*538 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 septembre 1790. peuple, pour lequel on renchérit artificiellement le prix des denrées. Art. 12. Les grandes opérations de ce genre ont l’inconvénient d’entraîner ceux qui les adoptent hors de leurs mesures. Bientôt l’embarras résultant de la multiplication du papier forcé, fera proposer : 1° d’abroger la facilité accordée de payer en douze ans; 2° de renoncer au système adopté de vendre par petites parties. Je ne répéterai point ce que j’ai dit sur l’imprudence de revenir sur deux opérations si populaires. Je ne m’arrêterai pas à observer que la vente par grandes parties conduirait à d’odieuses et viles spéculations, comme je n’ai point parlé des honteux profits que cette opération prépare aux débiteurs de mauvaise foi, aux agioteurs, aux joueurs, aux spéculateurs, qui auraient pu préparer d’avance, et les moyens de le faire réussir, et ceux d’en profiler. Mais j’insisterai sur une considération plus importante. Les principes de la Constitution française ne peuvent conduire à un ordre paisible et durable, que dans un pays où la pluralité des chefs de famille, habitant les campagnes, ont une propriété foncière. L’Assemblée nationale a senti cette vérité. Toutes celles de ses lois qui peuvent influer sur la division des fortunes tendent à la favoriser ; elle a paru regarder la vente des biens du clergé comme une circonstance heureuse qui multiplierait en peu de temps le nombre des propriétaires, qui opérerait en quelques années un changement pour lequel il eût fallu plusieurs générations. Sacrifiera-t-on ce système de vente si bien combiné avec celui de la Constitution? Il est vrai que les capitalistes peuvent acheter pour revendre ; mais : 1° Pourquoi rendre incertain et dépendant de leur volonté un avantage que l’on peut s’assurer sans elle? 2° Pourquoi priver la nation ou les citoyens du bénéfice que ces capitalistes feront sur les reventes; 3° N’est-il pas évident que la division sera nécessairement et beaucoup moindre et plus lente? Art. 13. J’ai montré que les assignats proposés n’étaient pas même un papier forcé, tel qu’il doit être établi lorsque la nécessité obligea en créer. J’ai prouvé qu’il ne peut exister de nécessité de créer du papier forcé pour faciliter l’acquisition des biens nationaux (l). Quant à ces motifs si honteux de créer des papiers sans intérêt et sans confiance, afin d’accélérer les ventes, parce que la crainte s’empresserait de les placer, et d’attacher les citoyens à la Révolution par la peur d’être ruinés; quant à ces ridicules efforts pour lier la cause des amateurs d'assignats à la noble cause de la Constitution, ce serait faire injure à l’Assemblée nationale, que de croire avoir besoiu de réveiller l'indignation et le mépris qu’ils méritent. DEUXIÈME ANNEXE. Discours sur les finances , prononcé à la séance du 13 août 1790, de la société des amis de la Constitution , par M. COUGET-DESLANDES, membre de la société des amis de la Constitution , en sa ft) Le iprojet de faire aocroire que du papier forcé ranime la circulation, parce que la crainte de le voir baisser le fait passer de main en main, ne mérite pas une réfutation sérieuse. qualité d'affilié , citoyen de la ville de Dijon , électeur et confédéré du département de lu Côte-d'Or (1). — Imprimé par le vœu de la société des amis de la Constitution , et présenté par l'auteur au comité des finances. Messieurs, les observations que je vais avoir l’honneur de présenter à cette société ont pour objet de démontrer d’une manière évidente: 1° que l’émission des assignats papier hypothèque et monnaie , est une opération parfaitement combinée ; 2° qu’une nouvelle émission d’assignats est préférable à une émission de quittances de finances; 3° que les assignats procureront ta circulation de l’argent; 4° qu’ils promettent la baisse de l’intérêt de l’argent; et, en dernier ordre, j’établirai que la baisse de L’intérêt de l’argent est essentiellement liée au système de l’imposition. Avant d’arriver aux démonstrations que j’ai> nonce, je prononcerai hardiment que la création des assignats est une des opérations dont l’effet sera le plus prompt et le plus général; qu’elle détournera les malheurs que pourrait occasionner la rareté du numéraire retiré de la circulation. La ressource dernière que les ennemis de la Révolution ont cru obtenir de la rareté du numéraire leur est enlevée par la prévoyance de l’Assemblée nationale ; mais ils essayent encore aujourd’hui d’en rompre les mesures, de répandre de la méfiance sur ces effets, de les rendre inutiles et à la chose publique et aux intérêts particuliers. Cependant s’il est une grande et salutaire opération, c’est l’émission des assignats circulables et forcés portant un intérêt modéré, qui peut ramener au même prix celui que la convention a déterminé parmi nous pour l’argeut. § 1. Je dois remonter aux sources de no s malheurs communs. L’intérêt de l’argent ne s’est élevé en France, à un prix extraordinaire, que par l’effet des emprunts successifs du gouvernement. Il attirait continuellement à lui tous les capitaux ; sou crédit diminuait cependant en raison de ses besoins ; mais l’intérêt de l’argent augmentait pour tous dans la même proportion. Les capitalistes, plus riches de leur crédit que de leurs fonds, plaçaient habilement leurs reconnaissances dans toutes les mains; ils épiaient les besoins de l'État; ils absorbaient tout l’argent des particuliers pour le lui prêter; et ils ne remettaient dans la circulation le surplus, qu’après avoir réalisé leurs spéculations; c’est-à-dire lorsqu’ils avaient fait une usure énorme avec l’État. Ainsi, Messieurs, s’accroissait la dette publique; ainsi l’argent acquérait sur la place un prix excessif, comparé à sa valeur réelle, qui ne devrait être déterminée qu’en raison des avantages que l’argent procure aux emprunteurs. Toutes les fois que la hausse de l'intérêt a été occasionnée par une opération du gouvernement, c’est-à-dire lorsque l'intérêt était fixé par ua emprunt public à un prix convenable aux capitalistes, ceux-ci, se prévalant de ce qu’on appelait le taux du prince, ne laissaient circuler les espèces dans le commerce qu’au même prix tout au moins. Ainsi l’argent paraissait abondant, (1) M. Gouget a rempli pendant 13 ans les fonctions de substitut de M. le procureur général du parlement de Bourgogne : il e3t encore titulaire de net office, et n’a jamais travaillé ni dans le commerce ni dans la finance. S’il a commis quelques erreurs, il désire