148 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE TREILHARD déclare que ce lieu est destiné à faire des expériences de guerre; il ajoute que lorsqu’il s’y en fait, c’est toujours en présence des membres du comité de Salut public réunis. Ces expériences doivent être secrètes; Treil-hard demande l’ordre du jour. DUHEM : Déjà plusieurs fois on est venu me tracasser l’esprit relativement à cet établissement : on me l’a présenté, ainsi que le télégraphe, comme des moyens contre-révolutionnaires; on m’a même fait observer que l’établissement de Meudon étoit précisément placé à l’endroit où César avoit établi son camp, lorsqu’il s’empara de la Gaule [de Paris] (73) : mais on n’avoit encore rien écrit à ce sujet; ce n’est que depuis quelques jours que dans un papier public, on a manifesté des craintes très vives sur la réunion d’un grand nombre de machines de guerre et de munitions à Meudon. J’appuie l’ordre du jour. Plusieurs voix : Aux voix, aux voix. FRÉRON observe que si l’on a manifesté des inquiétudes au sujet de l’établissement de Meudon, les redoutes, les souterrains et des poteaux portant la peine de mort contre ceux qui oseroient approcher, en sont les seules causes. D’ailleurs un rapport fait par Barère à ce sujet, et dont l’insertion au bulletin avoit été ordonnée, n’ayant point été imprimé, ce silence n’a pas manqué d’ajouter aux craintes qu’on avoit déjà conçues. BARÈRE déclare avoir remis sur le bureau l’original de son rapport; il ignore pourquoi il n’a pas été inséré au bulletin : au reste il observe que Meudon est l’objet des inquiétudes, non des bons citoyens, mais des amis de l’Angleterre. [Lorsque nous y fûmes, des gens cherchaient à semer des inquiétudes parmi les citoyens de Meudon; nous les fîmes arrêter et ce fut alors que furent posés des poteaux] (74). Je ne connois, dit-il que les amis de Pitt et de Georges qui puissent vouloir pénétrer le secret des opérations qui s’y font. (De violens murmures interrompent l’orateur.) [BENTABOLE, l’interrompant : apprends que je suis représentant du peuple et que je suis comme mes collègues, pour tout surveiller ( applaudissemens )] (75). Un membre : Chacun de nous n’est-il-pas surveillant comme Barère! Un autre : Barère a-t-il seul la confiance publique ? Un autre : Depuis quand Barère a-t-il la confiance publique? BARÈRE : On ne m’a pas entendu. A moins d’avoir perdu le sens commun, je ne puis avoir dit que la Convention n’a pas le droit de surveillance générale sur tous les établissemens publics. Mais je ne puis pas tout dire; il est des principes qui ne peuvent pas être contestés, celui-là est du nombre. Mais, citoyens, (73) M. U., XLIII, 448. (74) Ann. R. F., n° 286. (75) J. Perlet, n° 721. Meudon et les expériences qui s’y font sont comme vos plans de campagne, le secret en fait le succès. Vous avez le droit incontestable de demander communication de vos plans de campagne, mais jamais vous n’en avez ordonné la publicité. BARRAS : Lorsque je fus chargé de la surveillance de la force armée de Paris, à l’époque mémorable du 9 thermidor, d’excellens citoyens vinrent me faire part des inquiétudes du peuple sur cet établissemnt important. Je me transportai au comité de Salut public, pour lui demander que des membres, autres que ceux du comité, fussent chargés de la surveillance de cet établissement. Cette mesure seule pou voit alors tranquilliser les citoyens, je dirai plus, quelques membres de la Convention; on me répondit que les opérations qui se faisoient à Meudon étoient un secret qui ne devoit pas sortir du comité. On demande l’ordre du jour. BARRAS : Je n’entends pas accuser le comité; j’exigeois une explication franche qui pût dissiper les inquiétudes. Barère promit de faire un rapport, il le fit : J’ignore comme lui pourquoi il n’a pas été inséré au bulletin. Ce qui m’étonne, c’est que l’on s’exprime ici comme au temps de Robespierre; un membre conçoit-il des inquiétudes peut-être mal fondées, on le traite de conspirateur. Citoyens, pareille expression ne peut convenir qu’à ceux qui la prodiguent facilement. On demande l’ordre du jour; l’Assemblée y passe, et lève la séance (76). La séance est levée à trois heures (77). Signé, Bernard (de Saintes), président ; Bentabole, Borie, Cordier, Guffroy, L. Louchet, Reynaud, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 21 [ Adresse de la société populaire et montagnarde d’Apt, département de Vaucluse, à la Convention nationale , le 10 fructidor an II ] (78) (76) Débats, n° 723, 450-451. Moniteur, XXI, 752; M.U., XLIII, 448; Ann. Patr., n° 621; Rép., n° 268; F. de la Répübl., n° 434; Ann. R. F., n° 286; C. Eg., n° 756; J. Mont., n° 138; J. Fr., n° 719; J. Perlet, n°721; J. Paris, n° 622; Gazette Fr., n° 988. (77) P.-V., XLV, 242. Moniteur, XXI, 752, J. Perlet, n° 721, indiquent quatre heures. M. U., XLIII, 448, J. Fr., n° 717. indiquent trois heures et demie. (78) M. U., XLIII, 451-452; J. Mont., n° 137. SÉANCE DU 27 FRUCTIDOR AN II (13 SEPTEMBRE 1794) - N° 22 149 Citoyens représentons, Tandis que la France entière vous félicite et se réjouit du nouveau triomphe que votre énergie salutaire a remporté sur les conspirateurs et les traîtres, il est du devoir des sociétés populaires, sentinelles vigilantes de la République, d’instruire la Convention nationale de la conduite qu’ont tenue les représentons délégués qui se trouvent éloignés de son sein. Les vrais républicains ne commissent que la vérité et se plaisent à lui rendre hommage. C’est de Maignet, envoyé dans les départe-mens des Bouches-du-Rhône et de Vaucluse, dont nous venons vous parler. Nous n’avons vu dans lui, durant le cours de la délégation, qu’un protecteur ardent des patriotes opprimés, un ami zélé de la justice et de l’humanité un défenseur infatigable des principes révolutionnaires. Les vertus civiques de ce digne montagnard, son génie véritablement républicain, depuis qu’il est dans nos contrées, a toujours fait la terreur des médians et l’espoir consolant des amis de la liberté. Si le témoignage de la société populaire d’Apt peut avoir des droits à votre confiance, Maignet est sans reproche, et doit être à l’abri du soupçon. C’est dans cette douce persuasion que des patriotes uniquement animés de l’amour du bien public, viennent déposer leurs sentimens au pied de la Montagne sainte, dont l’eau pure qui en découle vivifie nos esprits et nos cœurs. C’est dans ce moment où la malveillance et l’hypocrisie, constamment jalouses du bonheur populaire, se nourrissent encore du coupable désir d’en altérer la force, que nous serrons les nœuds qui nous attachent in-violablement à la Convention nationale, centre unique de ralliement pour le maintien de l’unité et de l’indivisibilité de la République. Oui, citoyens représentans, nous n’oublierons jamais que le peuple français, vous a placés dans le poste que vous occupez si dignement : restez fermes, inébranlables pour sa plus grande prospérité : ce même peuple, à l’exemple des braves parisiens, qui en sont une partie intégrante et bien chère, saura vous défendre et périr mille fois plutôt que de souffrir que l’on porte atteinte aux droits sacrés qu’il vous a confiés pour l’affermissement de la liberté et de l’égalité, qui sont le terme de nos vœux. Délibéré dans la séance du 10 fructidor, de l’an second de la République française une, indivisible, démocratique et impérissable. Suivent les signatures. [Seconde adresse de la même société le 10 fructidor an 77] (79) Représentans du peuple français, Les modernes Cromwells venoient à peine d’expier leurs forfaits, lorsque la nation a été sur le point d’être entièrement purgée de ses (79) J. Mont., n° 137. Cette adresse, comme la précédente est donnée par cette gazette le 28 fructidor. ennemis naturels, par votre décret qui exclut de toutes fonctions civiles et militaires les ci-devant nobles et prêtres. La suspension de ce décret salutaire a réveillé l’espoir de tous les ennemis de la patrie; à cette nouvelle tous les mécontens, tous les aristocrates ont levé une tête audacieuse, ils ont poussé l’audace jusqu’à dire que leurs amis et leurs protecteurs avoient triomphé. Les symptômes qui se manifestèrent aux approches du fédéralisme, se répètent depuis lors : fausses nouvelles alarmantes, calomnies contre les patriotes vertueux, murmures contre la révolution, cris indécens de l’aristocratie, agitations dans les prisons, propositions, tentatives d’en ouvrir les portes, tels sont les effets, en un mot, qu’a produit dans ces contrées, la suspension du décret qui exclut de toutes les fonctions publiques les ci-devant nobles et prêtres; il semble que l’aristocratie ait entendu par là son arrêt d’absolution. Hâtez-vous, législateurs montagnards, hâtez-vous de rapporter ce décret de suspension; les ennemis de la liberté s’en réjouissent, c’est vous en dire assez : ils distillent la ciguë dont vous seriez les premiers abreuvés s’ils pou-voient triompher un instant. Comme vous, nous voulons la liberté ou la mort. Délibéré dans la séance du 10 fructidor de l’an second de la République française, une, indivisible, démocratique et impérissable. 22 La source des adresses, dans le sens de celles qu’on a exclusivement lues à la tribune dans la dernière séance, a tout-à-coup tari, et la disette est telle aujourd’hui, que les membres, chargés de lire la correspondance, ont été forcés d’aller chercher l’adresse de la société populaire de Marseille, qui, depuis huit jours tapisse les murs de Paris (80). LOUCHET, secrétaire, fait lecture d’une adresse de la société populaire régénérée de Marseille, qui se plaint de ce que la loi qui ordonnoit l’impression de la liste des citoyens mis en liberté [depuis le 9 thermidor] (81), et de ceux qui ont sollicité pour eux seroit imprimée, ait été rapportée. A cette nouvelle, disent les signataires, nous nous sommes réunis, et nous nous sommes demandés si la Montagne n’existoit plus, et si les foudres étoient anéantis. Législateurs, les cris, les hurlemens des aristocrates et des contre-révolutionnaires se font entendre de tout côté; rétablissez le gouvernement révolutionnaire dans toute son énergie; maintenez le décret qui exclut les nobles et les prêtres des fonctions publiques; constituez des (80) Mess. Soir, n° 756. (81) Mess. Soir, n° 756.