[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 août 1790. de ceux qu’on décore du nom de grands politiques; l' S augmenter par l’agriculture, tel est celui de tout cituyen ami des hommes et de sa patrie. Pénétrée de cette vérité, la société royale d’agriculture s’est constamment occupée de tout çe qui pouvait contribuer à l’avancement de l’art agricole. Déjà elle vous a transmis, au nom des cultivateurs qui vivifient le sol de la France, les témoignages de leur reconnaissance pour tout ce qu’ils vous doivent. Vos bienfaits! leur ont fait ajouter un nouveau prix à ceux qu’ils tiennent de la nature, de qui ils ont reçu la vie, tandis qu’ils ont reçu dé vous pne patrie et la liberté. La Société d’agriculture vient aujourd’hui réclamer auprès de yousqne nouvelle faveur, celle de porter vos regards sur l’une des branches les plus importantes de l’économie rurale, l’amélioration des laines, et conséquemment la régénération des troupeaux. Assez longtemps la France a été tributaire des nations voisines pour cette matière précieuse : on sait qu’elle en retire de l’étranger pour près de 20 millions chaque année. L’industrie nationale doit tout oser, et peut actuellement tout embrasser sans mal étreindre. Un mal nouveau rend le danger plus pressant et le remède indispensable. Un royaume voisin, où l’industrie a éié jusqu'à ce moment peu encouragée, ouvrant les yeux sur ses véritables intérêts, s’occupe d’établir dans son sein des manufactures. Ce peuple commence à travailler lui-même ses laines; il ne voudra bien i ôt plus vous les vendre que fabriquées, et la France se trouvera ainsi nj'iyée d’une matièrepi emière qui alimente l’industrie m fournit actuellement à la subsistance de plus de 800,000 ouvriers. Dans un autre pays, une loi qui empêche l'exportation des laines, commence à produire, dan-nos manufactures des départements du Nord, une stagnation malhepreusêipeut trop sensible. ' Les Anglais, qui ont été nos maîtres en /ait de liberté, jusqu’au moment où vous nous avez appris à surpasser nos modèles, méritent de l’être encore en agriculture. Jamais cet art n’oblint ailleurs plus d’encouragements. La perfection des laines en particulier y reçoit depuis longtemps la protection la plus spéciale du gouvernement; les membres du Parlement, qui siègent dans la Chambre haute, sont assis surdes balles de laine, pour qu’ils n’oublient jamais que cette denrée est l’une des sources les plus abondantes de la richesse nationale. Les brebis, disent les Suédois, ont les pieds d’or , et partout où elles les mettent elles changent la terre en or. Il e;4üt s choses sans doute, et il en est bien plus qu’on ne le pensecommunémeut, qui sont portées plus sûrement à leur état de perfection par une liberté absolue, que par les meilleures lois. L’amélioration des laines n’offrirait pas elle-même une exception à cette règle, si la conduite des nations voisines, en nous avertissant de mieux faire, ne nous avertissait aussi de faire promptement. Les époques où 1 s Espagnols et les Anglais ont commencé' à améliorer leurs laines, ne sont pas fort éloignées, et leurs succès en ce genre ont été très rapides. Pourquoi ce qui eut lieu chez ces peuples n’aurait-il pas lieu parmi nous? Us eurent des souverains qui confondirent leurs intérêts avec ceux de la nation ;nous jouissons du même avantage, et nous avons, de plus, celui de vous avoir pour législateurs. On l’a dit souvent, et cela n’en est pas moins vrai: jamais un concours plus heureux de circonstances ne s’est présenté pour nous rendre ce 707 que plusieurs siècles d’esclavage nous avaient ôté. Située entre deux pays où, malgré la différence du climat, la qualité des laines est portée au plus au haut point dé perfection, la France, où régnent ces deux climats,’ doit participer apx avantages qqe lui offre à cet égard son heureuse position. Plusieurs membres de la Société, parmi lesquels il suffit de citer M. cl’Aubqqton, ont élevé avec un succès complet, les üris dans le Nord du royaume, des brebis à laine longue d’Angleterre et de Hollande; lès àutres, dans les départements du Midi, des brebis à laine fine d’Espagne et d’Afrique. Le nombre des propriétaires va augmenter par la vente des biens nationaux ; les laboureurs débarrassés, par vos soins, des entraves que Pau* cienpe administration avait mises à leur industrie, se livrent déjà à l’espérance de voir leurs tentatives secondées par toutes sortes d’encourà-gemepts. Le vœu relatif à la perfection de cette branche d’industrie est exprimé dans les cahiers de plusieurs bailliages ; la Société (/'agriculture vient, au nom des cultivateurs, vous transmettre ce même vœu et vous supplier de vouloir bien porter vos regards sur cet objet important pour lequel les secours les plus insfants seront les plus efficaces. Il dépend de vous, ‘Messieurs, et il ne dépend que de vous de faire fructifier les essais en ce genre. Il suffit, nous le répétons que ypus daigniez prendre cpt objet en considération. La Société se propose de mettre sous Tes yeux de votre comité d’agriculture' et de co limvrce des renseignements propres 'à jeter quel |ue jour sur cette matière ; ils lui ont été fournis, et par sa correspondance avec les cul u valeurs dés 'divers cantons du royaume, et i àr les ex iériènçes par-ticulières de plusieurs de ses memb'n s. Elle7 ose tout espérez de vous, Messieurs� que la nation a fait les dépositaires de ses intérêts, et qui vbus êtes faits vous-mêmes les bienfaiteurs de la nation. ■" ' ..... r Signé: Parmentier, directeur ; Abeille, vice-directeur ; Lefebvre, agent-général ;yia.vq\}jï\es (de La Noue) ; Béthune (ijfe Chàrbstj ; Bon-cerf ; Cretté (de Palluel); Thoüin ; Ghabert; Broussonnet, secrétaire perpétuel. M. le Président répond : L’asseuiblee nationale s'entourera toujours avec empressement des lumières de' Vôtre Société, ‘elle vous invite à communiquer à son comité cl’àgri-enhure et de commerce le résultat de vos réflexions sur l’obj' t de votre adressé. Le moment appi-oehe, nous osons du'' moins nous en flatter, uù les gouvernements ne connaîtront entre eux d’autre rivalité que celle de faire fouir les peuples d’une grande aisance èt d’uni bonheur plus confiant. G’eSt alors surtout qu’on connaîtra tout le prix de vos travaux. ! ■ - L’Assemblée nationale vous permet d’assister à sa séance. ' ‘ " lrv' i ’ (L’Assemblée ordonne .que le qiémoire lu par M. Broussonnet sera imprimé et annexé a sou procès-verbal. Elle ordonne ensuite le Renvoi au comité d’agriculture et de condmeree.) Une députation du régiment de Languedoc demande à être admise à la barre. L’Assemblée décidé qu’elle sera introduite. ün officier de ce corps supplie l’Assemblée de vouloir bien révoquer le décret par lequel eile a ordonué que son Président se retirerait par-de-vers le roi pour le prier de rappeler, de Montau-ban, le régiment de Languedoc, et le faire rem- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 110 août 1790.] 708 place par deux autres. Il expose les services qu’a rendus ce régiment dans l'affaire de Mon-tauban, le zèle qu'il a apporté pour empêcher les ciioyens de se purter à de plus grandes extrémités, et protrste de son patriotisme et de son respect pour les décrets de l’Assemblée. M. le Président répond à la députation en ces termes : « Le jour où l’Assemblée nationale reçoit de nouvelles assurances de dévouement et de patriotisme est pour elle un jour d’allégresse. Elle est persuadée que le régiment de Languedoc, partageant les sentiments des différents corps qui composent l’armée française, montrera toujours un attachement inviolable à la Constitution, et une soumission profonde aux décrets du Corps législatif, sanctionnés par le roi. « L’Assembiée nationale prendra votre demande en considération et vous permet d’assister à sa séance. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette pétition au comité des rapports, pour en rendre compte jeudi prochain.) M. de Cazalès demande l’impression de ce discours. La partie gauche réclame l’ordre du jour. L’Assemblée décide qu’elle passera immédiatement à l'ordre du jour. — Aussitôt M. de Foucault s’élance à la tribune. — La partie droite, en désordre, pousse des cris tumultueux et menace le Président. — Une demi-heure se passe au milieu de ces débatsscandaleux.— La partie gauche reste calme. — On observe que le comité des recherches de la ville de Paris va paraître à la barre, et que ce tumulte n’a d’autre but que d’empêcher qu’il soit entendu. M. l’abbé Maury. Monsieur le Président, nous ne demandons qu’un décret de refus. M. de Foucault. Je ne quitterai pas la tribune que ma motion n’ait été mise aux voix. Le comité des recherches de la ville de Paris demande à être reçu . M. le Président donne l’ordre de l’introduire à la barre. M. Oudart, l’un des membres de ce comité, portant la parole, dit : « Messieurs, tous les journaux publient, depuis trois jours, que l’un des membres du Châtelet, admis à la barre samedi dernier, a déféré le comité des recherches, comme ayant refusé de remettre les documents et les pièces relatives à une procédure dont on est venu vous entretenir; et que, sur son exposé, vous avez aussitôt décrété que ce comité serait tenu de les remettre sans delai. L’Assemblée nationale a été induite en erreur. Il est de notre devoir de vous dire la vérité, et il vous importe de la connaître. Au mois de novembre dernier, le comité des recherches de la municipalité crut devoir inviter le prucuieur-syndic de la commune à dénoncer les délits commis, le 6 octobre précédent, dans l’intérieur du château de Versailles. Le Châtelet ayant été saisi de celte dénonciation, le comité lui ht remettre les noms des personnes qui pouvaient avoir connaissance de ces délits. Quelques mois après, M. le procureur du roi et trois autres 'membres du Châtelet nous proposèrent d’ajouter, à la dénonciation des délits commis le 6 octobre, celle de plusieurs autres faits, vrais ou faux, qui nous parurent étrangi rsà la poursuite provoquée par le procmeur-syndic de la commune, et dont quelques-uns nous sembl mt plutôt dignes de la reconnaissancepublique , que d une procédure crimi-nelle. Nous atte.-tons l’Assemblée que nou� nous en expliquâmes ainsi avec ces quatre juges, et que nous refusâmes constamment d’adopter cette série de faits additionnels, quoiqu’ils offrissent d’y faire quelques corrections. Bientôt le bruit se répandit que le Châtelet informait sans base et sans mesure, et que sous prétexte de venger les délits du 6 octobre , il faisait le procès à la dévolution et au peuple de Paris, que cette Révolution honore. Le Châtelet fut même dénoncé à l’Assemblée nationale par la très grande majorité des districts de la capitale; ces dénonciations ont été remises au comité des rapports, et sont restées sanssuite. Nous nous crûmes obligés de repousser les reproches que nous partagions avec le Ghâhdet; et nous déclarâmes à l’assemblée des représentants de la commune, que nous étions entièrement étrangers à toute information qui n’aurait pas pour base unique les délits qui ont été commis au château de Versailles, dans ta matinée du§ octobre; dès lors, on sut que nous différions, le Châtelet et nous, de conduite et d'opinions dans des points bien importants. Dans ces circonstances, le, procureur du roi nous écrivit, au mois de juin dernier, qu’il résultaitde l’instruction commencée à sa requête, que nous avions duns les mains différents renseignements et pièces qui pouvaient servir à compléter son instruction. Nous lui répondîmes que nous croyions avoir satisfait à ce que notre devoir exigeait de nous, en produisant les témoins des délits du 6 octobre, que cependant si ces témoins s’en étaient référés à leurs déclarations faites devant nous, elles seraient incessamment remises. « A l’égard des pièces, nous déclarâmes au procureur du roi que nous n’en avions aucune qui pût se rapporter aux délits dénoncés. Nous le priâmes de s’expliquer davantage, et de dire positivement ce qu’il désirait de nous. M. le procureur du roi n’a point déféré à notre prière, et ne nous a donné aucune espèce d’explication : il n’a point spécifié les pièces qu’il désirait que nous lui remissions. Cette conduite ne doit point surprendre, si, comme on le dit depuis quatre mois, le procureur de la commune a provoqué une instruction, et que le Châtelet en poursuive une autre. On vient de rendre public un jugement de ce tribunal, dans lequel toute cette procédure est appelée l'affaire des 5 et 6 octobre. Plusieurs membres du Châtelet nous ont adressé, dans le courant du mois dernier, des écrits dont nous ne relèverons pas les inexactitudes, et dans lesquels on nous oppose notre dénonciation des 5 et 6 octobre. Nous nous croirions grandement coupables, si nous avions dénoncé la journée du 5 octobre; nous n’avons pas plus dénoncé la journée du 6. Le procureur-syndic a dénoncé uniquement les délits commis dans la matinée du 6 au château de Versailles. Nous venons protester dans cette Assemblée des représentants de la nation, que nous n’avons pas d’autres documents sur les délits du 6 octobre. Les lémqins ont du déposer avec exactitude; s’ils ne l’ont pas fait, le Châtelet a pu et a dû les y contraindre. Nous protestons de plus que nous n’avons aucune pièce que nous puissions remettre à M. le procureur du roi, comme étant relative aux délits du 6 octobre. Nous supplions l’Assemblée nationale,