SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (SOIR) (27 .JUILLET 1794) - D 593 Je ne dois pas oublier de vous dire que nous avons trouvé au Pont-Neuf un corps de 1 500 hommes qui gardent ce poste important avec du canon. (Applaudissements). LE PRESIDENT : J’invite mes collègues à partir sur-le-champ, afin que le soleil ne se lève pas avant que la tête des conspirateurs soit tombée. (On applaudit). RUHL : Je demande qu’il soit envoyé une force suffisante pour contenir les conspirateurs des prisons. ELIE-LACOSTE : Les deux comités ont envoyé des troupes aux prisons, au Temple et à la trésorerie. Le chef de la gendarmerie des tribunaux, à qui le comité de sûreté générale vient de faire rendre la liberté, qu’Hanriot lui avait ravie, en profite pour assurer la Convention du dévouement de son corps. Les gendarmes de la Convention écrivent que, s’ils ne se présentent pas à la barre, c’est qu’ils sont plus utiles à leur poste, et que, de même qu’ils ont laissé dans la Vendée la moitié de leur corps, ils le laisseront ici tout entier pour la défense de la liberté et de la Convention. (On applaudit). Le président annonce qu’il tient entre les mains l’original de la convocation des sections de Paris, par la commune, ainsi que la nomination d’un général qu’elle a faite au mépris du décret rendu ce matin. La section de Marat vient annoncer qu’elle a fait arrêter des motionnaires communaux, qui étaient venus lui faire des propositions insidieuses. (On applaudit). DUBOIS-CRANCÉ : Je dois rendre hommage à la sagacité de Marat; à l’époque du jugement du tyran Capet, il me dit, en parlant de Robespierre : « Tu vois bien ce coquin-là' - Comment, coquin ? - Oui, reprit-il, cet homme est plus dangereux pour la liberté que tous les despotes coalisés ». BENTABOLE : Il y avait près du camp un magasin de 503 000 fusils; craignant qu’ils ne fussent pas en sûreté, nous les avons remis entre les mains des jeunes élèves, qui ont juré qu’on ne les leur arracherait qu’avec la vie (On applaudit). BILLAUD-VARENNE : La Convention ne peut qu’applaudir à l’énergie des habitants de Paris; ils courent aux armes; mais aussi, au moment où je parle, les conspirateurs électrisent les esprits pour qu’on se porte contre la Convention : à la commune, on organise la contre-révolution, et déjà plusieurs pièces de canon sont préparées pour marcher sur la Convention; il est temps de terminer cette lutte entre la liberté et la tyrannie, entre la Convention et ceux qui veulent l’égorger; je demande qu’elle ordonne aux représentants qu’elle a nommés de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’emparer des conspirateurs, afin que leurs têtes tombent avant une heure. (On applaudit). Un citoyen annonce qu’il arrive de la maison commune; qu’il a vu, en passant sur la place, que tous les canonniers ne sont pas pour la commune, mais pour la Convention. BILLAUD : Je ne doute pas que les canonniers, lorsqu’ils seront éclairés, ne tournent leurs canons contre la commune; mais il ne faut pas perdre en délibérations un temps précieux. Quand on est sur un volcan, il faut agir. Robespierre a dit tout à l’heure qu’avant deux heures il marcherait sur la Convention; c’est à nous à le devancer. Nous dormirons quand les traitres seront anéantis. (On applaudit). Le président invite les membres des deux comités à se réunir dans une salle, les députés à rester à leur poste, et les citoyens à courir aux armes. Tous les citoyens qui sont dans une partie de la salle et dans les tribunes sortent ; il n’y reste que des femmes (l). BRIVAL : Citoyens, Nous vous apportons les nouvelles les plus satisfaisantes du camp des jeunes élèves de Mars (2) [On applaudit]. [LEGENDRE arrive tout éploré; il saute à la tribune, et s’écrie au milieu des sanglots, qu’il ne peut retenir, que son cœur est blessé et que son ame est comprimée par la douleur; en revenant de la section des Sans-Culottes, où il a parlé au peuple, que Hanriot vouloit séduire, il a rencontré un officier municipal, qu’on venoit de saisir; l’indignation s’empare de lui, il veut lui plonger son sabre dans le sein ; mais il blesse un patriote. Ici Legendre donne les marques de la plus vive douleur; il craint que son intention soit suspectée. Au même instant on amène à la barre l’officier municipal et le citoyen blessé. A cette vue, l’assemblée a peine à contenir son indignation. Qu’on le tue, s’écrie-t-on, il est sous la loi ; mais on le renvoie aux deux comités qui en feront justice. L’assemblée témoigne à Legendre qu’elle connoît ses sentiments, l’invite à retourner à son poste; il part (3)]. Un membre du comité révolutionnaire de la section de la Montagne s’applaudit à la barre d’avoir sauvé un représentant du peuple des mains d’Han-riot, et annonce qu’il amène un officier municipal arrêté; il annonce en même temps que la maison commune est réduite, et qu’on amène Robespierre aîné sur un brancard. Charlier prend le fauteuil. LE PRÉSIDENT : Le lâche Robespierre est là. Vous ne voulez pas qu’il entre ? (Non, non s’écrie-t-on de toutes parts). THURIOT : Apporter dans le sein de la Convention le corps d’un homme couvert de tous les crimes, ce serait enlever à cette belle journée tout l’éclat qui lui convient. Le cadavre d’un tyran ne peut que porter la peste; la place qui est marquée pour lui et ses complices, c’est la place de la Révolution. Il faut que les deux comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai. La Convention décrète cette proposition. (On applaudit). ESNARD, commandant de la force armée, à la barre : Lorsque j’eus entre les mains le décret qui me nommait commandant provisoire de la garde nationale, j’allai chez le maire qui lut mes pouvoirs. Payan en prit communication, et me fit mettre en arrestation avec mon adjudant. Il y a une demi-heure, lorsque j’entendis, à la maison commune, le (1) Mon., XXI, 341-343; Débats, n° 677, 187-193; J. Mont-, n° 93 bis, 757-760. (2) Bm, 11 therm. ; J. Univ., n° 1711. Voir le texte de l’allocution de Brival, ci-dessus, n° 67. (3) C. Eg-, n°709; J. S. -Culottes, n°529; Ann. patr., n°DLXXV, Mon., XXI, 342. 38 SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (SOIR) (27 .JUILLET 1794) - D 593 Je ne dois pas oublier de vous dire que nous avons trouvé au Pont-Neuf un corps de 1 500 hommes qui gardent ce poste important avec du canon. (Applaudissements). LE PRESIDENT : J’invite mes collègues à partir sur-le-champ, afin que le soleil ne se lève pas avant que la tête des conspirateurs soit tombée. (On applaudit). RUHL : Je demande qu’il soit envoyé une force suffisante pour contenir les conspirateurs des prisons. ELIE-LACOSTE : Les deux comités ont envoyé des troupes aux prisons, au Temple et à la trésorerie. Le chef de la gendarmerie des tribunaux, à qui le comité de sûreté générale vient de faire rendre la liberté, qu’Hanriot lui avait ravie, en profite pour assurer la Convention du dévouement de son corps. Les gendarmes de la Convention écrivent que, s’ils ne se présentent pas à la barre, c’est qu’ils sont plus utiles à leur poste, et que, de même qu’ils ont laissé dans la Vendée la moitié de leur corps, ils le laisseront ici tout entier pour la défense de la liberté et de la Convention. (On applaudit). Le président annonce qu’il tient entre les mains l’original de la convocation des sections de Paris, par la commune, ainsi que la nomination d’un général qu’elle a faite au mépris du décret rendu ce matin. La section de Marat vient annoncer qu’elle a fait arrêter des motionnaires communaux, qui étaient venus lui faire des propositions insidieuses. (On applaudit). DUBOIS-CRANCÉ : Je dois rendre hommage à la sagacité de Marat; à l’époque du jugement du tyran Capet, il me dit, en parlant de Robespierre : « Tu vois bien ce coquin-là' - Comment, coquin ? - Oui, reprit-il, cet homme est plus dangereux pour la liberté que tous les despotes coalisés ». BENTABOLE : Il y avait près du camp un magasin de 503 000 fusils; craignant qu’ils ne fussent pas en sûreté, nous les avons remis entre les mains des jeunes élèves, qui ont juré qu’on ne les leur arracherait qu’avec la vie (On applaudit). BILLAUD-VARENNE : La Convention ne peut qu’applaudir à l’énergie des habitants de Paris; ils courent aux armes; mais aussi, au moment où je parle, les conspirateurs électrisent les esprits pour qu’on se porte contre la Convention : à la commune, on organise la contre-révolution, et déjà plusieurs pièces de canon sont préparées pour marcher sur la Convention; il est temps de terminer cette lutte entre la liberté et la tyrannie, entre la Convention et ceux qui veulent l’égorger; je demande qu’elle ordonne aux représentants qu’elle a nommés de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’emparer des conspirateurs, afin que leurs têtes tombent avant une heure. (On applaudit). Un citoyen annonce qu’il arrive de la maison commune; qu’il a vu, en passant sur la place, que tous les canonniers ne sont pas pour la commune, mais pour la Convention. BILLAUD : Je ne doute pas que les canonniers, lorsqu’ils seront éclairés, ne tournent leurs canons contre la commune; mais il ne faut pas perdre en délibérations un temps précieux. Quand on est sur un volcan, il faut agir. Robespierre a dit tout à l’heure qu’avant deux heures il marcherait sur la Convention; c’est à nous à le devancer. Nous dormirons quand les traitres seront anéantis. (On applaudit). Le président invite les membres des deux comités à se réunir dans une salle, les députés à rester à leur poste, et les citoyens à courir aux armes. Tous les citoyens qui sont dans une partie de la salle et dans les tribunes sortent ; il n’y reste que des femmes (l). BRIVAL : Citoyens, Nous vous apportons les nouvelles les plus satisfaisantes du camp des jeunes élèves de Mars (2) [On applaudit]. [LEGENDRE arrive tout éploré; il saute à la tribune, et s’écrie au milieu des sanglots, qu’il ne peut retenir, que son cœur est blessé et que son ame est comprimée par la douleur; en revenant de la section des Sans-Culottes, où il a parlé au peuple, que Hanriot vouloit séduire, il a rencontré un officier municipal, qu’on venoit de saisir; l’indignation s’empare de lui, il veut lui plonger son sabre dans le sein ; mais il blesse un patriote. Ici Legendre donne les marques de la plus vive douleur; il craint que son intention soit suspectée. Au même instant on amène à la barre l’officier municipal et le citoyen blessé. A cette vue, l’assemblée a peine à contenir son indignation. Qu’on le tue, s’écrie-t-on, il est sous la loi ; mais on le renvoie aux deux comités qui en feront justice. L’assemblée témoigne à Legendre qu’elle connoît ses sentiments, l’invite à retourner à son poste; il part (3)]. Un membre du comité révolutionnaire de la section de la Montagne s’applaudit à la barre d’avoir sauvé un représentant du peuple des mains d’Han-riot, et annonce qu’il amène un officier municipal arrêté; il annonce en même temps que la maison commune est réduite, et qu’on amène Robespierre aîné sur un brancard. Charlier prend le fauteuil. LE PRÉSIDENT : Le lâche Robespierre est là. Vous ne voulez pas qu’il entre ? (Non, non s’écrie-t-on de toutes parts). THURIOT : Apporter dans le sein de la Convention le corps d’un homme couvert de tous les crimes, ce serait enlever à cette belle journée tout l’éclat qui lui convient. Le cadavre d’un tyran ne peut que porter la peste; la place qui est marquée pour lui et ses complices, c’est la place de la Révolution. Il faut que les deux comités prennent les mesures nécessaires pour que le glaive de la loi les frappe sans délai. La Convention décrète cette proposition. (On applaudit). ESNARD, commandant de la force armée, à la barre : Lorsque j’eus entre les mains le décret qui me nommait commandant provisoire de la garde nationale, j’allai chez le maire qui lut mes pouvoirs. Payan en prit communication, et me fit mettre en arrestation avec mon adjudant. Il y a une demi-heure, lorsque j’entendis, à la maison commune, le (1) Mon., XXI, 341-343; Débats, n° 677, 187-193; J. Mont-, n° 93 bis, 757-760. (2) Bm, 11 therm. ; J. Univ., n° 1711. Voir le texte de l’allocution de Brival, ci-dessus, n° 67. (3) C. Eg-, n°709; J. S. -Culottes, n°529; Ann. patr., n°DLXXV, Mon., XXI, 342. 38 594 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE représentant du peuple crier : vive la Convention, vive la liberté ! je sommai le geôlier de m’ouvrir la porte ; il s’y refusa : je la fis sauter avec un bâton et je me jetai dans les bras du représentant du peuple (On applaudit). On demande que le président donne le baiser fraternel à Esnard. Esnard monte au fauteuil et reçoit l’accolade au milieu des plus vifs applaudissements. Léonard Bourdon entre dans la salle au milieu des applaudissements. LEONARD BOURDON : Ce brave gendarme que vous voyez ne m’a pas quitté, il a tué deux des conspirateurs. (Vifs applaudissements). En sortant d’ici j’ai été chercher des forces dans les sections des Lombards, des Arcis et des Gravilliers, pour faire le siège de la maison commune; nous avons débouché sur la place par plusieurs colonnes. A notre approche les citoyens égarés ont ouvert les yeux, et les lâches ont fui. Nous avons trouvé Robespierre aîné armé d’un couteau, que ce brave gendarme lui a arraché. Il a aussi frappé Couthon, qui était aussi armé d’un couteau; Saint-Just et Lebas sont pris, Dumas et quinze ou vingt autres conspirateurs sont renfermés dans une chambre de la maison commune qui est bien gardée. Nous avons chargé trois citoyens, l’un d’amener ici les prisonniers, l’autre de veiller à la caisse, et le troisième de faire des recherches pour faire découvrir les autres conspirateurs qui pourraient s’y être cachés. Il est vraisemblable qu’Hanriot s’est échappé, car des citoyens m’ont dit qu’ils l’avaient vu fuir; mais comme ils ne connaissaient pas votre décret, ils n’ont point couru sus. Enfin, citoyens, la liberté triomphe et les conspirateurs vont bientôt paraître à votre barre. (Non, non /s’écrie-t-on de toutes parts). Voici un portefeuille et des papiers saisis sur Robespierre. Voici une lettre trouvée sur Couthon, signée Robespierre et Saint-Just; elle est conçue en ces termes : « Couthon, tous les patriotes sont proscrits, le peuple entier est levé; ce serait le trahir que de ne pas te rendre à la maison commune où nous sommes ». Je te demande que le président donne l’accolade fraternelle à ce brave gendarme. Le président la lui donne au milieu des plus vifs applaudissements. LE PRÉSIDENT : Je dois dire à la Convention ce que ce brave gendarme vient de me dire : « Je n’aime pas le sang; cependant j’aurais désiré verser celui des Prussiens et des Autrichiens; mais je ne regrette pas de n’être point à l’armée, car j’ai aujourd’hui versé le sang des traîtres ». Ce citoyen se nomme Charles-André-Médal. La Convention décrète qu’il sera fait mention honorable du dévouement civique de ce citoyen, et charge le comité de salut public de lui donner de l’avancement. LEGENDRE : En sortant de cette tribune, je me suis adressé à dix patriotes déterminés que j’ai emmenés avec moi; mon intention était d’aller brûler la cervelle à celui qui a présidé les Jacobins hier et aujourd’hui. Mon pistolet armé des deux côtés, j’arrive dans la salle; mais le malheur a voulu que ce scélérat se fût confondu dans la foule, je me suis arrêté de peur de frapper l’innocent; il se nomme Vivier. J’ai dit aux femmes des tribunes : « Vous étiez égarées; allez, la Convention punit le crime et non l’erreur ». J’ai fermé les portes des Jacobins, en voici les clefs. (On applaudit). Comme c’est la Convention en masse qui a sauvé la patrie, demain la Convention nationale en masse sera jacobine. (Nouveaux et vifs applaudissements). Ce sera la vertu qui ira ouvrir les portes de cette Société (l). LEGENDRE obtint la parole... En apprenant, dit-il, la déroute des rebelles, je me suis porté aux jacobins; j’ai fait entendre la voix de la patrie aux bons citoyens; je me suis mis à la tête de dix d’entr’eux, et le pistolet à la main, j’ai pénétré dans la salle ou s’étoient rassemblés, non pas des jacobins, mais d’infâmes usurpateurs de ce nom cher à la liberté. Mon dessein étoit de brûler la cervelle au président, nommé Viviers; mais le traître s’est soustrait par la fuite au châtiment que je lui destinois alors j’ai appellé la prudence à mon secours, et pas un innocent n’a été frappé; mais j’ai voulu que le lieu qui a si long-tems servi d’asyle aux patriotes ne fut plus ouvert au crime; j’en ai donc moi-même fermé les portes, et je vous en apporte les clefs. En revenant, j’ai rencontré un nombreux détachement de force armée; pour qui marchez-vous, me suis-je écrié ? Pour la liberté, pour la convention, m’a-t-il répondu; cependant j’y ai reconnu un traître qui servit de garde du corps à Robespierre, et il a été conduit aux comités de salut public et de sûreté générale. Durant le reste de ma route, je n’ai cessé de parler au peuple le langage de la liberté; je lui ai dit que la convention avoit sauvé la patrie ; que, loin d’attaquer les jacobins, elle seroit elle-même toute entière jacobine; je lui a dit qu’il n’y avoit plus de marais dans la convention, que ceux-là seuls en étoient qui se cachoient dans les dangers, mais qu’aujourd’hui tout le monde étoit à son poste. Quelques débats s’élèvent ensuite sur l’usage que l’on doit faire des clefs de la salle des jacobins; ils se terminent par leur renvoi aux deux comités de salut public et de sûreté générale]. [ROVÈRE annonce que Fleuriot est arrêté (2)]. THIRION : Je demande qu’il soit pris des mesures contre le scélérat Vivier. Cet homme, dévoué à Robespierre, qui a présidé les Jacobins cette nuit, était en rébellion contre la Convention; car il a présidé pour soutenir des gens en rébellion. La Convention met Vivien hors la loi (Applaudissements). [Les représentans du peuple qui occupent la maison commune (3) viennent déposer un paquet d’arrêtés liberticides pris par les conjurés cette nuit; ils apportent les registres de la commune et le cachet des conspirateurs sur lequel a été gravée tout nouvellement une fleur de lys. Ce cachet étoit sur le bureau de la commune. Ils ajoutent (l) Débats, n°677. (2) Rép., n°221. (3) « Une députation des commissaires des sections » (J-Fr., n° 672); «des citoyens de la section des Gravilliers» (Mess. Soir, n°708); «Un juge de paix, chargé par les représentans de faire perquisition dans la maison commune... » (C. Eg., n° 709; Rép., n° 22l). 594 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE représentant du peuple crier : vive la Convention, vive la liberté ! je sommai le geôlier de m’ouvrir la porte ; il s’y refusa : je la fis sauter avec un bâton et je me jetai dans les bras du représentant du peuple (On applaudit). On demande que le président donne le baiser fraternel à Esnard. Esnard monte au fauteuil et reçoit l’accolade au milieu des plus vifs applaudissements. Léonard Bourdon entre dans la salle au milieu des applaudissements. LEONARD BOURDON : Ce brave gendarme que vous voyez ne m’a pas quitté, il a tué deux des conspirateurs. (Vifs applaudissements). En sortant d’ici j’ai été chercher des forces dans les sections des Lombards, des Arcis et des Gravilliers, pour faire le siège de la maison commune; nous avons débouché sur la place par plusieurs colonnes. A notre approche les citoyens égarés ont ouvert les yeux, et les lâches ont fui. Nous avons trouvé Robespierre aîné armé d’un couteau, que ce brave gendarme lui a arraché. Il a aussi frappé Couthon, qui était aussi armé d’un couteau; Saint-Just et Lebas sont pris, Dumas et quinze ou vingt autres conspirateurs sont renfermés dans une chambre de la maison commune qui est bien gardée. Nous avons chargé trois citoyens, l’un d’amener ici les prisonniers, l’autre de veiller à la caisse, et le troisième de faire des recherches pour faire découvrir les autres conspirateurs qui pourraient s’y être cachés. Il est vraisemblable qu’Hanriot s’est échappé, car des citoyens m’ont dit qu’ils l’avaient vu fuir; mais comme ils ne connaissaient pas votre décret, ils n’ont point couru sus. Enfin, citoyens, la liberté triomphe et les conspirateurs vont bientôt paraître à votre barre. (Non, non /s’écrie-t-on de toutes parts). Voici un portefeuille et des papiers saisis sur Robespierre. Voici une lettre trouvée sur Couthon, signée Robespierre et Saint-Just; elle est conçue en ces termes : « Couthon, tous les patriotes sont proscrits, le peuple entier est levé; ce serait le trahir que de ne pas te rendre à la maison commune où nous sommes ». Je te demande que le président donne l’accolade fraternelle à ce brave gendarme. Le président la lui donne au milieu des plus vifs applaudissements. LE PRÉSIDENT : Je dois dire à la Convention ce que ce brave gendarme vient de me dire : « Je n’aime pas le sang; cependant j’aurais désiré verser celui des Prussiens et des Autrichiens; mais je ne regrette pas de n’être point à l’armée, car j’ai aujourd’hui versé le sang des traîtres ». Ce citoyen se nomme Charles-André-Médal. La Convention décrète qu’il sera fait mention honorable du dévouement civique de ce citoyen, et charge le comité de salut public de lui donner de l’avancement. LEGENDRE : En sortant de cette tribune, je me suis adressé à dix patriotes déterminés que j’ai emmenés avec moi; mon intention était d’aller brûler la cervelle à celui qui a présidé les Jacobins hier et aujourd’hui. Mon pistolet armé des deux côtés, j’arrive dans la salle; mais le malheur a voulu que ce scélérat se fût confondu dans la foule, je me suis arrêté de peur de frapper l’innocent; il se nomme Vivier. J’ai dit aux femmes des tribunes : « Vous étiez égarées; allez, la Convention punit le crime et non l’erreur ». J’ai fermé les portes des Jacobins, en voici les clefs. (On applaudit). Comme c’est la Convention en masse qui a sauvé la patrie, demain la Convention nationale en masse sera jacobine. (Nouveaux et vifs applaudissements). Ce sera la vertu qui ira ouvrir les portes de cette Société (l). LEGENDRE obtint la parole... En apprenant, dit-il, la déroute des rebelles, je me suis porté aux jacobins; j’ai fait entendre la voix de la patrie aux bons citoyens; je me suis mis à la tête de dix d’entr’eux, et le pistolet à la main, j’ai pénétré dans la salle ou s’étoient rassemblés, non pas des jacobins, mais d’infâmes usurpateurs de ce nom cher à la liberté. Mon dessein étoit de brûler la cervelle au président, nommé Viviers; mais le traître s’est soustrait par la fuite au châtiment que je lui destinois alors j’ai appellé la prudence à mon secours, et pas un innocent n’a été frappé; mais j’ai voulu que le lieu qui a si long-tems servi d’asyle aux patriotes ne fut plus ouvert au crime; j’en ai donc moi-même fermé les portes, et je vous en apporte les clefs. En revenant, j’ai rencontré un nombreux détachement de force armée; pour qui marchez-vous, me suis-je écrié ? Pour la liberté, pour la convention, m’a-t-il répondu; cependant j’y ai reconnu un traître qui servit de garde du corps à Robespierre, et il a été conduit aux comités de salut public et de sûreté générale. Durant le reste de ma route, je n’ai cessé de parler au peuple le langage de la liberté; je lui ai dit que la convention avoit sauvé la patrie ; que, loin d’attaquer les jacobins, elle seroit elle-même toute entière jacobine; je lui a dit qu’il n’y avoit plus de marais dans la convention, que ceux-là seuls en étoient qui se cachoient dans les dangers, mais qu’aujourd’hui tout le monde étoit à son poste. Quelques débats s’élèvent ensuite sur l’usage que l’on doit faire des clefs de la salle des jacobins; ils se terminent par leur renvoi aux deux comités de salut public et de sûreté générale]. [ROVÈRE annonce que Fleuriot est arrêté (2)]. THIRION : Je demande qu’il soit pris des mesures contre le scélérat Vivier. Cet homme, dévoué à Robespierre, qui a présidé les Jacobins cette nuit, était en rébellion contre la Convention; car il a présidé pour soutenir des gens en rébellion. La Convention met Vivien hors la loi (Applaudissements). [Les représentans du peuple qui occupent la maison commune (3) viennent déposer un paquet d’arrêtés liberticides pris par les conjurés cette nuit; ils apportent les registres de la commune et le cachet des conspirateurs sur lequel a été gravée tout nouvellement une fleur de lys. Ce cachet étoit sur le bureau de la commune. Ils ajoutent (l) Débats, n°677. (2) Rép., n°221. (3) « Une députation des commissaires des sections » (J-Fr., n° 672); «des citoyens de la section des Gravilliers» (Mess. Soir, n°708); «Un juge de paix, chargé par les représentans de faire perquisition dans la maison commune... » (C. Eg., n° 709; Rép., n° 22l).