[Assemblée nationale.] Après que MM. les députés des différents corps ci-dessus, à l’exception de MM. des eaux et forêts ont été qui ne se sont pas présentés à rassemblée, entendus et l’affaire ayant été. discutée par mesdits sieurs les députés, sur ce: ouï le procureur de la commune, le conseil de ladite commune s’est retiré dans la salle à côté et là il a été mis en question de savoir si, conformément à la lettre de MM. Gauthier et Valette, ci-dessus datée, les assignats-monnaie seront adoptés oui ou non. Sur cette question on a été aux voix et vingt ont été pour que les assignats-monnaie soient rejetés et quatre pour l’acceptation. On a ensuite mi3 en question de savoir de quelle manière on pourra acquitter la dette nationale : sur cette question le conseil a été unanimement d’avis de la payer en assignats non-monnaie. Il a été aussi mis en question de savoir si ces assignats seront dans tous les cas, de gré à gré, négociables et libres sans restriction, ou s’ils seront forcés dans le cas de remboursement de contrats seulement. Sur cette question, on est allé aux voix et dix-sept ont été pour qu’ils soient libres sans restriction, et sept ont été pour qu’ils soient forcés dans ledit cas de remboursement de charges ou de contrats. Plusieurs des membres du conseil ayant proposé d’aller aux voix sur la question de savoir si les-dits assignats porteraient intérêts, ou s’ils n’en porteraient point; et au cas d’intérêts quelle en serait la durée et sur quel pied ; les voix ayant été prises, quatorze ont été pour que lesdits assignats porteraient intérêts à 3 0/0 pendant trois ans seulement; et dix, pour que l’intérêt soit porté à 4 0/0 pendant ledit temps de trois années. Au moyen de ce que dessus, l’affaire dont est question étant terminée sans aucune réclamation, le conseil de la commune est rentré dans la salle d’assemblée, où M. le maire, après la séance prise, a annoncé à tous les assistants la décision ci-dessus à laquelle on s’est empressé d’applaudir avec acclamation, ce qui a prouvé que le vœu général de l’assemblée était rempli . Il a été observé que MM. de Fontenay et Car-tier-Roze, ofliciers-municipaux ; Dutemps, notable ; de Gourbière, directeur des finances ; Duprat, aîné, négociant ; Gouin, l’aîné, pour MM. du commerce ; Roze-Àbraham, pour MM. des fabricants; Deiaunay, Bûcheron et Baignoux, ce dernier membre du district, ont prononcé à l’ouverture de la séance des discours et fait des motions pour et contre l’émission des assignats, lesquels ont été, par les motifs y contenus, applaudis et discutés à la satisfaction des spectateurs, notamment des différents corps assemblés qui ont, par leurs députés, donné leur avis, Il a été constaté que MM. les membres des directoires du département d’Indre-et-Loire et ceux du district qui ont été convoqués à la présente assemblée, n’ont point nommé de députés; que MM. Ansault, Baignoux et Bodin, membres du district, auxquels on a demandé, ainsi qu’à M. So-reau, procureur-syndic dudit district, s’ils étaient venus comme députés, ont dit n’être à l’assemblée que comme citoyens. M. de Fontenay a été prié d’envoyer à MM. Gauthier et Valette copie de la présente délibération, contenant le vœu de la ville, relativement aux assignats et en même temps de les prier d’engager la députation de Touraine à s’opposer le plus fortement possible à ce qu’il fût mis dans la circulation aucuns assignais au-dessous de 200 cents livres; mais que plutôt ils sollicitent l’accélération des fabrications de monnaie de billon, 1" SÉRIE. T. XVIII. [4 sep tcmbre 1790.] qui rempliraient à peu près le même objet sans être susceptibles d’aucuns inconvénients. Signé sur le registre : Mignon, maire ; Rousse-reau, Aubry, Valette, Gotlereau, J.-M. Jahan. F. Gartier-Roze, Hubert, Viollet-Vauguère, Heûri de Fontenay et Martin, officiers municipaux; F.-T. Coullon, avocat-procureur de la commune ; Demezil, substitut ; F. Audebert-Gartier, Pasquin, Abraham-Pillet, notables. Par Messieurs du corps municipal : J.-L. Jacquet, secrétaire-greffier . TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 SEPTEMBRE 1790. Adresse à Messieurs de l' Assemblée nationale , par la section de Notre-Dame , sur l'objet des assignats. Messieurs, la section de Notre-Dame a donné non pas une décision ni un arrêté, mais une simple opinion sur l’objet des assignats et de la monnaie de billon que vous avez ajournée ; elle s’y est déterminée sur le désir de plusieurs de Messieurs les députés de connaître l’opinion publique à cet égard; et tous les citoyens de cette section attendront la loi avec l’empressement, le respect, la soumission qui vous est due à tous les titres possibles. Les citoyens qui ont opiné pour le refus d’un intérêt aux porteurs des assignats futurs, malgré les motifs pour en accorder un quelconque pendant un temps, ne se sont déterminés que pour engager les créanciers de l’État à acquérir plus promptement des biens nationaux : il a fallu que ce motif-ci fût bien pressant, pour ne pas céder aux idées contraires qui lui ont été exposées. La section vous supplie, Messieurs, d’agréer les extraits ci-joints , pour vous les soumettre. Ils contiennent ses opinions et les idées pour et contre. Elle ne peut attendre de vous, Messieurs (elle le répète), que la loi la plus juste; celles que vous avez faites jusqu’à présent, sont autant de garants de celles que vous donnerez pour le salut de la patrie. Nous sommes avec le plus profond respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Les citoyens de la section de Notre-Dame , Signé : OüDET, président ; Teisson, secrétaire . Ce 4 septembre 1790. Extrait des délibérations des assemblées de la section de Notre-Dame du jeudi 2 septembre 1790. Monsieur le président a dit : Messieurs, j’ai convoqué votre assemblée pour deux objets qui m’ont paru si intéressants, que le commerce, la stabilité de la Révolution, la libération de la dette nationale actuellement exigible, et conséquemment le salut de la patrie peuvent en dépendre. L’Assemblée nationale les ayant considérés sous le même point de vue dans ses séances des 27, 37 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 578 ]À»sémblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1790.] 28 et 29 août, elle les a ajournés, pour donner à chaque député le temps de les examiner, et même de savoir l’opinion publique. Le premier objet concerne les assignats pour payer la dette exigible par la vente des biens nationaux. Il est ajourné au 10 septembre. Le second est relatif à une fabrication de monnaie de billon. L’Assemblée a été priée de charger un comité d’en faire un examen particulier. L’opinion publique, àParis, ne peut être mieux connue, que par les idées que chacun des citoyens peut et doit communiquer à l’Assemblée nationale, et même par les délibérations de chacune des quarante-huit sections ; j’ai rédigé (le 31 août) mes idées sur ces deux objets, en me disant à moi-même les raisons pour et contre, et j’ai convoqué votre assemblée. Un président n’ayant point le droit d’opiner, mais seulement de bien poser les questions à décider, et de constater la majorité des suffrages, il est nécessaire d’abord d’examiner et de discuter successivement chacun des objets; j’ai l’honneur de proposer la iecture du récit sommaire fait dans les journaux sur les deux objets dont il s’agit, d’entendre ensuite les observations de chacun des citoyens assemblés, et peut-être de vous faire la lecture de quelques-unes de mes idées pour et contre, si elles ont échappé à Messieurs les observateurs. L’un des citoyens ayant lu le récit sommaire, fait dans l’un des journaux, de ce que M. de Montesquiou, M. de Mirabeau et plusieurs autres de Messieurs, les députés ont dit dans les séances des 27 et 28 août au sujet des assignats ; plusieurs citoyens ont ensuite fait leurs observations, dont quelques-unes ont eu pour but de nommer des commissaires pour examiner la question, et en faire leur rapport à l’assemblée de demain, tandis que les autre sont demandé qu’il fut délibéré sur-le-champ . M. le président a mis à l’opinion « s'il serait < nommé des commissaires pour faire leur rap-« port demain ; et pour proposition inverse, qu’il « serait délibéré sur-le-champ sur la totalité ou « sur quelques-uns des articles relatifs aux as-« signais.» La proposition inverse ayant réuni la majorité des voix, il a été arrêté que l’Assemblée délibérera sur-le-champ. M. le président a mis à l’opinion « si, avant de « délibérer, l’assemblée jugeait à propos d’enten-« dre ou de ne pas entendre la lecture de quel-« ques-unes de ses idées pour et contre, échap-« pées aux citoyens qui avaient fait des observa-« tions. » L'assemblée ayant adopté la proposition affirmative, M. le président a fait la lecture de quelques-unes de ses idées pour et contre les assignats et l’allocation d’un intérêt quelconque ; et ensuite il a mis à l’opinion successivement chacun des quatre premiers articles de la conclusion de M. de Mirabeau du 27 août, sauf à revenir ensuite aux amendements proposés sur chacun de ces articles. Les trois premiers articles mis successivement à l’opinion, même en divisant le premier en deux parties, ont été adoptés à l’unanimité; le quatrième l’a été également à l’unanimité, à �exception d’une voix ; les amendements ayant été mis successivement à l’opinion, ils ont été adoptés à l’unanimité, et il en résulte que l’assembjée est d’avis : « 1° que la totalité de la dette nationale , « exigible au premier janvier 1791, sera rem-« boursée en assignats-monnaie ; 2° Que ce remboursement en assignats sera < fait sans intérêts; « 3° Que la totalité des domaines nationaux « sera mise en vente sur-le-champ, et qu’il sera « ouvert à cet effet des enchères dans tous les « districts; « 4° Que lesdits assignats seront reçus en « payement des acquisitions à l'exclusion de l'ar « gent et de tout autre papier; « 5° Que, à fur et à mesure de la rentrée des « assignats par le payement des acquisitions, ü « sera énoncé dans chaque quittance, dont il res-« tera minute, le numéro et le montant de chaque « assignat donné en payement, que chacun de « ces assignats sera bâtonné par i'acquéreur.et « brûlé sur-le-champ, et qu’il en sera fait men-« tion dans la quittance ; « 6° Que tous les trois mois il sera imprimé et « affiché à Paris la liste des payements faits en <■ assignats pendant les trois mois précédents, « laquelle liste contiendra le numéro et la « somme de chaque assignat donné en payement « et brûlé, et le nom, la nature et le lieu du « domaine national ainsi payé. » Lecture ayant été faite du cinquième article proposé par M. de Mirabeau, tendant à charger le comité des finances de présenter un projet de décret et une instruction pour mettre ces opérations en activité le plus tôt possible, il a été observé et délibéré à l’unanimité que cet article ne peut-être agité et délibéré que dans l’Assemblée nationale. Neuf heures du soir étant sonnées, l’assemblée a été continuée à demain 3 septembre, 4 heures du soir, pour délibérer tant sur la quotité des différentes sommes qui seront dans les assignats que sur la fabrication de la monnaie de billon et autres objets s’il y a lieu. Signé: OüDET , président; Teisson, secrétaire. Du vendredi 3 septembre 1790. Il a été fait lecture : 1° d’une lettre de M. Sarrot, avocat au parlement, en date du 31 août dernier, relativement à l’émission de deux milliards quatre cents millions d’assignats demandée à l’Assemblée nationale, et ajournée au 10 de ce mois. Par cette lettre M. Sarrot demande que les sections veuillent bien présenter à l’Assemblée nationale une adresse, suivant le projet qu’il a envoyé au mois d’avril dernier, tant à l’Assemblée nationale, qu’aux districts et aux municipalités du royaume. 2° Ii a été fait lecture d’un imprimé ayant pour titre Projet de coupons d’assignats , et d’un bureau de confiance pour leur distribution, par M. D. G..., député de Saumur à l’Assemblée nationale. 3° Ensuite M. le président a fait lecture de la suite des observations par lui faites à la séance d’hier, relativement aux assignats. L’Assemblée a décidé que ces observations seront annexées au présent procès-verbal (1). Ensuite la discussion a été ouverte sur l’émission des assignats. Plusieurs citoyens ont été d’avis que ces assignats ne soient point subdivisés. Plusieurs, au contraire, ont été d’avis que ceâ assignats soient subdivisés. La discussion fermée, il a été mis à l’opinion si ces assignats seraient ou non subdivisés au-dessous de 200 livres. (1) Elles sont imprimées ci-après. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1790.] 879 [Assemblée nationale.] La majorité a été d 'avis que ces assignats seront subdivisés au-dessous de 200 livres. Il a ensuite été mis à l’opinion si par l’effet de la subdivision il y aura des assignats de 100 livres, La très grande majorité a été d’avis pour l’affirmative. Mis ensuite à l’opinion s’il y aura des assignats de 50 livres, La grande majorité a été d 'avis pour l’affirmative. Mis enfin à l’opinion s’il y aura des assignats au dessous de 50 livres. La majorité a été d’avis pour la négation. La discussion a été ensuite ouverte sur la question de savoir s’il sera fabriqué de la monnaie billon. La discussion fermée, il a été mis à l’opinion, et l’assemblée a été d’avis, à l’unanimité, qu’il soit fabriqué de la monnaie billon. Mis à l’opinion s’il en sera fabriqué pour moins de 100 millions, L’assemblée a été d’auis, à la majorité, qu’il en soit fabriqué pour moins de 100 millions. Mis de suite à l’opinion s’il en sera fabriqué pour 60 millions, La grande majorité a été d’avis pour l’affirmative. La discussion a été ensuite ouverte sur la question de savoir quelle valeur aurait cette monnaie billon. Plusieurs avis ont été qu’il y ait des pièces de 20 sols, 10 sols et 5 sols. D’autres avis ont été pour qu’il y ait des pièces de 5 sols, de 2 s. 6 d., et 18 deniers. Mis à l’opinion s’il y aura des pièces au-dessus de 5 sols, L’Assemblée est d’avis, à la majorité des voix, qu’il n’y ait point de pièces de monnaie au-dessus de 5 sols. Mis à l’opinion s’il y aura des pièces de 2 s. 6 deniers, La majorité a été d’avis pour l’affirmative. Mis enfin à l’opinion s’il y aura des pièces de 18 deniers, La majorité a été d’avis pour l’affirmative. Pour extrait conforme au procès-verbal , Signé : OUDET, président ; Teisson, secrétaire. Du 4 septembre 1790. M. le président a mis successivement à l’opinion : 1° si l’extrait des délibérations des 2 et 3 septembre, et celui des idées pour et contre, dont il a fait la lecture aux assemblées, sur l’intérêt des assignats, leur subdivision et sur la monnaie de billon, seront imprimés et adressés à l’Assemblée nationale; 2° Et s’ils seront envoyés aux quarante-sept autres sections. Les deux propositions ont été adoptées à l’unanimité, et qu’à cet effet il en sera imprimé trois cents exemplaires. M. le président a lu le projet par lui fait de l’adresse à l’Assemblée nationale, pour l’envoi des extraits ci-dessus; ce projet a été adopté à l’unanimité. Pour extrait conforme au procès-verbal . Signé ; ÛÜDET, président ; TeïsSON, secrétaire. Extrait des idées de M. Oudet, président de la section de Notre-Dame , l’un de ses trois notables élus pour la municipalité (du 31 août 1790), lues à l’assemblée du 2 septembre, sur l’intérêt à accorder ou refuser aux assignats à donner en payement de la dette nationale exigible au 1 janvier 1791. L’admission des deux articles et l’affirmative sur la première des deux questions proposées le 27 août 1790, par le comité des finances, formeront le payement de la dette nationale exigible. La nature du domaine, le lieu, la bienséance et le prix désirés par l’acquéreur consommeront son payement le jour de la vente. Ce payement, cetie vente, facilitera la fixation, la perception des impôts, même en diminuant les peines, ies dépenses de la régie, et même de celles des finances. Ce payement, cette vente, déterminera les ennemis de la Révolution à changer d’avis et à la consolider eux-mêmes et sur-le-champ, par leur intérêt personnel dans les assignats, et dans les domaines nationaux; ils auront la liberté, l’exercice des droits de l’homme et du citoyen au lieu du despotisme et de l’esclavage, qu’ils ne préféraient que par la fausse espérance de conserver par là une fortune, qu’ils eussent nécessairement perdue sans la Révolution. Si ies assignats proposés par le comité des finances pour 18 à 1900 millions (outre les 400 déjà décrétés) accomplissent les avantages que je viens de citer, il faut adopter ce parti, à moins que M. Necker, ou tout autre homme d’Etat, ne propose un parti plus avantageux. Mais cet autre parti, s’il est possible, dans la position actuelle du royaume, ne doit avoir pour base ni les suspensions, les atermoiements, les anticipations, ni encore moins un emprunt; ces expédients sont tous excessivements ruineux : il en est même qui seraient odieux de plus en plus. Je ne doute point que, s’il peut exister un autre parti meilleur que celui proposé par le comité, M. Necker le découvrira; mais il n’est pas le seul qui puisse mériter l’estime de la nation par une découverte heureuse. Si M. Necker, ni tout autre, ne trouve un meilleur parti que celui proposé, il doit d’autant plus applaudir à son exécution que le salut de la nation en dépend. La seconde question proposée par le comité des finances le 27 août 1790, est de savoir : « si i’as-« signât portera intérêt, et quel il sera? » Motifs du refus. Le refus de tout intérêt, même pendant on temps limité, procurera effectivement quatre avantages à la nation : Le premier d’affranchir l’Etat de payer aucune rente, aucun intérêt du capital de toutes les sommes exigibles (1). (1 ) Supposons que les domaines nationaux montent à 2 milliards 400 million» ; pour éteindre en assignats pareille somme sur les dettes exigibles sans allouer aucun intérêt, l’Etat serait dispensé de payer et conséquemment d’imposer par an sur le peuple, ou 120 millions à cause du denier 20, ou 96 millions à cause ds l’intérêt à 4 O/q. ou 72 millions à cause de l’intérêt à 3 O/o, ou 60 millions à cause de 2 î/2 O/o, ou 48 mil-i lions A 2 O/o» ou 24 millions A cause de l’intérêt A f O/O. 680 [Assemblée nalionalo.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1790.] Le second avantage serait d’obliger les porteurs de l’effet donné en payement, d’acquérir très promptement des biens nationaux, pour ne pas perdre trop longtemps, ou pour toujours, le revenu de son effet. . Le troisième d’engager à enchérir de plus en plus le prix de l’adjudication du bien national mis en vente, pour accélérer plus promptement la jouissance d’un revenu quelconque, au lieu d’avoir des effets oisifs. Le quatrième de procurer à l’état le revenu des biens nationaux pendant tout le temps qu’ils ne seront pas vendus, tandis que l’état ne payerait point l’intérêt du capital qui doit représenter le prix de ces biens. Mais ces quatre avantages, dont deux seraient très réels, ne seraient-ils pas autant d’injustices faites aux créanciers de l’Etat, payés en effets oisifs? Motifs pour accorder un intérêt quelconque. Première observation. Chacun des citoyens qui, par des deniers fournis à l'Etat, ont payé la finance ou le prix de l’achat de sa place, de son emploi ou de sa charge, a compté conserver la propriété de sa finance, et en même temps un revenu quelconque: l°de son acquisition ; 2° et un honoraire ou un payement des fonctions qu’il remplirait par l’emploi de son temps et de ses talents : Il paraîtrait donc juste de lui conserver, jusqu’au remboursement de sa finance et de son achat, le revenu qui s’y trouverait attaché sans exercice. Sans cette attribution, l’Etat le priverait d'un revenu dû à son capital, tandis qu’il y a déjà 400 millions d’assignats, qui rapportent l’intérêt de 3 0/0, même pour une cause moins favorable. Seconde observation. La destination des assignats est une vente anticipée d’un domaine national quelconque ; ce domaine appartient donc à celui qui reçoit son payement dans les assignats ? Ce domaine lui appartient à la même époque de la quittance qu’il donne de sa créance. Le remise de l’assignat est même une promesse de vendre une portion de ce domaine ; le revenu devrait donc lui appartenir à compter du jour de sa quittance. Troisième observation. Le retard de l’exécution de la vente promise ne fait qu’une incertitude mutuelle, qui ne doit être injuste ni pour le vendeur qui se libère, ni pour l’acquérenr qui a payé d’avance par sa quittance. L’incertitude n’a pour objet que le choix à faire du domaine par le porteur de l’assignat, pour en connaître et déterminer la qualité, l’espèce, la situation, qui se trouvera à sa bienséance et le {>rix ; le choix ne blesse point le vendeur, si, au ieu du prix qui serait fixé sans une connaissance parfaite de part et d’autre, il lui est réservé la ressource d’un temps pour la vente, et de ne la faire* qu’à la chaleur des enchères quand il lui sera offert le montant de l’estimation faite par des experts que la nation a choisis. Alors ni l’un ni l'autre ne doit être trompé. Quatrième observation . Mais si, pendant le cours de cette incertitude, le vendeur ne payait aucun intérêt, il profiterait, et l’acquéreur ferait la perte d’un revenu quelconque. Il faudrait donc, ou rendre la jouissance à l’acquéreur, à compter du jour de sa quittance, ou lui payer un intérêt quelconque de son assignat, jusqu’au jour du dépôt de son assignat pour la sûreté du prix de son enchère. Ce second parti semble le plus prudent pour éviter toute contestation, et même plusieurs sortes d’abus possibles dans les spéculations sur les revenus du domaine national. Cinquième observation. L’Assemblée l’a déjà prévu et jugé pour les 400 millions d’assignats décrétés pour les mêmes biens ; elle a accordé un intérêt de 3 0/0 jusqu’au 'our du dépôt des assignats, qui serviront à payer e prix de l’adjudication, et elle accorde les fruits du domaine à compterdu jour du dépôt. Le refus d’accorder un intérêt quelconque aux assignats futurs serait donc une disparité avec ceux qui subsistent. Dès lors il parait juste, et il semble déjà décrété, que chaque assignat doit rapporter un intérêt de 3 0/0, à compter du jour de sa date. Je proposerai pour les nouveaux assignats plusieurs sortes d’intérêts à choisir par l’Assemblée nationale, si elle juge à propos d’en accorder une pour la satisfaction mutuelle de la nation et des créanciers. Sixième observa tion , Mais si, d’un côté, le remboursé garde pour toujours l’assignat afiD dejouirdu revenu sans acheter des biens nationaux et sans vendre son assignat aux citoyens enclins à en faire l’acquisition, il fera nécessairement un préjudice à l’Etat qui serait obligé de garder une partie des biens domaniaux. Septième observation. D’un autre côté, si l’assignat ne portait aucun intérêt, le porteur serait exposé à ne pas avoir assez de temps pour choisir le bien domanial à sa bienséance, et pour en avoir la véritable valeur ; il pourra même craindre que la vente ne soit retardée par négligence ou par intérêt. Il parait à propos d’éviter ces trois inconvénients par quelques précautions. La première, de ne fixer l’intérêt qu’à un taux fort modique et même pour un temps, par exemple 3 0/0, comme les assignats déjà décrétés pour les 400 millions. La seconde, de décréter que tous les assignats fournis et à fournir ne rapporteront un intérêt que pendant 1, 2, 3, 4 ou 5 ans, afin de donner aux porteurs le temps de faire le choix qui leur conviendra et d’apprendre la véritable valeur du domaine à acquérir. Ce temps, ce choix et cette instruction serviront à procurer plus d’enchérisseurs et à porter l’enchère dernière à une valeur plus proportionnée à celle du bien national. La nécessité de réduire au même nombre d’années celles de l’intérêt des assignats déjà décré- [Assombléo nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1790. | tés pour 400 millions, sera encore une précaution pour l’utilité des ventes et des enchères. Le porteur d’un assignat, dont l’intérêt serait perpétuel, ne sera point excité à acquérir aussi promptement que le porteur d’un assignat sans intérêt; de là viendra le moindre prix de l’enchère du premier ; conséquemment, le second ne sera pas obligé de porter 3a surenchère aussi loin qu’il l’eût fait si le premier n’avait pas eu une raison pour diminuer la sienne. Huitième observation. Tout citoyen, qui a de l’argent en masse ou des effets qui le remplacent, et dont le cours est utile à la société, en procurant la facilité et le bien du commerce, doit nécessairement faire circuler son argent ou employer ses effets ; s’il s’y refuse, il doit être considéré comme le propriétaire d’une fontaine qui priverait ses concitoyens de l’eau qui lui étant inutile ferait féconder leurs héritages; il ferait donc le mal pour le mal : et si en faisant cette privation il se privait lui-même de l’utilité et d’un revenu de ce cours d’eau, en ce cas il ferait plus que le mal pour le mal à ses concitoyens ; il ferait son mal personnel et celui de ses enfants ou de ses parents ; il serait donc un mauvais citoyen, un mauvais père de famille. Chacun des créanciers de l’Etat n’a intérêt et droit que d’exiger son payement, ou en argent, comme il l’a prêté, ou en effets équivalents, pour les placer utilement et en tirer un revenu. Les assignats qui lui seront fournis seront d’autant plus équivalents à l’argent, que ces effets-là auront la préférence, même sur l’argent, pour acheter et payer des domaines nationaux, et s’il ne veut point les employer à cet usage, il pourra les échanger avec de l’argent ; il en trouvera la facilité. Ce créancier ne peut donc point se plaindre de la forme du remboursement. « L’Assemblée nationale peut et pourra même, par une loi, le forcer à le recevoir ainsi, en décrétant que les assignats tiendront lieu d’argent comptant , à compter du jour du décret qui les ordonnera, nonobstant toutes stipulations et lois contraires, qui seront abrogées et considérées comme non-avenues. » Aussi le comité des finances a-t-il envisagé le arti de forcer les seuls créanciers hypothécaires, ailleurs de fonds des offices supprimés, à accepter les assignats en payement. Mais il a été proposé, dans le comité, d’étendre le droit de transmission à tous les créanciers constitués. Dans tous les cas, si le créancier, quel qu’il soit, est de bonne foi, bon citoyen, bon père de famille, il ne pourra opposer à un pareil décret que la nécessité d’accepter son remboursement par des assignats oisifs et sans intérêt, pour acquérir des domaines nationaux trop tôt et sans les connaître assez par leur valeur et la bienséance, à peine de perdre le revenu de son remboursement. Mais en accordant un intérêt annuel pendant un temps, l’Assemblée nationale accordera plutôt une faveur qu’une justice rigoureuse. L’on dit un intérêt pendant un temps , tel qu’un ou deux ans, parce que ce temps suffit pour connaître la bienséance ou la valeur du domaine et l’acquérir, ou pour céder l’assignat nécessaire aux autres citoyens pour cette acquisition. Si néanmoins l’Assemblée nationale veut épuiser tous les motifs possibles pour éviter une lainteméme injuste, elle pourrait fixer à t, 2, ou , ou 4, ou 5 ans, l’intérêt des assignats, et il est un moyen d’équité à prendre pour le créancier et pour la nation, dans la longueur ou la brièveté du terme à accorder pour acquérir des domaines nationaux, à peine de perdre l’intérêt pour le temps ultérieur. Par exemple, pour accorder l’intérêt : 1° pendant 5 ans, l’Assemblée pourrait le fixer à 2 0/0 par an. 2° Pendant quatre ans, le fixer à 2 1/2 0/0. 3® Pendant trois an3, le fixer à 3 0/0. 4° Pendant deux ans, le fixer à 3 1/2 0/0. 5® Pendant un an, le fixer à 4 0/0. Le tout franc et quitte de toutes impositions. Les quatre premiers termes portant le moindre intérêt ne feront rien perdre à l’Etat ; au contraire, il y gagnera par le produit des domaines non vendus et si le créancier acquiert pendant ces quatre premiers termes, c’est lui qui gagnera sur l’intérêt par le revenu du domaine qu’il aura acheté. Le cinquième terme , qui est le plus court pour le créancier, peut faire perdre quelque chose à l’Etat si le domaine ne lui rapporte point 4 0/0 en se régissant ; mais aussi PEtat, après la première année, gagnera le revenu de tous les biens non vendus pendant cette première année, parce, qu’il ne payera plus aucun intérêt des assignats non employés pendant cette première année-là. Les citoyens vraiment patriotes, les bons pères de famille, ne peuvent donc que gagner à la brièveté du temps accordé pour le cours de l’intérêt et pour acquérir, et ils ne feront rien perdre à l’Etat, auquel leur sort et celui de leurs enfants sont inséparablement attachés. Suite des idées de M. OüDET, données le 31 août 1790, sur les assignats et la monnaie de billon. Cette suite a été annexée au procès-verbal du 3 septembre. En donnant mes idées sur les assignats, j’ai promis celles que je puis avoir sur la monnaie de billon, proposée par M. Rcwbell à l’Assemblée nationale, le 29 août 1790; en voici quelques-unes. Les citoyens de la ville de Paris sont dans une position si critique, que les uns ne reçoivent point leurs revenus; ceux qui les reçoivent sont obligés d'escompter des billets ci-devant de la caisse d’escompte, et à présent changés en assignats, et ils sont obligés, pour toucher une petite somme, de recevoir un billet de 200 livres et de rendre l’appoint avec de l’argent qu’ils n’ont point ; ils sont donc privés de leur payement. Les maîtres, de maisons, les manufacturiers, les citoyens, qui veulent ou payer leurs dépenses, ou acheter des marchandises, ne peuvent se servir que des billets-monnaie, au moins de 200 livres, et on leur refuse l’appoint plutôt que de recevoir leur payement, ou de vendre De cette pénurie il résulte que le débiteur ne se libère point; le marchand n’achète ou ne vend pas, et l’ouvrier et le manœuvre, qui ont besoin de leur payement, sont privés de le recevoir. Si le porteur d’un billet ou de la caisse d’escompte, ou d’assignats, veut le changer pour de l’argent, les usuriers exigent l’intérêt échu et encore 5 0/0 ; il y en a même qui en ont exigé jusqu’à 6, 10 et 15 0/0. Il est fort à craindre que ce malheur ne passe en province; en ce cas le commerce sera tout à à fait ruiné, la contre-révolution, que les ennemis 582 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembto 1790.] de la liberté' désirent, annoncent et veulent fomenter, serait même à craindre et occasionnerait une guerre civile. Ces circonstances ne proviennent et ne peuvent provenir que, ou de la rareté de l’argent en espèces, ou de ce que les monopoleurs et les usuriers le tiennent enfoui dans leurs coffres pour le vendre avec usure, ou pour occasionner une contre-révolution; ils tiennent leur argent enfoui, puisque M. Necker atteste que, selon toutes les vraisemblances, il y a un numéraire réel de 2 milliards en France, quoiqu’on n’en voie presque point. Pour éviter tous ces événements, et même pour libérer l’Etat, en évitant de nouveaux emprunts, l’Assemblée nationale a décrété pour 400 millions d’assignats; le comité des finances en propose pour 1900 autres millions bien assurés, et en outre la fabrication de 24 millions de billon. Ces deux nouvelles propositions doivent opérer des avantages infinis, et même celui de consolider la Révolution et de la rendre inébranlable. Mais ces propositions seront encore sans aucun effet, contre les monopoleurs, si l’Assemblée nationale ne pare pointa leurs abus ordinaires. Pour y parer, il faut pouvoir se passer des monopoleurs, et l’on ne peut s’en passer qu’en fabriquant un numéraire en argent ou en papier, de façon que les monopoleurs ne puissent point en vendre à profit à l’étranger, et que l’on puisse convertir, d’un moment à l’autre, les billets considérables en de moindres, et les petites pièces ou billets, en monnaie de billon. Avant la refonte des louis d’or, les étrangers achetaient nos louis de 24 francs, et en donnaient jusqu’à trente sols de plus sur chacun ; ces espèces ne rentraient donc jamais en France. La refonte a empêché cette spéculation de l’étranger; il est à présumer que toute la refonte est restée en France, mais on ne voit point de louis d’or : ils sont donc enfouis par les capitalistes, usuriers, ou craintifs, à moins que M. de Calonne et sa femme n’en aient emporté une très grande partie en Angleterre. Si, en évitant les vices des opérations cakm-niennes sur les louis, il est fait une refonte des écus de 6 livres et tle 3 livres, en les mettant au même titre que celui des espèces des nations voisines ou éloignées, et en mettant la légende, Louis XVI, roi des Français, les possesseurs actuels des écus de 6 livres et de 3 livres les apporteront à la monnaie, soit parce qu’ils n’auront plus de cours en France, soit pour profiter d’une portion du bénéfice sur cette refonte ; ils ne pourraient plus faire de commerce des nouveaux écus avec l’étranger, les nouveaux resteraient donc en France. Pour engager les usuriers à se servir de leurs nouveaux écus dans le commerce,' au fieu de les enfouir, il faudrait encore qu’outre les 24 millions de billon à fabriquer en pièces de 5 sols et de 2 sols seulement, pour laisser le cours aux pièces de 18 deniers existantes, il serait peut-être encore à propos de diviser les assignats jusqu’à en faire des coupons de 12 et de 6 livres, ou de faire des billets-monnaie de cette espèce, si l’Assemblée nationale ne veut point faire des coupons d’assignats si modiques. Alors tout le numéraire en espèces et en papier resterait en France, où il est nécessaire; et il en résultera le plus grand avantage pour le commerce, même par la baisse du taux de l’intérêt des capitaux à emprunter. Pour diriger cette double opération, il faut consulter les citoyens très instruits dans cette partie délicate, pour éviter les abus et les fraudes. En ne payant à l’avenir, à Paris, toutes les rentes qu’en papier-monnaie et assignats de toutes espèces de valeur, les fugitifs n’enlèveraient plus notre numéraire en argent; ils seraient obligés de revenir en France, et les voyageurs dans les pays étrangers seraient les seuls gênés par la nécessité de prendre à Paris des lettres de crédits, ou des effets sur les pays où ils passeraient; en ce cas ils n’auraient queles frais d’échange à perdre; mais cette perte, faite par quelques particuliers qui ne voyagent très souvent que pour leurs plaisirs, n’est pas à mettre en balance avec l’intérêt général de tout le royaume qui a besoin de conserver tout son numéraire pour l’y faire circuler. Oüdet. QUATRIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 SEPTEMBRE 1790- Des inconvénients des assignats-monnaie, et des moyens de liquider la dette de l’Etat, par M. Le Roy. Ceux qui proposent de liquider la dette exigible de l’Etat avec 2 milliards de papier-monnaie, se flattent de faciliter l’acquisition des biens nationaux par cette prodigieuse augmentation de numéraire, et ils se dissimulent les effroyables inconvénients qu’elle entraîne à sa suite. Ceux qui sont frappés de ces inconvénients les font très bien sentir; mais ils ne nous disent pas comment soulager l’Etat de ses dettes, ni quel parti l’on peut tirer des biens appartenant à la nation. Montrons aux premiers que l’émission de deux milliards de papier-monnaie est absurde et funeste, et surtout qu’elle ne pourrait faciliter la vente que d’une très petite partie des biens nationaux. Tâchons de résoudre la difficulté que les seconds n’ont point résolue; et comme il est impossible de vendre en peu de temps la majeure partie des biens nationaux, faisons voir qu’heureusement cela n’est point nécessaire; et qu’avec du temps, de l’ordre, de la sagesse et de la patience, on peut, sans grever la nation, satisfaire les créanciers, liquider la dette, et tirer des domaines nationaux le parti le plus avantageux. Ce plan embrasse, ce me semble, la question dans toute son étendue, et divise naturellement ce petit ouvrage en deux parties, PREMIÈRE PARTIE § Idées simples sur V argent et le papier. La préférence donnée à l’or et à l’argent sur toutes les autres substances pour être le signe commun de toutes les valeurs, tient à ce que tous ces métaux ont eux-mêmes une valeur réelle sous-peu de volume, et à ce que leur durabilité et leur divisibilité les rendent éminemment propres â cet usage. Il est bien reconnu que leur valeur comme monnaie n’est point arbitraire. Sans cela, qui empêcherait de faire de la monnaie avec dubois, du cuir, des coquilles, du papier, ou toute autre substance? Si un Etat était