ordre, à la méthode et à l’exactitude d’une régie toute montée et dont les rapports établis d’un bout du royaume à l’autre partent d’un même point, pour y revenir sans cesse. 5° Le rachat des droits féodaux présentera souvent des difficultés, et ces difficultés seront quelquefois de nature à embarrasser les districts. Vous venez à leur secours par l’arrangement que je propose. Les régisseurs et employés des domaines se trouvent dans l’obligation de les aider, de préparer même leur travail ; et la liquidation se fera avec plus de célérité et plus de justesse. 6° Enfin, l’économie est évidente, et elle est même considérable; il ne s’agira que d’accorder des attributions médiocres à des préposés qui ont déjà un traitement, tandis que j’ai démontré que les fermiers feront inévitablement des pro*- duits énormes. Telles sont, Messieurs, les principales raisons pour lesquelles votre comité des domaines rejette l’expédient des baux à ferme et préfère la régie éclairée et économique de l’administration des domaines, ou des agents quelconques qui seront chargés de la perception des droits domaniaux. Ges raisons ont déjà été tentées par des administrations de districts; et j’en connais quelques-unes qui, ne pouvant imaginer qu’on affermera, et craignant d’être chargées de la régie des droits féodaux, se disposent à la faire faire par les contrôleurs des actes. Les raisons que je viens d’exposer me paraissent s’appliquer, *pour la plupart, à tous les droits incorporels en général ; et je crois que si vous voulez les conserver dans leur intégrité, si vous ne voulez pas laisser affaiblir cette partie du gage de la dette publique, il faut tout réunir sous la même régie. Je vais plus loin, Messieurs, l’intérêt de l’Etat semble même exiger une autre mesure; ce serait de surseoir, quant à présent, à la vente des droits incorporels. De puissantes considérations semblent vous y engager. D’abord, les mêmes causes qui empêcheront d’affermer avantageusement, empêcheront aussi de vendre avantageusement. Vous n’aurez pas plus de concurrents dans l’un que dans l’autre cas, et ce seront les mêmes hommes qui se présenteront. Osez, d’après cela, calculer l’énorme perte dont vous êtes menacés, en faisant attention que les droits féodaux qui dépendent du domaine proprement dit, forment un revenu annuel de 4,500,000 livres, et que ceux dépendant des biens ci-devant ecclésiastiques sont le triple ou le quadruple de ceux du domaine. Vous ne retirerez peut-être pas 150 millions de ce qui vaut au moins 400 millions. 2° En vendant, vos intentions bienfaisantes ne seront pas remplies. Vous avez voulu, Messieurs, que les redevables eussent le temps de se racheter, et qu’en attendant ils ne pussent être soumis à des poursuites rigoureuses. Or, la vente va subroger à la nation des spéculateurs avides qui, uniquement occupés du désir de gagner, se feront un jeu d’opprimer les redevables. 3° Enfin, les assignats vont, dans les commencements, hâter les rachats; il vous est utile surtout de profiter du premier effet qu’ils vont produire, et votre comité des domaiueâ est persuadé qu’en ne vendant pas, vous retirerez plus en deux ans du rachat de partie des droits féodaux, que ne vous produirait la vente de la totalité. C’est à vous de juger, d’après cela, Messieurs, s’il est prudent de vendre dès à présent, et si, au contraire, il ne vaut pas mieux, comme vous le propose votre comité des domaines, surseoir, quant à présenta la vente, et confier provisoirement la régie des droits incorporels et notamment des droits féodaux à l'administration des domaines. Vous avez, Messieurs, à décider si une propriété dont la valeur est au moins de 400 millions, ne mérite pas une surveillance particulière, et si vous devez adopter légèrement les mesures qu’on vous propose, et dont l’effet inévitable sera d’en diminuer les produits et d’en dégrader la valeur d’une manière effrayaute. Votre comité des domaines aurait cru manquer à la confiance dont vous l’avez honoré s’il eût dissimulé les observations qu’il m’a chargé de soumettre à votre sagesse. Plusieurs membres sont ensuite entendus soit pour, soit contre l’avis du comité des domaines. L’Assemblée ferme la discussion. L’amendement du comité des domaines est rejeté. L’article 1er est ensuite mis aux voix et adopté. sans changement. M. Chasset, rapportent , lit les articles 2 et 3. Après quelques débats et quelques modifications de rédaction, ces articles sont adoptés en ces termes ; Art. 2. « Les baux à ferme ou à loyer passés publiquement et à l’enchère avant le 10 de ce mois, par les corps administratifs ou par les municipalités; seront exécutés suivant leur forme et teneur. » Art. 3. « Ceux qui auront été faits par les précédents détenteurs pour des biens ecclésiastiques suivant les règles établies par l’article 9 du titre l®*1 du décret du 14 mai dernier, concernant l’aliénation des biens nationaux, ou pour des biens d’apanage, suivant les règles établies par l’article 7 du décret du 13 août suivant, concernant les apanages, seront pareillement exécutés. L’Assemblée s’en remet au surplus à la prudence des directoires de département et de district, pour le maintien des baux à loyer des maisons d’habitations, faits sans fraude sous-seing privé dans les lieux où l’on était en usage de les passer ainsi. » (La séance est levée à 10 heures du soir.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du jeudi 7 octobre 1790, au matin. La séance est ouverte à 9 heures 1/2 du matin. M. Wielllard (de Saint-Lô), secrétaire, donüe lecture du procès-verbal de la veille au matin. 492 lÀssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 octobre 1790.) M. Bégouen, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance de la veille au soir. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. Castellanet : M. d’André vous a dit hier, en dénonçant un administrateur du département des Bouches-du-Rhône, qu’il régnait une division alarmante entre les gardes nationaux et la municipalité de Marseille. Cette vi lle jouit de la plus grande tranquillité, et c’est à tort qu’on voudrait l’accuser d’être dans une fermentation continuelle. Ce bruit trop acrédité ne peut être que le fruit d’une lettre écrite il y a quelques mois à l’Assemblée nationale par M. de La Tour-du-Pin. C’est dans cette lettre qu’il annonce que la municipalité et les habitants de Marseille s’opposent au départ du régiment de Vexin, dont le roi avait ordonné le déplacement. L’assertion du ministre est une imposture démentie par une adresse de ce régiment à l’Assemblée nationale. La municipalité vient de casser le commandant général de la garde nationale. Vingt-deux sections, sur vingt-quatre, ont été de cet avis; il n’y a point d’autres troubles à Marseille. M. d’André : Je demande acte de ce que vient de dire le préopinant. Il vous annonce que sur vingt-quatre sections, vingt-deuxont étéd’avi3que le commandant de la garde nationale devait être cassé, e�que la commune y avait consenti. Je dénonce ici cette commune pour être contrevenue au décret qui porte qu’il ne sera rien innové, quant à présent, au régime des gardes nationales. Je ne suis point ennemi de Marseille; mais je suis celui du désordre et de l’anarchie. Si l’on fait mention dans le procès-verbal de la réclamation de M. Castellanet, je demande aussi qu’on y fasse mention de ma réponse. M. Démennier, rapporteur du comité de Constitution, demande la parole pour présenter un projet de décret relatif à l’élection des commissaires de police de la ville de Paris. • Messieurs, par votre décret du 25 août dernier vous avez sursis à la nomination des juges de paix dans la ville de Paris, atin d’examiner si les commissaires de police pourraient en remplir les fonctions. Votre comité a pensé unanimement et de concert avec la députation de Paris, qu’on ne pouvait cumuler ces deux fonctions, sans de grands inconvénients. En conséquence, nous vous proposons le projet de décret dont je vais donner lecture : « L’Assemblée nationale déclare lever la suspension prononcée par le décret du 25 août dernier, et décrète, en conséquence, qu’il sera procédé sans délai à l’élection d’un commissaire de police dans chaque section de la ville de Paris, conformément à l’article 3 du titre IV du décret sur l’organisation de la municipalité de cette ville. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. Démeunier présente ensuite un second décret sur le mode de prestation de serment des nouveaux officiers municipaux et des notables de la ville de Paris . Ce décret est adopté ainsi qu’il suit : « Les officiers municipaux et les notables de la ville de Paris, nommés en exécution du décret du 3 mai dernier et jours suivants, prêteront, pour cette fois seulement, sur le perron de l’hôtel de ville, en présence de la municipalité provisoire, des deux cent quarante représentants provisoires de la commune, des quarante-huit présidents et commissaires actuels des sections et de la commune assistante, le serment ordonné par le décret du 14 décembre. « La formule sera lue par Je vice-président du conseil de ville actuel, et le procès-verbal de la prestation du serment sera rédigé par le secrétaire de la municipalité provisoire. » M. Démeunier continue et présente un troisième décret sur la compétence des corps administratifs en matière de grande voirie . Messieurs, il s’élève souvent des contestations entre les directoires et les municipalités. Une grande route traverse la ville de Gray, département de la Haute-Saône. Le directoire du département, en conséquence de votre décret qui attribue à ces administrations les matières de grande voirie a donné des ordres relatifs à l’alignement. La municipalité en a donné de son côté et elle a poursuivi le procureur général syndic devant le bailliage. Comme la môme conduite s’est manifestée dans plusieurs endroits votre comité vous propose d’y pourvoir par une disposition générale. M . de Delley-d’ A gier . En ne voulan t pas blesser les intérêts particuliers, l’intention de l’Assemblée n’est pas sans doute de faire souffrir l’intérêt général, en ménageant l’intérêt particulier. Il est absolument important pour le commerce que les chemins soient bons, faciles et courts; sans doute vous devez des égards aux propriétés, et c’est pour cela que je proposerai de décréter que les sacrifices particuliers seront amplement payés. M. le Président met aux voix le projet de décret du comité de Constitution. Il est adopté en ces termes : « Sur les contestations survenues en plusieurs lieux, et notamment entre le directoire du département de la Haute-Saône et de la municipalité de Gray, l’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, décrète ce qui suit ; « 1° L’administration en matière de grande voirie, attribuée aux corps administratifs par l’article 6 du titre XIV du décret sur l’organisation judiciaire, comprend, dans toute l’étendue du royaume, l’alignement des rues des villes, bourgs et villages qui servent de grandes routes; « 2° Conformément à l’article 6 de la section III du décret sur la constitution des assemblées administratives, et à l’article 13 du titre II sur l’organisation judiciaire, aucun administrateur ne peut être traduit dans les tribunaux, pour raison de ses fonctions publiques, à moins qu’il n’y ait été renvoyé par l’autorité supérieure, conformément aux lois. « 3° Les réclamations d’incompétence à l’égard des corps administratifs, ne sont, en aucun cas, du ressort des tribunaux; elles seront portées au roi, chef de l’administration générale; et, dans le cas où l’on prétendrait que les ministres de Sa Majesté auraient fait rendre une décision contraire aux lois, les plaintes seront adressées au Corps législatif. « Le roi sera prié de donner les ordres nécessaires pour l’exécution des différentes parties de ce décret, et l apport de la procédure commencée au bailliage de Gray, à l’occasion de i’unedes traverses de cette ville, pour être, sur ladite procédure, statué ce qu’il appartiendra. » M. Démeunier présente un quatrième décret