[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Metz.J 785 annexé, et de l’ordonnance de M. le prévôt, à l’effet de procéder à la rédaction de son cahier de doléances, plaintes et représentations, a chargé son député de présenter à l’assemblée des ordres de la province des Évêchés, à Metz, et de faire insérer, dans le cahier du clergé de ladite assemblée qui doit être porté à celle des Etats généraux, les articles suivants : Art. 1 *r. Le clergé consent à faire généralement tous les sacrifices pécuniaires qui sont en son pouvoir, et qui peuvent être nécessaires dans les circonstances présentes, pour subvenir aux besoins de l’État et procurer le soulagement des peuples. Art. 2. 11 demande la conservation de ses anciennes formes, et de tous les privilèges, prérogatives et immunités dont il jouit depuis rorigine de la monarchie, et dont il ne pourrait être dépouillé que par une innovation injuste et funeste à l’État. Art. 3. Une nouvelle organisation des chambres ecclésiastiques, chargées de la répartition des subsides imposés sur le clergé. Il désire, en conséquence, que le nombre des députés de tous les corps séculiers et réguliers soit proportionné à leur contribution respective; que ces députés soient élus dans toutes les parties du diocèse ; que le bureau diocésain ne soit chargé de répartir l’impôt que sur les districts, doyennés ou archiprêtrés, et qu’il soit établi dans ces différents distacts des bureaux particuliers chargés de la répartition immédiate sur les individus. Art. 4. Qu’il n’y ait plus aucune distinction entre les biens appartenant aux ordres teutoni-que et de Malte et ceux du clergé, et que les subsides imposés sur les biens de l’Eglise soient également répartis sur ces deux ordres, comme sur tous les corps ecclésiastiques. Art. 5. L’augmentation survenue depuis quelques années dans le prix des objets de consommation, mettant la plupart des curés et vicaires dans l’impuissance de remplir, avec décence, les fonctions de leur ministère, et de soulager les pauvres de leurs paroisses, le clergé demande qu’il soit pourvu� par union de bénéfices sans charge d’àmes, a ce que chaque curé ait au moins 1,000 livres de revenu aunuel, et chaque vicaire amoviblé au moins 500 livres. Art. 6. Que, dans les assemblées municipales, le curé de la paroisse occupe la première place après le seigneur, et qu’il ait la présidence en son absence : cette distinction, due à la dignité de son caractère, èst nécessaire pour opérer le bien que le gouvernement se promet de la présence du pasteur dans ces sortes d’assemblées ; elle lui est déjà assurée dans plusieurs provinces, et accordée volontairement dans les autres par les syndics et autres membres de la municipalité. Art. 7. Que les ordonnances et édits du Roi, ainsi que les règlements faits par les cours souveraines, concernant la sanctification des fêtes et dimanches, la fréquentation des cabarets, les danses, les spectacles, les attroupements, les assemblées publiques et tumultueuses, soient renouvelés en tant que de besoin, et exécutés selon leur forme et teneur ; et qu’il soit pris des mesures efficaces pour prévenir les débauches, les querelles, les meurtres mêmes, auxquels les fêtes patronales ne manquent pas de donner lieu chaque année. Art. 8. La révocation de l’édit du Roi, qui défend aux églises et aux hôpitaux le remplacement de leurs capitaux. Art. 9. Que le gouvernement prenne les me-lre SÉRIE. T. ni. sures les plus promptes et les plus efficaces pour arrêter le cours des livres également funestes à la religion, aux mœurs et à l’Etat, dont le poison se répand, dans ces cantons surtout, avec une hardiesse et une rapidité sans exemple. Art. 10. Que les ecclésiastiques non nobles puissent être admis dans les chapitres et parvenir aux dignités du premier ordre pour encourager les talents, et donner à l’Eglise les bons et utiles ministres qui lui sont nécessaires. Art. 11. Qu’il soit fait de nouveaux réglements sur l’enseignement public, l’éducation de la jeunesse, et surtout l’instruction des jeunes clercs ; que les séminaires, les collèges et les universités, confiés à des congrégations religieuses, qui n’ont point assez de sujets pour en remplir les places à la satisfaction du public, soient donnés à des prêtres séculiers, choisis dans tous les membres du clergé des différentes provinces. Art. 12. Pour terminer des contestations qui, pour des objets de la plus petite conséquence, ruinent souvent les habitants de la campagne, qu’il soit établi, dans chaque communauté, un tribunal de paix, composé du curé de la paroisse et des membres de l’assemblée municipale ; lequel tribunal jugera, sans frais, jusqu’à la concurrence d’une somme à fixer par les Etats généraux. Art. 13. Que les Juifs, domiciliés dans la province des Trois-Evêchés, soient soumis aux règlements rendus pour celle d’Alsace le 10 juillet 1784, pour réprimer efficacement les vexations et usures d’une nation qui produit la ruine des villes et des campagnes. Art. 14. Que les réclamations des autres ordres, touchant la régie, les fermes, la gabelle, l’impôt sur le sel, les huissiers-priseurs, les maîtrises des eaux et forêts, les salines et autres usines, etc., soient accueillies favorablement. Tels sont les articles que les commissaires députés pour la rédaction du cahier de l’ordre ecclésiastique des prévôtés de Sarrebourg et Phals-bourg, par procès-verbal de ce jour, ont rédigés, et qui doivent être présentés par son député, pour être insérés dans le cahier du clergé du bailliage de Metz, et de suite porté aux Etats généraux. Et ont lesdits commissaires signé, les jour et an que dessus, Signé Georgel, doyen et curé de Sarrebourg ; Mangenot, chanoine, député du chapitre ; Marc, curé dTmling ; Rossignol, représentant le cure de Reding. Coté et paraphé par nous, prévôt, juge royal à Sarrebourg, le présent cahier contenant quatre pages, en exécution de notre procès-verbal de ce jourd’hui 9 avril 1789 ; le présent à l’instant remis au sieur Georgel, député du clergé. Signé Mathey ; Embry, secrétaire-greffier. HUMBLES DOLÉANCES Du corps des vicaires de la paroisse des Trois - Evêchés (1). Domine Rex, propitius esto sorti ; converte luctum nostrum in gaudium, ut, viventes, laudemus no-mentuum. C’est à Votre Majesté même, Sire, que s’adres-(1) Nous publions ces pièces d’après un manuscrit des Archives de V Empire, 50 786 {États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Metz.] sent ces plaintives paroles, que, du fond d’une de vos provinces, élèvent vers votre bienfaisance, une petite mais intéressante portion de ce peu-le dont vous vous montrez le père (les vicaires e votre province des Trois-Evêchés). Vous avez permis, Sire, que l’on porte au pied de votre trône, et qu’on verse, pour ainsi dire, dans votre sein, les doléances que l’infortune arrache aux malheureux qu’elle tourmente ; mais, hélas ! cette douceur que doivent goûter tous et chacun, nous a été refusée, et l’article quatorzième de votre ordonnance de convocation aux Etats généraux, qui Ïiermet à l’affliction d’élever la voix, a condamné a nôtre au silence, en nous obligeant à rester les gardiens des paroisses de ceux dont nous sommes les coopérateurs en notre qualité de vicaires. Cependant, Sire, nous osons le dire avec autant d’ingénuité que de vérité, de tous vos sujets du clergé, il n’en est peut-être pas dont la dure destinée ait plus de droits à la réclamation et dont les voix soient moins à portée d’être entendues, et la misère connue. Nous nous attendons bien, Sire, que l’on nous dira que nous pouvions charger MM. les curés de nos doléances, et qu’après tout nous faisions corps avec le clergé ui a des représentants aux Etats généraux. Ah ! ire, nous faisons effectivement partie de ce clergé; nous avons meme l’honneur d’être du nombre de ceux que votre bonté a honorablement qualifiés du titre flatteur de bons et utiles pasteurs; mais malgré toute la confiance que nous inspirent leurs vues bienfaisantes et éclairées, nos intérêts, quoique du même corps, sont bien différents, comme vous l’apercevrez sans doute par les doléances que nous avons l’honneur de vous mettre sous les yeux et l’apparente opposition, que semblent mettre nos pétitions à leurs intérêts, aurait pu refroidir leur zèle à nous être utiles. Non, Sire, il n’y aura point de vicaire aux Etats généraux, aussi peu considéré dans la société qui a dû former cette notable assemblée que leur qualité de vicaire paraît peu relevée ; ils en ont été exclus et n’auront par conséquent personne pour présenter, étayer leurs doléances et en montrer la justice, et cette même indifférence, qui les élimine des Etats généraux, aurait aussi fait peu de cas de l’objet de leurs pétitions, et leurs doléances seraient restées dans l’oubli. Tel est, Sire, le sort du faible : gémir est sa tâche, se taire est son devoir. Ne dédaignez donc pas, Sire, écouter favorablement nos timides voix, et puisque l’accès de votre trône est ôté à des êtres qui seraient aussi jaloux que tout autre de montrer et satisfaire leur amour pour votre auguste personne , en contemplant sa profonde sagesse, et lui rendant leurs respectueux hommages, permettez que, du fond de nos asiles où notre condition nous enchaîne, nous ayons l’honneur de vous faire parvenir ces doléances que vous avez permises à tous et à chacun de vous exposer; nous en userons, Sire, avec cette respectueuse liberté que doivent avoir d’humbles et d’affectionnés sujets envers un monarque digne de toute leur tendresse et attachement. Pour mettre, Sire, dans nos doléances toute la clarté et l’ordre nécessaires et en montrer la justice, il est essentiel de vous prévenir que dans vos vastes Etats, Sire, on distingue deux sortes de vicaires ; les uns sont à résidence, les autres commensaux. Les vicaires à résidence sont des ecclésiastiques placés dans une de ces paroisses qu’on nomme annexe ou succursale, pour y remplir toutes les fonctions du sacerdoce et de pasteur (en sous-ordre et à la disposition des curés primitifs), obligés de tenir maison, vivre et s’entretenir, tout cela sous la seule rétribution de 350 livres. Les vicaires commensaux sont ceux qui logent; et vivent chez et aux dépens des curés, dans les | paroisses, desquels ils travaillent avec la même ; rétribution que les premiers : c’est d’après cette; observation préliminaire et intéressante pourl’in-telligence de nos doléances que nous allons, Sire, établir nos pétitions, que nous réduisons à deux. PREMIÈRE PÉTITION. Nous demandons de changer le sort des vicaires résidants en remplaçant l’amovibilité à laquelle ils sont soumis par l’inamovibilité. Quand on cherche, Sire, à demander quels motifs peuvent maintenant assigner et assurer l’inamovibilité à certains endroits, et la refuser à d’autres qui ont les mêmes raisons et les mêmes moyens de se la voir attacher, on ne peut aisément les découvrir, et par conséquent les détailler. Invoquerait-on l'usage qui le veut ainsi? mais si des circonstances qui n’existent plus ont introduit cet abus, qui n’en était pas un alors, n’est-ce pas à ce siècle et au Roi éclairé à les redresser? Craindrait-on en accordant l’inamovibilité aux vicaires résidants, que les curés auxquels appartiennent ces endroits en souffriraient dans leurs droits et revenus ? Mais on verra dans l’exposé de notre seconde pétition que nous ne conspirons nullement à toucher à des pro-riétés aussi sacrées et à en dépouiller les curés. erait-ce qu’il résulterait du plan que nous proposons, quelque inconvénient? On n’en voit aucun sans doute, et même nous osons dire qu’il n’y aurait qu’un bien. On ne conçoit pas, Sire, quel tort font à un vicaire et à une paroisse ces changements fréquents auxquels ils sont exposés, et que produit le pouvoir arbitraire et absolu d’un vicaire général, ou la volonté capricieuse d’un curé déplaisant, ou des raisons de convenances ou d’intérêt de part et d’autre, enfin les sourdes menées dont un vicaire est sourdement la victime. Si d’abord nous voulions montrer combien grèvent un pauvre vicaire les changements, nous exposerions ici les frais indispensables et coûteux qu’ils entraînent après eux : dans ce temps surtout, où l’indigence se fait sentir dans presque toutes les classes des artisans, les payements et les rétributions sont énormes, et si Je trajet d’un lieu à un autre est . de longue haleine, comme cela arrive quelquefois, comment alors charrier meubles et personnes, et vivre pendant un an avec la faible pension de 350 livres dont il faut se priver en partie pour frais de voyage, acquit et tous autres droits; on sent donc déjà quel tort font aux vicaires ces changements. Mais si un vicaire, par là même, souffre déjà, nous pouvons ajouter que son ministère n’en tire pas plus d’avantages. L’incertitude d’un long domicile dans un endroit (car nous ne sommes sûrs de rien) l’inquiète et l’empêche de prendre pour le régime de la paroisse les précautions et les arrangements auxquels il pourrait recourir lorsque l’utilité ou la nécessité paraissent le demander, par l’idée qu’il a, qu’au milieu de sa besogne et de ses opérations, il sera obligé de quitter et aura la douleur de ne les point voir soutenues par son successeur; chaque homme, chaque usage, toujours flottant, son anxiété énerve en lui sa bonne volonté, les heureuses dispositions qu’il aurait d’opérer le bien et d’en consolider l’établissement ; de là le ministère dont il est revêtu souffre, [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Met*.} 7g7 et ne produit pas les heureux effets qui devraient naturellement en résulter. La paroisse elle-même en souffre. On sait que l’uniformité de doctrine, de principes et d’usages est ce qui entretient l’ordre et l’harmonie dans une paroisse, chose si désirée et si intéressante ; on n’ignore pas que de cette uniformité naît la docilité des esprits et le respect pour ce qu’elle consacre et consolide ; mais de ces changements naissent le trouble et la confusion, les esprits sont déroutés : nouveaux pasteurs, nouvelles idées, nouveaux usages qui tournent tous au détriment de la religion et de scs ministres, par les plaisanteries et propos indécents que tout cela occasionne dans la société. Les paroissiens n’ont point pour un vicaire l’estime et la contiance si nécessaires aux succès de son ministère ; ils ne s’y attachent point par la crainte d’avoir la douleur de le quitter, ils ne mettent point à ses instructions la même importance, la même assiduité, parce qu’ils ne le regardent point comme étant en autorité ; il passe à leurs yeux comme un mercenaire aux gages de son curé, “qui travaille pour pouvoir vivre, et ne comptent point sur cette amitié qui attache les pasteurs à leurs troupeaux ; aussi remarque-t-on, Sire, avec douleur, que les paroisses à vicaires résidants, amovibles, sont jusqu’à présent les moins disciplinées et les plus incorrigibles. Comment donc, Sire, les rappeler à cette harmonie qui doit se faire apercevoir dans les mœurs et la religion que votre piété et votre tendresse désirent voir régner parmi eux, si on ne donne à ceux qui y sont établis, pour y pourvoir, une stabilité qui leur laisse le temps et les facultés d’y travailler efficacement et de De point y être gênés ? D’ailleurs, Sire, oserons-nous le prononcer, l’accord ne règne pas toujours entre un curé et son vicaire, leur humeur comme leur intérêt sont quelquefois bien différents ; alors ces changements sont toujours une source de murmures, de plaintes, qui nuisent puissamment à l’harmonie et à la morale chrétienne; chacun voit toujours malicieusement les causes de ces changements : l’un accuse le curé de ridicule, de dureté, de caprice, l’autre en fait retomber tout l’odieux sur le vicaire, d’où naissent des propos hasardés, des plaisanteries souvent grossières qui tournent tous au détriment de la religion et de ses ministres. Cet inconvénient, qui en est un bien réel et bien nuisible, ne se rencontrerait pas, si l’un ne dépendait pas de l’autre. Sans recourir à de nouvelles considérations dont nous passons bon nombre, crainte d’être trop prolixes, n’avons-nous donc pas raison de solliciter puissamment cette première grâce ? Y-a-t-il. Sire, plus de danger de nous accorder l’inamovimlité que de nous confier l’important ministère dont nous avons l’honneur d’être revêtus et des sublimes et délicates fonctions desquelles nous sommes chargés à l’égal des curés inamovibles ? Si on nous trouve capables et dignes de les remplir, tâche absolument intéressante pour le bonheur et la tranquillité du monarque et des peuples, pourquoi nous trouverait-on indignes de l’inamovibilité dont les avantages sont incontestables et pour les paroissiens et pour les pasteurs? Nous n’osons pas soupçonner, Sire, qu’on s’imaginerait que nous en abuserions plutôt que ceux qui en sont pourvus ; ce n’est point, Sire, l’inamovibilité qui préserve de la dissipation et des écarts celui qui n’a pas une conscience droite et timorée pour conseil et guide, comme ce n’est pas l'inamovibilité qui donne lieu au relâchement dans les mœurs et dans ses devoirs ; grâce à la morale que nous prêchons et tâchons d’observer, nous éloignons de nous tout esprit de faste et de relâchement qui pourrait donner aux ministres de la religion le plus grand ridicule et les couvrir du plus juste mépris. A quoi maintenant doit-on l’existence de cette amovibilité des vicaires à résidence ? Il est aisé, Sire , de l’apercevoir, et les causes qui laissent subsister un tel abus sont précisément celles qui auraient laissé nos réclamations dans l’oubli aux Etats généraux en les confiant aux représentants du clergé, soit curés, grands-vicaires ou évêques. Nous le répétons, Sire, nous n’avons garde de suspecter la justice et la bonne volonté de ces messieurs à notre égard; mais quand le faible met entre les mains du plus fort des moyens qui ont une opposition apparente ou peu concordante avec ses intérêts personnels, est-il croyable qu’il se prête volontiers à en faire l’usage que l’on en attendait? Et d’abord, MM. les curés se seraient bien gardés de les y agiter vigoureusement ; la crainte de se voir dépouiller d’une juridiction et d’un revenu qu’ils ont et tirent dans les annexes et succursales dont ils sont les premiers pasteurs et qu’ils auraient appréhendé voir passer entre les mains d’un vicaire inamovible, aurait balancé le désir qu’ils montrent et ont montré que les choses soient telles que nous les demandons : leur temporel, vu leurs charges et les pauvres qui les entourent, est déjà trop insuffisant, nous l’avouons, pour se voir encore volontiers diminuer les moyens d’y pourvoir, sans diminution de ces charges ; ainsi nous pouvons croire qu’ils auraient pu proposer nos vœux, mais pas les soutenir comme ils demanderaient de l’être. Nous n’aurions pas eu meilleures sources dans MM. les grands vicaires. Personne, Sire, ne plaide volontiers contre ses droits et ses prérogatives, et n’aime à voir sa liberté restreinte et son autorité limitée; le petit amour-propre ne s’y porte pas volontiers : c’est cependant ce qu’auraient été chargés de faire contre eux MM. les grands-vicaires, si nous les avions priés de prendre nos intérêts en main ; on sait, Sire, que c’est d’eux comme des curés que dépendent absolument les changements et remplacements des vicaires ; ils sont à cet égard pleinement despotes, et peuvent, comme et quand ils le veulent, nous faire voltiger, et tout cela à nos frais ; l’amovibilité nous laisse a leur discrétion. Quant à nosseigneurs les évêques, d’un côté la sublime élévation où les place leur dignité et leur opulence, de l’autre l’abjection dans laquelle nous laisse à leurs yeux et selon leur idée notre condition de vicaire, ont mis entre eux et nous un intervalle trop immense pour oser le franchir, et les supplier de prendre en main nos intérêts; notre présomption aurait pu se voir accablée de leur grandeur comme de leur animadversion; on sait qu’ils ont le même intérêt à nous tenir à leur disposition que MM. les grands vicaires qui sont leurs fidèles agents et par conséquent opposés aux nôtres. . . Que seraient donc devenues, Sire, nos réclamations entre les mains de personnes intéressées à ne pas les exhiber ? Elles seraient restées dans l’oubli, et nous aurions été, dans vos vastes Etats, les seuls qui m'auraient point eu part aux douceurs que votre tendre bienfaisance promet à vos sujets. Daignez donc , Sire, accueillir favorablement cette première pétition que nous avons l’honneur 788 gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Metz.] de vous adresser, à l’appui de laquelle nous répéterons, Sire, les paroles de notre texte : Domine jRecc, propitius esto sorti. SECONDE PÉTITION. La seconde pétition que nous avons l’honneur de vous adresser, Sire, est de vous supplier d’améliorer notre sort. Loin de nous, Sire, tout sentiment qui respirerait le faste ou la mollesse ! En vous faisant cette demande, Sire, nous sommes bien éloignés de vouloir être les échos ou de nous guider d’après l’ambition coupable de ce bénéficier riche et puissant qui disait ne pouvoir imaginer comment cent mille écus de rente pouvaient suffire à un honnête homme pour vivre, tandis qu’il aurait pu, sans sortir de son état, voir de ses semblables obligés de se contenter et vivre avec 350 livres et être honnêtes gens. Non, Sire, nous rejetons et désapprouvons tout superflu en formant ce vœu qu’arrachent de nous, et les circonstances et notre misère incroyable, Nous ne vous demandons que ce que demandait autrefois à Dieu le plus sage et le plus puissant des monarques de l’antiquité, Salomon : Mendi-citatem et divitias ne dederis mihi, tribue tantum victui meo necessaria (Prov. c. XXX, v. 8). Tel est, Sire, le mode que nous donnons à notre demande. Pourrait-elle, Sire, paraître indiscrète ou présomptueuse et par là être désapprouvée, si nous réussissions à montrer que dans notre sort, tel qu’il est maintenant, l’urgent nécessaire nous manque, et que nous sommes les premiers pauvres de nos paroisses, nous, qui cependant passons dans l’esprit des gens supperficiels, accoutumés à ne juger des choses que par les yeux et sur des préjugés, pour être à l’aise et dans l’abondance? Gela ne sera malheureusement que trop facile. Pourmettre, Sire, dansune évidence inconcussi-ble notre première proposition, il suffit d’exhiber le détail et tracer le tableau du strict nécessaire dans un ménage pour la consommation et l’écoulement d’une année; ce calcul montrera d’une manière sensible la justice de notre demande. Permettez donc, Sire, que nous le placions ici, et que nous mettions sous les yeux du plus tendre et plus généreux monarque, l’infortune de guelques-uns de ses sujets. 1er Article. Blé pour deux personnes, 12 quarts, sur lesquels il faut prendre pour les aumônes que l’on ne peut, sans dureté, refuser aux misérables auxquels l’indigence commande impérieusement de la demander ou mourir de faim, la quarte à 12 livres ; total, ci ............... ...... 144 liv. 2e. Bois, denrée qui augmente annuellement, que bientôt on ne trouvera plus facilement à raison de l’extrême consommation qu’en font les bouches à feu de la province, 6 cordes à 18 livres ci. . . . 108 3e. Fagots 200 à 9 livres le 100 ; total, ci .................................. 18 4e. Vin, 6 mesures à 8 livres la mesure, ci .................................. 48 5e. Domestique .................... 36 6e. Porcs qu’il faut acheter gras attendu que nous n’avons d’auoune espèce de grain pour pouvoir en élever, ci ................. ................. 48 Est-il, Sire, nécessaire de pousser plus loin ce détail que nous ne croyons point exagéré pour montrer déjà l’insuffisance de 350 livres pour l’honnête et décente subsistance d’un vicaire à résidence ? Nous n’y faisons pas entrer, Sire, les vêlements, boucherie, sel, etc., choses de première nécessité, d’une cherté et d’un entretien effrayant et dont l’usage quotidien fait renaître chaque jour le besoin; nous ne parlons point de» ces événements malheureux, comme maladie, etc.,» qui viennent compléter le désastre de l’infortuné ■ que l’indigence en laisse la victime. 11 est donc déjà évident, Sire, que nous manquons de l’urgent nécessaire; il n’en est pas moins vrai aussi que nous sommes les premiers pauvres de nos paroisses. On n’est véritablement pauvre qu’autant qu’avec ' la privation de tout bien, on est encore privé de tout moyen de s’en dédommager par son industrie et son travail; car de ces deux sources libres jaillissent l’entretien et la vie; or, Sire, dans nos paroisses, personne n’est plus dépourvu de biens que nous : nous n’avons ni dîmes, ni bou-vrots, ni prés, souvent pas de maison, et quelquefois on porte même la dureté jusqu’à nous contester et nous refuser une chétive portion de paquis, lot qu’on ne refuse pas au dernier des habitants; personne n’est comme nous dépourvu de moyens de s’en dédommager: voués par notre état à nos fonctions, nous sommes obligés à nous concentrer dans l’étude et le seul exercice de notre ministère ; nous n’osons ni nous ne pouvons recourir à aucune espèce de commerce, de travail, d’occupation mécanique et mercenaire, seul moyen d’appeler vers nous l’aisance que notre condition en éloigne; on regarde tout cela et avec raison comme incompatible avec notre état et nos devoirs. A quoi donc, Sire, nous voyons-nous condamnés, sinon à végéter ou à mourir de faim ? Maintenant quel est donc dans nos paroisses celui des habitants réduit à une si dure alternative ? D’abord tout pauvre soit-il, il a toujours l’usage de ses bras, facultés et talents, ressources qui nous sont ôtées et interdites; a-t-il encore avec sa pauvreté nombre d’enfants , ces enfants sont autant de ressorts qu’il fait jouer pour l’entretien de sa famille ; tandis que lui et sa compagne vaquent à gagner ce qu’il faut pour leur entretien et vêtement, il disperse prudemment ses enfants dans toute la paroisse et aux environs où ils recueillent en aumônes quelque peu que ce soit, de quoi subsister, et retournentà leurs foyers sinon sensuellement, au moins solidement rassasiés par leur petite collecte à laquelle, malgré notre indigence, nous sommes obligés de contribuer, si nous ne voulons pas nous mire un mauvais parti chez quelques-uns, qui, ne consultant que notre état sans calculer nos moyens, nous imposent rigoureusement l’obligation de l’aumône, devoir que nous remplissons avec autant d’inclination que d’empressement. Non-seulement nous sommes privés de tous ces moyens, mais avons-nous quelque ouvrage à faire faire, il faut recourir à des étrangers qu’il faut nourrir et payer grassement, privilège dont on se croit en droit d’user envers nous par l’idée que l’on a que prêtre et riche sont des termes synonymes. Quel est donc, Sire, l’être le plus misérable que nous dans nos paroisses, où l’on veut cependant que nous figurions avec une modeste mais honnête apparence, que nous compâtissions et süb venions à la misère dont nous sommes les témoins affligés de nos paroisses, et que nous n’avilissions pas notre état par un costume ou un genre de vivre mesquin et incongru*? Nous demanderait-on, Sire, comment nous vi-vionsprécédemment, privés de cette augmentation [États gén. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Metz.] 789 que voire bienfaisance vient de nous accorder? Si c’étaient des bénéficiers qui fissent cette question nous leur demanderions pour toute solution, comment, ayant par leurs bénéfices, infiniment plus que nous, et de quoi vivre honorablement, ils ne cessent, malgré cela, de poursuivre et fatiguer votre tendre sollicitude, pour accumuler bénéfices sur bénéfices, ou au moins les échanger pour de plus gras. Allégueront-ils le faste et la grandeur qu’ils ont à soutenir ? Mais leur état leur interdit tout cela : Saint-Paul leur dit comme à nous : Ayez de quoi vivre et vous vêtir et soyez contents (Thim.j c. vi, v. 8). Veut-on donc savoir comment nous vivions et vivons encore, et quelle ressource venait à notre aide ? Il faut le demander, Sire, non pas à ces bénéficiers, à ces monastères riches qui enlèvent la toison des brebis qui nous sont confiées sans nous en laisser que très-difficilement cette pension qu’ils sont obligés de nous payer à regret, ce semble encore; qui tirent de la ruche qui ne nous est confiée toute la douceur et le miel et qui ne nous laissent que l’amertume avec le soin de veiller à sa conservation ; qui nous chargent du poids du jour et de la chaleur, auquel ils ajoutent encore celui de la misère, pour aller s’épanouir dans un faste ou une mollesse qui leur fait dédaigner notre condition. Mais demandez-le, Sire, à ces bons et utiles curés qui nous environnent et dont la compassion nous force à aller prendre chez eux et à leurs tables ce que notre sort nous refuse chez nous; il faut le demander à ces seigneurs généreux et bienfaisants qui se trouvent quelquefois dans nos paroisses et dont la piété fait de temps en temps alimenter parleurs libéralités notre existence débile : il faut le demander, Sire, à ces bons et com-atissants habitants de nos paroisses qui, touchés e notre infortune, versent chez nous ce que leurs moyens et facultés leur permettent de se dessaisir en notre faveur ; nous taisons ici, de peur d’affliger votre sensibilité,ces moments durs et désolants où, attaqués tout à la fois, par la faim et l’indigence, nous recourons à l’esprit de patience et de mortification qu’inspire la religion, pour nous consoler en attendant qu’un coup de la Providence vienne ranimer notre affaissement. Tels sont, Sire, les moyens qu’ont de vivre et s’entretenir les vicaires à résidence de votre province des Trois-Evêchés et peut-être de tout votre royaume, moyens tout à fait dissonants avec l’importance et le succès de leur ministère, à raison des égards, et de la reconnaissance qu’ils doivent avoir envers leurs bienfaiteurs et qui cadrent souvent mal avec des circonstances où le devoir de leur état et le bien des mœurs et de l’ordre demanderaient une fermeté qu’ils n’osent avoir et montrer. Hélas! Sire, ces considérations ne sont-elles donc pas suffisantes pour étayer notre demande ? On accorde à un curé à portion congrue et à un administrateur un sort honnête quoique modique ; serait-ce donc que ces titres de curés ou d’administrateurs étendraient tout à coup la sphère des besoins des êtres qui les portent ? Serait-ce que cette dénomination de vicaire rétrécirait la sphère des nôtres? Dans tous les états, Sire, la nature, cette mère sage et vigilante de tous les êtres, commande impérieusement qu’on pourvoie à son honnête entretien, et dès lors qu’entre curé et vicaire résidants il y a même fonction, même devoir, même nécessité de vivre, et qu’il n’y a de différence que l’inamovibilité et le revenu de ces premiers, pourquoi refuser à ces derniers Je traitement que l’on sent nécessaire aux premiers? Les vicaires • commensaux, Sire, ne sont pas moins dignes de votre bienveillante attention ; il est vrai qu’ils ont par-dessus les vicaires résidants l’avantage d’être nourris, logés chez MM. les curés dont ils sont les humbles coopérateurs, mais leur sort n’en est pas plus satisfaisant; plusieurs de MM. les curés estiment la table et le logement qu’il accordent à leurs vicaires valoir leur pension de 350 livres , et ne leur donnent aucune autre rétribution; et en quoi leur condition est tout à fait déplaisante, pire même que celle des domestiques de MM. les curés ; ils sont toujours nourris, logés, quelquefois même habillés, >ces domestiques; on leur donne avec cela un gage honnête, tanais qu’un malheureux vicaire n’a rien absolument que son logement et sa nourriture ; il est vrai qu’il a l’honneur de manger avec M. le curé, mais cet honneur s’achète un peu cher, puisqu’il faut y mettre tout ce que nous pourrions économiser pour vêtements, événements imprévus , comme maladie, etc., dont nous sommes dépourvus. Nous ne pensons pas, Sire, qu’on nous alléguerait ici le casuel que l’un ou l’autre de nous sommes dans le cas de tirer; nous n’irons pas à cette occasion faire parade d’une délicatesse bien placée et de la répugnance qu’une âme honnête et sensible éprouve sur le recouvrement de cette espèce d’honoraire qui coûte infiniment plus à demander et recevoir qu’à s’en passer : mais ce casuel est toujours fort peu de chose dans nos paroisses qui ne sont ni les plus riches ni les plus considérables, et qu’on rougit de percevoir de malheureux qu'on sait affliger encore par ce moyen. Quelles réclamations paraîtront donc, Sire, plus justes et mieux fondées que les nôtres? Dai-gnez-donc, Sire, les peser dans cette profonde sagesse qui dirige cette tendresse que vous avez pour vos sujets. Nous le savons, Sire, ce n’est point votre bienfaisance qu’il faut presser, elle nous est connue ; le seul embarras gît à trouver une source d’où jaillissent les secours que nous demandons : elles ne manquent point, ces sources ; des êtres plus fortunés et plus puissants que nous y puisent abondamment ; nous permettrez-vous, Sire, de vous les indiquer? Ce sont ces commen-des, ces bénéfices simples que l’on nomme prieurés et chapelles, dont chaque province renferme bon nombre; leurs revenus, mis en masse et parta-és prudemment, vous donneraient, Sire, le moyen everserchezlesvicairesetchez tous les individus que votre justice croirait devoir récompenser une aisance et des gratifications qui concourraient au bonheur de mille individus et plus, tandis qu’elles ne font le bonheur que de quelques-uns qui l’ont déjà par leurs bénéfices suffisamment établi; nous le savons, Sire, vous vous êtes formellement déclaré contre toute suppression qui ôterait à votre bienfaisance ces moyens de faire des heureux. Hélas ! Sire, votre tendresse, en acquiesçant au projet que nous avons l’honneur de proposer, ne serait que plus amplement satisfaite, par l’accroissement des individus qu’elle rendrait heureux. — Si on alléguait encore ici, Sire, ces charges en prières ou messes que sont obligés d’acquitter les possesseurs de ces commendes, nous sommes à même, Sire, par notre état de les remplir, et nous nous y soumettons volontiers. Pardonnez, Sire, si nous osons porter à vos pieds des doléances auxquelles, sans doute, votre tendre sollicitude ne s’attendait pas. Nous profitons, Sire, de cet heureux moment où, les avenues de votre trône étant ouvertes à tout Je monde. 790 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES nous n’avons pas à redouter que les cris qu’arrache souvent de nous notre misère ne parviennent sûrement à Votre Majesté, ou que des personnes intéressées à les étouffer dans leurs principes puissent mettre en œuvre ce qui pourrait rendre nos efforts pour vous les faire entendre impuissants. Permettez-donc, Sire, qu’aujourd’hui que votre bienfaisante attention fait jouer tous les ressorts qui peuvent lui laisser apercevoir la vérité et la situation des différents états qui partagent votre peuple, qu’aujourd’hui que vous nous laissez espérer voir luire sur nous et la postérité des jours plus conso!ants et fortunés, nous recourions à vous, et qu’en mettant sous vos yeux nos doléances, nous ayons aussi l’honneur de vous présenter nos très-humbles hommages. Daignez donc les accueillir favorablement, et si nous sommes privés de l’inestimable avantage de vous voir, ne le soyons pas au moins de celui d’être entendus et de répéter avec respect : Domine Rex, propitius esto sorti , couverte luctum nostrum in gaudium , ut, viventes , laudemus nomen tuum. Et ferez grâce et justice. PLAINTES ET DOLÉANCES Des habitants de Scy , vignoble près de Metz, le 8 mars 1789 (l). Art. 1er. — Population. Le village de Scy contient cent-sept feux, entre lesquels il y a dix propriétaires cultivateurs et soixante-dix vignerons a gages, les autres étant des manœuvres, veuves et orphelins qui, pour la plupart, manquent de pain. Art. 2. — Cadastre. Il comprend dans l’étendue de son ban 318 jours 2 mouées de vignes et 207 jours de terres et prés, dont la majeure partie appartient aux trois différents ordres, tant du clergé que nobles et du tiers-état, et qui résident dans les villes. Art. 3. — Imposition. Nous avons eu pour imposition en l’annéel788, lasommede. 1 ,21 6 liv. 1 1 s. 6 d. de subvention. Celle de... 2,469 liv. 11 s. 11 d. d’accessoire à la subvention. Celle de... 1,681 liv. » » décapitation. Celle de... 442 liv. » » d’accessoire à la capitation. Celle de... 971 liv. » 6 d. pour travaux des routes y qui forment la somme de .......... 6,780 liv. 3s. 11 d. supportée par tous les habitants au prorata des biens gu’ils cultivent. Le propriétaire cultivateur paye le double d’un vigneron à gages; de plus, ce propriétaire cultivateur paye, indépendamment desdites impositions, les vingtièmes, qui se sont montés cette année à lasommede l,6i6 livres 6 deniers. C’est dans cette seule imposition que les propriétaires résidant dans les villes sont compris ; de sorte qu’il en résulte deux maux : le premier, c’est que la plupart des propriétaires un peu aisés se retirant dans les villespour se soustraire aux impositions, et le nombre des cultivateurs diminuant, ceux qui restent supportent tous le poids des imposi-(1) Nous publions ce cahier d’après an manuscrit des Archives de l’Empire. PARLEMENTAIRES. (Bailliage de Metz.] tions qui n’ont fait qu’augmenter , tant parce qu’il fallait supporter les cotes de ceux qui se retirent que parce qu’elles sont au double depuis vingt ans. Le second, c’est que le vigneron à gages qui ne reçoit pour l’ordinaire qué 250 livres ou au plus 300 livres du propriétaire d’avance sur les deux tiers du vin que ledit propriétaire perçoit au prix qu’il juge à propos, ne le taxant pour l’ordinaire qu’à la moitié du prix courant, il arrive que, dans les meilleures années, ledit vigneron à gages n'a pour lui, toute charge déduite, que 100 livres ou au plus 150 livres pour vivre et entretenir sa famille, comme on peut le démontrer par la charge des impositions et la cherté des fournitures qui sont au double depuis vingt ans. et qu’il arrive que dans les mauvaises années il redoit au propriétaire l’avance qu’il lui a faite, ce qui doit, par une conséquence nécessaire, empêcher la population et l’éducation des enfants ; il faudrait que dans les mauvaises années, l’avance à eux faite leur tint lieu de salaire, et, dans les récoltes copieuses, qu’ils eussent, lors delà taxation des vins, des représentants pour coopérer à une taxation raisonnable. Pour remédier à tous ces inconvénients, il serait convenable que tous les propriétaires résidant dans les villes payassent la propriété des biens qu’ils possèdent dans nos campagnes, ce qui ne doit pas leur faire de peine, le patriotisme devant les engager à l’offrir eux-mêmes. Il faudrait aussi que les tailles soient réparties sur toutes les terres, à raison de leur produit, qu'il n’y eût aucune terre exceptée , aucune exemption ni privilège, que les forets mêmes soient taxées par arpent à raison du produit de leur exploitation, et ainsi des étangs, rivières, etc. Art. 4. — Forains. Il conviendrait aussi que les forains soient cotisés au rôle des impositions dans les villages où gisent les biens qu’ils possèdent ; on éviterait par ce moyen bien des recélés. Art. 5. — Vignoble chargé des impositions. Les impositions sur les vignobles sont à proportion beaucoup plus fortes que pour les pays du labourage, ce qui paraît injuste, puisque les vignobles sont sujets à plus d’inconvénients, de la gelée, de la grêle, et même supportent plus la cherté des blés que les labourages, la grêle dévastant le canton pour trois ans; d’ailleurs les vignobles ont moins de facilité de faire des nourris de bestiaux et d’avoir des engrais. Aussi voit-on plus souvent des fermiers faire fortune et élever leurs enfants au-dessus de leur premier état que des vignerons qui peuvent à peine leur faire donner une éducation commune. Art. 6. — Suppression du commerce des grains. Il serait nécessaire, pour que l’on puisse vivre et encourager les vignerons ainsique les artisans et manœuvres qui sont en plus grand nombre dans ce pays messin, qu’il soit défendu d’exporter et de commercer les grains, qui est une denrée de première nécessité, les profits n’étant que pour la plupart des seigneurs riches et propriétaires des fermes, qui étant les seuls qui eussent pu jusqu’ici se faire entendre près du gouvernement, ont préféré leurs intérêts au détriment et à la ruine du public, en employant le monopole qui suit le commerce prédominant, et opprimant les peuples sous l’ombre d’encourager l'agriculture , ce qui engageait les laboureurs à augmenter