602 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 décembre 1790»! « Déclare vendre à la municipalité de Sermai-ses les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de1 66,559 livres 18 s., payable de la manière déterminée par le même décret. » Troisième décret. « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 9 avril 1790, parla municinalité d’Orléans, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu d’Orléans, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l’état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdils biens, en conformité de l’instruction décrétée le 31 dudit mois mai dernier; « Déclare vendre à la municipalité d’Orléans les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 2,149,615 1. 4 s. d. payable de la manière déterminée par le même décret. » Quatrième décret. « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l’aliénation clés domaines nationaux, de la soumission faite le 14 septembre 1790, par la municipalité de Meung-sur-Loire, canton et district du même lieu, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Meung-sur-Loire, le 5 juillet 1790, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l’état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l’instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier; « Déclare vendre à la municipalité de Meung-sur-Loire les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 288,502 liv. 7 s. 10 d., payable de la manière déterminée par le même décret. » L’ordre du jour est la discussion du rapport sur la liquidation des offices ministériels. M. Telller propose, au nom des comités de Constitution et de judieature : 1° un mode de liquidation fondé sur les évaluations faites en exécution de l’édit de 1771, rectiliées de la manière qui sera indiquée par la suite de la discussion; 2° une indemnité particulière aux titulaires qui justifieront de contrats ou autres actes authentiques, portant ces offices et leurs accessoires à un prix excédant celui de l’évaluation; le tout sauf différents prélèvements pour les droits de centième denier, pour les rôles, débets et recouvrements, etc. M. Ælougins. Vous avez jugé le sacrifice des offices ministériels utiles à l’Etat; il était juste de le consommer. Le 3alut public est la loi suprême où doivent se briser tous les intérêts personnels. Mais l’Etat n’exige pas la ruine absolue d’une classe de citoyens qui, sans un remboursement effectif et réel, ne trouverait dans la nouvelle Constitution que la honte et le désespoir. Vous avez consacré dans la Déclaration des droits ce principe éternel que « les propriétés sont un droit inviolable et sacré ». Or vous toucheriez à cette propriété si l’indemnité due à ces officiers n’avait pas pour objet un remboursement légitime, et il serait imparfait s’il était borné à la seule évaluation du titre de la finance, parce que ces offices comprennent avec le titre la pratique ou la clientèle que chaque individu a fixée successivement à son titre par son travail, son zèle, ses soins. Ces deux objets réunis forment essentiellement le prix de ces offices. Le titre ne présente en lui-même aucun bénéfice, aucun avantage; c’est l’exercice qui constitue la véritable profession du pouvoir, qui fait naître la clientèle, qui en forme tonte la consistance. Cette clientèle, qui a été le seul objet de l’acqu isiiion de l’officier ministériel, a éprouvé, comme toutes ies propriétés territoriales, des augmentations progresses, et le bénéfice que 1rs temps et les circonstances donnent toujours à tout ce qui se trouve dans le commerce social. Cela est tellement certain qu’il n’existe point de procureur dans le royaume qui n’ait envisagé son office comme le champ qu’il pouvait agrandir ou améliorer, comme un patrimoine qu’il laissait à sa famille, une propriété disponible entre ses mains. Ces offices ont été donnés à titre de dot, transmis par succession, et c’est toujours la valeur commerciale qui a été la base de ces contrats. Le mode de remboursement proposé est suffisant. Il faut saisir les nuances essentielles qui existent entre les offices de magistrature et tes offices ministériels ; les premiers avaient des prérogatives personnelles, au lieu que les seconds n’avaient d’autres espérances que leurs offices. Les uns ne perdent rien; ceux-ci se voient enlever leur unique propriété : c’était sur l’assurance de leur produit qu’ils avaient formé des établissements, contracté des obligations, soutenu leur existence sociale. S’il était possible de les priver d’un remboursement légitime, vous entendriez pousser a des pères de familles ce cri de douleur et de désespoir: « La Constitution nous a ruinés! » Vous les exposeriez à verser des larmes de sang. Plusieurs mutations de ces mêmes offices qui ont eu lieu dans la ci-devant province de Provence prouvent que la clientèle fixe le principal Iprix de l’office. Je propose un projet de décret en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que le remboursement des offices ministériels existants près les anciens tribunaux du royaume sera réglé sur le pied de la valeur marchande desdits offices, d’après l’avis des départements. » {On applaudit.) M. Guillaume. Vous avez décrété que nul ne pourrait être privé de ses propriétés que sous les deux conditions suivantes: 1° si la nécessité l’exige évidemment ; 2° sous la condition d’une juùe et préalable indemnité. Je ne puis m’écarter de ce principe; je vous le mettrai sans cesse sous les yeux dans la discussion que j’entreprends sur la liquidation des offices. La première condition est remplie par le décret qui supprime les | offices ministériels; quant à la seconde, si le dé- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 décembrel790.} dommagement n’a pas été préalable, il doit du moins être juste... Dans les premières pages du rapport de vos comités on s’attendrit sur le sort d’une foule d’individus dépouillés et livrés à une incertitude cruelle. « S’il est vrai, y est-il dit, que le bonheur général exige des officiers ministériels le sacrifice de leur état, la raison et la justice veulent aussi que les avantages d’un meilleur ordre de choses ne prennent pas leur source dans une foule de malheurs particuliers. » C’est d’après ce principe que je pense que les procureurs ont droit à être remboursés, non seulement du prix des offices, mois de la valeur des accessoires. On convient que les plus fortes évaluations faites en exécution de l’édit de 1771 sont encore extrêmement faibles... Que deviendront les officiers ministériels supprimés? Que leur reste-t-i ? Que leur est-il dû? Telles sont les questions que je vais discuter. A la jouissance de l’office il faut ajouter celle de la pratique, qui presque toujours en décuplait la valeur. Ils étaient chargés, en vertu de leurs titres, et de la défense officieuse et de la défense légale de leurs concitoyens. L’Assemblée nationale a détruit le titre et la pratique, elle doit donc indemniser les titulaires de la valeur de l’un et de l’autre. Jamais la restitution, jamais le retrait u’ont pu être arbitraires ; jamais le débiteur n’a pu faire la loi à ses créanciers. Lorsque deux propriétés étaient indivisibles, le retrait de l’une ne pouvait su faire sans le retrait de l’autre. Si les retraits ont été supprimés, les règles immuables de la justice, qui leur servaient de règles, ne le sont pas. Le procureur supprimé se trouve dans une situation particulière; il est dépouillé de sa pratique, de sa clientèle; il est condamné à une cruelle inactivité... Lorsque vous avez supprimé les corporations ecclésiastiques, vous avez donné aux titulaires de quoi subsister; en détruisant la féodalité vous avez ordonné le remboursement meme des droits qui n’ont eu probablement pour origine que la force et l’usurpation. On vous donne pour base les plus fortes évaluations faites en exécution de l’édit de 1771; on vous propose de payer comme indemnité la moitié dn prix de la pratique; on ajoute que les plus fortes évaluations de 1771 sont encore infiniment faibles, et on croit faire grâce aux officiers ministériels ! et on leur retient le droit du centième denier proportionnel pendant vingt ans! Le piège est connu ; on prend pour évaluation les déclarations anciennes parce que l’éclit de 1771 ayant ordonné que les déclarations seraient prises pour base de l’imposition, on sait qu’elles ont été faites sur un taux beaucoup inférieur à la valeur des offres. Oui, sans doute, quoique ces mêmes déclarations fussent indiquées comme base de remboursement des offices, elles sont beaucoup trop faibles ; et, en effet, les titulaires pouvaient-ils jamais espérer un remboursement de la part d’un gouvernement inique et despote? Devaient-ils s’attendre à la suppression de leurs offices, qui ne pouvait être l’effet que d’une régénération totale? Est-ce sur de telles déclarations que vous devez calculer la valeur des offices ministériels? C’est comme si, en dépouillant un cultivateur de son champ, vous ne vouliez lui rembourser que ce qu’il aurait, avant la récolte, cru devoir en retirer. L’office ministériel est, entre les mains du titulaire, un champ qu’il cultive et fertilise journellement. Vous serait-il permis aujourd’hui de dépouiller tous les citoyens de leurs propriétés 603 et de les rembourser sur le pied des déclarations patriotiques? Encore y a-t-il une grande différence entre ce que vous feriez dans cette hypothèse et ce qu’on vous propose de faire relativement aux procureurs. Vous avez aujourd’hui les plus puissants motifs de présumer l’exactitude des déclarations que font les citoyens, tant pour la contribution patriotique que pour toutes les autres impositions, dont ils connaissent la nécessité et l’emploi, tandis que dans leurs déclarations les anciens officiers ministériels n’ont eu pour objet que de se soustraire à l’avidité oppressive d’une administration dissipatrice... Si le gouvernement français, au lieu de vendre des offices, eût, comme celui d’Amérique, vendu des terres incultes, pourrait-il aujourd’hui en dépouiller les propriétaires en les remboursant sur le pied de la valeur primitive? Ne devrait-il pas payer l’augmentation de valeur que ces terres auraient acquise par la culture? Par la même raison, pouvez-vous aujourd’hui vous croire dispensés de payer l’augmentation de valeur que les offices ont acquise dans le commerce, et d'indemniser le titulaire du produit de sa pratique, qui est comme un champ dont l’officier ministériel a acquis le fonds par la finance de son office, et qu’il a fertilisé par son travail?... Accorder une demi-indemnité, c’est n’en accorder aucune ; rembourser un office sur le pied d’une valeur ancienne, inférieure à la valeur actuelle, c’est dépouiller le titulaire de sa propriété... Je conclus que les offices soient remboursés� sur la valeur actuelle, et que l’indemnité soit équivalente à la valeur actuelle, et je propose, en conséquence, le projet de décret suivant : Art. 1er. L’Assemblée nationale dérète que, pour parvenir à la liquidation du remboursement et des indemnités dus aux officiers ministériels sunpriméspar son décret du 16 de ce mois, ces officiers seront divisés en plusieurs clas-es, delà manière et ainsi que le proposent les comités de Constitution et de judicature. « Art. 2. La liquidation du remboursement dû à ces officiers sera faite sur le prix commun des contrats des dix dernières années, déduction faite des deux plus fortes et des deux moins considérables, si mieux ils n’aiment sur le pied de de leurs contrats ; ce qu’ils seront tenus d’opter dans trois mois ; faute de quoi, leur liquidation sera faite sur le prix commun. « Art. 3. Leurs recouvrements leur seront laissés à litre d’indemnité. » (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain soir.) M. le Président lève la séance à dix heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 20 DÉCEMBRE 1790. Nota. — Par suite d’une erreur de mise en pages le discours prononcé par M. Guillaume, dans la séance du 17 décembre (voy. plus haut, page 525), n’a été reproduit que par l’analyse du Moniteur. Nous réparons cette omission en l’insérant ici in extenso .