334 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tituteurs et sous la conduite d’un magistrat du peuple, les hôpitaux les plus voisins. Article VIII : Les mêmes jours ils aideront, dans leurs travaux domestiques et champêtres, les vieillards et les parents des défenseurs de la patrie. Article IX : On les conduira quelquefois dans les manufactures et les ateliers où Von prépare des marchandises d’une consommation commune, afin que cette vue leur donne quelque idée des avantages de l’industrie humaine et éveille en eux le goût des arts utiles. Article X : Une partie du temps destiné aux écoles sera employée à des ouvrages manuels de différentes espèces utiles et communs. Article XI : Il sera publié une instruction pour faciliter l’exécution des deux articles précédents, en rendant la fréquentation des ateliers et le travail des mains vraiment utiles aux élèves. Article XII : Des prix d’encouragement seront distribués tous les ans aux élèves, en présence du peuple, dans la fête de la Jeunesse. Article XIII : Le comité d’instruction publique est chargé de publier sans délai des règlements sur le régime et la discipline interne des écoles primaires. Le rapporteur lit l’article XIV. Article XIV : Les jeunes citoyens qui n’auront pas fréquenté ces écoles seront examinés en présence du peuple à la fête de la Jeunesse; s’il est reconnu qu’ils n’ont pas les connaissances nécessaires à des citoyens français, ils seront écartés, jusqu’à ce qu’ils les aient acquises, de toutes les fonctions publiques. LEFIOT : Si les enfants ne vont pas aux écoles primaires, ce ne sera pas tant leur faute que celle de leurs parents. Je voudrais donc, pour prévenir cet inconvénient, que l’éducation fût commune (on murmure ), et qu’on établît des peines contre les parents qui n’enverront pas leurs enfants aux écoles. Plusieurs membres : La motion n’est pas appuyée ; aux voix l’article ! L’article XIV est adopté. Le rapporteur lit l’article XV et dernier : Article XV : La loi ne peut porter aucune atteinte au droit qu’ont les citoyens d’ouvrir des écoles particulières et libres, sous la surveillance des autorités constituées. CHÂLES : Si vous permettez d’ouvrir des écoles particulières, il peut en résulter que les écoles publiques seront désertes. Cependant vous ne voulez pas forcer la volonté des parents; mais comme il ne faut point souffrir de schisme dans la morale républicaine, ne pourrait-on pas concilier tous les avantages en assujetissant les instituteurs particuliers à une police très sévère, et les élèves à des examens plus rigoureux? LE RAPPORTEUR : Le comité avait un grand problème à résoudre : il était obligé de concilier ce qu’on doit à la société avec ce qu’on doit à la nature. Vous ne pouvez ôter à un père instruit d’ailleurs la faculté d’élever et d’enseigner ses enfants. (On applaudit.) ROMME : Il est essentiel que les enfants contractent de bonne heure entre eux les affections républicaines qui doivent influer sur le reste de leur vie. Je demande que les enfants, qui pourront d’ailleurs recevoir une instruction particulière, soient tenus d’aller en commun prendre des leçons de gymnastique. Plusieurs voix : L’ordre du jour ! La Convention passe à l’ordre du jour, et adopte l’article XV. LAKANAL présente la rédaction définitive du décret sur la formation des écoles primaires (109). Le décret est adopté ainsi qu’il suit : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [LAKANAL, au nom de] son comité d’instruction publique, décrète : Chapitre premier : Institution des écoles primaires. Article premier. - Les écoles primaires ont pour objet de donner aux enfans de l’un et l’autre sexe l’instruction nécessaire à des hommes libres. Art. II. - Les écoles primaires seront distribuées sur le territoire de la République à raison de la population : en conséquence, il sera établi une école primaire par mille habitans. Art. III. - Dans les lieux où la population est trop dispersée, il pourra être établi une seconde école primaire, sur la demande motivée de l’administration du district, et d’après un décret de l’Assemblée nationale. Art. IV. - Dans les lieux où la population est pressée, une seconde école ne pourra être établie que lorsque la population s’élèvera à deux mille individus; la troisième, à trois mille habitans complets et ainsi de suite. Art. V. - Dans toutes les communes de la République, les ci-devant presbytères non vendus au profit de la République sont mis à la disposition des municipalités, pour servir, tant au logement de l’ins-(109) Moniteur, XXII, 535-537, à la date du 28 brumaire. Rép., n° 58 et 59, indiquent que le texte du décret sur les écoles primaires est rendu dans la séance du 26 brumaire. J. Paris, n° 59 le place dans la séance du 28 brumaire ; Bull., 28 brum., indique un décret daté du 27 brumaire. SÉANCE DU 27 BRUMAIRE AN III (17 NOVEMBRE 1794) - N° 32 335 tituteur qu’à recevoir les élèves pendant la durée des leçons. En conséquence, tous les baux existans sont résiliés. Art. VI. - Dans les communes où il n’existe plus de ci-devant presbytère à la disposition de la nation, il sera accordé, sur la demande des administrations de district, un local convenable pour la tenue des écoles primaires. Art. VII. - Chaque école primaire sera divisée en deux sections, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles, en conséquence, il y en aura un instituteur et une institutrice. Chapitre II. Jury d’instruction. Article premier. - Les instituteurs et les institutrices sont nommés par le peuple : néanmoins, pendant la durée du gouvernement révolutionnaire, ils seront examinés, élus et surveillés par un jury d’instruction composé de trois membres désignés par l’administration du district, et pris hors de son sein, parmi les pères de famille. Art. II. - Le jury d’instruction sera renouvelé par tiers tous les six mois. Le commissaire sortant pourra être réélu. Chapitre III. Des instituteurs. Article premier. - Les nominations des instituteurs et des institutrices, élus par le jury d’instruction, seront soumises à l’administration du district. Art. II. - Si l’administration refuse de confirmer la nomination faite par le jury, le jury pourra faire un autre choix. Art. III. - Lorsque le jury persistera dans sa nomination, et l’administration dans son refus, elle désignera, pour la place vacante, la personne qu’elle croira mériter la préférence; les deux choix seront envoyés au comité d’instruction publique, qui prononcera définitivement entre l’administration et le jury. Art. IV. - Les plaintes contre les instituteurs et les institutrices seront portées directement au jury d’instruction. Art. V. - Lorsque la plainte sera en matière grave, et après que l’accusé aura été entendu, si le jury juge qu’il y a lieu à destitution, sa décision sera portée au conseil général de l’administration du district, pour être confirmée. Art. VI. - Si l’arrêté du conseil général n’est pas conforme à l’avis du jury, l’affaire sera portée au comité d’instruction publique qui prononcera définitivement. Art. VII. - Les instituteurs et les institutrices des écoles primaires seront tenus d’enseigner à leurs élèves les livres élémentaires, composés et publiés par ordre de la Convention nationale. Art. VIII. - Ils ne pourront recevoir chez eux, comme pensionnaire, ni donner de leçon particulière à aucun de leurs élèves; l’instituteur se doit tout à tous. Art. IX. - La nation accordera aux citoyens qui auront rendu de longs services à leur pays dans la carrière de l’enseignement, une retraite qui mettra leur vieillesse à l'abri du besoin. Art. X. - Les salaires des instituteurs sera uniforme sur toute la surface de la République : il est fixé à 1200 L pour les instituteurs, et 1000 L pour les institutrices. Néanmoins, dans les communes dont la population s’élève au dessus de vingt mille habitans, le traitement de l'instituteur sera de 1500 L, et celui de l’institutrice de 1200 L. Chapitre IV. Instruction et régime des écoles primaires. Article premier. - Les élèves ne seront pas admis aux écoles primaires avant l'âge de six ans accomplis. Art. II. - Dans l’une et l’autre section de chaque école, on enseignera aux élèves, 1°. A lire et à écrire, et les exemples de lecture rappelleront leurs droits et leurs devoirs; 2°. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la constitution de la République française; 3°. On donnera des instructions élémentaires sur la morale républicaine; 4°. Les élémens de la langue française, soit parlé, soit écrite; 5e. Les règles du calcul simple et de l’arpentage; 6°. Les élémens de la géographie et de l’histoire des peuples libres; 7°. Des instructions sur les principaux phénomènes et les productions les plus usuelles de la nature. On fera apprendre le recueil des actions héroïques et les chants de triomphe. Art. III. - L’enseignement sera fait en langue française. L’idiôme du pays ne pourra être employé que comme un moyen auxiliaire. Art. IV. - Les élèves seront instruits dans les exercices les plus propres à entretenir la santé et à développer la force et l’agilité du corps ; en conséquence, les garçons seront élevés aux exercices militaires auxquels présidera un officier de la garde nationale, désigné par le jury d'instruction. Art. V. - On les formera, si la localité le comporte à la natation : cet exercice sera dirigé et surveillé par des citoyens nommés par le jury d’instruction, sur présentation des municipalités respectives. Art. VI. - Il sera publié des instructions pour déterminer la nature et la distribution des autres exercices gymnastiques propres à donner au corps de la force et de la souplesse, tels que la course, la lutte, etc. Art. VII. - Les élèves des écoles primaires visiteront plusieurs fois l’année avec leurs instituteurs, et sous la conduite d'un magistrat du peuple les hôpitaux les plus voisins. Art. VIII. - Les mêmes jours ils aideront, dans leurs travaux domestiques et 336 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE champêtres, les vieillards et les parens des défenseurs de la patrie. Art. IX. - On les conduira quelquefois dans les manufactures et les ateliers où l'on prépare des marchandises d’une consommation commune, afin que cette vue leur donne quelqu’idée des avantages de l’industrie humaine, et éveille en eux le goût des arts utiles. Art. X. - Une partie du temps destiné aux écoles sera employée à des ouvrages manuels de différentes espèces utiles et communes. Art. XI. - Il sera publié une instruction pour faciliter l’exécution des deux articles précédens, en rendant la fréquentation des ateliers et le travail des mains vraiment utiles aux élèves. Art. XII. - Des prix d’encouragement seront distribués tous les ans aux élèves, en présence du peuple, dans la fête de la jeunesse. Art. XIII. - Le comité d’instruction publique est chargé de publier, sans délai, des réglemens sur le régime et la discipline internes des écoles primaires. Art. XIV. - Les jeunes citoyens qui n’auront pas fréquenté ces écoles, seront examinés, en présence du peuple, à la fête de la jeunesse ; et s’il est reconnu qu’ils n’ont pas les connoissances nécessaires à des citoyens français, ils seront écartés, jusqu’à ce qu’ils les aient acquises, de toutes les fonctions publiques. Art. XV. - La loi ne peut porter aucune atteinte au droit qu’ont les citoyens d’ouvrir des écoles particulières et libres, sous la surveillance des autorités constituées. Art. XVI. - La Convention nationale rapporte toute disposition contraire à la présente loi (110). 33 ISORÉ [au nom du comité d’ Agriculture et des Arts] : Malgré les besoins impérieux que la voluptueuse voracité multiplie sans cesse, je crois devoir mettre sous les yeux de la Convention nationale, en défendant les droits de la nature, l’état dans lequel tomberaient les précieux troupeaux de l’agriculture, si une loi répressive ne retenait la cupidité scandaleuse de certains cultivateurs qui livrent à la boucherie les brebis fécondes et leurs agneaux; l’exemple du passé doit préparer une juste retenue pour la conservation de ces animaux utiles et estimés. Souvenons-nous qu’il est péri trois cent mille agneaux de la production de l’année dernière, et que la même chose pourrait arriver cette (110) P.-V., XLIX, 248-255. Bull., 28 brum. ; Moniteur, XXII, 535-537; Rép., n° 58 et 59; J. Mont., n° 33. année. Le comité a su apprécier ce qu’il en coûte à l’agriculture, et, après des convictions effrayantes, il s’est empressé de préparer le remède qu’il nous charge de vous présenter ; ce n’est pas en vain que vous protégez l’art qui ne peut supporter aucune altération sans nuire à l’existence de la société. Vous l’avez dit, législateurs, et à votre voix le courage et l’industrie champêtres se sont éveillés, les campagnes ont soif de lois conservatrices des troupeaux : c’est la loi seule qui impose à l’intérêt mercantile, et la raison la provoque au nom de la nature; l’usage précipité du produit des troupeaux est un meurtre nuisible; et la nourriture et le vêtement de l’homme sont livrés aux spéculations destructives de l’approvisionnement futur des subsistances et du commerce manufacturier . Votre comité a cru que c’était à lui à parler contre ces abus, et non seulement il vous demande une loi répressive pour conserver les brebis fécondes et leurs agneaux, mais encore il réclame en faveur de la fécondité pour empêcher que les agneaux femelles ne soient livrés à la castration. Cette précaution peut contribuer beaucoup à la propagation, et s’il est de l’intérêt du gros cultivateur d’exercer cette industrie rigoureuse, en même temps le contraire arrive dans la multiplication générale de l’espèce. Si la Convention nationale a senti les conséquences de ce rapport, elle adoptera à l’instant le projet de décret suivant : Le rapporteur lit un projet de décret qui est adopté en ces termes : Article premier. - Il est défendu à qui que ce soit, et notamment aux bouchers, de tuer aucune brebis qui n’a pas l’âge de quatre ans. Article II: Il est pareillement défendu à tous propriétaires de bêtes à cornes de soumettre à la castration aucun agneau femelle, et ils soustrairont également à la castration un agneau mâle, par quarantaine de brebis. Article III : Les municipalités sont chargées de surveiller et de dénoncer les contrevenants au présent décret. La police correctionnelle prononcera une amende de 10 L. Article IV : Le comité d’Agriculture est chargé de présenter les moyens pour la propagation des bêtes à cornes. (111). La Convention nationale, après avoir entendu [ISORÉ, au nom de] son comité d’Agriculture et des arts, décrète : Article premier. - A compter de la publication du présent décret, aucune brebis ne pourra être livrée à la boucherie (111) Moniteur, XXII, 529. Débats, n° 785, 810, mention du rapport. Rép., n° 60. J. Paris, n° 58, mention du décret. J. Mont., n° 33, reproduction du rapport. Il s’agit du dernier numéro publié du Journal de la Montagne, qui indique en dernière phrase « ... le projet est adopté, nous le donnerons demain. »