[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] 621 Le grade de lieutenant en troisième est supprimé ; les officiers qui en seront pourvus conserveront les appointements dont ils jouissent, et resteront attachés en qualité de lieutenants surnuméraires, à la suite de leurs régiments respectifs : ces officiers ne seront pas compris dans la nouvelle formation ; mais iis auront droit à leur remplacement, ainsi qu’il sera réglé incessamment par le décret qui sera proposé sur l’avancement dans le corps de l’artillerie. Art. 6. Les sept capitaines en second et les officiers détachés dans les places, sous le titre d’anciens garçons-majors, réformés en 1776, ne seront point remplacés, et ils conserveront en retraite les appointements dont ils jouissent en ce moment. L’Assemblée nationale décrète, en outre, ce qui suit : Art. 1er. La place de premier inspecteur d’artillerie est supprimée. Art. 2. Il sera formé un comité d’artillerie, composé d’officiers généraux et particuliers de ce corps : il se rassemblera tous les ans, pendant trois mois, à Paris ; sera renouvelé en partie tous les deux ans, et sera chargé de traiter, avec le ministre de la. guerre, toutes les affaires relatives au service et aux travaux de l’artillerie. Art. 3. Ce comité sera présidé par le plus ancien des officiers généraux qui s’y trouvera. (L’Assemblée ordonne l’impression et la distribution du rapport de M. de Broglie. Elle décide que la discussion aura lieu incessamment.) M. le Président. L’ordre du jour est un second rapport du comité militaire sur les retraites des sous-officiers et soldats. M. Félix de Wimpfen, rapporteur (1). Messieurs, le comité militaire a cru qu’il ne pouvait s’occuper de l’hôtel des invalides et des compagnies détachées, que conjointement avec les comités des finances, du commerce et celui des impositions, parce qu’outre qu’il serait possible que les compagnies détachées fussent employées utilement sur les frontières du royaume, pour le commerce de transit, c’est que le revenu de l’hôtel des invalides se trouve considérablement diminué par des décrets antérieurs, et par les bases de l’mposition sur lesquelles vous avez déjà prononcé. L’objet de l’hôtel des invalides et des compagnies détachées exige donc une concordance de vues, de principes et de régime, qui ne peut résulter que d’un travail commun eatre les quatre comités que je viens de nommer. Mais en attendant ce travail, le comité militaire vous propose, Messieurs, d’ordonner l’impression de celui du comité des invalides, travail volumineux, quoiqu’il ne s’y trouve rien de trop, et qui ne peut être imprimé en moins de trois semaines. A ce moyen, tous les membres de l’Assemblée pourront prendre connaissance de l’état actuel des invalides ; et lors du rapport sur les changements à y porter, ils auront des lumières suffisantes pour juger des améliorations proposées. J’ai dit, Messieurs, que le revenu des invalides était diminué ; voici pourquoi et comment : Il s’exerçait, sur toutes les dépenses du département de la guerre, une retenue de 4 deniers pour livre, dont 3 deniers vertissaient au bénéfice de l’hôtel des invalides, et qui formaient, année commune, un revenu d’onze à douze cent mille francs. Vous avez senti, Messieurs, que donner d’une main et retirer de l’autre, était une de ces opérations compliquées de l’ancien régime, qui ne profitaient qu’aux agents comptables, et vous avez voulu qu’il ne soit plus exercé de retenue sur la somme affectée à l’entretien de l’armée, que celle dont on ferait le décompte aux soldats. L’hôtel jouissait de l’exemption des droits d’aides et de franc-salé ; mais comme l’on s’est aperçu que ces franchises ouvraient la porte à de grands abus, on les a supprimées, en les remplaçant par un dédommagement calculé à raison de 116 livres 13 sols par tête, formant, année commune, un revenu de 350,000 livres. L’hôtel avait un revenu fixe, sous le nom de pensions d’oblats, prises sur les bénéfices ecclésiastiques sujets à cette charge, et dont l’abonnement était de 236,000 livres. Voilà donc trois articles qui forment un total de 1,586,000 livres, que l’hôtel ne percevra plus, à commencer du premier janvier prochain. A la fin de la dernière guerre, le revenu des 3 deniers pour livre se trouva former un fonds en réserve de 2,000,000. L’administration manda sa situation au ministre de la guerre, qui, par une lettre du 25 septembre 1786, lui ordonna de faire un emploi des économies qui se trouvaient dans la caisse de de l’hôtel. Le trésorier des invalides porta au Trésor royal les 2 millions, pour lesquels le contrôleur (1) Ce rapport n’est pas tout à fait complet au Moniteur. Q22 [Assemblée nationale. J général lui lit remettre une ordonnance de 2,500,000 livres, et délivrer un contrat de constitution de 100,000 livres de rente, à 4 0�0- L’tiôtel des invalides jouit encore de 16,000 livres de revenu, provenant du loyer des maisons et fonds de terres qu’il possède. Mais il est probable que la nation rentrera en possession, et du contrat sur l’hôtel de ville, et des maisons et fonds de terres affectés à l’hôtel des invalides, afin de simplifier la recette et la dépense de cet établissement, dont les différentes propriétés servent de prétexte à l’entretien d’un trop grand nombre d’administrateurs, sont l’occasion de gaspillages de toutes espèces, et ne peuvent être regrettées que par ceux qui, en tous lieux, et en tous pays, aiment les revirements de parties, et redoutent une comptabilité claire et nette. Soit donc, Messieurs, que vous vous déterminiez à conserver les invalides à Paris, ou à les placer dans quelque département, il vous paraîtra, ce me semble, également avantageux de fournir à leur entretien par une somme que réglerait chaque législature, d’après la demande du ministre de la guerre, et les pièces justificatives sur lesquelles elle serait faite; parce que cette dépense étant variable et indispensable, on ne saurait la fixer à une somme déterminée, sans que cette somme ne se trouvât, tantôt au-dessus, tantôt au-dessous du besoin actuel, et sans répandre de l’inquiétude parmi des citoyens qui, dénués de toute autre ressource que celle que leur offre le périlleux métier auquel ils se sont dévoués, veulent connaître d’avance, et le prix attaché à leurs pénibles sacrifices, et l’époque où ils pourront eu jouir. Car déjà, Messieurs, il s’est répandu de l’inquiétude parmi les sous-officiers et soldats, sur ce que s’appliquant vos décrets sur les pensions, ils ont cru que leurs retraites étaient aussi comprises dans les 10 millions qui doivent former la caisse des récompenses pécuniaires, et qu'ils ne les obtiendraient qu’aux termes de ces décrets, qui, à trente ans de service, n’accordent que le quart du traitement dout l’on jouissait en activité; et ce quart du besoin de première nécessité est devenu pour eux un sujet d’alarmes. C’est donc pour les rassurer que votre comité vous propose un projet de décret qu’il a cru ne pas devoir remettre au moment où le travail des quatre comités, dont il a été parlé, puisse vous être soumis. Si alors vous vous décidez à employer les compagnies détachées sur les frontières, et à ne recruter ces compagnies que par des soldats qui auront fait un, deux ou trois congés, et encore à n’admettre à l’hôtel des invalides que des vieillards et des infirmes, les retraites qui vont vous être proposées ne seront plus un objet dispendieux, parce que les places dans les compagnies détachées deviendraient le but de la commune ambition des soldats. Ici se terminait Je rapport; mais les observations qui m’ont été faites, et que je croyais avoir évitées par mon rapport du 3 juillet dernier, m’obligent à des répétitions, au grand regret de mon avarice du temps national , dont je ne vois jamais perdre une minute sans en éprouver une vive douleur. La première observation tombait sur le terme de trente ans, que l’honorable membre voulait porter à trente-deux pour les soldats ; ce qui eût été une dure aristocratie, puisque l’article 17 du [22 novembre 1790.} titre premier des décrets sur les pensions borne à trente ans de serviee l’époque où l’officier peut obtenir sa retraite. La seconde observation réclamait la loi générale, qui n’accorde à trente ans de service que ie quart de ce dont on jouissait en activité ; loi qui eût réduit la retraite du soldat à deux sols six deniers, si elle n’avait pas, en même temps, fixé le minimum à 150 livres. Voyez l’article 19 du titre et des décrets déjà cités. Le comité militaire n’a donc pas cru pousser la munificence trop loin, en étendant ce minimum jusqu’à 182 livres 10 sols pour un citoyen qui a consacré trente années à la défense de la patrie ; pour le soldat, qui porte le poids du jour, qui est chargé du plus pesant fardeau de la guerre, sur qui repose la sûreté de l’Etat, et dont la valeur fait la gloire des nations. La troisième observation avait pour objet de connaître à quelle somme pouvait monter le fonds qui devrait être affecté à cette sorte de retraite. J’v répondrai par un extrait de mon rapport du 3 juillet, que l’observateur n’a, sans doute, ui entendu, ni lu, ou bien qu’il a oublié; car ses questions et ses remarques prouvaient une ignorance parfaite : Extrait du rapport du 3 juillet. « Ne devant pas soumettre à vos délibérations « un travail en finances sans vous dire sur quoi « il est appuyé, il ne dépend pas de moi de vous « épargner l’ennui attaché à l’exposition des dé-« tails d’une manière aussi sèche. « Nous vous dirons donc, Messieurs, que les « contrats et les registres que nous avons com-« pulsés, nous ont appris qu’il mourait, année « commune, un vingt-deux à un vingt-troisième « des sous-officiers et soldats retirés; et qu’il « disparaissait dessus les contrats de l’armée, « par mort, désertion ou congés absolus, un « douzième des soldats. <: L’amélioration du -sort de l’armée y diminue-« ra immanquablement la mutation, que nous es-« timons ne devoir plus monter qu’à un ving-« tième. « Le fonds de l’armée, alors présumé, aojour-<> d’hui décrété, de cent quarante mille homme?, « non compris les officiers, devrait, d’après le « calcul de la mutation du vingtième, se trouver « renouvelé tous les vingt ans, et ne s’y rencon-« trer jamais de soldats à pensionner. « Mais nos recherches, d’accord avec i’expé-« rienee que nous avions déjà, démontrent que « la mutation est forte dans la queue de l'armée, « et faible dans la tête; c’est-à-dire qu’elle roule « aux cinq septièmes sur les soldats qui n’ont « pas plus de vingt ans de service, et qu’elle di-« minue en proportion de leur ancienneté. « De sorte que nous supposons, avec fondement, « que six à sept cents vétérans prendront leur « retraite tous les ans, qui, obtenant, i’uo dans « l’autre, 250 livres de pension, nécessitent an-« nuellement une somme disponible de 162,500 « livres. « La mortalité parmi les pensionnaires étant * d’un vingt-deux à un vingt-troisième, je mul-« tiplie la somme disponible par le terme moyen, « et je trouve qu’il devrait êtreaffecté à ces pen-« sions un fonds de 3,800,000 livres ». Si ce résultat est au-dessous de celui qui vous a été présenté par notre rapport du 3 juillet, c’est ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |22 novembre 1790. 625 que depuis lors vous avez rendu des décrets sur l’avancement militaire, qui diminueront considérablement les vétérans dans la classe des soldats, à laquelle vous avez affecté le quart des emplois d’oflieiers. Et si vous vous décidiez, comme nous le présumons, à employer les compagnies détachées sur les frontières, pour la garde de votre commerce avec l’étranger, et que vous ne les recrutiez que pour l’armée, il en résulterait que, vraisemblablement, la moitié de la somme énoncée ci-dessus suffirait pour fournir aux retraites dont il est question. Ainsi l’honorable membre qui a prétendu nous combattre par des ordonnance qui accordaient de hautes payes à huit, à seize et à vingt-quatre ans de service, n’avait saisi ni les principes du comité militaire, ni l’ensemble de sa proposition; puisque, d’après les principes du comité, le premier terme de la retraite est trente ans de service et cinquante années d’âge, et que son projet consiste encore à prévenir et à éviter des retraites, en employant utilement, sur les frontières, grand nombre de ceux qui approcheront du terme fixé. Mais voilà comme l’on entrave la marche de l’ Assemblée, quand l’on partage son attention entre son voisin et l’orateur, et qu’ensuite on s’arrête à un résultat dont on n’a pas suivi la généalogie . Dans le nouveau projet de décret que je suis chargé de vous soumettre, le comité militaire s’est conformé littéralement à vos décrets du mois de juillet dernier. 11 commence par accorder le minimum, de 150 livres à tous les grades et à toutes les armes indifféremment ; et afin que chacun soit traité proportionnellement à son grade, il ajoute à ce minimum le quart de la haute paye attachée aux grades de l’infanterie française, dont la solde forme la base des relraites. L’excéJant de la moindre solde, sur le pied de dix sols par jour, c’est-à-dire 32 livres 10 sols, et les trois quarts restants de la haute paye, sont ajoutés aux 45 livres provenant des masses, pour former un total divisé en vingt parties égales, dont le pensionnaire touche autant de parties qu’il a servi d’années au delà de trente, conformément au tableau ci annexé. PROJET DE DÉCRET. Le juste dédommagement que méritent des citoyens qui ont couru la carrière des armes, ne devant jamais être soumis à une estime arbitraire ; et considérant d’une part, la nature des services du soldat, de l’autre part, son traitement, calculé sur le strict nécessaire, l’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. Tout militaire de l’armée de terre, depuis le soidat jusqu’à l’adjudant, exclusivement, sera susceptible d’obtenir sa retraite après trente années effectives de service, et cinquante années d’âge, suivant ce qui sera réglé ci-après. Art. 2. Chaque année d’embarquement ou campagne de mer, en temps de paix, sera comptée pour dix-huit mois ; et chaque année de service ou de garnison hors de l’Europe, ainsi que chaque campagne de guerre, dans quel pays que ce soit, sera comptée pour deux ans. Art. 3. Tous militaires de l’armée de terre, depuis le soldat jusqu’à l’adjudant exclusivement, soit étranger, soit français, employés dans les troupes de ligne françaises ou étrangères, au service de l’Etat, de quelques armes qu’ils soient, seront traités, pour leur pension, sur le pied de l’infanterie française, chacun relativement à son grade. Art. 4. La moindre solde de l’infanterie française étant de 10 sols par jour, ou de 182 livres 10 sols par an, c’est de cette somme de 182 livres 10 sols qu’on partira pour régler les retraites de tous les grades. Art. 5. Celui qui demandera sa retraite, d’après ce qui est réglé ci-dessus, de quelque arme et de quelque grade qu’il soit, recevra, pour les trente premières années, 150 livres; et s’il jouissait u’une haute paye à raison d’ancienneté ou d’un grade, ou à titre de rengagement, il sera ajouté aux premières 150 livres le quart de la haute paye dont il jouissait. Art. 6. Il sera, en outre, formé un total des différentes masses affectées à l’entretien du soldat; savoir : 15 livres de la masse d’habillement; 15 livres de la masse de l’hôpital ; 9 livres de la masse de bois et lumières, et 6 livres pour son lit; formant ensemble une somme de 45 livres, à laquelle somme seront ajoutés les 32 livres 10 sols qui font le complément de la moindre solde, et les trois quarts restants de la solde de ceux qui jouissaient d’une haute paye à raison de leur ancienneté ou de leur grade, ou à titre de rengagement, pour le tout être divisé en vingt parties égales, dont le pensionnaire recevra autant de parties qu’il aura servi d’années au delà de trente; de manière qu’après cinquante ans de service, le montant de la retraite sera de la solde entière du grade que le pensionnaire aura rempli, et de la totalité des parties des différentes masses qui avaient été affectées à son entretien. Art. 7. Tout militaire que des infirmités contractées dans ses fonctions obligeront de quitter le service avant les trente ans expliqués ci-dessus, recevra une pension déterminée par la nature et la durée de ses services; et celui qui sera blessé à la guerre, au point de ne pouvoir plus continuer son service, recevra le maximum de la retraite de son grade. Tableaux.