[Assemblée nationale [ m ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 février 1791.] M. d’André. D’après le fait qui vient ü’être allégué par le préopinant, je demande que le projet de décret soit renvoyé au comité diplomatique, parce que nous prendrons connaissance de ce fait-là. (La discussion est fermée.) Le décret suivant est rendu : « L’Assemblée décrète que le comité de Constitution se réunira incessamment au comité diplomatique, pour proposer une loi sur l’extradition réciproque des prévenus de certains crimes, entre la France et les autres nations de l’Europe, et qu’en attendant, le roi sera supplié de donner les ordres les plus précis pour que les deux prisonniers détenus à Huningue, sur la réquisition et la dénonciation du ministre impérial, y soient soigneusement gardés, et que les scellés restent apposés sur leurs effets, et que toutes précautions soient prises contre le divertissement desdits effets, et contre l’évasion desdits détenus; se réservant l’Assemblée nationale de prononcer ultérieurement, tant sur la question en général, que sur ce fait particulier. » M. Dusers. Voici une lettre adressée à l’Assemblée nationale par la municipalité de Vannes, département du Morbihan : « Messieurs et très chers concitoyens, nous vous adressons une copie des procès-verbaux qui constatent les fatigues et les chagrins cuisants que nous avons essuyés dans la terrible journée du 13 de ce mois. « Nos cœurs sont encore déchirés d’avoir vu couler le sang de plusieurs malheureux citoyens séduits et trompés par ceux qui devaient les éclairer. Le fanatisme de nos prêtres est à son comble ; il leur faut des flots de sang et leurs vœux sont en partie exaucés; leurs menées sont exécrables. Nous avons épuisé tous les genres de sollicitations : rien n'a pu les émouvoir. Ce sont en général des cœurs de bronze ; l’humanité n’est rien pour eux, et leur seul désir est de nous plonger dans les horreurs d’une guerre civile. « Il serait trop long, Messieurs, de vous détailler tous les perfides moyens dont ils se servent pour abuser et égarer nos bons paysans. Entre tontes les noirceurs de ces horribles factieux, un prêtre furieux a renouvelé le forfait du cardinal de Lorraine, prêchant au nom d’un Dieu de paix le meurtre et Je carnage aux ligueurs qu’il envoyait pour assassiner l’amiral de Coligny. Dans une des paroisses révoltées, ce monstre à dit la messe avant le jour et a donné ensuite le crucifix à baiser à tous ces pauvres gens, qui partaient l’instant d’après pour venir nous égorger. ( Mouvement prolongé.) « Il persuadait à ce peuple égaré qu’il devait, en toute confiance, partir pour Vannes et venger par l’effusion de notre sang le ciel offensé, leur assurant qu’il pouvait nous assassiner sans péché. Heureusement que le zèle des bons citoyens a fait échouer cette tentative. « On procède actuellement à l’information de toutes ces atrocités; vous voyez qu’on voulait nous préparer à Vannes une seconde Saint-Barthélemy. Nous apprenons avec plaisir que le ministre de la guerre s’est enfin déterminé à envoyer des troupes dans noire département. « Nous devons des témoignages de reconnaissance au courage et à la bonne conduite de 150 soldats du régiment de Walsch et de leur respectable commandant, qui, après avoir sauvé de la mort les administrateurs de notre département, ont encore beaucoup contribué, dans la triste journée du 13, à préserver la ville d’une dévastation générale. Nous devons notre salut à ces généreux Irlandais et à 600 hommes de la garde nationale de Lorient, que le département avait eu la prudence de garder ici. « Nous sommes, avec un éternel attachement, Messieurs et chers concitoyens, les membres du corps municipal de Vannes, « Signé : DüVODAN, maire; Blanchat; etc... ». Messieurs, je demande et je supplie l’Assemblée, au nom de tous les députés de la ci-devant province de Bretagoe, et particulièrement au nom du département du Morbihan, que M. le Président soit chargé d’écrire aux gardes nationales de Vaunes et de Lorient, ainsi qu’au sieur Oriordan, commandant les deux compagnies du régiment irlandais de Walsch, en quartier à Vannes, pour témoigner à tous ces braves et généreux citoyens la satisfaction et les justes éloges qu’ils méritent pour avoir sauvé la ville de Vannes d’une dévastation générale, par leur bonne conduite, leur courage et leur patriotisme. (Cette motion est décrétée à l’unanimité.) M. Gaultier -Bianzat. Messieurs, M. de Bonnal, membre de cette Assemblée, ci-devant évêque de Clermont, avait fait répandre dans tout le département du Puy-de-Dôme, notamment dans les auberges de la ville de Clermont, l’assemblée des électeurs devant se faire dans cette ville, une lettre imprimée qui ne tendait à autre chose qu’à ce qu’on vient de vous annoncer de la part d’un autre département (1); mais heureusement elle n’a pas eu d’effet. Plusieurs membres à droite : Ce n’est pas vrai ! M. Gaultier-Biauzal. Cette lettre est imprimée; elle s’est vendue à votre porte. Le patriotisme de tout ce département ne s’est pas démenti. Les électeurs, indignés des procédés de leur ci-devant évêque, ayant reçu dans une de leurs séances un paquet Venant de lui, ont délibéré d'abord de ne pas le décacheter, et ont ensuite procédé à l’élection d’un autre évêque, qui est M. Perrier, prêtre de l’Oratoire, qui a été professeur de théologie pendant vingt ans, qui était actuellement supérieur de la maison d’Effiat, homme digne, par ses vertus, de remplacer celui qui avait voulu causer des malheurs à son diocèse. (Vifs applaudissements à gauche . Rumeurs à droite .) M. d’Aubergeon de Marinais. Je demande que la lettre de M. de Bonnal, ancien évêque de Clermont, soit lue; si elle contient les faits que vient d’annoncer M. Biauzat, sans doute elle est punissable; mais s’ils ne s’y trouvent pas, il est juste que celui qui les avance dans cette Assemblée soit puni aussi. Je prie l’Assemblée de considérer combien il est attentatoire à la réputation de M. l’évêque de Clermont de. . . Voix nombreuses à gauche: L’ordre du jour! ( Rumeurs violentes à droite.) (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) (1) Voyez ce document aux annexes de la séance. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1791. J 285 M. Foacaalt-Eardlmalie. C’est l’usage reçu, quand on calomnie quelqu’un, de pas-er immédiatement après à l’ordre du jour ; il n’est pas surprenant que cela arrive pour un homme autant au-dessus de la calomnie de M. Biauzat que l’est M. l’évêque de Clermont. M. d’Aubergeon de Marinais. Je somme en mon nom M. de Biauzat de lire cette lettre, parce qu’il est impossible qu’un pareil fait reste impuni. M. Varia. L’écrit que M. Biauzat vient de dénoncer se distribue aux portes de cette salle. L’Assemblée n’a pas besoin d’en entendre la lecture pour savoir quelles sont les intentions qui l’ont dicté : elle connaît très bien M. de Bonnal. M. d’Aubergeon de Murinais. Les propos de M. Biauzat n’ont pour but que d’exciter les esprits. M. Daval d’Epréiuesnil. Depuis assez longtemps la calomnie a infecté cette Assemblée; je demande la lecture de la lettre de M. de Bonnal. M. Gaultier-Biauzat. Elle est connue ; on la disliibue à la porte de la salle. M. de Aillebanuais. J’en demande la lecture. M. Oaultier-Biaazai. Je vais la chercher. M. Eavie. L’Assemblée ne doit pas souiller ses séances de la lecture de ces libelles; elle a décrété que l’on passerait à l’ordre du jour : on doit y passer. M. Gaultier-Biauzat rapporte un exemplaire de la lettre et la dépose sur le bureau. Plusieurs membres à droite : Il n’ose pas la lire ! (L’incident est clos.) M. le Président. L’ordre du jour est la discussion sur les moyens de pourvoir aux dépenses de\m. M. de La Bochefoucauid , rapporteur du comité des contributions publiques. Messieurs, votre comité des contributions publiques vous a déjà présenté, le 6 décembre dernier, le tableau des moyens par lesquels il vous proposait de pourvoir aux besoins de l’année 1791; celui des dépenses que vous avez maintenant sous les yeux, et dont vous avez adopté les bases, apportera peu de changements aux mesures qui vous avaient été soumises ; mais votre comité va vous parler avec plus d’assurance, puisqu’il partira de points déterminés par vous-mêmes. Depuis son premier rapport, vous avez décrété le tarif des douanes, le timbre et les patentes, vous avez déclaré que vous ne vouliez point établir de taxe sur le cru, l’enlèvement ni la circulation des vins et autres boissons, vous avez rendu libres la culture du tabac, la fabrication et le débit du tabac, et l’examen du rapport et des états du comité des finances l’a mis à portée de diriger ses combinaisons, de manière à vous présenter des ressources proportionnées à la somme des besoiiio devenue un peu plus forte que les premiers calculs ne l’avaient donnée; il a donc revu tout son travail, et si le comité des finances a eu l’attention de porter les besoins à leur plus grande hauteur, le comité des contributions publiques au contraire vous présente les ressources sans exagération. Il a tâché de les réduire au moindre nombre possible, persuadé qu’en fait de contributions comme en toute autre matière, le système le moins compliqué est toujours préférable, et que la multiplicité des taxes produit encore peut-être plus de vexations que leur quotité. D’ailleurs, toujours pénétré de vos principes, il n’a point oublié que si vous avez supprimé la gabelle et les aides, si vous avez renoncé au produit que fournissait sous l’ancien régime le droit sur les cuirs, les fers et le tabac, ce n’a pas été pour substituer à ces impositions désastreuses des contributions ou des taxes qui exigeassent les mêmes moyens de perception. Il a fallu cependant en chercher d’indirectes, car l’immensité de vos besoins ne vous permettrait pas d’obtenir immédiatement des contribuables les sommes nécessaires pour y subvenir. Le régime vicieux auquel nous succédons avait accumulé les dépenses et tari les sources véritables des revenus : le temps seul, aidé d’un meilleur ordre, pourra faire renaître les richesses, et, rétablissant leur cours naturel, rendra possible la simplification du système des contributions; c’est à vos successeurs, plus heureux que vous, qu’il appartiendra d’exécuter ce que vous ne pouvez pas faire aujourd’hui. Mais le choix de vos ressources est très borné, car presque toutes les impositions indirectes out besoin, pour leur perception, des visites domiciliaires, et vous les avez proscrites; vous avez voulu que la demeure des citoyens fût un sanctuaire impénétrable auxagents du fisc; et quoique la tâche que vous avez imposée à votre comité en soit devenue plus pénible, il applaudit avec joie aux décrets salutaires qui ont aboli toutes les inventions funestes du régime financier. Il a seulement cru nécessaire de vous rappeler vos principes, avant de vous soumettre le dernier résultat de ses travaux. Le décret que vous avez rendu hier a fixé les dépenses du Trésor public pour la présente année à 584,700,000 livres, et celles des départements à 56,300,000 livres, ce qui forme un total de 641 millions delivres.Mais,parun décret antérieur, vous avez ordonné que la caisse de l’extraordinaire fournirait au Trésor public 60 millions de livres pour tenir lieu des revenus des domaines nationaux qu’elle percevra : c’est donc seulement 581 millions de livres pour lesquels votre comité des contributions publiques doit vous fournir des moyens (1). Il ne vous proposera pas encore la distinction des parties de contributions qui seront affectées aux dépenses des départements; elle se fera très facilement, lorsque vous aurez arrêté l’ensemble. Mais avant de vous mettre sous les yeux ce qui doit résulter des perceptions, il commencera par vous présenter : 1° Le produit des forêts domaniales qu’il avait évalué trop haut à 20 millions de livres dans son premier rapport, mais qu’il porte sans crainte (1) On voit bien que les 581 millions de livre* comprennent la totalité des moyens à fournir, tant pour le Trésor public que pour les départements.