[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 avril 1790.] ISS la nouvelle de la milice, espèce de dîme prélevée sur des malheureux à qui ou n’avait plus à prendre que leur propre personne : grâce à l’anéantissement des privilèges, le laboureur ne se trouvera plus le dernier sur la liste des citoyens. Vous avez enfin, en faisant disparaître les funestes effets de la fiscalité et de la féodalité, délivré l’agriculture d’autant de fléaux qui ravageaient annuellement les campagnes; elles attestent déjà les heureux effets de vos premiers efforts. Que n’a-t-on pas droit d’espérer, lorsqu’après avoir détruit le mal qui n’aurait pas dû se taire, vous ordonnerez le bien qui aurait dû être fait? « La société voit depuis quelque temps se répandre parmi les laboureurs ce goût pour l’instruction, cet amour pour leur profession, et cette estime d’eux-mêmes, sans laquelle on ne peut désirer ni obtenir l’estime des autres. « Les ministres de la religion, répandus dans les campagnes, ne seront plus, au moyen de vos nouveaux bienfaits, les témoins inutiles de la misère qui régnait autour d’eux, et qu’ils ne pouvaient soulager sans la partager; en leur confiant une portion de terre, vous ajouterez à leurs vertus l’amour de l’agriculture qu’il faudrait ériger en vertu, si ce n’en était pas une. « La société nous a chargés de vous présenter la collection de ses ouvrages : ils ne consistent pas seulement dans les travaux de ses membres, mais surtout dans les observations que ses nombreux correspondants, cultivateurs de tous les genres, l’ont mise à portée de publier; ils sont peu volumineux, mais en agriculture, on a bien peu à dire lorsque les faits ont parlé. La brièveté est d’ailleurs le caractère des productions qui ont pour objet une grande utilité; nous en attestons les écrits des anciens législateurs et vos décrets. « Comme membres de la société d’agriculture, nous n’avons que ce faible tribut à offrir; privés d’appointements et de pensions, nous le sommes de la satisfaction d’en faire aujourd’hui le sacrifice sur l’autel delà patrie, mais peut-être daignerez-vous croire que nous les avons donnés lorsque nous avons décidé de n’en recevoir jamais. « Ce 20 avril 1790. « Signé : PARMENTIER, directeur ; MEILLE, vice-directeur ; l’abbé LEFEBVRE, agent général; desmarest, BOUCEO, broüssonet, secrétaire perpétuel. » M. le Président répond : « Messieurs, l’Assemblée nationale n’a jamais oublié, elle n’oubliera jamais que l’agriculture est la base de toute prospérité, la source de toute richesse. Elle fait profession d’honorer tous ceux qui se dévouent à ce premier des arts, soit qu’ils üexercent par eux-mêmes, soit qu’ils emploient les ressources de leur esprit à diriger ceux qui le professent. Ainsi, ses premiers regards ont dû se porter vers cette classe de la société, qui nourrit toutes les autres, et qui, dans l’inégalité des chances de la vie, n’avait eu jusqu’ici pour apanage que le lot de l’indigence, de la servitude et du malheur. Ainsi, après avoir, par ses premiers décrets, assuré à chaque citoyen français ses droits naturels et imprescriptibles, elle a voulu que le sol même de la France connût le bienfait de la liberté. Mais, Messieurs, tandis que le citoyen rustique qui fait croître les moissons, marche timidement dans la route sûre, mais bornée, de l'expérience, c’est à des compagnies savantes, telles que la vôtre} qu’il appartient d’ajouter les lumières de la théorie aux avantages delà pratique, et de contribuer ainsi journellement au progrès de l’agriculture. La France entière connaît l’utilité de vos travaux, et rend une égale justice à vos connaissances et à votre désintéressement. L’Assemblée nationale reçoit votre hommage avec satisfaction. Vosoccu-pations tendent toutes au bonheur du peuple ; les représentants du peuple vous permettent d’assister à leur séance. » L’Assemblée nationale ordonne que le discours et la réponse de M. le président seront insérés en entier dans le procès-verbal, imprimés et envoyés dans chaque district du royaume. Le sieur Baudouin, imprimeur de Y Assemblée, demande qu’il lui soit remis, par MM. les députés, la liste des districts et cantons de leurs départements, afin de faciliter les envois des objets dont l’impression est ordonnée par l’Assemblée nationale. La demande du sieur Baudouin est approuvée. M. Prieur, membre du comité des rapports, présente un projet de décret sur l’affaire du sieur de Laborde, lieutenant général du bailliage de Crécy, persécuté par la municipalité de cette ville. M. Houdet demande que le décret improuve formellement la conduite ae la municipalité. Cet amendement est mis aux voix ; il est adopté et le décret suivant est rendu: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu sou comité des rapports, déclare que tout citoyen qui n’est prévenu d’aucun délit doit jouir tranquillement de sa liberté et de son état, et être en sûreté sous la sauvegarde de la loi; en consé-uence, que la municipalité de Crécy aurait dû et oit employer tous les moyens qui sont en son pouvoir, pour faire jouir Je sieur de Laborde, lieutenant général de cette ville, des droits appartenant à tous les citoyens ; décrète en outre que son président écrira à la municipalité de Crécy, que l’Assemblée improuve les délibérations prises par les habitants de cette ville, les 14 décembre et 3 janvier derniers, par lesquelles ils ont voulu flétrir la réputation et l’honneur du sieur de Laborde. » M. Merlin, membre du, comité des droits féodaux, présente un projet de décret, relatif aux plaisirs de Sa Majesté, sur le fait de la chasse. L’Assemblée, n’ayant rien de plus cher que ce qui peut concourir aux plaisirs du roi, rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérant que par l’article 3 de ses décrets du 4 août et jours suivants, portant abolition des capitaineries, elle s’est réservé de pourvoir, par des moyens compatibles avec le respect qu’exigent les propriétés et la liberté, à la conservation des plaisirs personnels de Sa Majesté ; « Considérant, en outre, qu’elle ne peut satisfaire le désir qu’elle a d’assurer les -jouissances qui peuvent intéresser le roi qu’autant que Sa Majesté elle-même en aura déterminé l’étendue; « A décrété et décrète que son président se retirera, dans le jour, par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de faire connaître à l’Assemblée nationale l’étendue et les limites des cantons qu’elle entend se réserver exclusivement pour le plaisir de lâchasse. » L’Assemblée décide ensuite que ce décret sera porté immédiatement à la sanction du roi. M, le Président cède le fauteuil à M. le baron