[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1190.1 309 ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du mercredi 29 septembre 1790 (1). M. Vernier, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier dans, lequel se trouve la mention que M. de Mirabeau a demandé la parole. Divers membres rappellent que, par un décret, l’Assemblée a décidé que le nom des opinants ne serait pas inscrit dans les procès-verbaux. En conséquence, ils proposent de retrancher le nom de M. de Mirabeau du procès-verbal de la séance d’hier. (Cette motion est adoptée.) M. le Président. M. de La Luzerne, ministre de la marine, m’a adressé la lettre suivante : « M. le Président, je reçois deux lettres deM. de Peynier, dont je vous prie de faire part à l’Assemblée nationale. Dans l’une, il me marque que l’aviso le Serin , expédié de France pour Saint-Domingue, ayant relâché d’abord aux Cayes, le 24 juillet, le commandant de cette ville envoya, par un cavalier de maréchaussée, au gouverneur général les paquets dont j’avais chargé le bâtiment ; que le comité municipal de la ville, à qui il en fut donné avis, fit partir deux hommes armés qui attaquèrent, sur le grand chemin, près de Saint-Louis, le cavalier de maréchaussée, et le forcèrent, le pistolet sur la gorge, à leur remettre mes lettres. « Laseconde dépêche de M. de Peynier m’instruit que celles qu’il avait confiées pour moi au navire la Gloire, qui a fait escale à Saint-Marc, y ont été interceptées par des commissaires que l’assemblée générale a envoyés à bord. «Gomme je sais que tous les papiers de cette assemblée ont été transportés en France sur le Léopard , par ceux de ses membres qui s’y sont embarqués, j’ose espérer que l’Assemblée nationale, qui les a mandés à sa barre, voudra bien leur ordonner d’avoir à lui remettre, sans délai, les originaux tant des lettres que j’adressais à M. dePeynier,etquiont été en levées près de Saint-Louis, que de celles qu’il m’écrivait et ont été saisies dans la rade de Saint-Marc; je la supplie de plus dé m’en faire aussitôt délivrer des copies. « Ce n’est pas que j’aie, en aucune manière, le dessein de me plaindre des violences qui ont été exercées, ou de requérir que ma correspondance reste secrète. Je désire, au contraire, qu’elle soit bien constatée, et je déclare que mon vœu est qu’on lui donne la plus grande publicité. Mais de 1 interception de ces lettres il peut être résulté de grands malheurs pour la colonie. J’ai lieu de croire qu’on a arrêté précisément celles où je mandais à M. de Peynier ce qui se passait en France, et l’exhortais à prendre, de son côté, les mêmes mesures pour concilier les esprits, et faire renaître la concorde parmi les citoyens. Je l’instruisais, dans d’autres dépêches, de l’armement de plusieurs puissances maritimes ; je lui indiquais les précautions à prendre, et il sera fort à regretter que ces avis ne lui soient pas parvenus. « Quant aux dépêches de M. de Peynier intercep-(1) Cette séaaee est incomplète au Moniteur. tées, ignorant encore absolument ce qu'elles contiennent, je n’ai pu rendre compte au roi, ni instruire l’Assemblée nationale de ce qui s’est passé à Saint-Domingue, depuis le 19 juillet jusqu’au 4 août, époque très intéressante sur laquelle il ne m’est parvenu aucun détail officiel. « Il me paraît très désirable, pour l’intérêt de la colonie et de la métropole, qu’on ait enfin connaissance, quoique bien tard, de ce qui a été soustrait, afin que je puisse apporter, autant qu’il me sera possible, remède aux maux que cette interception à dû occasionner. Tel est l’unique but de la demande que j’adresse à l’Assemblée nationale, et sur laquelle je crois très important qu’elle statue. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité colonial.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre du garde des sceaux contenant l’annonce de la sanction des décrets suivants : « Le décret du 23 de ce mois, relatif à celui du 8 mai, portant que les membres de l’Assemblée nationale actuelle ne pourront être nommés pour remplir les fonctions de commissaires du roi dans les tribunaux de justice, ne se trouve pas à la vérité dans les proclamations des 24 août et 11 septembre, mais ce n’est pas par «omission ». Ce décret n’avait pas été présenté à l’acceptation du roi, et il n’eût pas été régulier de le comprendre dans les proclamations susdites. « Au surplus, Sa Majesté, d’après le décret du 26 janvier dernier, qui contient implicitement l’exclusion décrétée le 8 mai, n’a fait aucune nomination qui y fût contraire, et le décret du 8 mai, présenté à Sa Majesté le 24 de ce mois, et accepté par Elle le 27, va être incessamment publié. » Le roi a aussi, en même temps, donné sa sanction : « 1° Au décret du 19 du présent mois, par lequel l’Assemblée nationale déclare les présidents des administrations de département et de district éligibles aux places déjugés; « 2° Au décret des 17, 19 et 20, relatif aux frais des poursuites criminelles; aux lois ou statuts qui doivent régir les biens ci-devant féodaux ou censuels dans certains pays, et aux formalités qui, dans d’autres, tiennent du nantissement féodal ou censuel; « 3° Au décret du 20, qui autorise les officiers municipaux de Compiègne à faire un emprunt de 12,000 livres, pour l’établissement d’un atelier de charité; « 4° Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Chauny à faire un emprunt de 8,000 livres, aux intérêts ordinaires; « 5° Au décret du 22, par lequel l’Assemblée déclare que les droits d’aides, droits réservés, et tous autres imposés sur les boissons et vendanges, continueront provisoirement d’être levés; « 6° Et, enfin, au décret du 23, portant que les abonnements arrêtés pour le payement des droits qui sont établis à Saint-Lô, en remplacement de la taille, seront exécutés provisoirement. » Signé : CHAMPION DE ClCÉ, Archevêque de Bordeaux. Paris, le 28 septembre 1790. Un de MM. les secrétaires fait ensuite lecture d’une lettre du sieur Berthier, commandant de la garde nationale de Versailles, dans laquelle il demande à faire connaître la vraie cause des dé- 310 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1790.] gâts et dès troubles arrivés dans le parc de Versailles. Comme cette lettre annonce des faits absolument contraires à ceux que le directoire du département de Seine-et-Oise a mis la veille, à ce sujet, sous les yeux de l’Assemblée nationale, il est, d’après la motion qui en est faite, rendu le décret suivant : « L’Assemblée nationale, ayant entendu la lecture d’une lettre de M. Berthier, commandant de la garde nationale de Versailles, décrète que l’exécution de son décret, rendu hier sur la lettre du directoire du département de Seine-et-Oise, demeurera suspendue, et renvoie la lettre du directoire et celle du sieur Berthier au comité des rapports, pour en rendre compte à l’Assemblée. » M. Gaultier de Biauzat annonce que le corps des sous-officiers, grenadiers et soldats du régiment Royal-la-marine, pour témoigner sa respectueuse et parfaite soumission aux décrets de l’Assemblée nationale et aux ordres du roi, a fait avec la plus entière satisfaction à la patrie le sacrifice des ressentiments particuliers quiavaient occasionné l’éloignement des officiers de ce régiment, et a écrit, le 22 du présent mois, pour demander le retour de ces officiers. La lettre est ainsi conçue : « Monsieur, « L’exemple peut-être dangereux que pourrait donner un corps dont la conduite patriotique a d<û lui concilier de justes appréciations de sa conduite et de ses motifs, ne sera jamais soupçonné de vouloir persister dans des réclamations qui pourraient induire en erreur des êtres qui, dans une position et avec des motifs différents, s’en feraient un titre pour intervertir l’ordre public. « Le régiment Royal-la-marine borne donc son ambition à faire voir que ses motifs furent louables, et, content de l’avoir démontré, il fait avec la plus entière satisfaction à la patrie le sacrifice des ressentiments particuliers. Daignez donc être l’interprète de notre soumission et de notre déférence entière aux ordres d’un souverain que nous adorons et qui daigne être notre père; portez aux pieds de son trône auguste et nos cœurs nt nos volontés ; dites-lui que nous verrons avec joie à notre tête des officiers dont le grand nombre emporte nos regrets et que toujours fidèles, soumis, Français enfin, nous avons en horreur l’esprit de parti qui pourrait faire soupçonner notre loyauté. « Vous ne refuserez pas, nous l'espérons, d’être l’interprète de notre gratitude et de notre soumission à vos vertueux coopérateurs dans la régénération d’un Etat qui déjà vous doit l’aurore du bonheur et bientôt la réalité. « Ile d’Oleron, 22 septembre 1790. « Signé :Les sous-ofticiers, caporaux, grenadiers, soldats et chasseurs du régiment Royal-la-marine. » M. Vieillard (de Saint-Lô). J’observe que comme il est vraisemblable qu’on procédera pendant la séance à un appel nominal, il est important qu’aucun étranger ne vienne se placer sur les sièges destinés aux membres de l’Assemblée nationale. Voici le décret que je vous propose : « L'Assemblée nationale enjoint à toutes personnes qui ne sont pas députés, s’il s’en trouve actuellement dans la salle, de sortir à l’instant; faute de quoi, sur la désignation qui en sera donnée par les huissiers, elles seront constituées prisonnières. « Elle ordonne aux huissiers de se distribuer dans la salle, de manière qu’il y en ait toujours un à chacun des côtés intérieurs pour reconnaître les députés qui entreront, et qu’il leur soit défendu de laisser entrer des étrangers, sous quelque prétexte que ce soit; que, dans le cas où il se fera un appel nominal, chaque membre, en répondant, sera tenu de se lever. Le présent décret sera ponctuellement exécuté pour toutes les séances de l’Assemblée nationale. » (Ce décret est adopté.) M. le Président le fait exécuter à l’instant. M. Voidel. Votre comité des recherches m’a chargé de vous présenter une dénonciation contre un curé de la Flandre maritime. La municipalité demande qu’on lui indique les moyens pour faire cesser les prédications dangereuses de ce prêtre fanatique. Non seulement il n’a publié au prône aucun décret, mais il damne impitoyablement ceux qui parlent de la vente ou de l’acquisition des biens nationaux. Il va plus loin, il étend la damnation jusqu’aux derniers individus de leur famille, et jette ainsi le trouble dans sa contrée. La dénonciation est signée du procureur syndic de la commune. Votre comité des recherches vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, charge son président de se retirer par devers le roi, pour le prier de donner les ordres les plus prompts, afin que, par la municipalité de Saint-Omer provisoirement, et jusqu’à ce que les nouveaux tribunaux soient en activité, il soit informé des faits dénoncés par le procureur de’la commune deNoort-Pesrae, par sa lettre en date du 22 de ce mois ; à l’effet de quoi cette lettre sera envoyée à ladite municipalité. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de liquidation de la dette publique et l'émission de nouveaux assignats. M. le Président annonce que M. Duval d’E-prémesnil et M. Périsse du Luc demandent à lire des projets de décrets sans les faire précéder d’aucune discussion. (M. Duval d’Eprémesnil monte à la tribune.) M. Dubois-Crancé. N’oubliez pas que votre décret doit se réduire à la simple lecture. M. Duval d’Eprémesnil. La discussion est fermée, et je m’en souviens très bien. Je vais lire mon projet de décret sans aucune observation ; je supplie qu’on l’écoute sans interruption : Projet de décret pour la restauration des finances , la liquidation de la dette publique et le rétablissement de la tranquillité. « L’Assemblée nationale, toujours animée du zèle du bien public, avertie par l’expérience qu’elle n’obtiendra pas la paix tant qu’une défiance, bien ou mai fondée, éloignera une partie des citoyens de leur patrie, a décrété et décrète : « Art. 1er. La caisse d’escompte reprendra ses opérations originaires ; les 400 millions d’assignats