366 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquier.] usages, privilèges et droits, desquels ils ont toujours joui sous la domination des comtes de Provence, des princes de Piémont, et depuis qu’ils ont eu le bonheur d’être réunis de nouveau à la Provence, en passant sous la domination du Roi de France par le traité d’Utrech. 3° Que leur portion congrue suffit à peine pour leur bien médiocre alimentation, et ne leur permet pas de venir au secours de la classe indi-ente de leurs paroissiens, et supplient Sa Majesté e continuer à tendre une main paternelle à cette partie intéressante de ses sujets. 4° Que, par un abus général glissé dans cette vallée, les jours de dimanches et fêtes sont profanés, et ont recours à Votre Majesté pour renouveler et mettre en vigueur les ordonnances et règlements faits à ce sujet, de faire cesser en ces jours tous travaux publics, tout négoce, et de protéger par ces sages lois la religion en qualité ae Roi Très-Chrétien. 5° Que le casuel usité dans les paroisses avilit l’état ecclésiastique et pèse sur la classe inférieure de leurs ouailles, et qu’en assignant un revenu fixe pour y suppléer, Sa Majesté fournirait aux ministres de l’autel un moyen de subsistance plus conforme à la décence de leur état. 6° Que dans la paroisse de Barcelonnette, les assemblées paroissiales sont présidées et autorisées par les magistrats et officiers municipaux, contre les usages de tout le royaume ; le curé demande de les présider lui-même pour épargner des frais à son peuple. 7° Que dans cette même paroisse, composée de trois mille âmes, il n’y a qU’un vicaire réduit au revenu de 200 livres, provenant de deux chapelles réunies ; le suppliant réclame que son vicaire soit traité comme ses confrères, conformément à la déclaration du Roi, ou qu’il y soit mis quelque nouveau bénéfice qu’il indiquera dans sa pa roisse. 8° Enfin le clergé de la vallée de Barcelonnette assure le Roi que l’objet de ses vœux les plus ardents est le maintien de son autorité ; que Dieu daigne l’éclairer, avec ceux que la confiance des peuples conduira à ses pieds pour l’aider de leurs conseils, et qu’ils ne trouvent aucun obstacle à ses vues de bienfaisance. Lecture faite dans l’assemblée des présentes doléances, 'elles ont étéradoptéespar les soussignés. Signé J au froid, curé ; Gatinel, curé ; üonnaud, curé; Tirau, prieur-curé; Allair, prêtre, curé; Gastenel, curé; Reynaud, curé; Grores, curé; Audiffred, curé ; Billy, vicaire ; Pascalis, prêtre , curé de Revel ; Jombert, vicaire perpétuel ; Audif-fred, prêtre; Falsque, prêtre; Jubert , prêtre; Lainé, bénéficier; Coltotaur, prêtre bénéficier; Arnauld, prêtre; Colomb, bénéficier; Jauffred, secrétaire; Rinier, curé de Barcelonnette, président de l’assemblée A l’original est écrit : Après avoir signé, les curés de la susdite assemblée ont prié M. le président de remettre le présent cahier àM. lepréfet, qui aura la bonté de le faire parvenir à M. le sénéchal qui présidera l’assemblée de Forcalquier, auquel ils observent que la moitié des curés n’a pu comparaître que par des représentants à raison de la grande quantité de neige et impraticabilité des chemins. Par cette raison, et la proximité du temps pascal, qui exige leur présence dans leurs paroisses, ils n’ont pu faire des dépenses, et supplient M. le sénéchal d’approuver la légitimité de leurs raisons, et de faire attention à leur présent cahier signé par nous et notre secrétaire. Signé Rinier, curé de Barcelonnette, président, et Jauffred, secrétaire. Paraphé ne varietur, l'assemblée tenant à Barcelonnette le 3 avril 1789. Signé Curault et Donnaud, greffier. RÉDACTION DES CAHIERS DE DOLÉANCES Du tiers-état de la ville et communauté de la, vallée de Barcelonnette , composant P arrondissement de la préfecture (t). Sire, Quel sentiment délicieux de penser que nous touchons au moment où le souverain va s’entourer de ses sujets, de ses enfants, pour poser, de concert avec eux, les bases de la félicité publique; qu’il va régénérer l’Etat et rappeler par une constitution solide les siècles fortunés du gouvernement patriarcal! Un monarque que la sollicitude du bien public prive du calme et de la tranquillité, qui ne peut se promettre de les recouvrer que par le remède aux maux de l’Etat et la réforme des abus en tout genre, et dans toutes les parties de l’administration, qui ne fait consister le droit des rois qu’à rendre les hommes heureux, qui ne compte ses jours que par les actes de sa justice, commande l’amour et la reconnaissance; il mérite le sacrifice de nos biens et de nos vies. Si Louis XII, si Henri IV sont encore aujourd’hui l’idole des Français par le souvenir de leurs bontés paternelles, Louis XVI, Louis le Bienfaisant, en est le Dieu; l’histoire le proposera pour le modèle des rois dans tous les pays et dans tous les siècles. Qu’il est beau , qu’il est grand et qu’il est consolant de se peindre un Roi allant au-devant de tous ses sujets pénétrés par son amour jusqu’aux régions les plus reculées, les interroger sur leurs besoins , écouter favorablement leurs avis sur tout ce qui peut intéresser leur bonheur! Le temps est enfin arrivé, où il est permis de développer sans crainte ses maux, d’en indiquer et d’en attendre le remède. SITUATION GÉOGRAPHIQUE DE LA VALLÉE DE BARCELONNETTE. Si, par sa situation, la vallée de Barcelonnette est un pays important à l’Etat, si les montagnes escarpées offrent à la France une clef sûre contre les entreprises de ses ennemis et une porte facile pour s’introduire dans l’Italie, elle n’est pour les habitants qui la cultivent qu’une marâtre qui refuse à leurs sueurs des productions pour les nourrir. Des torrents fort nombreux tant au nord qu’au midi, des vallons ne présentent à la vue que des espaces dévastés par leurs débordements. La rivière d’Hubaye dévaste à son tour tout le pays plat qu’elle parcourt, elle y dépose le gravier quelle reçoit des torrents, et des Versements journaliers enlèvent à la culture le sol le plus productif. Les eaux de filtration que la rivière d’Hubaye fixe dans la ville de Barcelonnette et à Jausiers, dont la situation est la même, y causent des dommages considérables et infectent l’air que les habitants y respirent. D’après ce tableau, il est inutile d’observer que dans cette vallée les habitants ne peuvent mettre en culture que la mi-côte des montagnes' et quel-(1) Nous publions ces pièces d’après up manuscrit des Archives de VEmpire. [États gén. 1789. Cahiers. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquiar.] 367 ques coins de terre éloignés des torrents et de la rivière d’Hubaye. SES PRODUCTIONS. Les productions de la vallée ne peuvent être considérables ; son sol froid, stérile et couvert de neige pendant plus de six mois de l’année, ne donne dans certaines parties que de l’orge et de l’avoine, dans d’autres du seigle, et dans les plus favorisées fort peu de froment. Ces productions en grains suffisent à peine pour nourrir nos habitants six mois de l’année, et @e qui manque à ce premier besoin, de même que pour l’acnat du vin, huile, savon, toile, phanvre, fer, sel, dont les frais de transport, qui ne peut être fait qu’à dos de mulets, augmentent considérablement le prix, etc., etc., etc. , ils ne peuvent y suppléer que par le produit de leurs foins et des herbages que donnent des montagnes qui ne sont accessibles qu’aux troupeaux. Des milliers de moutons viennent de la basse Provence, pour pâturer nos montagnes quelques mois de l’été. Ils nous apportent un revenu qui sert à acquitter une faible partie de nos impositions. Ces troupeaux nous donnent de plus un engrais sans lequel nos terres seraient bientôt absolument stériles. Nos habitants nourrissent de leurs foins, pendant huit mois de l’année, des troupeaux de brebis et de moutons; les laines qu’ils en retirent occupent leurs bras pendant l’hiver, soit à filer, soit à fabriquer des draps de cadis, qu’ils font ensuite passer en très grande partie à l'étranger. Mais cette ressourcé, qui est unique, ne peut suffire à tous nos besoins ; nous n’avons ni suffisamment de laines pour occuper tous les bras, ni suffisamment de blé pour nourrir tous nos habitants, et une grande partie est nécessitée de se répandre sur toute l’Europe, pour s’y procurer une subsistance qu’ils ne peuvent trouver chez eux. Plus le produit des foins et des herbages devient d’absolue nécessité aux habitants de la vallée, plus l’Etat doit être attentif à favoriser cette partie de production, qui est encore loin du niveau de ses besoins, et elle ne peut l’être utilement, si l’Etqt ne donne à nos habitants le sel nécessaire aux troupeaux qui pâturent les montagnes, pendant l’été, et qui pendant les huit mois d’hiver sont nourris à sec. C’est au don gratuit du sel que tient l'existence de cette vallée ; elle a successivement passé sous plusieurs dominations, et il n’en est aucune qui ne l’ait formellement reconnu. En 1696, le prince de Piémont crut pouvoir augmenter d’un sou la livre le prix du sel dans le comté de Nice. Mais loin de faire supporter à la vallée de Barcelonnette cette augmentation, Son Altesse Royale, instruite de la situation, en diminua le prix d’un liard. En 1713 cette vallée étant de nouveau revenue à ses premiers maîtres, M. d’Argenvilliers proposa au gouvernement de porter le prix du sel à 10 livres le minot; mais M. de Grandval, doyen des fermiers généraux , chargé d’examiner cette partie, après avoir vu, parcouru et reconnu la vallée, prouva : 1° Que dans le pays ce ne sont pas les hommes, mais les bestiaux qui font la consommation du sel ; 2° Que le sel est d’absolue nécessité pour les troupeaux de Provence qui viennent pâturer nos montagnes et pour ceux qui consomment nos four-eS; 0 Que ce n’est qu’àutânt qu’on leur en donne abondamment que les bergers de Provence ramènent leurs troupeaux en bon état dans la basse Provence ; que ce n’est qu’autant qu’on leur en donne abondamment, que les ménagers peuvent exciter les leurs à manger le foin à sec ; 4° Enfin, qu’augmenter le prix du sel, c’est nuire tout à la fois aux bergers de la basse Provence et à nos laboureurs. C’est écarter ceux-là de nos montagnes, et nuire à l’espèce; c’est priver ceux-ci d’un profit nécessaire, pour l’acquittement de leurs impôts, d’un engrais sans lequel leurs moissons deviendraient nulles, et les forcer à des émigrations toujours nuisibles à l’Etat. C’est d’après ces informations que Sa Majesté, par sa déclaration du 21 février 1716, article 14, fixa à 16 deniers le prix du sel dans cette vallée. En 1744 les circonstances de la guerre ayant considérablement renchéri les frais de transport, les fermiers généraux se refusèrent à la fourniture, sur le fondement que les 6 livres 13 sous 4 deniers auxquels était fixé le prix du minot de sel ne suffiraient point aux frais du transport et de régie, et que Pexcédant devait être supporté par les habitants. La vallée, déterminée par des motifs de justice, se soumit au payement ae cet excédant par sa délibération du 17 février, qui fut approuvée par M. Ory, contrôleur général, par la lettre qu’il écrivit à monseigneur l’intendant le 30 mars en çes termes ; « Je pense, dit le ministre, que s’il est nécessaire de payer un excédant de prix de voiture au delà de 6 livres que les fermiers généraux veulent bien payer, cet excédant doit être payé par les habitants, puisque le sel est pour leur consommation nécessaire; ainsi je vous prie d’en instruire les consuls de Barcelonnette pour qu’ils fassent à cet égard exécuter leurs délibérations. » Les précautions que la vallée a prises pour la conservation de sa franchise, en chargeant ses administrateurs de faire tous les six mois la vérification des personnes et des bestiaux de chaque propriétaire, df’en donner le dénombrement, d’assujettir les particuliers à.donner unë déclaration des augmentations et des diminutions accidentelles, la petite quantité dé sel d’absolue nécessité à laquelle on s’est borné, l’intérêt qu’a l’habitant d’en faire lui-même la consommation ; L’obligation que la vallée à contractée de payer l’amende pour tous faux sauniers insolvables, la récompense assurée aux délateurs, tout cela fait que le fraudeur a autant d’accusateurs que d’habitants, que le sel est sous la sauvegarde publique, et l’on peut assurer avec vérité que la contrebande est nulle. Tout concourait donc à assurer à nos habitants que jamais aucune augmentation ne frapperait à l’égard de là vallée sur le prix du sel ; néanmoins, par dés progressions successives et par divers impôts additionnels des sous pour livre sur l’impôt principal, le prix du sel a été augmenté du tiers. Cette vallée n’a cessé de réclamer contre les augmentations additionnelles; elle à toujours prouvé que c’était attaquer les principes de son existence ; qu’il n’y avait pas lieu à l’impôt additionnel, parce qu’il n'y avait pas d’impôt principal ; que ce pays ne devait que les frais de transport et de manipulation ; que les Etats de 1760, 1763 et 1771 ne pouvaient nous* concerner qu’à l’instar de la ville d’Arles, sur qui ne frappe pas cet impôt additionnel, parce qu’elle à un sel gratuit, cette vallée ne devait pas payer les sous 368 (États géu. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Sénéchaussée de Forealquier.j pour livre!; mais nos réclamations n’ont encore pu procurer à la vallée le redressement que sa pauvreté ne lui a jamais permis de solliciter par une députation directe. SUBSIDES. Dans les derniers temps que cette vallée se trouvait sous la domination des ducs de Savoie, Son Altesse Royale, voulant connaître et exiger tout ce qu’elle pouvait en retirer, envoya des commissaires pour mesurer l’étendue de nos terres et faire l’estimation exacte de tous les biens des communautés qui la composent. L’opération fut faite avec la plus grande rigueur, et Son Altesse Royale donna ensuite, le 15 janvier 1702, un édit qui fixa pour toujours ce que chaque communauté devait payer pour taille. Cette fixation a été adoptée après notre réunion à la couronne, par la déclaration de 1716. Avant notre réunion, cette vallée payait, outre les tailles, quelques sommes peu importantes sous la dénomination d’albergues et cavalcades. L’insinuation des actes établis en 1610 plutôt en considération de l’intérêt public que dans la vue de faire un revenu au souverain, coûtait à la vallée environ 1,500 livres. L’établissement de l’insinuation, vraiment utile en ce qu’elle réunissait dans trois archives tous les actes de famille tjeçus par les notaires de la vallée, pour les transmettre en forme probante et en leur entier à la postérité, a été remplacé par l’établissement du contrôle vraiment utile pour les finances, mais ruineux par les vexations des commis qui en sont inséparables, et inutiles pour transmettre aux siècles futurs les actes sur lesquels on a perçu les droits. Si l’insinuation coûtait à la vallée, avant 1702, 1,500 livres, le contrôle des actes lui coûte depuis au delà de 16,000 livres. Or, si avant 1702 ce pays payait pour subsides tout ce qu’il pouvait payer, quelle doit être sa situation après avoir payé pendant longues années un impôt si considérable ? Le contrôle n’est pas le seul impôt qui ait frappé le pays depuis sa réunion à la couronne; la capitation, les vingtièmes, sont des objets non moins importants; l’augmentation sur le sel coûte à la vallée au delà de 16,000 livres. Si nous comparons ce que la vallée paye maintenant avec ce quelle payait en 1716, nous trouvons que l’impôt s’est plus que quadruplé, et si nous y joignons encore les intérêts de 400,000 livres en principal, poiy des emprunts que les anciennes guerres l’avaient forcée de contracter, le payement de nos officiers de justice et nos charges locales, on ne peut qu’être étonné de voir que la vallée qui perçoit si peu puisse tant payer; sa ressource est dans l’activité de ses habitants, dans leur frugalité, qu’ils poussent jusqu’à ne consommer dans leurs familles que ce qu’ils ne peuvent convertir en argent. Mais cette ressource est affaiblie à tel point que la vallée s’est vue dans l’impuissance de venir au secours du collège (établissement le plus utile et le plus cher à ses habitants), et lorsque le supérieur du collège a voulu les y forcer, voici quelle a été la réponse de l’intendant de Provence, par sa lettre du 3 septembre 1762 : « 11 paraît, dit-il, que la maison aurait besoin de secours; mais les communautés de la vallée sont si chargées d’impositions, elles ont tant de peine à les acquitter, que ce serait les plonger dans un dérangement total que de les soumettre à y contribuer. » Les pauvres habitants de cette vallée ne peuvent payer leurs impositions, que du produit des ventes qu’ils font dans l’automne, de quelques draps grossiers et de quelques bêtes à laine; aussi nos impositions ne sont-elles jamais versées dans la caisse du receveur général des terres adjacentes qu’en novembre et en décembre ; sur ce retard le receveur fait supporter des intérêts à 6 1/4 p. 0/0 qui font une surcharge pour le pays. Si l’Etat fâcheux des finances fait que les habitants de cette vallée n’osent espérer un soulagement d’impôt, ils croient du moins pouvoir se permettre de supplier Sa Majesté d’ordonner qu’ils ne seront tenus ae verser leurs impositions dans la caisse du receveur qu a la fin de chaque année; et que celui-ci n’ait à prétendre aucuns intérêts. La vallée a longtemps joui de l’exemption des contrôles. Plusieurs contrées plus fortunées sont en possession de cette immunité; pourquoi la vallée, excessivement pauvre, n’y serait-elle pas rétablie? Si cependant, malgré la promesse solennelle contenue dans le traité d’Utreçht de nous maintenir dans nos anciens usages et privilèges, il n’était pas permis aux habitants de l’espérer, ils osent du moins supplier Sa Majesté d’ordonner un nouveau tarif, qui donne aux commis moins d’arbitraire et de sujet de vexation, qui range les sujets de cette vallée dans les dernières classes que leur pauvreté indique, et que les commis leur contestent pour leur intérêt particulier; et qu’enfm Sa Majesté veuille bien encore ordonner ue la perception des droits de contrôle soit gra-uelle et relative à toute somme indéfinimént, sans mettre au plus grand droit un terme qui fait retomber l’impôt sur la classe la plus indigente des citoyens, et met l’achat le plus considérable presque au niveau du plus médiocre. Quoique ce pays ne connaisse point de fief, quoique tous les habitants aient toujours individuellement concouru à l’impôt, à la réserve de quelques fonds ecclésiastiques de la plus petite considération, quoique nous ne puissions attendre aucun adoucissement de l’extinction des exemptions locales, cependant, dans le malheureux état des finances, notre zèle et notre patriotisme ne connaîtront d'autres bornes que notre impuissance absolue. ADMINISTRATION DE LA JUSTICE. Pour bien connaître ce que sont nos tribunaux de justice, actuels il faut commencer par connaître ce qu’ils ont été et ce qu’ils doivent être. La vallée de Barcelonnette, connue dans l’antiquité sous le nom de Hautes-Montagnes, ouTerres-Neuves de Provence, se donna volontairement, en 1231, à Raymond Bérenger, comte de Provence. L’acte de concession, passé entre les peuples et le nouveau souverain, leur réserva le droit naturel d’élire ses juges et de se gouverner suivants leurs coutumes et statuts. C’est en force de ce droit que chaque communauté se nommait annuellement un juge, dénommé baile, pour connaître de toutes les causes personnelles, réelles et mixtes des habitants de la communauté. Toutes les communautés réunies nommaient en corps de vallée un juge, dénommé juge de la vallée, qui connaissait des affaires de tout l’arrondissement, et se trouvait en concours avec tous les bailes pour les causes civiles. En 1611, dans la nécessité de rapprocher le second degré de juridiction, les peuples de la vallée demandèrent a Emmanuel II, duc de Savoie, l’établissement d’une préfecture, aux offres de fËtatsgén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Sénéchaussée de Forcalqaier.] 369 loger et de payer les honoraires du préfet, avec attribution de la connaissance de l’appel des sentences du baile de chaque communauté, et du juge de la vallée, et des affaires criminelles en concours avec le dernier juge. En 1697, Victor-Amédée, pour subvenir à des besoins urgents, voulut inféoder et aliéner les terres et juridictions de cette vallée; déjà il avait disposé despaysdel’Arche-Mironne et de Jausiers. Les peuples de la vallée implorèrent la protection du Roi, successeur de Louis XIII, qui les avait cédés au duc de Savoie; ils invoquèrent les traités, les concessions si souvent et si solennellement confirmées par tous les princes à qui ils avaient successivement appartenu, soit par le sort des armes, soit par l’effet des traités. Le roi interposa sa puissante médiation, et par un édit du 29 juillet 1700, le duc de Savoie reconnut et consacra à perpétuité les privilèges de la vallée. Voici les principales dispositions de cette loi importante relativement à radministra-tion de la justice. Elle dit : Nous ordonnons audit vicariat des lieux susdits que le préfet soit changé de trois ans en trois ans, et le terme expiré, les préfets, qui seront élus de temps à autre, ne pourront être confirmés par grâce spéciale de nous et de nos successeurs ni à autre titre, même onéreux, et de plus leur exercice étant fini, ils seront tenus de rendre leur syndicat; comme aussi que, dorénavant, les préfets ne pourront être natifs dudit vicariat et lieux susdits, ni même avoir eu auparavant leur domicile dans les mêmes terres. Ces droits et les privilèges ont été solennellement reconnus, lors de notre réunion à la couronne, par les articles 5 et 19 de l’arrêt du conseil, du 7 janvier 1710, portant règlement pour les juridictions de cette vallée. Le privilège de faire renouveler tous les trois ans le préfet, qui, dans cette vallée, devait former le second degré de juridiction, parut si étroitement lié aux intérêts de cette vallée, que par une délibération du conseil général, du 11 avril 1718, nos pères arrêtèrent que là où quelque préfet viendrait à obtenir des lettres de confirmation pour un second triennium , il y serait formé opposition pour en réclamer la révocation. Les préfets nommés par Sa Majesté n’ont jamais obtenu des brevets pour un exercice de plus de trois années. 11 est parfois arrivé que le premier consul de Barcelonnette à pris sur lui-même de demander au nom des peuples une prorogation pour un second triennium, et d’avoir obtenu quelquefois jusqu’à deux coofirmations, comme conformes aux réclamations du pays; mais les communautés de cette vallée ne tardèrent pas de reconnaître l’abus de ces demandes clandestines, souvent opposées au vœu général, et elles ont arrêté, dans les différentes délibérations, de prier le gouverneur de la Provence, qui présente à la place de préfet, de n’ayoir aucun égard aux confirmations qui ne lui seront demandées que par quelques particuliers. Les confirmations réitérées, malgré les vœux et les représentations de la vallée, l’ont mise dans le cas, pour se maintenir dans un privilège d’autant plus essentiel qu’il tient à l’intérêt public et à sa constitution, de porter ses réclamations aux pieds du trône, lorsque des lettres patentes du 10 novembre 1787, sollicitées à l’insu du pays, et dont l’ambiguïté a déjà été la source de plusieurs procès, lui ont supprimé ses bailes et son premier juge. Par l’effet de ces lettres patentes, dix tribunaux, lre Série, T, III. où la justice se rendait à peu de frais, sont supprimés, et leur juridiction réunie au tribunal d’appel où les frais sont trois fois plus considérables, et le tribunal si important n’est rempli que par un seul magistrat qui est l’arbitre des biens, de l’honneur et de la vie de tout un peuple. Les lettres patentes ne présentent qu’une sur prise faite au plus juste des souverains. La justice, dans cette vallée, est le patrimoine do ses habitants; Pacte de concession passé avec Ray mond Bérenger, comte de Provencej en 1231, le prouve, et tous les souverains qui depuis ont possédé cette vallée l’ont formellement reconnu , Le tribunal de la judicature a été supprimé sur le motif que, d’après les dispositions de l’édit de 1749, il ne pouvait y avoir de justice royale là où il y avait un siège ; mais le juge de la vallée n’est pas un juge royal, le Roi n’a jamais nommé, c’est au contraire la vallée qui le nommait chaque année;il ne pouvait conséquemment être supprimé. La vallée se serait fondée à réclamer contre les lettres patentes avec pleine confiance de les faire révoquer; mais elle a cru qu’elle devait plus sol liciter encore. Depuis longtemps elle a fait la triste expérience qu’un tribunal qui n’est rempli que par un seul juge n’a rien d’imposant pour le plaideur téméraire qui croit toujours avoir bonne cause; que le défaut de confiance multiplie les appels, et que les appels ruinent, et celui qui obtient gain de cause, et celui qui est condamné, surtout lorsque, comme nous, l’on est obligé de se porter fort au loin pour réclamer justice. La vallée conçoit, dès lors, le projet de faire remplir le siège de la préfecture par plusieurs juges, tous dignes de sa confiance ; cet espoir la flatte et adoucit ses maux, tandis que chaque jour quelque particulier regrette de n’avoir pu goûter cette douceur. Dirons-nous maintenant que ce pays n’offre que le simulacre d’un tribunal? c’est une réflexion qui ne peut avoir échappé à ceux qui connaissent notre situation ; mais ce que nous devons dire, c’est que l’intérêt du pays serait qu’il plût à Sa Majesté d’y établir un tribunal composé d’un certain nombre de juges et de leur accorder la souveraineté jusqu’à un certain point. � L’intérêt en est sensible; il n'est pas sans exemple de voir dans ce pays interjeter appel de jugement portant condamnation de sommes très-minimes, pour en solliciter la réformation par-devant la cour du parlement; un arrêt vient pour lors imposer silence à ce plaideur insensé, mais il avait quitté sa famille, sa charrue, son atelier; mais il lui en coûte 12 à 1,500 livres, mais celui qui a gagné son procès par arrêt, regrette de ne l’avoir pas perdu au premier tribunal. La vallée doit de plus faire connaître qu’il n’est pas un seul de ses habitants qui ne puisse se dire pauvre, et qu’il est fréquent de voir les débiteurs de mauvaise, foi abuser de cette qualité pour évoquer par-devant la cour des demandes formées sur des contrats ou sur des obligations consignées dans des écriiures privées, et dès lors le créancier a la dure perspective ou d’abandonner sa dette, ou d’attendre de longs délais, pour prendre un arrêt de défaut qui lui coûte toujours au delà de ce qui lui est dû. Cet abus ne peut être réparé qu’autant que le nouveau Gode ordonnera : 1° Que tout jugement de condamnation des sommes liquides et portées par contrat ou par obligation, sous-seing privé, sera exécuté nonobstant appel, sans y préjudicier et sans caution ; 24 370 [États gin. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquier.] 2° Que les parties ne pourront évoquer à la cour de parlement aucunes demandes qui seront en cas drêtre jugées, ou souverainement, ou nonobstant appel. La réforme ne sera qu’imparfaite si le législateur ne vient au secours du pauvre débiteur, et ne diminue les dépens des jugements de condamnation ; ces dépens pourront être diminués en ordonnant : 1° Que les jugements rendus et prononcés à l’audience le soient sans épices. Cette prononciation supprimerait un droit de 2 p. 0/0, que le préfet a dans tous ses jugements, même par défaut ; 2° Que, dans les jugements d’audience et surtout de défaut, les magistrats liquideront les dépens : cette prononciation supprimerait une parcelle et une taxe par procureur tiers très-onéreuse; 3° Que les jugements à rendre ne seront pas sujets au petit scel, puisque nos premières juridictions en étaient exemptes, et que Sa Majesté ne les a supprimées que pour soulager le débiteur. La vallée doit avec d’autant plus de confiance espérer d’obtenir cette réclamation, qu’elle a toujours payé, et qu’elle offre de payer ses juges. C'est la confiance que les justiciables ont au tribunal qui prononce sur leurs prétentions, qui met le plus grand frein aux appels, et on ne peut leur en inspirer à un plus haut degré qu’en laissant à chaque pays le droit de présenter les juges qu’il croit de son intérêt d’élever sur le siège. Ce droit est acquis à cette vallée ; elle y a été maintenue jusqu’à ce jour, et n’en eût-elle pas le droit, le monarque qui ne cherche que le bonheur de ses peuples, leur accorderait sans peine ce témoignage de son amour. Comme la vallée ne peut donner que des honoraires très-modiques aux magistrats qui rempliraient le nouveau tribunal, elle espère que Sa Majesté voudra bien ordonner qu’ils seront nommés à vie, que leurs provisions seront expédiées sans finance et sans frais, ainsi qu’elles l’ont toujours été au juge et au préfet ; que. le titre et place de préfet sera toujours dévolu au plus ancien magistrat, et que nul ne pourra être nommé, qu’il n’ait atteint l’âge de trente-cinq ans. Si l’intérêt de la nation en général sollicite le rapprochement de la justice, et exige de prévenir les frais de déplacement, à plus forte raison celui de la vallée, qui, entourée de montagnes, n’a que des routes pénibles et périlleuses, souvent interceptées par les neiges, et dont les difficultés locales augmentent l’éloignement de la capitale. D’après cette considération majeure et locale, l’universalité de juridiction attribuée au nouveau tribunal ne remplirait pas l’intérêt de la vallée si les habitants des communautés éloignées de la ville, dans laquelle le siège est établi, ne trouvaient dans leurs foyers une juridiction qui décidât, à la charge de l’appel, les contestations sur des objets minimes. Elles ont intérêt que la juridiction attribuée aux consuls dans chaque communauté par l’article 13 de la déclaration de 1716, et par les articles 3 et 4 des lettres patentes du 10 novembre 1787, leur soit accoutumée ; que le Sommaire fixé à 25 livres soit porté à 50. Que le pouvoir de procéder à l’apposition des Scellés et à la confection des inventaires leur soit dévolu dans tous les cas, même dans ceux dépendant des instances de discussion et de bénéfice d’inventaire. Qu’ils auront le droit d’autoriser les actes d’émancipation, et d’ordonner les rapports de future cautèle. Rien ne s’oppose à l’érection d’un tribunal ; la vénalité est inconnue dans la vallée, il n’y a point de pourvu en titre d’office, les gens du Roi n’ont que des provisions à vie; aucun intérêt personnel, aucun remboursement ne peut contrarier ni arrêter l’exécution d’un établissement que la justice et le bien public réclament. Ce plan est le seul conforme aux vœux et aux intentions du public ; il désavoue vacants tous ceux qui pourraient être proposés à son insu, comme produits par des motifs particuliers; nous ne le présentons cependant que dans l’incertitude si la réformation générale sera opérée, et pour faire connaître nos besoins particuliers. La vallée adoptera avec transport tous les arrangements que le plan général exigera, parce qu’elle attend encore plus de la bienfaisance du monarque que de son propre intérêt, COLLÈGE. Le collège de la vallée de Barcelonnette, sous la direction des Pères de la Doctrine chrétienne, fut établi en 1646, pour tirer ses peuples de l’ignorance dans laquelle leur éloignement des villes et leur pauvreté les retenaient. Le prince Maurice, pour exciter les habitants à seconder cet établissement précieux, concourut lui-même à sa dotation par l’assignation d’une pension annuelle de 120 ducatons évalués dans l’acte constitutif à 4 livres 15 sous de Piémont, à prendre sur les revenus du greffe de la préfecture qui produiraient 642 livres de France ; cette rente, jointe à celle que les communautés s’imposent et aux fondations pieuses que le collège reçoit, porta son revenu à plus de 3,000 livres. En 1688, Victor-Amédée II affecta les revenus du greffe à l’acquittement des intérêts d’un emprunt de 20,500 livres ; il transféra la rente du collège sur les douanes, traites et foraines, elle lui fut payée jusqu’en 1707 par le receveur des domaines de Barcelonnette, ainsi qu’il en résulte par les ordonnances des commissaires gouverneurs et intendants des ducs de Savoie. Les avantages de ces établissements attirèrent bientôt la jeunesse des vallées convoisines, et surtout du comté de Nice et de Piémont, qui venaient y puiser l’éducation et les mœurs françaises; un pensionnat considérable augmenta les revenus et fournissait au collège une honnête aisance. U jouissait de cet état de prospérité lorsqu’en 1707 la guerre vint exercer ses ravages dans la vallée ; à cette époque, le payement de la rente de 120 ducats fut totalement suspendu. Le traité d’Utrecht réunit la vallée à la couronne, en 1713, et lui donna un état fixe. En 1715 le collège se pourvut au conseil pour obteuir les arrérages que la guerre avaient suspendus et la continuation de la rente de 642 livres. Sa requête fut renvoyée à M. de Lebret, intendant de Provence, qui, sans avoir ouï partie, évalua d’office la valeur (les ducatons à 3 livres 12 sous 3 deniers, et réduisit par ce moyen la rente annuelle à 427 livres 10 sous, contre la disposition de l’acte constitutif, malgré la valeur intrinsèque du ducaton, vérifiée aux hôtels des monnaies de Sa Majesté, et le cours qu’il recevait dans le cqrn-merce de la vallée; et partant de cette évaluation, il en fixa les arrérages à 2,992 livres 10 sous, tandis qu’ils auraient dû être portés à 4,487 livres, Sur cet avis intervint l’arrêt du conseil du 16 ffitâtà gén. 1189. Cahiers,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [SénéchauiSée de Percalqaief.] 374 juillet 1716, qui fixe la valeur des 120 ducatons à 427 livres 10 sous argent de France, avec assignation sur les douanes, traites et foraines de la vallée, et qui en ordonne le payement par le receveur du domaine de Barcelonnette, de même que des arrérages par coupons en six années. Le collège, étonné de cette réduction, forma opposition à cet arrêt du conseil * ce qui prolongea la suspension jusqu’en 1720, où les administrateurs, maîtrisés par le besoin, acceptèrent les 427 livres 10 sous de rente annuelle et les arrérages de trois années tant seulement. En 1725, Cette pension reçut encore réduction fiscale, par la retenue du dixième se montant à 43 livres 10 sous contre la nature des pensions alimentaires, et au lieu de la faire payer à Barcelonnette, conformément à l’acte constitutif et à l’arrêt du conseil du 16 juillet 1716, elle ne fut payée qu’à Paris, ce qui formait encore Une vraie réduction par les retards et les frais de recouvrement, et depuis lors le collège n’en a été payé que sur le pied de 384 livres. En 1759 et 1760, nouvelle suspension de payement. En 1761, nouvelle réclamation delà part du collège ; son mémoire communiqné aux fermiers généraux, ils y répondaient : 1° Qu’ils ne sont pas tenus de payer les arrérages, pour en avoir fait compte annuellement au trésor royal ; 2° Ils conviennent de n’être point nommément autorisés à la retenue du dixième par l’édit d’imposition ; mais si le Roi en ordonne la restitution depuis 1725, il doit préalablement en être fait fonds dans la caisse du trésorier de la province, à qui ils en ont tenu compte. La liquidation dés ducatons comme le lieu du payement de la rente restèrent sans réponse de leur part. La diminution sur la valeur des ducatons, la suspension du payement pendantplusieursannêes, la retenue du dixième et les frais de recouvrement, formant pour le collège un objet réuni de 23,654 livres, sans compter les intérêts, joint encore les révolutions et guerres de 1744, le mirent bientôt dans le cas d’aliéner ses capitaux ; et prenant ainsi chaque année sur Ses fonds, il se trouva dans peu sans crédit ; et sans moyens de subsistance ; dès lors le pensionnat cessa, le collège suspendit ses exercices, et la congrégation ralentit sur le maintien d’une maison, dont le rétablissement lui paraissait si éloigné et si difficile ; en Outré exigea de continuer ses réclamations et n’y laissa plus qu’un supérieur pour administrer les débris de son ancien patrimoine. La vallée ne tarda pas à ressentir les effets de la suspension de son collège, et la congrégation, de son côté, pour se rendre autant qu’il était en elle aux besoins du public, y plaça des prêtres pris au hasard, et douma les classes pour mesurer la dépense aux revenus actuels. Depuis ce nouveau régime les régents ne vivant point en commun, on né trouve nulle part dans ce collège jusqu’aux plus légères traces ni de la discipline d’un corps, ni l’émulation nécessaire pour en exciter les membres. Les édifices négligés n’offrent plus qu’un délabrement presque universel, et l’ameublement de l’intérieur, dépéri ou égaré, exige un remplacement autant général qu’indispensable. Tel est l’état de cet établissement, que là vallée voit depuis longtemps tomber progressivement en ruine ; souvent elle a voulu chercher les moyens d’y remédier, mais en calculant ses forces elle a Constamment trouvé dans sa paüvrèté un obstacle insurmontable. Vivement pressée d’un côté par la nécessité de Conserver le collège dans son sein, et arrêtée de l’autrë par son impuissance à y pourvoir par elle-même, elle en fait un sujet de doléances au pied du trône j pour obtenir de la justice du monarque le payement des 23,654 livres qui lui sont dues sur ses domaines, en laissant à sa bonté paternelle dé lui accorder tel autre dédommagement que sa sagesse et sa bienfaisance pourront lui dicter. Cette somme suffisant à peine aux réparations des édifices et au nouvel ameublement, il resterait encore à donner au revenu une augmentation relative au prix des denrées, pour la subsistance des individus établis pour régir le collège. La vallée sent que l'état des finances ne permet pas d’espérer dans ce moment fâcheux d’obtenir aucun secours du gouvernement ; elle ne réclame que son agrément pour mettre à profit les moyens qu’elle trouve dans son sein pour redonner à ce collège son ancien lustre. Il y a dans la vallée plusieurs bénéfices simples, dont le produit ne sert qu’à grossir les revenus des titulaires qui vont le consommer au loin, entre autres les prieurés de Notre-Dame de Moulance et Notre-Dame de Faucon, dont l’union au collège serait seule capable de remplir cetobjet. Le collège ne pouvant profiter de cette union que par la vacance qui renverrait trop loin son rétablissement déjà trop différé, le Roi avant bien voulu par l’arrêt de son conseil du 11 février 1784 faire une remise de 180,000 livres en indemnité des fournitures que la vallée réclamait de sa justice, pour être employées à différents objets d’utilité publique, et le collège devant être regardé comme le plus essentiel, le plus urgent et le plus utile à toutes les communautés qui doivent partager cette remise ; La vallée borne sa doléance à supplier Sa Majesté de lui permettre de prendre sur cette somme des fonds suffisants qui, joints aux revenus actuels du collège, soient capables d’anticiper sa restauration, ENTRAVES DES FERMES POUR LE COMMERCÉ INTÉRIEUR. Cette vallée forme une prolongation enclavée entre le Dauphiné, le Piémont et le comté de Nice au levant, au midi et au nord. Les neiges en hiver interceptent souvent la communication, suspendent le commerce intérieur, et l’habitant est obligé de se prêcautionner contre les intempéries de la saison et de se pourvoir des denrées nécessaires à son usage en temps opportun. La ville de 'Barcelonnette én est la capitale et lé centre ; c’est là que sont établies les foires et les marchés, que se font les ventes et les échanges des denrées, des laines, des draps et des bestiaux de toutes les communautés. Rien ne mérite plus de faveur que cette communication fréquente et habituelle, c’est une relation indispensable entre les membres d’un même corps ; cependant les commis de la ferme y mettent journellement des entraves : ils exigent que les habitants se prémunissent d’acquits-à-caution au bureau voisin de leur résidence, qu’ils les fassent décharger au bureau du lieu de leur destination, sur le fondement des articles 15 et 16 du titre Vil de l’ordonnance de 1687. Ce n’est que par une application abusive de leUr disposition, que les habitants peuvent être considérés comme délinquants. Ces articles ne frappent pas sur le transport 372 [Étals gén. 1789. Çahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquier.] des denrées, dans l’intérieur d’un pays, ni sur la conduite des bestiaux destinés à la nourriture et à la consommation de fourrages des ménagers; ils n’ont en vue que les marchands, voituriers, rouliers et messagers, qui ne transportent que pour le commerce. Assujettir les habitants de la vallée à la formalité des aquits-à-caution, c’est les vexer, les gêner, c’est les arrêter sur le seuil de la porte de leurs maisons, les exposer à payer des droits, des amendes par rapport à leurs denrées, aux objets de leur consommation, c’est les leur faire acheter, les leur ravir. Les différences des droits qui se perçoivent sur les mulets du Dauphiné et de la vallée, portent à cette vallée un préjudice évident. La sortie des mulets du Dauphiné pour l’étranger ne paye que 3 livres par chaque bête. Ceux de la vallée allant à l’étranger sont soumis à la foraine domaniale, qui coûte environ 17 livres ; s’ils entrent en Dauphiné, il faut ajouter à ce premier droit la douane de Valence. De cette disparité, il résulte que les Briançon-nais qui sont nos voisins font vendre leurs mulets en Piémont, ou les Piémontais viennent les chercher chez eux, et que les nôtres sont dédaignés parce qu’ils ne peuvent soutenir la concurrence, et ce qui est plus douloureux, c’est qu’ils traversent la vallée en allant et en venant. On dirait que cette différence n’a été établie que pour nous interdire la vente et nous rendre témoins de celle de nos voisins. Nous avons eu la douleur de voir tantôt des habitants d’Allos transportant des porreaux du crû de leurs jardins au lieu le plus voisin, sans s’être munis de passavant, arrêtés et amendés de 18 livres par amiable composition ; ceux des communautés de l’Arche, de Meironnet, également arrêtés et mis à contribution pour du fromage de leur crû, qu’ils venaient vendre au marché de Barcelonnette, sans avoir pris la même précaution ; tantôt l’habitant des frontières, promenant au printemps ses mulets pour les rompre à la marche, est méconnu, arrêté, et ses mulets confisqués. MARÉCHAUSSÉE ET PRISONS. La vallée, par sa position, a été de tous les temps l’asile des scélérats piémontais que le crime fait expatrier. A l’abri des poursuites, ces transfuges s’arrêtent au plus grand nombre dans la ville, soit par la facilité qu’us y trouvent à entretenir une correspondance avec leur famille, soit par le manque de force publique coactive qui semble leur promettre une liberté qu’ils ne trouveraient pas ailleurs. Indépendamment des désordres et du trouble que ces transfuges apportent dans cette contrée, on sent que les liaisons et les unions que ces gens y contractent ne peuvent qu’insinuer insensiblement cette licence effrenée qui les porta au crime. Or, une contrée, journellement exposée par le concours de ces étrangers à la dépravation de ses mœurs, a nécessairement besoin de tous les moyens capables de maintenir le bon ordre et de procurer la sûreté publique. Depuis longtemps cette vallée partage avec la Provence sa contribution pour rentretien de la maréchaussée, et elle n’a encore pu parvenir à partager avec elle la sûreté que ce corps lui procure. De toutes les brigades voisines, il est sans exemple qu’aucun détachement soit jamais entré dans la vallée que pour y exécuter des ordres articuliers, de sorte que cet établissement en rovence devient autant indifférent à sa sûreté intérieure qu’onéreux à ses intérêts. La vallée a également des prisons dont l’entretien fut toujours aux frais du domaine; l’enga-giste, après avoir reconnu cette charge dans tous les baux postérieurs à son engagement, y a toujours été contraint, lorsque le cas s’est présenté; mais les toits de cet édifice et celui de la geôle ayant été consumés par les flammes au mois de mai 1780, ces réparations deviennent plus considérables; l’engagiste opposant aux contraintes décernées contre lui par le préfet de la vallée, à la requête du procureur du Roi, en forma une instance qui se trouve encore pendante au parlement. Depuis lors les voûtes et les murs exposés aux injures du temps et prêts à s’écrouler, ne laissent entrevoir que la ruine la plus prochaine, et par ce moyen les prisons et la geôle sont devenues inhabitables. La vallée est restée entièrement au dépourvu d’un lieu de sûreté pour la garde des malfaiteurs. La vallée aurait été solliciter elle-même le jugement du procès, si les lettres patentes du Roi du 10 novembre 1787, en ordonnant la suppression de la judicature, n’en avait en même temps supprimé le greffe, qui formait la partie la plus considérable du domaine engagé. C’est par ce moyen que le tribunal de justice, seul capable de veiller au maintien du bon ordre et à la sûreté des citoyens, manquant d’un côté de force exécutrice pour capturer les coupables, et de prisons de l’autre pour s’assurer de leurs personnes, ses décrets impuissants ne sont plus qu’un jeu pour les malfaiteurs. La vallée réclame de la justice du souverain un détachement de maréchaussée pour le maintien de sa police intérieure, et le rétablissement de ses prisons comme étant une charge inséparable des domaines de Sa Majesté. MILICE. L’exemption de la milice dans la vallée est une immunité qui fut reconnue indispensable dans tous les temps, par la loi impérieuse du local, les mœurs et les préjugés des Habitants. Formant une des frontières du royaume, ce pays sans garnison, sans fortifications, et trop reculé pour recevoir un prompt secours, offre l’entrée la plus libre par le Piémont. Partout ailleurs, les limites sont garnies de troupes et de forteresses pour résister au premier effort de l’ennemi ; dans toute cette vallée, au contraire, la valeur des habitants est le seul garant contre une invasion subite, surtout des Yaudois qui nous avoisinent ; les guerres de 1743 en sont un exemple. Au premier bruit de rupture, sur les ordres du commandant de la vallée et d’après différentes apparitions des Vaudois, elle mit sur pied tout ce qui était en état de prendre les armes, en attendant qu’on eût formé un camp à Tournoux capable d’en imposer à l’ennemi ; ce fut alors qu’une partie de ses troupes fut licenciée, tandis que l’autre fut conservée sous le nom de compagnies franches , jusqu’à la paix. Les efforts qu’avaient faits les habitants de cette vallée dans le temps de cette guerre, à la satisfaction des généraux, semblaient leur promettre que leur zèle et leurs services seraient récompensés par le gouvernement. La vallée les fit valoir et fit sentir par gçs réclamations combien [Etats gén. 1789. Cahiers,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forcalquier.] 373 il était important que sa population fût favorisée; elle présenta l’exemption de la milice comme un moyen efficace pour empêcher les émigrations, et les motifs furent cause que Sa Majesté accorda l’exemption demandée. Il en est justifié par la lettre de M. le maréchal de Belle-Isle du 10 juillet 1758, en ces termes : Le « Roi a bien voulu, Messieurs, sur le compte que je lui ai rendu de l’état où se trouve la vallée de Barcelonnette par les pertes qu’elle a souffertes pendant le cours de la présente guerre, la dispenser de la levée des hommes qu’elle avait à fournir en cas de remplacement ou d’augmentation de milice; mais l'intention de Sa Majesté en accordant cette grâce à la vallée est que vous donniez toute votre attention à y faire revenir promptement ceux qui s’en sont éloignés. » Louis XY, de glorieuse mémoire, ne mit d’autre condition à la concession que celle des rentrées des jeunes gens qui s’étaient éloignés ; le succès fut au delà de toute espérance. Dans moins d’une année, après la publication de ce bienfait, un nombre considérable de jeunes hommes vinrent rejoindre leurs foyers qu’ils semblaient avoir abandonnés pour toujours. L’exemption de la milice nous fut annoncée et applaudie par M. l’intendant par ,sa lettre du 8 août ; cependant, à notre grand étonnement, nos administrateurs reçurent peu d’années après des ordres de M. l’intendant lui-même pour une nouvelle levée de milice. Cette vallée, dont le premier devoir est toujours celui d’obéir, exécuta ses ordres ; la milice fut levée, les émigrations se renouvelèrent, et nos réclamations réitérées auprès des ministres n’ont pu être écoutées ; cependant les Briançonnais, la vallée du Quenat et Entrevaux, situés comme la vallée sur les frontières, ont toujours été exempts de la milice, quoique gardés par des troupes, et sous l’égide des forteresses qui les entourent ; la seule obligation de coopérer à leur défense dans le besoin leur conserve l’immunité. La vallée, privée de tout secours, a une obligation bien plus étroite à remplir dans le cas d’hostilité imprévue : elle ne peut trouver son salut que dans sa propre défense ; par cette raison elle a un droit bien mieux fondé à réclamer de Sa Majesté l’exclusion de l’exemption delà levée des milices qu’elle nous a accordée en 1758. MAINTIEN DE LA VALLÉE DANS SON RÉGIME PARTICULIER. La déclaration du 30 décembre 1714 unit cette vallée à la Provence; mais par ses dispositions elle continue à l’en séparer, puisqu’elle porte, u’elle n’aura point entrée dans les assemblées es communautés de province, et qu’elle payera ses impositions comme les terres adjacentes. É’in-térêt et la localité de ce pays furent les motifs qui déterminèrent Sa Majesté à cette séparation partielle. La vallée a le plus grand intérêt a n’être pas unie aux Etats de la Provence, soit parce qu’elle a des dettes qui lui sont propres, et que celles le la Provence lui sont étrangères, soit parce que son existence dépend même du régime particulier qui la gouverne. Plus une administration est grande et étendue, plus elle est compliquée, plus les frais en sont considérables, et 'il est de l’intérêt de ce pays d’être gouverné par une administration gratuite, et il ne peut la trouver que dans son régime particulier. La seule députation aux Etats provinciaux qui se renouvelle chaque année serait une surcharge pour ce pays. Unir la vallée aux Etats de la Provence c’est rendre la Provence arbitre de son sort. Eh ! comment pourrait-on faire dépendre le sort de tout un peuple d’une administration qui, par son éloignement et par l’énorme différence de ses climats, ne peut se faire d’idée ni des besoins qui la maîtrisent ni des maux qui l’affligent? LIBRE ADMINISTRATION DE LA REMISE DE 180,000 LIVRES. La vallée, après avoir longtemps sollicité de la justice du monarque le payement des fournitures qu’elle avait faites à ses troupes dans les guerres de 1 744, a enfin obtenu de sa bonté une remise de 180,000 livres, par l'arrêt de son conseil du I l février 1784, pour être employée à la réparation des chemins et autres objets d’utilité publique; elle réclame aujourd’hui de sa bienfaisance la faculté de pouvoir déterminer elle-même Remploi de cette somme; pressée par ses propres besoins, elle peut mieux que toute autre en faire la plus utile application, et l’emploi toujours délibéré d’avance, elle n'aurait pas la douleur de voir ses fonds chômer dans la caisse du trésorier des terres adjacentes, dans le temps qu'il perçoit l’intérêt au 6 1/4 p. 0/0 de retard de tous les payements qu’on néglige de lui faire. La vallée, après s’être occupée de son intérêt particulier, croirait manquer aux vues bienfaisantes de Sa Majesté et au bien général de ses concitoyens si elle ne marquait son vœu pour tout ce qui peut opérer le bonheur de la nation entière. Elle déclare désirer ardemment : 1° La votation par tête et non par ordre sur tout ce qui sera proposé dans l’auguste assemblée des Etats généraux. 2° La taillabilité des biens ecclésiastiques et nobles. 3° L’extinction des prérogatives des tiefs relativement à la contribution. 4° La réformation de la justice civile et criminelle. 5° La suppression des douanes intérieures dans tout le royaume. 6° La suppression des péages. 7° La réduction des pensionnaires du Roi qui excèdent la somme de 2,000 livres. 8° Imposition sur les objets de luxe, comme équipages, etc., etc. 9° La liberté de la presse. 10° La suppression des lettres de cachet. Et enfin le retour périodique des Etats généraux. Signé à l’original : Caire fils, premier consul, député; Jaubert, consul; Amand, consul; Martin, consul ; Lions, député ; Imberty, avocat défenseur ; Jaubert, député ; Maurin, député, avocat ; Emaujean, député ; Herber de la Tour, député ; Jaubert, député d’Allos; Honnorot, député d’Allos ; Jean-Baptiste Brunaud, député de Saint-Paul ; Joseph Bertrand, député da Saint-Paul ; Ripert ; Pierre Fortoul, consul, député de Gausier; Ar-nauld, avocat, député deMeolans ; Derbez, député de Mcolans; Maurin, notaire et député de Renel; Hyacinthe Autieq, consul et député de Renel; Bovis, député de Meironnes ; Bclloz, député de Meironnes ; P, Fabre, député ; Donnaud ; Pascales ; Reguis, député ; Vigne, député ; Joseph Plaisant, député de Chatelas ; Joseph Charpenel député. 374 [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Forealquier.] Paraphé, ne varielur, l’assemblée tenant, ledit jour 2 avril 1789. Signé Curault et Donnaud, greffier. DOLEANCES Particulières de la ville de Barcelonnette (1). La conservation de la ville de Barcelonnette est l’objet principal de ses doléances et de ses souhaits. Cette ville, par sa position en plaine au centre de la vallée, à 4 lieues de distance des limites qui la séparent du Piémont, est de la plus grande utilité à Sa Majesté dans le passage de ses troupes destinées pour ou contre le Piémont et l’Italie, dans les temps malheureux de guerre. Les troupes y sont logées, le quartier général y est établi, des magasins de foin, d’avoine, d’orge, de blé, de farine, et les hôpitaux y sont formés. Les eaux de la rivière d’Habaye, coulant dans le vallon du levant au couchant, viennent aboutir sur le centre de la ville à la distance de 200 ou environ de toises. Là elles sont contenues par une ancienne et mauvaise digue transversale du nord au midi qui les oblige de s’écarter, mais leur lit est si large, et cette digue est si diamétralement opposée au cours des eaux que, lors de la fonte des neiges, et dans des temps d’orage, elles entraînent de gros graviers de la montagne qu’elles déposent dans leur cours, et qui forment une élévation progressive: dès lors ces eaux se répandent latéralement, surmontent très-souvent la digue et suivent la pente naturelle qui les conduit sur la ville. Ces eaux qui coulent au midi de la ville n’en sont éloignées que d’environ 30 toises, et leur niveau est plus de 2 toises au-dessus du sol de la ville, au point que les fenêtres du premier étage de la maison qu’habite le commandant qui est la première vers le midi, sont au niveau du lit de la rivière ; d’ailleurs cette élévation aussi progressive donne lieu à la filtration des eaux qui viennent jaillir dans les rues, dans les écuries et dans tous les rez-de-chaussée des maisons; et ces eaux croupissantes, par le manque de pente, occasionnent des maladies aux habitants et aux bestiaux. Le commissaire, départi en Provence, faisant sa tournée dans cette vallée au mois de juillet 1785, accompagné d’un ingénieur en chef, après avoir examiné l’emplacement de cette ville, le lit des eaux de la rivière, sa largeur et ayant été le témoin de la filtration de ces eaux stagnantes et croupissantes dans la ville, reconnut la nécessité de les encaisser dans une étendue seulement nécessaire pour les contenir; il chargea l’ingénieur de dresser un plan et un devis dont l’exécution tend à saigner la ville et à la mettre hors du péril imminent qui la menace, de même que les terres de la plaine. Ce plan et ce devis furent dressés, des représentations furent adressées aux ministres de Sa Majesté, pour en ordonner l’exécution et venir au secours des habitants. Les propriétaires des maisons de la ville et des terres de la plaine menacées du débordement des eaux, dont ils éprouvent annuellement les tristes et funestes effets par la perte de leurs récoltes, et la communauté, relativement à l’intérêt qu’elle doit y prendre, délibérèrent de concourir à ce grand ouvrage ; ce-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire * pendant ce concert manquant par les entraves que les habitants de cette communauté et ceux de la vallée intéressés y mettent, et par la sanction qui en altérait l’exécution, Sa Majesté bienfaisante, attentive au bien de ses fidèles sujets de sa ville de Barcelonnette, est très-humblement suppliée d’y joindre le sceau de sa volonté, et d’ordonner l’exécution de ce plan et de ce devis par un arrêt de son conseil qui veillera aux intérêts d’un chacun, et de leur procurer par quel que voie un encouragement qui les aide à mettra fin aux maux qui les affligent, sans lequel ils son dans l’impuissance d’y parvenir. RÉUNION DES QUARTIERS. 11 y a longtemps que de bons compatriotes ont tenté la réunion des quatre quartiers qui composent le corps de communauté de Barcelonnette ; mais des circonstances fâcheuses ont occasionné la suspension de l’exécution de cette réunion nécessaire et utile au bien général. Des motifs particuliers qui n’existent plus pouvaient avoir donné lieu, dans des temps reculés, à la division de la communauté en quatre quartiers, en raison seulement des impositions sur chacun de leurs territoires, delà nomination d’un trésorier pour le recouvrement de ces impositions, de la nomination d’auditeurs des comptes pour ouïr et juger ceux de l’administration de chaque année, enfin de la nomination d’un secrétaire de chaque quartier. Le vice qui résulte de cette division se fait sentir dans le cours et la marche de l’administration. La dépense est quadruple, les intérêts, qui doivent être communs et relatifs à tous, deviennent quelquefois la source des procès qui s’élèvent entre ces quatre quartiers. Le remède est sûr et l’intérêt d’un chacun l’exige; l’înfluence qui se rencontre dans chaque quartier en arrête les effets, mais la justice, après avoir pesé l’objet de cette réunion, l’adoptera sans doute et l’ordonnera. Il résulte de cette division de communauté en quartiers plusieurs inconvénients, et des dépens multipliés qui vont contre l’intérêt commun. On établit d’abord que le terroir commun des quatre quartiers est égal, c’est-à-dire en contenance, en bonté et en allivrement ; que le terroir commun posé dans l’enclave d’un chacun est commun et à l’usage de tous. Les deniers royaux et les autres charges locales sont payés partout par portions égales, et ainsi de même la dépense des réparations des chemins royaux, etc., etc. Tous ces objets, loin d’obster à cette réunion, justifient qu’elle peut se faire sans inconvénient, puisque tout est commun entre les quatre quartiers, et que l’intérêt de tous l’exige encore ; dès lors point de contestations, point de procès entre eux ; un seul secrétaire suffira, un seul trésorier aussi, il n’y aura qu’un compte à rendre et à juger, et les frais du tout seront bien moindres. Une seule imposition sur les fonds suffira pour tous, et on évitera par là l’inconvénient actuel que par une moindre imposition faite par un quartier, celui-là se trouvera arréragé dans ses payements et sera obligé dans la suite à faire des impositions plus fortes, tant pour les dépenses courantes que popr les arrérages des dépenses passées, ce qui fait une inégalité préjudiciable au public. NOUVELLE FORMATION ET COMPOSITION DU CORPS MUNICIPAL. Les abus qui se sont glissés dans la forme des