128 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 novembre 1789.] craintes que les négociants témoignent à l’Assemblée nationale sur la ruine totale du commerce de France, si on permet, dans un temps limité, l’introduction des bâtiments des Etats-Unis dans nos port d’amirauté. Je n’ai qu’un exemple à leur offrir pour les rassurer. Pendant les cinq années de la dernière guerre, tous les ports d’amirauté et autres ont été ouverts indistinctement à tous les bâtiments étrangers, même pour le cabotage ; eh bien ! cette permission, quia duré cinq ans, a-t-elle anéanti le commerce français? l’a-t-el!e frappé comme d 'un coup de tonnerre , pour me servir des expressions des négociants des ports de mer ! non sans doute. Eh! pourquoi donc une permission provisoire, limitée et bornée à la vente des farines nécessaires à la subsistance de la colonie, et au retour en denrées coloniales, pour l’objet seulement du payement de ces farines pourrait-elle frapper , aujourd’hui, d’un coup de tonnerre le commerce français? Les lois prohibitives, exercées même dans des temps delà plus grande calamité, seraient donc les seules barres électriques, les seuls paratonnerres qui pourraient préserver de la foudre l’édifice de ces trésors commerciaux. Un second exemple que MM. les négociants des ports de mer nous citent encore eux-mêmes, celui d’une pareille ordonnance à celle de MM. d'Ar-gout et de Vaivre, rendue en 1757 par M. le marquis de Vaudreuil et M. de la Porte-Lalanne, serait bien fait cependant pour dissiper toutes leurs craintes, et les réconcilier avec les députés de Saint-Domingue, qui se bornent à la demande d’unsimple provisoire pour les farines étrangères, et en reconnaissance de cetle justice qu’ils appelleront, s’ils veulent, un bienfait, ils déclarent renoncer en faveur de la mère patrie, qui se trouve elle-même dans un état de calamité, à la portion de subsistances qu’ils ont lieu d’attendre de sa bienveillance. Nota. MM. les députés du commerce, pour s’opposer au décret que sollicitent les députés de Saint-Domingue, attestent que l’ile de Saint-Domingue est abondamment pourvue de farines, que par conséquent ce décret devient inutile. MM. les députés de Saint-Domingue répondent qu’en admettant même l’exactitude et la vérité des états de subsistances fournis par messieurs du commerce, contre lesquels cependant ils protestent, ils doivent conclure tout au plus, et MM. les députés de Saint-Domingue concluent avec eux, que l’abondance des farines, sans doute étrangères, qu’ils annoncent, n’est due qu’à la sage ordonnance de M. du Chilleau, qu’elle en prouve même la nécessité ; donc il était déraisonnable et injuste d’en prononcer la cassation ; donc la prorogation en devient nécessaire; donc les députés de Saint-Domingue sont fondés à en solliciter la prorogation, puisque les besoins de la France ne lui permettent pas encore de fournir à ses colonies leur approvisionnement ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TIIOURET. Séance du vendredi 20 novembre 1789 (1). M. Salomon, l’un des secrétaires , donne lecture du procès-verbal des deux séances de la veille. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Il est ensuite fait lecture des adresses ci-après : Adresse de félicitations, remercîments et adhésion de la commune de la ville de Gusset en Auvergne. Adresse du conseil permanent de la ville de Nîmes. Il déclare qu’il s’opposera de tout son pouvoir à toute convocation d’Etats provinciaux et d’assemblée générale ou partielle qui ne serait pas faite conformément aux décrets de l’Assemblée. « S’il s’est élevé, dit le conseil permanent de Nîmes, des doutes injurieux à notre province, n’imputez pas à tout le Languedoc ce qu’a produit dans la ville de Toulouse l’intérêt bien connu de quelques privilégiés, tentative infructueuse repoussée par tous les bons citoyens. « Nous voyons avec plaisir et confiance le Roi et l’Assemblée nationale au milieu des braves Parisiens, qui trois fois ont soutenu l’édifice chancelant de la liberté, et qui, garants aujourd’hui de l’indépendance de nos assemblées, sauront respecter un dépôt que toutes les provinces surveillent. » Adresse de trois religieux de l’abbaye de Saint-Galais, bas Vendômois, qui approuvent l’abandon des biens de la congrégation de Saint-Maur, fait entre les mains de l’Assemblée nationale, sous les conditions d’une pension viagère de 1,800 livres à chacun des sujets, et de i’nabileté à posséder les bénéfices-cures et à remplir les chaires de l’enseignement public. Adresse du même genre, de cinq religieux de la même congrégation de l’abbaye de Saint-Flo-rent-le-Vieil. Adresses de félicitations, remercîments et adhésion de la ville de Flavigny, en Bourgogne; elle supplie l’Assemblée de s’occuper sans cesse de l’organisalion des assemblées provinciales et municipales, et de rédiger au plus tôt les lois interprétatives des arrêtés du 4 août. Délibération de la vallée d’Ossau, composée de dix-huit communautés en Béarn, contenant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale. Elle renonce en conséquence à tous ses droits, privilèges et exemptions particuliers, espérant néanmoins que la nation maintiendra dans leurs provinces, leurs coutumes pour ce qui regarde les droits successifs. Adresse de la communauté de Gaumont en Li-magne, renfermant l’adhésion la plus expresse à tous les décrets de l’Assemblée nationale. Adresse du même genre de la ville de Grisolles dans le haut Languedoc, qui demande une justice royale. Délibération des communautés de Saint-Bonnet-de-Galaure, Ghâteauneuf, Ratière et-Saint-Avit en Dauphiné, contenant une adhésion absolue aux décrets de l’Assemblée et une protestation formelle contre la convocation des Etats de la province, et du doublement fait par la commission intermédiaire. Délibération de l’assemblée municipale et électorale de la commune de Rouen, par laquelle elle improuve, de la manière la plus forte, l’arrêté de la chambre des vacations du parlement de Rouen, le regardant comme un attentat contre la nation, contre les habitants de la Normandie, que l’on a osé mettre en jeu dans un acte de cette importance, sans leur assentiment, et que l’on tente d’abuser en suggérant que des considérations de province doivent l’emporter sur le bonheur réel qui doit résulter, pour tout le royaume, d’un régime uniforme dans l’administration et l’ordre judiciaire.