[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 octobre 1789.] 237 yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans au ire distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen, appelé ou saisi en vertu de la loi, doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance. Art. 8. La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur, qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la loi. Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi. Art. 12. La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. Art. 13. Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. Art. 14. Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. Art. 15. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. Art. 16. Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. Art. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. ARTICLES DE CONSTITUTION. Art. 1er. Tous les pouvoirs émanent essentiellement de la nation, et ne peuvent émaner que d’elle. Art. 2. Le gouvernement français est monarchique : il n’y a point en France d’autorité supérieure à la loi ; le Roi ne règne que par elle ; et ce n’est qu’en vertu des lois qu’il peut exiger l’obéissance. Art. 3. L’Assemblée nationale a reconnu et déclaré, comme points fondamentaux de la monarchie française, que la personne du Roi est inviolable et sacrée; que le Trône est indivisible; que la couronne est héréditaire dans la race régnante, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l’exclusion perpétuelle et absolue des femmes et de leurs descendances, sans entendre rien préjuger sur l’effet des renonciations. Art. 4. L’Assemblée nationale sera permanente. Art. 5. L’Assemblée nationale ne sera composée que d’une Chambre. Art. 6. Chaque législature sera de deux ans. Art. 7. Le renouvellement des membres de chaque législature sera fait en totalité. Art. 8. Le pouvoir législatif réside dans l’Assemblée nationale, qui l’exercera ainsi qu’il suit : Art. 9. Aucun acte du Corps législatif ne pourra être considéré comme loi, s’il n’est fait par les représentants de la nation librement et légalement élus, et s’il n’est sanctionné par le monarque. Art. 10. Le Roi peut refuser son consentement aux actes du Corps législatif. Art. 11. Dans le cas où le Roi refusera son consentement, ce refus ne sera que suspensif. Art. 12. Le refus suspensif du Roi cessera à la seconde des législatures qui suivront celle qui aura proposé la loi. Art. 13. Le Roi peut inviter l’Assemblée nationale à prendre un objet en considération, mais la proposition des lois appartient exclusivement aux représentants de la nation. Art. 14. La création et suppression des offices ne pourront avoir lieu qu’en exécution d’un acte du Corps législatif, sanctionné par le Roi. Art. 15. Aucun impôt ou contribution, en nature ou en argent, ne peut être levé; aucun emprunt, direct et indirect, ne peut être fait autrement que par un décret exprès de l’Assemblée des représentants de la nation. Art. 16. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans la main du Roi. Art. 17. Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire, mais seulement des proclamations conformes aux lois pour en ordonner ou en rappeler l’observation. Art. 18. Les ministres et les autres agents du pouvoir exécutif sont responsables de l’emploi des fonds de leur département, ainsi que de toutes les infractions qu’ils pourront commettre envers les lois, quels que soient les ordres qu’ils aient reçus : mais aucun ordre du Roi ne pourra être exécuté s’il n’a pas été signé par Sa Majesté, et contresigné par un secrétaire d’État, ou par l’ordonnateur du département. Art. 19. Le pouvoir judiciaire ne pourra, en aucun cas, être exercé par le Roi, ni par le Corps législatif, mais la justice sera administrée au nom du Roi par les seuls tribunaux établis par la loi, suivant les principes de la Constitution, et selon les formes déterminées par la loi. M. le Président se retire par devers le Roi pour présenter la totalité des articles à l’acceptation de Sa Majesté. Aux ternies du règlement, il est remplacé par M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre, dernier président. L’Assemblée reprend la suite de son ordre du jour concernant le projet de décret du comité des finances. M. Pétion de Villeneuve. Il est important de discuter la rédaction qui vient de vous être présentée, et qui est absolument conforme à celle qui vous a été lue par le ministre ; votre comité n’y a fait d’autre changement que de transformer en articles ce qui en formait le préambule. J’observe qu’il est impossible que la mémoire des membres de cette Assemblée les serve assez bien, pour qu’ils fassent les observations que leur sagesse pourrait leur inspirer après un examen réfléchi : je demande donc l’impression de cette rédaction, sous le titre de projet ; par ce moyen, le peuple ne pourra pas tomber dans les erreurs qu’un des préopinants a paru redouter. M. Robespierre. J’appuie la dernière observation de M. Pétion de Villeneuve, et je pense que l’Assemblée, d’après le décret qu’elle a prononcé hier, ne peut délibérer sur la rédaction qui vient de lui être soumise qu’après que le Roi aura accepté la déclaration des droits, et les ar-