SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 8 215 Extrait du registre des procès-verbaux de la société populaire et révolutionnaire épurée séante à Thionville. Séance extraordinaire du 22 thermidor 2 e année républicaine. L’hymne sacré chanté, on donne lecture d’une adresse que le citoyen Bissy, détenu dans la maison d’arrêt de cette commune, propose à la société pour être envoyée à la Convention nationale. La société applaudit aux principes qui y sont développés et le renvoi au comité de correspondance pour en faire usage selon les vues du citoyen Bissy. Un membre réitère la motion qu’il a faite hier à l’effet d’obtenir l’élargissement de ce prisonnier qui paraît être détenu illégalement et injustement; la société arrête le renvoi au comité de surveillance des sections, avec invitation d’accélérer l’élargissement de ce citoyen. Un membre de ce comité observe qu’il a déjà fait part plusieurs fois au comité de sûreté générale des motifs qui doivent le décider à procurer la liberté du citoyen Bissy et qu’il n’en a pas reçu de réponce, mais qu’il ne doute pas que ses collègues ne se fassent un devoir de renouveller leurs démarches collectives dont il a lieu d’espérer à présent tout le succès que la justice fait promettre. On donne de nouveaux renseignements sur le citoyen Bissy, entr’autre celui que son dénonciateur a été fusillé; la société renvoi cela de nouveau au comité de surveillance des sections. Quelqu’un propose un amandement pour qu’il soit statué que tous les citoyens seront invités à s’intéresser au sort des plus innocents et à en référer parallèlement au comité de surveillance des sections. La société proclame cette invitation. Un secrétaire fait lecture du procès-verbal de la dernière séance. Après quelques observations qui donnent lieu à quelques réformes peu essentielles il est adopté. Le rapporteur du comité de surveillance de la société fait lecture des déclarations qu’il a eu ordre de recueillir. Arnould observe, sur celle qui le concerne, que l’on a omis de dire que Hentz avoit supposé que la ville de Thionville s’étoit mise en insurrection pour un Rolly tandis qu’il est vrai que la société n’a été que consternée et comprimée dans tous ses élans de justice. Cette observation est admise pour être consignée au procès-verbal de la séance actuelle. Un membre de la société fait la motion que le citoyen Thomas, adjudant-général, soit invité à donner des renseignements qui lui sont parvenus sur l’arrestation arbitraire d’un citoyen gendarme. Thomas se présente à la tribune et il déclare que le citoyen Bricart, excellent patriote muni des attestations de civisme les plus complettes, qu’il a déposé en ce moment sur le bureau, s’étant transporté à la prison de cette ville pour y voir un camarade, fut engagé par le citoyen Bissy et autres détenus, qu’il ne connaissait pas mais envers lesquels il se croyoit obligé à de l’humanité, à se charger d’une ou deux lettres, toutes ouvertes et ne renfermant rien que de juste, pour les représen-tans; qu’ayant déféré à leur désir il fut traité de la manière la plus dure par le représentant Hentz qui lui dit qu’il n’était qu’un vil émissaire des contre-[ré]volutionnaires, et qu’il le constitua sur le champ prisonnier par un ordre subit qui portait de mettre les scellés sur tous ses effets, et qu’il ne connaît aucun motif. Un membre appui ces renseignements de quelques autres également favorables à ce gendarme, et il déclare qu’ayant voulu rendre compte au citoyen Boubotte, représentant prévenu sans doute par le représentant Hentz, de l’examen des papiers et autres objets qui attestent la bonne conduite du prévenu, il en fut traité comme un misérable et si fort attéré qu’il ne sut que répondre. On demande que les commissaires de la société envoyés à Hentz à Landau au sujet de Dechaux et Rolly déclarent l’horrible réception qui leur a été faite. On observe qu’ils en ont fait le rapport aux comités réunis et que d’ailleurs un de ces commissaires est absent de Thionville. Un membre fait la motion que les comités réunis s’assemblent demain matin pour finir le recueil des faits et pour rédiger l’adresse sans désemparer afin que Hentz, qui vient de partir pour Paris, ne puisse prémunir ses collègues défavorablement pour Thionville et pour que la société fasse éclater sans obstacles les justes reproches qu’elle a à lui faire. Cette motion passe à l’unanimité et l’on s’ajourne à 6 heures du matin le lendemain. La société témoigne le désir de savoir de quelle manière le district a été reçu par le représentant Hentz. L’agent nationale déclare qu’il lui a rendu une visite particulière à son arrivée et qu’il en a été bien reçu, qu’il l’a revu une seconde fois et qu’il en a reçu l’ordre de lui procurer un autre logement que celui qu’il occupait. Un membre de l’administration déclare que le district a été mandé par les représentans, qu’il s’y est transporté et qu’ils lui ont dit qu’ils étaient satisfaits de voir les administrateurs et de savoir enfin qu’il existait une administration à Thionville. Le maire de cette commune ajoute à ces précédentes déclarations que Hentz, sur le bruit que l’on faisait courir depuis plusieurs jours qu’il voulait mettre soixante personnes en état d’arrestation, l’a chargé avec douceur de faire arrêter les auteurs de ce bruit s’il parvenait à les découvrir. Il dit en outre que Bour-botte fit un accueil fraternel à la commune. La société renvoi le tout à ses comités réunis et lève sa séance à 8 heures du soir. Certifié conforme à l’original. Boulanger, secrétaire par intérim. N° 11 Déclaration de Raulet sur ce qu’a dit Hentz au sujet d’une lettre qu’il écrivait au comité de Sûreté générale (1). Je certifie que le représentant Hentz, en m’abordant dans le bureau de la poste, me dit d’un ton honnête : Bonjour, citoïen.- Je lui (1) D’une autre main, au-dessous du texte : Déclaration précieuse en ce quelle contraste avec les procédés de la veille de la part de Hentz. 216 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE réponds de même.- et que, comme il allait cacheter une lettre, un facteur d’un bataillon des Vosges lui dit : C’est sans doute pour l’armée du Rhin que tu cachète cette lettre. Le représentant Hentz répondit : Non, c’est pour prévenir le comité de sûreté général, qui est juste, que j’ai été dénoncé hier à la société. Tout en disant cela il me regardât. En ma qualité .de sociétaire ennemi des tirans, je lui répondis : Si les dénonciations sont injustes il faut t’en plaindre et le comité de sûreté général sçaura te rendre justice. Le représentant me répondit : Elles pourraient être justes mais mal fondées. Je lui répondis qu’une dénonciation juste est toujours fondée. A Thionville le 23 thermidor l’an II de la République une, indivisible, démocratique. Raulet. N° 12 Rapport des commissaires députés de la société populaire auprès du représentant Hentz à Landau. Nota : La pièce cy-incluse renferme le recueil des plaintes des commissaires de la société du mauvais traitement qu’ils ont éprouvés. Les comités réunis les ont reçues sans en faire état, principalement par respecte pour la représentation nationale mais aussi par prudence. Ils étoient persuadés que le silence des bons citoyens conspiroit utilement contre les conspirateurs. Heureux pressentiment que la mémorable journée du 9 thermidor a réalizé. Les comités de la société populaire, réunis, rapportent sommairement le récit que leur ont fait les citoyens Lafontaine et Baraniquet, députés de la société auprès du représentant Hentz, alors en commission auprès de l’armée du Rhin. Ces députés ont dit qu’après avoir exposé l’objet de leur mission, qui étoit de faire rendre la liberté aux citoyens Rolly et Dechaux en considération de l’intérêt vif que la commune de Thionville et la société populaire témoignent aux citoyens pour les bons services qu’ils ont rendu à la patrie et pour la conduite constamment pure et vertueuse qu’on leur a vu tenir, dont ils reçoivent les nombreuses attestations, que ces députés ont voulu remettre sous les yeux du représentant Hentz; qu’aussitôt ce représentant s’est écrié que la société populaire était dissoute; qu’en conséquence il avait dédaigné de prendre communication du mémoire de la société populaire, et que ce mépris avait été si marqué que Baraniquet, l’un des commissaires, avait cru devoir le remettre dans sa poche; qu’ensuite, sur quelques observations qu’avait voulu faire le citoyen Lafontaine, le représentant l’avait traité indignement, au point que celui-ci en a versé des larmes; qu’enfin tous deux ont eu lieu de se persuader qu’ils aboient être mis en état d’arrestation, sur ce propos incroyable que leur a tenu Hentz : « Qu’est-ce donc que la société populaire de Thionville qui ose s’intéresser à un Rolly, à un Dechaux, qui se met en insurrection, qui compose des factions dont vous êtes les chefs ? Prétend-on s’opposer à l’exécution de mes ordres ? Si cela fût arrivé, je faisois marcher une armée sur Thionville ! ». Il ajouta d’un ton plus radouci qu’il ne concevoit pas surtout qu’on eût pu témoigner de l’intérêt à un Rolly qu’il avait accusé lui-même de lui avoir tenu, il y a 2 ans, un propos contre-révolutionnaire. Qu’à l’instant le citoyen Baraniquet, qui n’avoit point encore porté la parole, lui répartit ces mots : « Mais, représentant, pourquoi n’as-tu pas dénoncé dans le temps le citoyen Rolly pour ce fait ? ». - C’est qu’alors, dit le représentant, je n’étais qu’un petit juge de paix. Le commissaire répliqua : Mais pourquoi as-tu différé jusqu’à ce jour ? Alors Hentz réfléchit un instant, envisagea le commissaire qui l’interpelloit ainsi et lui dit, et lui répetta plusieurs fois en lui serrant la main : Tu es un bon bougre, un vrai sans-culotte, ne te laisse plus tromper. Hentz ajouta qu’il regardait la commune de Thionville comme étant en contre-révolution. En plus, il a désigné plusieurs citoyens pour être déclaré suspects, les uns pour intrigues, et les autres pour richesses. Que bientôt après il a congédié les commissaires, dont l’un en sortant reçut ses mépris les plus outrageants, et l’autre des caresses affectées; qu’heureux encore du congé, ils précipitèrent leur départ. Baraniquet ( commre député vers Hentz), Alexandre, Chomereau, F. Abel, Petit-Mengin, Lavocat, Pailleux, J. Mougin, Lussere fils, J. Rossert, Jacquin, Carbonnaz fils aîné, Philippy ( secrét .), Collas, Tailleur, Haquardio fils, Giraud, Claude, Lorio [et une signature illisible], N° 13 Déclaration du citoyen Roger, chirurgien-major, qui est très importante. Le chirurgien en chef de l’hôpital déclare qu’au moment où le courrier qui [sic] a apporté la nouvelle que Robespierre étoit guillotiné, j’étois chès le représentant du peuple Hentz, et qu’à l’ouverture du paquet il paru affligé. Ausitôt je fus voire son épouse, lui apprendre cette nouvelle à laquelle elle n’ajouta pas foi. Elle se retira voire son mari qui lui confirma la nouvelle. Elle revint dans l’état le plus affligé. Elle dit que la nouvelle n’étoit que maleureusement que trop vrai et que Paris devoit être en consternation. A Thionville, le 24 thermidor 2e année de la République françoise. Roger. 9 On lit une pièce de vers du citoyen Dauvergne, employé à la trésorerie nationale. La Convention décrète la mention au procès-verbal et le renvoi au comité d’intruc-tion publique (1). [Le cn Dauvergne, employé à la trésorerie nat., au cn présid. de la Conv.; Paris, 30 therm. Il] (2) (1) P.V., XLIII, 270. (2) C 316, pl. 1268, p. 18, 19.